Article

Tribunal de commerce Bruxelles, 02/09/2004, R.D.C.-T.B.H., 2006/1, p. 119-123

Tribunal de commerce de Bruxelles 2 septembre 2004

DROIT FINANCIER
Institutions financières et intermédiaires financiers - Gestionnaires de fortune - Objectifs du client - Obligation de moyens - Obligation de diversification - Immobilisme - Conflit d'intérêt
En sélectionnant dans un contrat de gestion de fortune, l'option portefeuille “actions”, les parties ont clairement défini l'orientation de base de la gestion souhaitée et partant les objectifs poursuivis, conformément au prescrit de l'article 8 § 1er de l'arrêté royal du 5 août 1991.
Le gestionnaire de fortune n'assure qu'une obligation de moyen lorsqu'il apprécie l'opportunité de réaliser des placements pour ses clients. Une certaine marge d'erreur doit lui être concédée, une mauvaise évaluation des risques ne constituant pas à elle seule une faute. Le constat d'une moins-value n'emporte pas la preuve d'une faute dans le chef du gestionnaire. Le fait d'investir de 80% à 90% d'actions dans un portefeuille “d'actions” investi en actions ou en liquidités et comprenant maximum 100% d'actions ne peut être qualifié de fautif. Ceci ne dispense pas le gestionnaire de préserver une certaine diversité au sein de ces actions.
Compte tenu de l'horizon de placement à long terme d'un portefeuille d'actions et du pouvoir d'appréciation marginale dont dispose le tribunal, ne peut être qualifié de fautif le souci de ne pas acter les pertes enregistrées par certains titres, en réalisant ceux-ci sans avoir de réelles chances de récupérer ces pertes dans d'autres investissements.
Les articles 36 § 1er, 6° et 79 § 1er de la loi du 6 avril 1995 n'interdisent pas l'acquisition d'instruments financiers émis par le gestionnaire, lorsque cette acquisition relève de l'intérêt du client.

FINANCIEEL RECHT
Financiële instellingen en financiële tussenpersonen - Vermogensbeheerders - Doel van de cliënt - Middelenverbintenis - Diversificatieplicht - Stilzitten van de vermogensbeheerder - Belangenconflict
Door in een overeenkomst van vermogensbeheer te kiezen voor een “aandelen”portefeuille, hebben de partijen de basisoriëntatie van het gewenste beheer vastgelegd en bijgevolg de nagestreefde objectieven, conform het voorschrift van artikel 8 § 1 van het koninklijk besluit van 5 augustus 1991.
De vermogensbeheerder heeft slechts een middelenverbintenis wanneer hij de opportuniteit apprecieert om beleggingen voor zijn cliënten te realiseren. Men moet hem een zekere foutmarge toestaan aangezien een verkeerde evaluatie van de risico's op zichzelf geen fout uitmaakt. De vaststelling van een minderwaarde maakt geen bewijs uit van een fout in hoofde van de beheerder. Het feit van 80% à 90% aandelen te beleggen in een “aandelen”portefeuille die aandelen of liquiditeiten bevat en maximum 100% aandelen kan niet als foutief gekwalificeerd worden. Dit ontslaat de beheerder niet van zijn plicht om een zekere diversificatie te behouden onder de aandelen.
Rekening houdend met een beleggingshorizon op lange termijn van een aandelenportefeuille en de marginale appreciatiemogelijkheid waarover de rechtbank beschikt, kan het feit om geen akte te nemen van de vastgestelde verliezen op bepaalde titels door deze te verkopen zonder reële kansen te hebben deze verliezen terug te winnen in andere beleggingen, niet gekwalificeerd worden als een fout.
De artikelen 36 § 1, 6° en 79 § 1 van de wet van 6 april 1995 verbieden niet de verwerving van financiële instrumenten uitgegeven door de beheerder, indien deze verwerving gebeurt in het belang van de cliënt.

SA C. et C. V.P. / SA Fortis Banque

Siég.: M. Hody (juge-président), MM. Fielz et Pollak (juges consulaires)
Pl.: Mes F. Glansdorff, R. Hardy loco E. Jakhian et J.-P. Buyle

(...)

I. Objet des demandes

L'action des parties demanderesses tend à entendre annuler les contrats de gestion de fortune qu'elles ont conclus avec la SA Fortis Banque en raison des fautes précontractuelles de celle-ci et à obtenir condamnation de celle-ci à leur restituer l'intégralité des avoirs confiés;

À titre subsidiaire, les demandeurs sollicitent la résolution desdits contrats aux torts de la SA Fortis Banque, et en conséquence la condamnation de celle-ci à leur restituer l'intégralité des avoirs confiés;

(...)

II. Les faits

Le 28 janvier 1999, deux contrats de gestion de fortune sont signés sous le n° 210.4820 D (farde I du dossier des demandeurs), l'un entre la SA C. et la SA Fortis Banque, et portant sur le compte 210-0385609-86, l'autre entre C. V.P. et la SA Fortis Banque et portant sur le compte 210-0385610-87;

Suivant l'article 3 des conventions, “le client déclare avoir donné expressément instruction à la banque d'effectuer une gestion des actifs et des fonds soumis au présent contrat suivant l'orientation choisie: actions”, le portefeuille “actions” étant “investi en actions et en liquidités et comprenant maximum 100% d'actions, c'est-à-dire à risque très élevé” (pièces 1 et 3, farde I des demandeurs);

Initialement, la SA C. a confié à Fortis la gestion d'un portefeuille d'actions évalué à la somme de 117.915 euros, outre des liquidités; de son côté, C. V.P. lui a confié un portefeuille d'actions d'un montant de 95.918 euros, outre des liquidités;

Dans le courant de l'année 2000, les portefeuilles des demandeurs enregistrent des performances négatives dont ils se plaignent auprès de la SA Fortis au cours de diverses entrevues, notamment des 23 octobre 2001 et 17 janvier 2002;

De commun accord, un nouveau gestionnaire est désigné et un avenant au contrat de gestion, daté du 17 janvier 2002 est signé le 12 mars 2002, prévoyant une augmentation des marges de manoeuvre de la gestion (pièce 2 des demandeurs);

Par courrier du 31 juillet 2002, les demandeurs reprochent à la Fortis le fait que la situation des portefeuilles ne s'est pas améliorée, malgré le changement de gestionnaire et la signature d'un avenant au contrat, et que la valeur des portefeuilles aurait diminué de plus de 50% depuis février 1999 et de plus de 62% depuis septembre 2000 (pièce 2, farde II des demandeurs);

Le 28 août 2002, C. V.P. demande à la Fortis de lui transmettre une note descriptive des instruments financiers, ce qu'elle fait par courrier du même jour (pièce 1, farde II des demandeurs);

Le 25 octobre 2002, suite à une réunion du 7 octobre, Fortis répond aux reproches émis dans le courrier du 31 juillet 2002 précité; Fortis rappelle que le profil de risque n'a jamais été remis en cause et que la crise boursière l'a contrainte à ne pas effectuer beaucoup de changements au sein du portefeuille ces derniers mois au risque de détruire plus de valeurs; Fortis se déclare persuadée que le portefeuille dans sa mouture actuelle devrait profiter au mieux d'un meilleur climat boursier espéré (pièce 4, farde II des demandeurs);

Par courrier du 31 octobre 2002, les demandeurs confirment leurs griefs de façon détaillée et invitent la SA Fortis Banque à leur faire des propositions d'indemnisation; dans ce courrier, ils contestent également la globalisation de la gestion et du reporting;

Après rappels, la SA Fortis Banque répond à ce courrier le 31 décembre 2002; elle y conteste de façon circonstanciée les griefs formulés à son encontre et propose à titre strictement commercial le remboursement des commissions de gestion payées, soit 3.749,90 euros (pièce 9, farde II des demandeurs);

Cette proposition n'a pas été acceptée par les demandeurs, qui lancent la présente procédure le 27 mars 2003;

Par courrier du 18 août 2003, la SA Fortis Banque informe les demandeurs que l'introduction en son sein d'un système de gestion plus performant nécessite quelques modifications mineures d'ordre technique à leur contrat de sorte qu'elle les invite à prendre contact avec leur gestionnaire, à défaut de quoi elle serait amenée à arrêter la gestion dans un proche avenir (pièce 1.11 de la défenderesse);

Le conseil des demandeurs y répond par courrier du 25 août 2003, en refusant les modifications proposées (pièce 1.12 de la défenderesse);

Par courrier du 4 septembre 2003, la SA Fortis Banque met fin aux conventions de gestion de fortune (pièces 1.13 et 14 de la défenderesse).

III. Discussion
A. Les demandes principales
1. Les manquements commis par Fortis à l'occasion de la conclusion des conventions

1.1. Attendu que, selon les demandeurs, les contrats de gestion de fortune conclus avec la SA Fortis Banque ne répondraient pas au prescrit de l'article 8 § 1er de l'arrêté royal du 5 août 1991 en ce qu'ils ne préciseraient pas leurs objectifs de gestion; que la mention suivant laquelle ils autorisaient la banque à effectuer des placements entre autres sous forme d'actions ne répondrait qu'à l'exigence distincte imposée par l'article 8 § 1er, 3° de l'arrêté royal, d'indiquer dans la convention les instruments de placement sur lesquels porte la gestion;

Que selon eux, les objectifs poursuivis était en l'occurrence une gestion active et dynamique de leur portefeuille, dans un horizon de placement à court ou moyen terme;

Attendu que l'article 3 des contrats litigieux est ainsi rédigé:

“Le client reconnaît que la banque s'est informée auprès de lui de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés.

Étant donné qu'un choix entre cinq orientations de base a été offert au client pour la gestion confiée à la banque en vertu du présent contrat:

- portefeuille 'actifs à revenus fixes' ne comprenant pas d'actions, c'est-à-dire à risque faible1;

- portefeuille défensif comprenant maximum 30% d'actions, c'est-à-dire à risque faible1;

- portefeuille neutre comprenant maximum 55% d'actions, c'est-à-dire à risque moyen1;

- portefeuille agressif comprenant maximum 80% d'actions, c'est-à-dire à risque élevé1;

- portefeuille 'actions' investi en actions et en liquidités et comprenant maximum 100% d'actions, c'est-à-dire à risque très élevé,

le client déclare avoir donné expressément instruction à la banque d'effectuer une gestion des actifs et des fonds soumis au présent contrat suivant l'orientation choisie (revenus fixes, défensif, neutre, agressif, actions);

Le client reconnaît que la banque lui a expressément expliqué quels sont les conséquences et les risques liés à la gestion dont le client aura choisi l'orientation. Le client accepte l'interprétation donnée par la banque aux termes 'revenus fixes', 'défensif', 'neutre', 'agressif', 'actions' utilisés pour indiquer les orientations de base dont il est question ci-dessus, et déclare en accepter toutes les conséquences. (...);

(1Ces quatre orientations de base ont été biffées dans les conventions litigieuses.”)

Attendu qu'en sélectionnant l'option portefeuille “actions”, les parties ont clairement défini l'orientation de base de la gestion souhaitée et partant les objectifs poursuivis; que, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la mention “actions” jointe au terme “portefeuille” tend moins à indiquer les instruments de placement envisagés, qu'à qualifier le portefeuille choisi, au même titre que les termes “défensif, neutre, agressif”, qui qualifient d'autres orientations de base;

Que l'on peut certes, a priori, s'étonner que les conventions litigieuses ne soient pas plus affinées, à l'instar des contrats apparemment utilisés par ING, quant au profil d'investisseur du client et partant quant à ses objectifs; qu'il n'en demeure pas moins que sur le plan de la légalité formelle, les mentions précitées définissent à suffisance ces objectifs, d'autant que le libellé de l'article 3 précité fait présumer qu'au-delà de la simple mention descriptive des cinq orientations de base, la banque s'est informée de façon plus détaillée des objectifs poursuivis, et en a expliqué les conséquences et les risques;

Qu'il faut relever que selon les demandeurs, leurs objectifs étaient une gestion active et dynamique de leur portefeuille, dans un horizon de placement à court ou moyen terme; qu'une gestion active et dynamique relève moins d'un objectif que des moyens pour y parvenir; que, quant à l'horizon de placement, il était explicité dans l'annexe au contrat, qui stipule que l'investissement en action, tel que celui librement choisi par les demandeurs, doit être considéré comme un placement à long terme, ce qui contredit l'affirmation des demandeurs (p. 13, point A, pièce 1.7. de Fortis);

1.2. Attendu que les demandeurs soutiennent également que la défenderesse se serait abstenue de se renseigner auprès d'eux au sujet de leur expérience en matière d'investissement, et ce, en violation de l'article 19 de l'arrêté royal du 5 août 1991 et de l'article 36 § 1er, 4° de la loi du 6 avril 1995;

Qu'il a été dit ci-dessus qu'il fallait présumer que cette obligation avait été respectée dès lors que l'article 3 des conventions litigieuses précise que le client reconnaît que la banque s'est informée auprès de lui de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés; que les demandeurs n'apportent aucun élément de nature à mettre cette assertion en doute;

1.3. Attendu que selon les demandeurs, la banque aurait également manqué à son obligation de communiquer le document standardisé indiquant la nature des instruments de placement autorisés ainsi que le type de risque qui y était lié (art. 8 § 1er al. 2 de l'A.R. du 5 août 1991);

Attendu que les contrats litigieux stipulaient expressément que le client reconnaissait avoir reçu un tel document; que c'est donc contre la signature qu'ils ont apposée au bas de ces contrats que les demandeurs contestent avoir reçu le document standardisé avant le 28 août 1999;

Attendu que la foi due à ces signatures ne peut être remise en cause par la seule circonstance que la lettre de Fortis du 1er février 1999, en annexe de laquelle les contrats étaient transmis aux demandeurs, ne faisait pas mention de ce document; que Fortis renvoyait sans doute simplement aux demandeurs l'exemplaire du contrat qui leur était destiné, mais déjà échangé et signé le 28 janvier 1999;

Attendu qu'il n'apparaît pas que Fortis ait manqué à ses obligations précontractuelles de sorte que la nullité des conventions n'est pas justifiée.

2. Quant aux manquements commis par Fortis en cours d'exécution du contrat

Attendu que selon les demandeurs, Fortis aurait commis plusieurs manquements fautifs consistant à:

(...)

- ne pas avoir procédé à une diversification suffisante des instruments de placements et des actions et avoir pris des risques inconsidérés;

- avoir fait preuve d'immobilisme et de passivité alors que les portefeuilles d'actions se dépréciaient de manière catastrophique;

- ne pas avoir agi dans l'intérêt exclusif du client;

- ne pas avoir rendu compte de manière distincte, complète et exacte de sa gestion;

(...)

L'absence de diversification suffisante des instruments de placement, des valeurs acquises et les risques inconsidérés

Attendu que les demandeurs reprochent à la Fortis Banque d'avoir acquis exclusivement des actions, alors qu'elle disposait d'un large choix d'instruments de placement qui lui aurait permis de diversifier les risques; qu'alors que le mandat permettait l'utilisation par la gestion de produits comme l'or, les options ou d'autres instruments de placements, Fortis n'aurait jamais utilisé ces possibilités, investissant continuellement en actions, principalement de valeurs TMT; qu'ils n'auraient jamais accepté un tel risque;

Attendu que les gestionnaires de fortune n'assument qu'une obligation de moyen lorsqu'ils apprécient l'opportunité de réaliser des placements pour leurs clients; qu'une certaine marge d'erreur doit leur être concédée, une mauvaise évaluation des risques ne constituant pas à elle seule une faute (D. Roger et M. Salmon, “Réflexions relatives à la responsabilité contractuelle des gérants de fortune et des conseillers en placements”, J.T. 1998, pp. 396 et 397);

Que le constat d'une moins-value n'emporte pas preuve d'une faute dans le chef du gestionnaire, et particulièrement dans un contexte de forte dégradation de l'ensemble des marchés financiers;

Attendu que la difficulté de critique du comportement des gestionnaires de fortune a été clairement mise en lumière par la sentence arbitrale du 29 mars 1996 (R.D.C. 1996, p. 1078):

“Attendu que 'les valeurs mobilières et autres produits financiers ne sont pas des produits simples. Les techniques juridiques auxquelles ils font appel sont complexes. Au surplus, ces produits se sont amplement diversifiés et démultipliés et les opérations sur le marché sont de spéculation difficile tant les causes de variation des cours sont multiples (qu'elles tiennent à l'internationalisation des mouvements ou à la variété des méthodes de gestion des comptes)” (note C. Ducouloux-Favard sous C.A. Paris 28 février 1994, Rec. Dall. Sir. 1994, p. 367);

Attendu qu'il s'agit d'une matière qui échappe à toute tentative de codification;

Qu'elle relève certes de la connaissance pratique et théorique d'un ou plusieurs marchés financiers, complétée par des analyses politiques, sociales et économiques;

Que, toutefois, la part subjective, dont l'intuition personnelle n'est pas exclue, peut être déterminante d'un choix financier;

Attendu qu'il n'est pas rare que certains placements, a priori aberrants, se soient révélés judicieux; que à l'opposé, des placements offrant toutes les apparences du succès se sont révélés, à terme, catastrophiques; attendu que le choix d'un titre boursier dépend de la performance qu'on en attend à long, moyen ou court terme et procède également d'une attitude à risques ou, au contraire, prudente;”

Attendu que parmi les orientations de base qui leur étaient offertes, les demandeurs ont délibérément opté pour le portefeuille présentant le risque le plus élevé; que le fait d'investir de 80 à 90% d'actions dans un “portefeuille 'actions' investi en actions et en liquidités et comprenant maximum 100% d'actions”, tel que choisi, ne peut être qualifié de fautif;

Que certes, ceci ne dispense pas le gestionnaire de fortune de préserver une certaine diversité au sein de ces actions; que les demandeurs reprochent à Fortis d'avoir donné la part trop belle aux valeurs les plus spéculatives, et particulièrement les valeurs dites TMT;

Attendu qu'il faut admettre que les plus-values que ces valeurs connaissaient jusqu'en 2000 étaient telles que la quasi-totalité des opérateurs financiers les intégraient alors dans leurs investissements, et particulièrement en cas de gestion à risque; que les demandeurs n'apportent aucun élément tendant à contredire l'affirmation de Fortis que ces actions TMT n'auraient jamais dépassé un seuil déraisonnable, les pièces déposées (pièce II 2.7. de Fortis) montrant une quotité variant de 27 à 35% entre décembre 2001 et août 2003; que cette proportion n'apparaît pas déraisonnable, fût-ce en tenant compte des pertes déjà enregistrées par ces valeurs en décembre 2001; que les coupures de presse versées au dossier des demandeurs, postérieures aux plus grosses chutes boursières, ne révèlent que des conseils d'ordre général qui n'ont pas valeur de recommandation interne contraignante pour les gestions de fortune;

Que s'il est aisé, a posteriori, de constater que les choix opérés étaient loin d'être judicieux, ce que Fortis reconnaît d'ailleurs (farde II, pièce 9 des demandeurs), il est difficile de remonter le cours du temps et d'affirmer que le comportement de Fortis était alors inconsidéré, et qu'elle se serait ainsi démarquée de l'attitude généralement adoptée à l'époque par les autres gestionnaires de fortune.

L'immobilisme et la passivité

Attendu que les demandeurs estiment que Fortis a fait preuve d'immobilisme ou de réactions tardives lors du changement des tendances du marché ainsi que lors de la diffusion d'informations préoccupantes relatives à certains titres;

Que les demandeurs souhaitent voir condamner la stratégie de la défenderesse du “buy and hold”, qu'ils n'auraient jamais acceptée; qu'ils auraient émis le souhait d'un horizon de placements à court terme ou à moyen terme;

Attendu que, pour mémoire, il était explicité dans l'annexe au contrat que l'investissement en actions, tel que celui librement choisi par les demandeurs, devait être considéré comme un placement à long terme (p. 13, point A, pièce 1.7. de Fortis);

Que les ventes et achats, ou leur absence, dénoncés par les demandeurs expliquent certes les pertes constatées; qu'une fois encore, le constat d'une perte n'emporte pas preuve d'une faute dans le chef du gestionnaire, et particulièrement dans un contexte de forte dégradation de l'ensemble des marchés financiers;

Qu'en ce qui concerne la stratégie adoptée par Fortis, celle-ci expose que la gestion devant être appréciée de façon globale et à long terme, elle n'a pas effectué beaucoup de changement au sein du portefeuille pendant les quelques mois catastrophiques au risque de détruire encore plus de valeurs;

Attendu que compte tenu de l'horizon de placement à long terme, et du pouvoir d'appréciation marginale dont dispose le tribunal, ne peut être qualifié de fautif le souci de ne pas acter les pertes enregistrées par certains titres, en réalisant ceux-ci sans avoir de réelles chances de récupérer ces pertes dans d'autres investissements, vu le contexte négatif général;

Que certes, l'on peut peut-être s'étonner que les parties n'aient pas convenu d'un seuil de pertes (“stop loss”); qu'il n'appartient cependant pas au tribunal d'y suppléer et de dire a posteriori à partir de quel moment tel ou tel titre aurait raisonnablement dû être cédé;

Qu'il n'est pas acquis qu'à l'époque des faits, une gestion plus active du portefeuille offrait nécessairement, aux yeux de tout professionnel, davantage de garanties de meilleurs résultats; que la faute de Fortis n'est pas avérée.

Quant au conflit d'intérêts

Attendu que les demandeurs estiment que Fortis a violé les articles 36 § 1er, 6° et 79 § 1er de la loi du 6 avril 1995 en acquérant des sicav d'actions qu'elle avait elle-même émises;

Attendu qu'en vertu de ces dispositions, les établissements de crédit offrant des services de gestion de fortune ne peuvent effectuer pour compte de leurs clients des opérations dans lesquelles ils ont un intérêt personnel et, de manière générale, doivent agir dans l'intérêt exclusif de ceux-ci; que l'on ne peut déduire de ces dispositions une interdiction générale et absolue d'acquérir le moindre instrument financier émis par le gestionnaire, lors même que cette acquisition relèverait de l'intérêt du client; que Fortis expose sans être contredite qu'à instrument de placement égal, l'investisseur tire généralement un plus grand profit à l'acquisition de parts de sicav promues par son gestionnaire qu'à l'acquisition de parts “tierces” (bonne connaissance présumée du titre par le gestionnaire, absence de droits de garde,...);

Qu'en l'occurrence, la proportion de sicavs promue par Fortis, qui est contestée, paraît peu relevante dès lors que les demandeurs ne prouvent, ni n'offrent de le faire, que l'acquisition de sicavs promues par d'autres organismes financiers auraient permis d'aboutir à un meilleur résultat; que le lien causal fait à tout le moins défaut.

(...)

Par ces motifs,

Le tribunal,

(...)

Déclare les demandes principales de la SA C. en liquidation et de C. V.P. recevables mais non fondées;

(...)