Article

Cour d'appel Mons, 11/10/2005, R.D.C.-T.B.H., 2006/8, p. 841-845

Cour d'appel de Mons 11 octobre 2005

FAILLITE
Effets de la faillite - Action paulienne - Article 20 de la loi sur la faillite - Inopposabilité à la masse d'une hypothèque - Préjudice collectif des créanciers - Droit d'invoquer l'inopposabilité (curateur) - Curateur - Responsabilité du curateur - Action en responsabilité intentée par un seul créancier contre le curateur (irrecevable)
L'action en inopposabilité d'une hypothèque fondée sur l'article 20 de la loi sur la faillite ne peut être introduite que par le curateur au nom de la masse des créanciers et le bénéfice en revient, non à un créancier individuel, mais à tous les créanciers, même à ceux dont les droits ne sont nés que postérieurement à l'acte frauduleux. La perte d'une chance d'introduire cette action collective est à l'origine d'un préjudice collectif des créanciers. Pour ce qui est de la mise en cause de la responsabilité du curateur, un créancier individuel est sans droit d'agir dès lors que la faute reprochée au curateur a causé un préjudice commun à tous les créanciers.

FAILLISSEMENT
Gevolgen van het faillissement - Pauliana - Artikel 20 Faillissementswet - Vestiging van hypotheek die aan de boedel niet kan worden tegengeworpen - Collectieve schade geleden door de schuldeisers - Recht om op te werpen dat de vestiging niet kan worden tegengeworpen (curator) - Vordering in aansprakelijkheid van een individuele schuldeiser tegen de curator (onontvankelijk)
De vordering die er toe strekt, op grond van artikel 20 Faillissementswet te verkrijgen dat de vestiging van een hypotheek niet kan worden tegengeworpen, kan enkel ingesteld worden door de curator in naam van de schuldeisers en strekt tot voordeel, niet van een individuele schuldeiser, doch wel van alle schuldeisers, zelfs diegenen waarvan de rechten pas na de aangevochten handeling ontstaan zijn. De gemiste kans om dergelijke collectieve vordering in te stellen berokkent een collectieve schade aan alle schuldeisers. Wat de vordering in aansprakelijkheid van de curator betreft kan deze niet door een individuele schuldeiser worden ingesteld nu de ingeroepen fout van de curator een collectieve schade heeft berokkend aan alle schuldeisers.

Mes J.P. en C.L. / Sogesmaint SA, Axa Belgium SA et AGF Belgium Insurance SA

Siég.: R. de Francquen (président), A. Jacquemin et M. Ligot (conseillers)
Pl.: Mes L. Dermine et B. Nolf, M.-L. Bayet loco D. Heger, J.-L. Libert

(...)

Vu les appels du jugement rendu le 8 octobre 2003 par le tribunal de commerce de Charleroi, interjetés:

- le 24 décembre 2003 par Maître J.P. et Maître C.L., appel inscrit au rôle de la cour sous le numéro 2003/RG/1035;

- le 9 février 2004 par la SA AGF Belgium Insurance, appel inscrit au rôle de la cour sous le numéro 2004/RG/135.

Antécédents de la procédure

La SA Immot est constituée le 6 octobre 1987; le même jour, elle obtient de la SA Générale de Banque, devenue depuis lors Fortis Banque, un crédit de 325.000.000 FB, affecte celui-ci aussitôt à l'acquisition d'un complexe immobilier à usage de bureaux à Bruxelles et confère à trois personnes désignées par la banque, conformément à ce que prévoit l'article 15 de la convention de crédit à titre de sûreté, mandat authentique d'hypothéquer à son profit ledit complexe à concurrence du montant du crédit.

Elle confie la gestion de l'immeuble à la SA Sogesmaint.

La convention de crédit prévoit que l'avance de fonds doit être remboursée en une fois le 6 octobre 1992 mais l'avance sera régulièrement renouvelée jusqu'au 29 septembre 1995; à cette date, la banque décide de ne plus renouveler l'avance de sorte que celle-ci et les intérêts débiteurs échus sont comptabilisés au débit du compte courant de la SA Immot.

La banque met alors en oeuvre la sûreté qui lui a été consentie; elle requiert le 6 octobre 1995 des mandataires désignés à cette fin par Immot en 1987 qui lui confèrent l'hypothèque prévue sur le bien, laquelle est inscrite le jour-même à la Conservation des hypothèques à Bruxelles.

Sogesmaint rencontre les responsables de la banque le 9 octobre 1995. Elle confirme le 15 novembre 1995 “qu'il est impératif que [celle-ci] trouve une solution financière acceptable avec la société Immot qui (…) permettra de débloquer [ses] factures dont certaines sont impayées (…) pour un montant au 30 septembre 1995 de 7.896.870 FB (…) et qui représentent exclusivement les charges des zones inlouées de l'immeuble.”.

Bien qu'elle menace de suspendre ses prestations au 31 décembre 1995, Sogesmaint poursuit néanmoins la gérance du complexe immobilier pendant que “la Générale de Banque cherch(e) désespérément un amateur pour l'immeuble à un prix qui aurait permis de régler le passif de la société” (ses conclusions d'appel du 18 avril 2005, p. 22).

C'est “lorsque Sogesmaint eut la conviction que la vente espérée n'aurait pas lieu, [qu']elle assigna alors immédiatement la société en faillite” (idem).

La faillite est déclarée le 28 octobre 1996. Maitres J.P. et C.L. sont désignés comme curateurs. La créance de Fortis Banque s'élève à 342.783.155 FB. Sogesmaint produit une déclaration de créance de 19.246.832 FB.

Dès leur entrée en fonctions, les curateurs se voient pressés par Sogesmaint d'introduire une action paulienne en inopposabilité de l'hypothèque prise par Fortis Banque quelques 12 mois plus tôt, sur le fondement de l'ancien article 448 de la loi du 18 avril 1851 devenu l'actuel article 20 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

Le 6 mai 1997, les curateurs vendent l'immeuble de gré à gré pour le prix de 153.000.000 FB et par procès-verbal d'ordre du même jour, le produit de la vente, déduction faite de 4.410.000 FB de frais et honoraires des curateurs et du notaire, est attribué à Fortis Banque, créancière hypothécaire inscrite en premier rang.

Sogesmaint qui avait saisi par conclusions le tribunal de commerce d'une demande visant à voir admettre sa créance au passif privilégié de la faillite, postule alors par ailleurs la nullité ou l'inopposabilité de l'hypothèque prise par la banque.

Devant le “double argument d'irrecevabilité” soulevé par Fortis Banque aux motifs que pareille action “d'une part, doit être introduite par le curateur, et d'autre part, par citation en vertu de l'article 700 du Code judiciaire”, Sogesmaint presse les curateurs de faire “le nécessaire” pour relayer sa demande dès lors qu'elle n'a “pas envie d'invoquer [leur] responsabilité en qualité de curateur” (ses courriers des 24 novembre 1998 et 24 février 1999).

Les curateurs introduisent cette demande par citation du 30 septembre 1999.

Fortis Banque concluant à l'irrecevabilité de cette dernière action dès lors que les curateurs auraient marqué accord sans réserve au procès-verbal d'ordre du 6 mai 1997, Sogesmaint cite ceux-ci en déclaration de jugement commun le 30 octobre 2000 afin que le jugement leur soit opposable personnellement “en vue de permettre une action ultérieure en indemnisation fondée sur [leur] responsabilité”: “la masse des créanciers et donc [Sogesmaint] pourrait postuler [leur] condamnation à les indemniser pour le préjudice subi par suite de la faute ainsi commise qui a rendu impossible la récupération au profit de la masse des fonds délivrés à Fortis Banque” (citation, 3ème feuillet).

Par jugement du 3 janvier 2001, le tribunal de commerce de Charleroi joint ces causes ainsi qu'une troisième introduite par procès-verbal de comparution volontaire et dont l'objet est également de faire admettre la créance de Sogesmaint au passif de la faillite et de lui voir reconnaître un caractère privilégié.

Il dit irrecevable la demande formée par Sogesmaint en vue d'entendre dire nulle et inopposable à la masse l'hypothèque prise par Fortis Banque car:

- “en application de l'article 700 du Code judiciaire, les demandes principales doivent être introduites par citation (…);

- à titre surabondant, l'action fondée sur l'article 448 de la loi du 18 avril 1851 n'appartient pas à un créancier individuel et ne peut être exercée que par le curateur” (p. 9).

Il déclare par ailleurs Maîtres J.P. et C.L. forclos à agir en nullité ou inopposabilité de l'hypothèque dès lors que:

- “les curateurs ont accepté purement et simplement le procès-verbal d'ordre et qu'ils n'ont pas entendu contester l'inscription hypothécaire (…);

- à titre surabondant (…) [ils] n'ont formé aucun contredit dans le délai d'un mois à dater du 6 mai 1997, date à laquelle ils ont pris connaissance du procès-verbal d'ordre” (pp. 10 et 11).

Il admet la créance de Sogesmaint à concurrence de 19.246.832 FB mais uniquement au passif chirographaire de la faillite.

Il disjoint la demande en déclaration de jugement commun “signifiée à l'audience où les trois causes précitées et déclarées connexes ont été fixées pour plaider en vertu d'ordonnances de mise en état (…) en vue d'éviter que celle-ci ne retarde le jugement de la cause principale” (p. 9) et il renvoie cette demande au rôle particulier.

Le jugement, signifié, est devenu définitif.

Par conclusions du 5 octobre 2001, Sogesmaint rappelant la demande qui reste pendante au rôle du tribunal, déclare étendre celle-ci au bénéfice de l'article 807 du Code judiciaire et postule la condamnation de Maîtres J.P. et C.L. à lui payer, à titre d'indemnité, la somme provisionnelle de 5.000.000 FB: pour Sogesmaint, si les curateurs n'avaient pas commis la faute de marquer accord sans réserve sur le procès-verbal d'ordre, leur action en inopposabilité à la masse de l'hypothèque constituée au profit de Fortis Banque aurait dû être déclarée recevable et fondée; Fortis Banque serait devenue créancière chirographaire, le produit de la vente de l'immeuble aurait fait retour à l'actif de la faillite et Sogesmaint qui, “sous réserve d'autres créanciers”, “disposait donc d'une créance représentant approximativement 5% du passif, aurait donc eu droit à 5% de 128.590.000 FB [étant le produit de la vente diminué des frais et honoraires des curateurs et du notaire et de la dette fiscale], soit 6.393.326 FB”, d'où l'indemnité provisionnelle de 5.000.000 FB postulée, les chiffres devant “encore être revus et précisés en fonction des comptes de la curatelle” au moment de la clôture de la faillite (pp. 9 et 10).

Maîtres J.P. et C.L. citent en intervention forcée et garantie leurs assureurs respectifs de responsabilité professionnelle le 28 février 2002, à savoir la SA Axa Royale Belge pour Maitre J.P. et la SA AGF Belgium Insurance pour Maître C.L.

Par le jugement entrepris du 8 octobre 2003, le tribunal de commerce de Charleroi rejette les exceptions d'irrecevabilité opposées à l'action de Sogesmaint par les différentes parties défenderesses au principal et en intervention:

- la modification, par voie de conclusions, d'une demande en déclaration de jugement commun en une demande d'indemnisation est dite recevable dès lors d'une part que “cette demande modifiée l'est à l'encontre des mêmes personnes et est fondée sur les faits invoqués en terme de citation signifiée le 30 octobre 2001 (lire en réalité le 30 octobre 2000)” et d'autre part que “les droits de la défense et les règles contenues à l'article 807 du Code judiciaire ont été respectés” (pp. 10 et 11);

- “aucune disposition légale ne justifie” par ailleurs “que les créanciers doivent attendre pour mettre en cause la responsabilité du curateur, soit la reddition des comptes, soit la clôture après la procédure sommaire de clôture, soit la décision rapportant la faillite” alors qu'“une action en responsabilité peut être entamée à partir du moment où la faute a été commise et qu'un préjudice est certain, et ce même s'il reste à évaluer” d'autant plus “que la clôture de la faillite emporte une décharge générale au profit des curateurs selon les termes de l'article 80 alinéa 4 de la loi sur les faillites” (pp. 11 et 12).

Le tribunal fait ensuite droit à l'action de Sogesmaint, retenant que les curateurs “ont manifestement commis une faute en marquant accord sans réserve sur le procès-verbal d'ordre (…) et en renonçant ainsi à agir en nullité de l'hypothèque litigieuse” alors que “l'action en nullité avait de très sérieuses chances de succès” (p. 14), voire des chances “certaine(s) en manière telle que la perte d'une chance correspond à l'intégralité du préjudice subi” (p. 17), en sorte qu'il alloue à Sogesmaint la somme provisionnelle de 120.000 EUR.

Le jugement déboute encore Maître J.P. de sa demande en garantie contre Axa Belgium dans la mesure où l'hypothèse qui se présente n'est pas couverte par la police d'assurance mais fait droit à la demande de Maître C.L. contre AGF Belgium Insurance qui est condamnée à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

L'appel interjeté par Maîtres J.P. et C.L. tend à obtenir la réformation du jugement en ce qu'il a dit l'action de Sogesmaint tant recevable que fondée et, à titre subsidiaire, en ce qu'il a débouté Maître J.P. de sa demande à l'encontre de son assureur.

AGF Belgium Insurance reproche de même au jugement entrepris d'avoir fait droit à la demande de Sogesmaint et à titre subsidiaire, d'avoir accueilli, telle quelle, l'action en garantie de Maître C.L. à son encontre.

Discussion
Jonction des appels

Attendu que les appels de cette même décision sont connexes en sorte qu'il y a lieu de les joindre.

Régularité de la procédure

(...)

Recevabilité de l'action de Sogesmaint

Attendu que Sogesmaint recherche la responsabilité personnelle des curateurs pour s'être fautivement privés de la chance, qu'elle présente comme certaine, de faire déclarer inopposable à la masse l'hypothèque consentie à Fortis Banque;

(...)

Que l'argument est purement et simplement contredit par le jugement du 3 janvier 2001 qui a décidé, même si c'est “à titre surabondant” (p. 9), que l'action en annulation n'appartenait pas à un créancier individuel comme Sogesmaint mais au contraire relevait du monopole du curateur; que s'agissant d'un motif qui n'est pas “nécessaire”, il n'y a pas force de chose jugée sur ce point; que cette analyse doit néanmoins être approuvée; qu'en effet, “l'action collective de l'article 20 ne peut être introduite que par le curateur au nom de la masse des créanciers et le bénéfice en revient, non à un créancier individuel mais à tous les créanciers, même à ceux dont les droits ne sont nés que postérieurement à l'acte frauduleux” (I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, 2003, p. 354, n° 574); que l'action en annulation ne pouvait donc en toute hypothèse qu'opposer la masse au créancier hypothécaire et, en cas de succès, profiter à la masse;

Que la perte de la chance d'introduire cette action collective et, le cas échéant, d'obtenir, par l'effet de l'inopposabilité de l'hypothèque à la masse, la reconstitution de l'actif de la faillite par le retour du produit de la vente de l'immeuble auquel cet actif se résumait, est à l'origine d'un préjudice collectif, commun à l'ensemble des créanciers;

Attendu “que la mission légale du curateur est de reconstituer l'actif, de le réaliser et d'en distribuer le produit en opérant les répartitions suivant l'ordre que lui indique notamment l'article 561 du Code de commerce” (C. Parmentier, “L'action du curateur et la masse des créanciers” (obs. sous Cass. 2 mars 1995), J.L.M.B. 1995, p. 1204); “que sont communs à l'ensemble des créanciers, les droits résultant de dommages causés par la faute de toute personne, qui a eu pour effet d'aggraver le passif de la faillite ou d'en diminuer l'actif; qu'en raison du dommage ainsi causé à la masse des biens et des droits qui forment le gage commun des créanciers, cette faute est la cause d'un préjudice collectif pour ceux-ci et lèse les droits qui leur sont, par nature, communs” (Cass. 2 mars 1995, o.c.);

Que lorsqu'il est reproché au curateur d'avoir commis une telle faute dans l'exercice de son mandat, “un créancier individuel n'est pas reçu à en demander réparation et à rechercher la responsabilité personnelle du curateur”; “que les créanciers dans la masse eux ne peuvent mettre en cause la gestion du curateur que lors du décompte final, indépendamment de certaines possibilités d'actions expressément prévues par la loi durant la faillite, de la possibilité de faire désigner un curateur ad hoc ou même de demander la révocation d'un curateur malhonnête ou incompétent” (Bruxelles 22 février 1993, Rev. prat. soc. 1993, p. 168);

Qu'“on retiendra (…) de la mise en cause de la responsabilité du curateur le principe original mais d'une stricte logique qu'un créancier individuel est sans droit pour agir, dès lors que la conséquence de la faute reprochée au curateur (…) est un préjudice (…) commun à tous les créanciers, collectif. Sa réparation exige donc la nomination préalable d'un curateur ad hoc ou d'un nouveau curateur après démission ou révocation du premier, lequel seul aurait qualité pour intenter l'action en responsabilité. La cour applique scrupuleusement la solution retenue, depuis l'arrêt de principe de la Cour de cassation du 12 février 1981 (…) pour l'action en responsabilité intentée, en cas de faillite, contre un tiers (…) qui, par sa faute, a contribué à aggraver le passif ou à réduire l'actif: seul le curateur est recevable à en prendre l'initiative” (F. T'Kint, obs. sous Bruxelles 22 février 1993, o.c., pp. 184-185);

Que A. Zenner qui est pourtant à l'origine de la modification, par la loi du 4 septembre 2002, des articles 265, 409 et 530 du Code des sociétés en vue d'autoriser les créanciers lésés à introduire l'action en comblement de passif pour leur préjudice propre alors que cette action est par définition une action collective - ce qui amène certains à qualifier cette modification d'illogique et à dénoncer à cet égard “l'imbroglio créé par le législateur avec désinvolture” (I. Verougstraete, o.c., pp. 264, 632 et 634) -, enseigne toutefois fermement et a contrario, en ce qui concerne la possibilité pour ces mêmes créanciers d'assigner le curateur en responsabilité, que “lorsque le dommage résultant de la faute du curateur est collectif, par exemple s'il résulte d'une réduction de l'actif net, comme quand il lui est fait reproche d'avoir engagé des actions judiciaires coûteuses, sa réparation ne peut être poursuivie par un créancier individuel et exige la nomination préalable d'un curateur ad hoc ou d'un nouveau curateur après démission et révocation, lequel aurait seul qualité pour intenter l'action en responsabilité” (A. Zenner, Dépistage, faillites et concordats, p. 337, n° 458);

Attendu donc qu'en l'absence d'un texte de loi lui en reconnaissant expressément le droit, il est “exclu qu'un créancier puisse agir individuellement pour obtenir la réparation de sa part dans le préjudice commun à l'ensemble des créanciers composant la masse”, comme tente de le faire Sogesmaint en l'occurrence, ainsi qu'il résulte encore de la manière dont elle calcule son préjudice; que “dans son arrêt du 12 février 1981, la Cour de cassation a réaffirmé que la poursuite de la réparation de pareil préjudice appartient au curateur... Ce droit est par nature exclusif” (P.-A. Foriers, obs. sous Comm. Liège 2 juin 1983, R.D.C. 1984, p. 81 et T. Bosly, note sous Cass. 5 décembre 1997);

Que relevant que l'article 75 de la loi sur les faillites, tel que modifié par la loi du 4 septembre 2002, reconnaît aux créanciers le droit de demander la désignation d'un curateur ad hoc dans l'hypothèse où ils estimeraient que leurs intérêts sont manifestement lésés par une vente, I. Verougstraete estime que “s'agissant d'un autre conflit d'intérêts que celui visé à l'article 75, les créanciers ne peuvent demander directement la désignation d'un curateur ad hoc, mais devront espérer que soit le curateur lui-même, soit le tribunal agissant d'office, fasse le nécessaire. Le législateur n'a manifestement pas voulu ouvrir trop grande la voie des contestations permanentes de la gestion du curateur”; qu'en conséquence, “les créanciers dans la masse, qui en principe ont le droit d'être indemnisés des fautes de gestion commises par le curateur” devront “attendre, la plupart du temps, soit la reddition des comptes, la clôture après la procédure sommaire de clôture ou la décision rapportant la faillite” (o.c., p. 271, n° 403 et p. 274, n° 411);

Que la décharge générale qu'emporte au profit des curateurs la clôture de la faillite aux termes de l'article 80 alinéa 4 de la loi du 8 août 1997 n'est pas un obstacle; que “le créancier qui veut agir s'abstiendra bien sûr de donner une décharge au curateur lors de la séance de reddition des comptes” (idem);

Attendu que la circonstance que la clôture de la faillite se fasse attendre, injustement selon Sogesmaint, est impuissante à énerver qu'“aussi longtemps que la faillite n'est pas clôturée, les créanciers ne peuvent agir individuellement” en responsabilité contre le curateur (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. IV, pp. 249 et 250); qu'il appartient aux créanciers, en pareil cas, de prendre toutes initiatives utiles à hâter la clôture de la procédure, comme Sogesmaint l'a fait en 2004, avec le résultat que le co-curateur et président du collège de curatelle désigné d'office par le tribunal sur pied de l'article 31 de la loi sur les faillites, annonce en mars 2005 qu'il prépare les documents de clôture;

Que dès celle-ci, “les créanciers retrouvent alors leur droit d'agir en réparation de leur dommage propre, même si ce dommage était considéré comme commun durant la faillite” (T. Bosly, o.c., p. 44) car “le préjudice collectif n'est rien d'autre que la somme des préjudices subis par chacun des créanciers. La paralysie cesse en même temps que la faillite et chacun recouvre son droit d'agir” (P. Coppens et F. T'Kint, “Examen de jurisprudence. Les faillites, les concordats et les privilèges”);

Que ces créanciers peuvent alors, le cas échéant, rechercher la responsabilité personnelle de l'ex-curateur (Bruxelles 23 septembre 1993, R.D.C. 1994, p. 894);

Attendu que Sogesmaint n'étant pas recevable à agir individuellement en responsabilité contre les curateurs tant que la faillite n'est pas clôturée, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre moyen d'irrecevabilité tenant au mode d'introduction de cette demande, ni a fortiori, son fondement.

Par ces motifs,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,

La cour, statuant contradictoirement,

Reçoit les appels et joint les causes inscrites au rôle de la cour sous les numéros 2003/RG/1035 et 2004/RG/135,

Écarte des débats les conclusions principales déposées par la SA AGF Belgium Insurance,

Réformant le jugement entrepris,

Dit la demande de la SA Sogesmaint irrecevable;

Dit les demandes en intervention forcée et garantie sans objet.

(...)