Le devoir de vigilance du banquier implique une obligation de se renseigner, de vérifier et d'investiguer.
En matière de crédit, le banquier doit notamment s'informer sur les chances raisonnables de succès de l'entreprise financée, sur la situation financière du crédité et sur ses capacités de remboursement [1].
L'étendue de ce devoir varie selon la nature et l'importance du crédit octroyé, la qualité du client (on pense par exemple au crédit de notoriété) et la taille et les moyens du banquier [2].
Cette obligation de moyens doit s'entendre raisonnablement. L'investigation ne doit pas être faite de manière approfondie, dans la mesure où elle se heurte au principe de non-immixtion, qui interdit au banquier de s'ingérer dans les affaires de son client ou des tiers avec lesquels il se trouve en relation.
Si le banquier ne connaissait pas ou ne pouvait pas connaître la fragilité de la situation financière du crédité, le client ne peut reprocher au banquier de lui avoir octroyé un crédit au-dessus de ses moyens [3].
Seul le crédité est responsable des réticences dolosives concernant les informations remises au moment de la conclusion du contrat [4].
Le crédité [5] a également des devoirs lorsqu'il négocie un crédit. Il doit lui-même s'informer. Il est généralement mieux placé que le banquier pour connaître sa situation financière et apprécier sa capacité à rembourser le crédit sollicité [6]. S'il ne respecte pas lui-même ses devoirs, il est susceptible de commettre une faute qui peut entraîner un concours et un partage de responsabilités, voire exclure toute responsabilité dans le chef de la banque, par rupture du lien causal [7].
À cet égard, la caution qui s'engage en raison des relations familiales et/ou de confiance qui existent entre elle et le débiteur principal est censée pouvoir obtenir de ce fait toutes les informations nécessaires à l'appréciation de sa solvabilité et ne peut dès lors reprocher à la banque de ne pas lui avoir appris ce que la caution devait raisonnablement savoir [8].
Dans l'arrêt commenté, la cour d'appel de Liège confirme sa jurisprudence bien établie au terme de laquelle: “l'erreur commise par un banquier sur les chances de succès d'une entreprise dont il maintient ou augmente le crédit n'engage pas la responsabilité contractuelle de celui-ci vis-à-vis de son client, s'il apparaît sur base des renseignements fournis par l'emprunteur, que les risques pris ne sont pas déraisonnables” [9].
[1] | En matière de crédit à la consommation, cette obligation est réglementée et sanctionnée (art. 10 et 15 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation). |
[2] | Comm. Bruxelles 12 septembre 2000, R.D.C. 2001, p. 787 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux; CSJ Luxembourg 23 mai 2001, DAOR 2003/66, p. 62. |
[3] | Cass. fr. 26 mars 2002, R.T.D. Com. 2002, p. 523. |
[4] | Liège 29 juin 2001, J.T. 2001, p. 864 ; Civ. Charleroi 8 juin 2000, R.D.C. 2001, p. 781 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux; J.P. Renaix 26 septembre 2000, DAOR 2001/58, p. 179; D.C.C.R. 2001, p. 283, J.J.P. 2002, p. 126; J.P. Gand 28 mars 2001, DAOR 2001/58, p. 184. |
[5] | Ou les dirigeants de l'entreprise créditée, s'il y a lieu. |
[6] | F. Grua, Responsabilité civile du banquier-service du crédit, Éd. Jurisclasseur, 1998, Fasc. 151, p. 3; D. Blommaert et O. Poelmans, “Chronique de jurisprudence en droit bancaire”, DAOR 2003/66, p. 94; Civ. Charleroi 8 juin 2000, R.D.C. 2001, p. 781 et note J.-P. Buyle et M. Delierneux; Bruxelles 29 juin 2001, A.J.T. 2001-02, p. 373. |
[7] | J.-P. Buyle et O. Creplet, La responsabilité civile des établissements de crédit, in les responsabilités professionnelles, Formation permanente CUP, novembre 2001, vol. 50, p. 204; X. Dieux et D. Willermain, “La responsabilité civile et pénale du banquier dispensateur du crédit - développements récents”, in Le crédit aux entreprises, aux collectivités publiques et aux particuliers, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2002, p. 424; Comm. Hasselt 15 décembre 1998, R.D.C. 1999, p. 721 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux. |
[8] | A. Bruyneel et E. Van Den Haute, “Chronique de droit bancaire privé. Les opérations de banque (2002-2003)”, Dr. banc. fin. 2005, p. 237, n° 30 et note 95. |
[9] | Liège 28 avril 1994, R.D.C. 1995/12, p. 1032 et obs. J.-P. Buyle et X. Thunis; Liège 29 juin 2001, J.T. 2001, p. 864 . |