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Les actions en cessation, Collection: Commission Université-Palais (CUP), n° 87, Larcier, 2006, 480 p., e 64, R.D.C.-T.B.H., 2006/10, p. 1063-1064

J.-F. van Drooghenbroeck (coordination), Les actions en cessation, Collection: Commission Université-Palais (CUP), n° 87, Larcier, 2006, 480 p., € 64


Cet ouvrage collectif contient les neuf contributions suivantes:

1. À titre d'introduction, “Vers et pour une théorie générale du 'comme en référé': le point sur les questions transversales de compétence et de procédure”, par Christine Dalcq et Sophie Uhlig;

2. “Le point sur l'action en cessation en matière d'environnement”, par François Tulkens;

3. “Les actions en cessation en droit de la consommation”, par Jean-François Michel;

4. “Les procédures dérogatoires et accélérées en droit bancaire et financier”, par Xavier Taton;

5. “La procédure 'comme en référé' appliquée aux traitements de données”, par Jean Herveg;

6. “L'action en cessation en droit de la propriété intellectuelle”, par Véronique Delforge et Bernard Remiche;

7. “Le 'comme en référé' familial”, par Didier Pire;

8. “L'action en cessation de discriminations”, par Sébastien van Drooghenbroeck et Jean-François van Drooghenbroeck;

9. “La demande de diffusion d'une réponse dans la presse audiovisuelle (loi du 23 juin 1961). Questions de procédure”, par Jacques Englebert.

L'énumération chronologique, dans l'introduction, des vingt-neuf législations (lois et décrets) actuellement en vigueur qui, depuis 1962 jusqu'au 15 avril 2006, ont institué (ou maintenu, comme c'est le cas pour la LPCC du 14 juillet 1991) une action “comme en référé”, révèle de manière saisissante l'explosion du phénomène depuis 1991-1992.

Il est permis de penser que celui-ci n'est pas près de passer de mode. Déjà se pointe à l'horizon l'importante extension de cette action particulière par la transposition prochaine dans notre droit national de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Dans ces circonstances, on ne peut qu'apprécier la parution de cet ouvrage, qui de manière critique mais constructive, fait le point sur la situation actuelle.

Certaines des questions transversales de compétence et de procédure exposées dans l'introduction, ont le mérite d'interpeller le lecteur. Celui-ci ne pourra que constater que l'action comme en référé, bien que spécifique en raison de son caractère hybride, est largement ignorée du Code judiciaire. Ceci a pour conséquence que, sur bien de ces points, le “comme en référé” se trouve en quelque sorte entre les deux chaises que sont l'action ordinaire au fond et le référé de droit commun. De cette situation d'inadaptation surgit un conflit entre l'application de la règle et la finalité du “comme en référé”, qui entraîne à son tour un conflit entre la stricte observance de la règle et le bon sens, le tout aboutissant à des opinions doctrinales et jurisprudentielles divergentes dont aucune ne réussit à faire l'unanimité.

Compte tenu de cela et de l'accroissement du nombre des actions comme en référé dans les domaines les plus divers, conférant compétence exclusive mais limitée à l'une ou l'autre juridiction, on ne peut que souscrire au souhait formulé en synthèse par les auteurs de l'introduction de voir le législateur insérer dans le droit commun de la procédure, les dérogations aux règles existantes que requiert toute action comme en référé. Il en est ainsi, par exemple, de la mise au rôle (rôle général ou rôle des référés?) et des conflits de compétence, notamment dans les cas de demandes introduites simultanément.

L'idée de grouper par thèmes les différentes législations instituant une action comme en référé et de réunir dans un seul volume les contributions de spécialistes de haut niveau dans chacun de ces thèmes doit en tout cas être applaudie.

Toutes les contributions thématiques sont bien structurées. Après une introduction replaçant la loi ou le décret dans son contexte, on trouve dans chacune d'elles et pour chacune des législations intéressant le thème traité, un exposé critique, minutieusement détaillé et abondamment documenté, non seulement des différents éléments de forme et de fond, parfois surprenants, de l'action “comme en référé” instituée (compétence matérielle, compétence territoriale, personnes habilitées à introduire l'action, manières et délais éventuels pour ce faire, effets de la décision, etc.), mais aussi d'éléments plus adventices (formulations erronées ou équivoques dans l'acte introductif, questions préjudicielles, demandes multiples, concours d'actions, régime de la preuve, communication au ministère public, etc.).

D'autre part, chacune de ces contributions a aussi le mérite d'interpeller le lecteur sur certaines questions de fond ou de procédure, surtout lorsque les opinions émises sur une même question diffèrent d'une contribution à l'autre.

L'ouvrage donne ainsi au lecteur une vue panoramique de ces procédures accélérées, lui faisant partager la perplexité exprimée par ses auteurs.

De plus, sauf le cas exceptionnel où la législation analysée renvoie à l'action en cessation d'actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale, première-née du genre puisqu'elle remonte à l'arrêté royal n° 55 du 23 décembre 1934, les contributions thématiques révèlent que toutes ces actions “comme en référé” diffèrent l'une de l'autre et que la méconnaissance de détails qui leur sont propres peut être fatale à l'action introduite.

En illustrant comme il le fait la disparité de ces procédures en dépit de leur finalité commune, qui est d'assurer la célérité de l'issue de procès indépendamment de leur urgence réelle, ce livre atteint l'objectif qu'il s'est assigné de prémunir autant que faire se peut le justiciable contre les écueils de l'aventure procédurale et kafkaïenne qu'il envisage d'entreprendre pour obtenir la protection que lui offre telle législation.

Pour le surplus, il faut espérer aussi que cet ouvrage contribue à ce que soit résolu “le désordre certain”, comme l'écrivent C. Dalcq et S. Uhlig, qui règne actuellement dans le domaine du “comme en référé”, ce qui reviendrait en somme à résoudre le paradoxe d'un droit normatif sauvage voire anarchique.