Article

Cour de cassation de France, 28/02/2006, R.D.C.-T.B.H., 2006/6, p. 671-672

Cour de cassation de France 28 février 2006

DROIT D'AUTEUR
Dispositions communes aux droits d'auteur et droits voisins - Copie privée - Copie à usage propre - oeuvre cinématographique - Convention de Berne - Directive 2001/29/CE - Mesures techniques de protection anti-copie - Exception légale au droit d'auteur - Atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre
L'exception de copie privée ne peut faire obstacle à l'insertion dans les supports sur lesquels est reproduite une oeuvre protégée, de mesures techniques de protection destinées à empêcher la copie, lorsque celle-ci aurait pour effet de porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre.
L'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, propre à faire écarter l'exception de copie privée, s'apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d'auteur et de l'importance économique que l'exploitation de l'oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l'amortissement des coûts de production cinématographique.
AUTEURSRECHT
Gemeenschappelijke bepalingen van auteursrechten en naburige rechten - Privé-kopie - Kopie voor eigen gebruik - Cinematografisch werk - Conventie van Bern - Richtlijn 2001/29/EG - Technische maatregelen voor de bescherming tegen het kopiëren - Wettelijke uitzondering op het auteursrecht - Inbreuk op de normale exploitatie van het werk
De uitzondering voor privé-kopie kan niet verhinderen dat technische beschermingsmaatregelen voor de bescherming tegen het kopiëren worden aangebracht op de dragers van een beschermd werk.
De inbreuk op de normale exploitatie van het werk, die de exceptie van privé-kopie teniet doet, wordt beoordeeld met inachtneming van de risico's die inherent zijn aan de nieuwe digitale omgeving voor wat betreft de bescherming van de auteursrechten en met inachtneming van het economische belang van de exploitatie van het merk, onder de vorm van DVD, voor de afschrijving van de cinematografische productiekosten.

SA Studio Canal / Stéphane X. et autre

Universal Pictures Video France, société par actions simplifiée et autres / Stéphane X. et autre

Siég.: M. Ancel (président), Mme Marais (conseiller rapporteur)
M.P.: M. Sarcelet
Pl.: SCP Piwnica et Molinié, SCP Lesourd, SCP Roger et Sevaux
Arrêt n° 549

Attendu que, se plaignant de ne pouvoir réaliser une copie du DVD “Mulholland Drive”, produit par les Films Alain Sarde, édité par la société Studio Canal et diffusé par la société Universal Pictures Vidéo France, rendue matériellement impossible en raison de mesures techniques de protection insérées dans le support, et prétendant que de telles mesures porteraient atteinte au droit de copie privée reconnu à l'usager par les articles L. 122-5 et L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle, M. X... et l'Union fédérale des consommateurs “UFC-Que choisir” ont agi à l'encontre de ceux-ci pour leur voir interdire l'utilisation de telles mesures et la commercialisation des DVD ainsi protégés, leur demandant paiement, le premier, de la somme de 150 EUR en réparation de son préjudice, la seconde, de celle de 30.000 EUR du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs; que le Syndicat de l'édition vidéo est intervenu à l'instance aux côtés des défendeurs;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le deuxième moyen pris en ses deuxième et troisième branches du pourvoi de la société Studio Canal, et sur les première, troisième et huitième branches du moyen unique du pourvoi de la société Universal Pictures Vidéo France et du Syndicat de l'édition vidéo, lesquels sont réunis:

Vu les articles L. 122-5 et L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière des dispositions de la directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, ensemble l'article 9.2. de la Convention de Berne;

Attendu, selon l'article 9.2. de la Convention de Berne, que la reproduction des oeuvres littéraires et artistiques protégées par le droit d'auteur peut être autorisée, dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur; que l'exception de copie privée prévue aux articles L. 122-5 et L. 211-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive européenne susvisée, ne peut faire obstacle à l'insertion dans les supports sur lesquels est reproduite une oeuvre protégée, de mesures techniques de protection destinées à en empêcher la copie, lorsque celle-ci aurait pour effet de porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, laquelle doit s'apprécier en tenant compte de l'incidence économique qu'une telle copie peut avoir dans le contexte de l'environnement numérique;

Attendu que pour interdire aux sociétés Alain Sarde, Studio Canal et Universal Pictures Vidéo France l'utilisation d'une mesure de protection technique empêchant la copie du DVD “Mullholland Drive”, l'arrêt, après avoir relevé que la copie privée ne constituait qu'une exception légale aux droits d'auteur et non un droit reconnu de manière absolue à l'usager, retient que cette exception ne saurait être limitée alors que la législation française ne comporte aucune disposition en ce sens; qu'en l'absence de dévoiement répréhensible, dont la preuve en l'espèce n'est pas rapportée, une copie à usage privé n'est pas de nature à porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre sous forme de DVD, laquelle génère des revenus nécessaires à l'amortissement des coûts de production;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, propre à faire écarter l'exception de copie privée s'apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d'auteur et de l'importance économique que l'exploitation de l'oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l'amortissement des coûts de production cinématographique, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois:

Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée (…).