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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2006/1, p. 128-130

DROIT FINANCIER
Institutions financières et intermédiaires financiers - Gestionnaires de fortune - Objectifs du client - Obligation de moyens - Obligation de diversification - Immobilisme - Conflit d'intérêt
En sélectionnant dans un contrat de gestion de fortune, l'option portefeuille “actions”, les parties ont clairement défini l'orientation de base de la gestion souhaitée et partant les objectifs poursuivis, conformément au prescrit de l'article 8 § 1er de l'arrêté royal du 5 août 1991.
Le gestionnaire de fortune n'assure qu'une obligation de moyen lorsqu'il apprécie l'opportunité de réaliser des placements pour ses clients. Une certaine marge d'erreur doit lui être concédée, une mauvaise évaluation des risques ne constituant pas à elle seule une faute. Le constat d'une moins-value n'emporte pas la preuve d'une faute dans le chef du gestionnaire. Le fait d'investir de 80% à 90% d'actions dans un portefeuille “d'actions” investi en actions ou en liquidités et comprenant maximum 100% d'actions ne peut être qualifié de fautif. Ceci ne dispense pas le gestionnaire de préserver une certaine diversité au sein de ces actions.
Compte tenu de l'horizon de placement à long terme d'un portefeuille d'actions et du pouvoir d'appréciation marginale dont dispose le tribunal, ne peut être qualifié de fautif le souci de ne pas acter les pertes enregistrées par certains titres, en réalisant ceux-ci sans avoir de réelles chances de récupérer ces pertes dans d'autres investissements.
Les articles 36 § 1er, 6° et 79 § 1er de la loi du 6 avril 1995 n'interdisent pas l'acquisition d'instruments financiers émis par le gestionnaire, lorsque cette acquisition relève de l'intérêt du client.

FINANCIEEL RECHT
Financiële instellingen en financiële tussenpersonen - Vermogensbeheerders - Doel van de cliënt - Middelenverbintenis - Diversificatieplicht - Stilzitten van de vermogensbeheerder - Belangenconflict
Door in een overeenkomst van vermogensbeheer te kiezen voor een “aandelen”portefeuille, hebben de partijen de basisoriëntatie van het gewenste beheer vastgelegd en bijgevolg de nagestreefde objectieven, conform het voorschrift van artikel 8 § 1 van het koninklijk besluit van 5 augustus 1991.
De vermogensbeheerder heeft slechts een middelenverbintenis wanneer hij de opportuniteit apprecieert om beleggingen voor zijn cliënten te realiseren. Men moet hem een zekere foutmarge toestaan aangezien een verkeerde evaluatie van de risico's op zichzelf geen fout uitmaakt. De vaststelling van een minderwaarde maakt geen bewijs uit van een fout in hoofde van de beheerder. Het feit van 80% à 90% aandelen te beleggen in een “aandelen”portefeuille die aandelen of liquiditeiten bevat en maximum 100% aandelen kan niet als foutief gekwalificeerd worden. Dit ontslaat de beheerder niet van zijn plicht om een zekere diversificatie te behouden onder de aandelen.
Rekening houdend met een beleggingshorizon op lange termijn van een aandelenportefeuille en de marginale appreciatiemogelijkheid waarover de rechtbank beschikt, kan het feit om geen akte te nemen van de vastgestelde verliezen op bepaalde titels door deze te verkopen zonder reële kansen te hebben deze verliezen terug te winnen in andere beleggingen, niet gekwalificeerd worden als een fout.
De artikelen 36 § 1, 6° en 79 § 1 van de wet van 6 april 1995 verbieden niet de verwerving van financiële instrumenten uitgegeven door de beheerder, indien deze verwerving gebeurt in het belang van de cliënt.

1.Un appel a été interjeté contre cette décision.

2.De manière très classique, le tribunal confirme sa jurisprudence selon laquelle le gestionnaire de fortune n'est tenu qu'à une obligation de moyens, lorsqu'il apprécie l'opportunité de réaliser des placements pour ses clients [1].

Si la plupart des obligations de l'intermédiaire sont des obligations de moyens [2], il existe cependant quelques obligations de résultat. Que l'on songe par exemple à l'interdiction de manipuler les marchés, l'obligation d'horodater les ordres du client, l'obligation de respecter un résultat déterminé lorsque l'intermédiaire l'a garanti contractuellement au client, l'obligation de restituer ou celle de rendre les comptes de la gestion, obligation inhérente à la qualité de mandataire.

La responsabilité du gestionnaire de fortune doit être appréciée avec une extrême circonspection, vu le caractère hautement aléatoire du système financier [3]. Le client doit prouver que le gestionnaire a effectué des opérations qui n'auraient été accomplies par aucun professionnel avisé et placé dans les mêmes circonstances.

Le caractère aléatoire (et connu des clients) des investissements financiers apporte une justification particulièrement forte à ce principe de l'appréciation marginale du juge ou de l'arbitre. L'erreur d'appréciation pour constituer une faute doit avoir été manifestement grossière. Une certaine marge d'erreur doit être concédée, une mauvaise évaluation des risques ne constitue pas à elle seule une faute [4].

Ainsi, il est communément admis que le simple fait que le portefeuille du client ait subi une moins-value n'est pas constitutif de faute [5]. La preuve d'une faute n'est pas non plus rapportée par le simple fait que les plus-values réalisées sont très inférieures à l'évolution d'un indice boursier [6]. Le fait qu'un mandat spécifie une gestion prudente ne constitue pas une garantie de rendement ou d'absence de pertes [7].

Le tribunal rappelle aussi que le gestionnaire de fortune est tenu à une obligation de diversification, que d'aucuns ont qualifié de règle élémentaire de prudence [8]. Ce devoir vise l'ensemble du portefeuille (“on ne met pas tous ses oeufs dans le même panier, sauf si les parties en ont convenu de cette manière”) et les instruments financiers choisis, en particulier. Cette diversification doit s'apprécier par rapport au profil de gestion choisi par le client.

Plus originale est la question posée au tribunal de savoir si l'intermédiaire peut valablement acquérir des instruments financiers qu'il a lui-même (ou une sûreté de son groupe) émis, dont il assure la gestion ou qu'il distribue. Le tribunal rappelle les prescrits légaux:

    • l'intermédiaire doit éviter tout conflit d'intérêt possible ou, s'il est inévitable, veiller à ce que ses clients soient traités de façon équitable et égale et, le cas échéant, suivre toute autre mesure telle l'obligation de faire rapport, le respect des règles internes en matière de confidentialité ou le refus d'intervenir. Il ne peut pas placer de manière inéquitable ses propres intérêts devant ceux de ses clients (art. 36 § 1, 6° de la loi du 6 avril 1995);
    • l'établissement de crédit fournissant des services de gestion de fortune doit exercer ses activités dans l'intérêt exclusif de ses clients et ne peut effectuer pour compte de ses clients des opérations dans lesquelles il a un intérêt personnel (art. 79 § 1e al. 1 et 2 de la loi du 6 avril 1995).

    Ces règles n'ont cependant pas pour effet d'interdire, de façon générale et absolue, l'acquisition, par le gestionnaire, pour le compte de son client, d'instruments financiers, tels des sicavs d'OPC dont il serait le gestionnaire ou le promoteur [9]. Le contraire reviendrait à sous-entendre que le législateur a entendu interdire certaines opérations dont l'intérêt pour l'investisseur serait cependant avéré.

    A instrument de placement égal, l'investisseur tire généralement un plus grand profit à l'acquisition de telles parts de sicavs qu'à l'acquisition de parts tierces. Outre la bonne connaissance présumée du titre par le gestionnaire, l'investissement de tels sicavs entraîne différents avantages financiers pour l'investisseur: absence de droit de garde, possibilité de commissions de souscription ou de gestion réduites…

    Les règles en matière de conflits d'intérêts ne sont pas d'ordre public. Le client peut renoncer à se prévaloir de l'article 36 [10]. Souvent, les conventions de gestion de fortune contiennent une clause expresse par laquelle le client autorise expressément la banque à acheter et vendre tous titres d'organismes de placements collectifs patronnés et/ou gérés par elle ou par une de ses filiales.

    En tout état de cause, le client qui établirait une faute à ce niveau dans le chef de l'investisseur doit encore démontrer le lien causal avec son éventuel préjudice. Comme le rappelle à bon droit le tribunal de commerce de Bruxelles, il doit établir que l'acquisition de sicavs promues par d'autres organismes financiers aurait permis d'aboutir à un meilleur résultat [11].

    En ce qui concerne l'obligation de conclure une convention écrite prévoyant expressément les objectifs du client en matière de gestion, on se réfèrera à nos observations reprises sous la décision n° 10.

    [1] J.-F. Romain, “La responsabilité des gestionnaires de fortune et des conseillers en placements” (note sous Comm. Bruxelles 9 janvier 1991), R.D.C. 1993, p. 606; Comm. Bruxelles 30 septembre 2004, Dr. banc. fin. 2005/I, p. 61.
    [2] Comm. Bruxelles 2 février 1995, R.D.C. 1996, p. 1072; C.A. Paris 30 mai 1997, Ingénierie patrimoniale, Éd. Jurisclasseur, mars-avril 1998, p. 13; C.A. Paris 7 avril 1999, Dr. banc. fin. novembre/décembre 2000, p. 368; Comm. Bordeaux 1er décembre 2003, Banque & Droit juillet-août 2005, p. 76; CSL Luxembourg 3 juillet 2002, DAOR 2003/66, p. 109. En matière de conseil en placements, cons. not. Bruxelles 9 septembre 2003, R.D.C. 2005, p. 187 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux; Civ. Dendermonde 14 novembre 2003, R.G.D.C. 2005, p. 354.
    [3] Le même tribunal avait précisé antérieurement - mais c'était un autre temps - qu'en règle, la responsabilité de l'agent de change dans le conseil d'un choix de valeurs ne pouvait être engagée qu'en cas de dol, de mauvaise foi ou s'il avait agi avec une grave imprudence (Comm. Bruxelles 7 février 1995, R.D.C. 1996, p. 80).
    [4] Comm. Bruxelles 30 septembre 2004, Dr. banc. fin. 2005/1, p. 61.
    [5] Comm. Bruxelles 2 février 1995, R.D.C. 1996, p. 1072; Comm. Bruxelles 22 octobre 2004, P. Havelange/BRG, inédit; Comm. Bordeaux 1er décembre 2003, Banque & Droit juillet-août 2005, p. 76. En matière de conseil en placements, cons. Bruxelles 12 octobre 2001, J.L.M.B. 2002, p. 1036 , D.C.C.R. 2003, p. 49 et obs. F. Longfils; Comm. Bruxelles 9 septembre 2003, R.D.C. 2005, p. 187 et obs. J.-P. Buyle et M. Delierneux; Comm. Bruxelles (9e ch.), 17 octobre 2005, D./Banque, inédit, RG/2858/2004.
    [6] Il s'agissait en l'espèce du CAC 40 (Trib. gr. inst. Paris 27 octobre 2000 et C.A. Aix-en-Provence 2001, Banque & Droit, n° 79, septembre-octobre 2001, p. 31).
    [7] C.A. Paris 24 septembre 2002, Rev. dr. banc. et fin. mai/juin 2003, p. 158.
    [8] Sent. arb. 29 mars 1996, R.D.C. 1996, p. 1090 et obs. J.-P. Buyle et X. Thunis.
    [9] La circulaire BA/1/92 de la CBFA du 14 août 1992 n'interdit pas de telles acquisitions, de façon générale et absolue.
    [10] J.-F. Romain, “Le contrat avec soi-même”, in Les conflits d'intérêts, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 198, nos 37 et s.
    [11] Dans le même sens, Comm. Bruxelles 18 mars 2004, Croé/ING, inédit.