Les banques ont l'habitude de fournir à leurs clients des renseignements commerciaux, au titre de services accessoires ou annexes à d'autres prestations (crédit, encaissements…). On admet qu'il s'agit là d'une dérogation au devoir de discrétion professionnelle fondé sur les usages ou la coutume [1], dans la mesure où les informations transmises sont souvent générales.
Les banques n'ont aucun monopole en la matière, comme en témoigne la décision commentée.
L'entreprise qui fournit un renseignement doit veiller à ce que l'information soit exacte. Il ne s'agit pas d'une obligation de résultat. Le professionnel ne garantit pas l'exactitude du renseignement communiqué. Il s'agit d'une obligation de moyen, le prestataire de services devant faire les diligences nécessaires pour obtenir et délivrer une information exacte. Il doit agir avec prudence, précaution, soin et diligence. Si l'agence de renseignement ne peut vérifier les données fournies, elle doit émettre des réserves ou des nuances en éveillant l'attention du demandeur [2].
Ces réserves ont pour but d'informer le client de l'incertitude qui pèse sur la fiabilité du renseignement.
Depuis longtemps, les tribunaux estiment “qu'il est d'intérêt social que ceux qui font profession de fournir des renseignements ne puissent se livrer impunément à des agissements préjudiciables à des tiers, en donnant sur eux des informations malveillantes, non étayées sur des éléments à conviction certains, ou que tout au moins s'ils n'ont pu puiser leur documentation à des sources offrant de complètes garanties, ils en avisent leurs clients” [3].
Le fait de donner un renseignement inexact n'est pas nécessairement fautif [4]. Pour qu'il y ait faute, il faut soit de la mauvaise foi soit de l'imprudence. La témérité engendre la responsabilité.
En l'espèce, le professionnel avait informé un client de ce qu'une entreprise avait procédé à une augmentation de capital à concurrence d'un certain montant, en précisant qu'aucune publication officielle n'avait encore été faite, et alors que cette augmentation ne s'était pas réalisée. L'agence de renseignement s'était contentée de répercuter une information publiée dans la presse, sans la vérifier.
Sur le plan du lien de causalité, la cour relève à bon droit et de manière classique que le client préjudicié doit établir le caractère déterminant de l'influence de l'information reçue sur sa décision [5].
Le tribunal précise aussi que lorsque cette influence présente ce caractère, encore faut-il s'assurer qu'il n'a pas été accordé une confiance excessive au renseignement communiqué, lequel ne doit être considéré que comme un élément d'appréciation parmi d'autres.
Un juge pourrait, en effet, retenir un partage de responsabilité si le client faisait preuve de légèreté fautive, en se fiant aveuglément à l'information reçue [6]. Mais il se pourrait aussi que le client ait adopté le même comportement, même en l'absence de renseignements commerciaux. Les informations transmises par l'agence de renseignements, fussent-elles inexactes, peuvent en effet, ne pas avoir déterminé le client qui les a reçues dans sa décision de conclure un contrat.
C'est ce que retient la cour dans l'arrêt commenté puisqu'il n'apparaît pas que le choix du client aurait été différent si l'agence de renseignements avait pris la précaution de souligner que l'augmentation du capital n'était que simplement annoncée par la presse et si cette même agence s'était fait l'interprète du scepticisme exprimé par la presse au sujet de l'effet à espérer de cette augmentation de capital.
[1] | J.-P. Buyle et D. Goffaux, “Les devoirs du banquier à l'égard de l'entreprise”, in La banque dans la vie de l'entreprise, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2005, p. 57. |
[2] | Comm. Bruxelles 27 avril 1995 et 3 mai 1996, R.D.C. 1996, p. 1107 et obs. J.-P. Buyle et X. Thunis; Cass. comm. fr. 9 juin 1980, D.S. 1981, p. 192; S. Piedelièvre, Droit bancaire, PUF, 2003, p. 543, n° 639; F. Grua, Responsabilité civile du banquier, services annexes, Jurisclasseur, Banque et crédit, Fasc. 153, n° 5. |
[3] | Comm. Bruxelles 29 octobre 1932, R.G.A.R. 1933, 1150; Comm. Bruxelles 27 juin 1977, J.C.B. 1978, p. 219. |
[4] | Sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilités, cons. not. J.-P. Buyle, “La fourniture des renseignements commerciaux” (note sous Comm. Namur 29 septembre 1988), J.L.M.B. 1990, p. 25. |
[5] | Dans le même sens, Comm. Bruxelles 27 avril 1995 et 3 mai 1996, R.D.C. 1996, p. 1107 et obs. J.-P. Buyle et X. Thunis; comp. Cass. comm. fr. 2 mai 1989, Rev. dr. bancaire novembre-décembre 1989, p. 212; Cass. comm. fr. 24 mai 1994, Rev. dr. bancaire juillet-août 1994, p. 171. |
[6] | Nîmes 11 janvier 1956, Banque 1956, p. 306 et obs. X. Martin. |