Tribunal de première instance de Verviers 4 juin 2002
ASSURANCE
Contrat d'assurance-vie - Délai de prescription - Étendue des obligations de l'assureur - Délivrance des documents
L'article 34 § 1 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre vise une action fondée sur un droit qu'une partie à un contrat d'assurance y trouve et dont elle entend se prévaloir à l'égard de l'autre. Tel est assurément le cas d'une action qui vise à déterminer l'étendue exacte des obligations de l'assureur à la suite de divers avenants ou modifications intervenus entre parties depuis plusieurs années.
L'assureur est condamné à délivrer tous documents adéquats de manière à permettre à l'assuré d'établir la cause et la réalité des primes d'assurance qu'elle lui a payées dans le cadre de sa déclaration fiscale et de les y joindre sous peine d'une astreinte.
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VERZEKERING
Levensverzekeringsovereenkomst - Verjaringstermijn - Verplichtingen van de verzekeraar - Afgifte van documenten
Artikel 34 § 1 van de wet van 25 juni 1992 op de Landverzekeringsovereenkomst is van toepassing op een rechtsvordering op basis van een recht dat een partij bij een verzekeringsovereenkomst uit deze overeenkomst put en waarop zij zich tegenover de ander wil beroepen. Dit is zeker het geval wanneer een rechtsvordering wordt ingesteld om de juiste draagwijdte van de verplichtingen van de verzekeraar te bepalen ten gevolge van verschillende bijvoegsels en wijzigingen tussen partijen overeengekomen gedurende meerdere jaren.
De verzekeraar wordt veroordeeld tot de afgifte van de documenten die de verzekerde nodig heeft voor het bewijs van de oorzaak en de echtheid van de betaalde verzekeringspremies in het kader van zijn fiscale aangifte op straffe van een dwangsom.
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SPRL Gille / SA Swiss Life Belgium
Siég.: B. Jacquet (juge unique) |
Mes J.-P. Bruyere, Ch. Botteman et J.-L. Fagnart, F. Longfils |
(...)
I. | Les faits |
Le 8 novembre 1978, la demanderesse a souscrit auprès de la compagnie d'assurances Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine (aujourd'hui la défenderesse) deux contrats d'assurance “dirigeant d'entreprise” pour ses administrateurs G.C. (contrat portant le numéro 7.053.464) et G.G. (contrat portant le numéro 7.053.465);
II. | Objet de l'action |
La demanderesse explique que son choix de contracter avec la défenderesse fut guidé à la fois par le caractère très libéral et favorable aux assurés qu'elle trouvait dans les conditions générales qui lui étaient proposées et par le rendement financier (qu'elle qualifie d'exceptionnel) que les polices souscrites offraient en raison du mécanisme de la revalorisation des primes et des capitaux des assurances individuelles sur la vie; elle explique que le mécanisme de la revalorisation implique que la part d'excédent de bénéfices soit affectée à la revalorisation de l'assurance: toutes les prestations et les primes augmentent chaque année de façon parallèle et linéaire d'après le taux fixé pour la revalorisation sans, cependant, qu'aucun versement complémentaire ne soit demandé pour les primes échues antérieurement, celles-ci étant complétées par la participation aux bénéfices;
Elle considère que, en 1986, la défenderesse a mis fin unilatéralement au système de la revalorisation, alors, cependant, qu'il n'était pas condamné par l'Office de Contrôle des Assurances (O.C.A.) et sans qu'elle (la demanderesse) n'ait marqué son accord quant au remplacement de ce système par celui de la péréquation;
Par son action, la demanderesse postule:
- que soit constatée à son préjudice la violation par la défenderesse du principe de la convention-loi contenue dans l'article 1134 du Code civil:
- en 1986, lors de l'abandon unilatéral du système de revalorisation des primes et des capitaux d'assurance;
- en 1993, lors de la modification unilatérale des conditions générales d'assurances;
- la condamnation de la défenderesse à appliquer:
- les conditions générales contractuelles datant de 1969 aux deux contrats d'assurance “dirigeant d'entreprise” qu'elle a conclus pour ses administrateurs G.C. (contrat portant le numéro 7.053.464) et G.G. (contrat portant le numéro 7.053.465);
- les conditions générales contractuelles datant de 1986 aux contrats d'assurance groupe n° 4492/01;
sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement;
- la condamnation de la défenderesse à lui rembourser l'excédent des primes perçu, à déterminer à dires d'expert;
- la désignation d'un expert actuaire dont la mission est libellée en termes de conclusions principales;
- la condamnation de la défenderesse à inclure dans les prestations d'assurances découlant des contrats portant les numéros 7.053.464, 7.053.465 et 4492/1 le montant des participations bénéficiaires acquises par la SPRL Gille depuis le 1er janvier 1994;
- la condamnation de la défenderesse à lui délivrer les attestations fiscales relatives aux primes versées lors des exercices 1999 et 2000, sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard à partir de la signification du présent jugement.
III. | Discussion |
Attendu qu'il ressort des pièces produites et des explications fournies par les parties que:
- le mécanisme d'assurance “dirigeant d'entreprise” prévoit, d'une part, en faveur de la demanderesse, qui est à la fois preneur d'assurance et bénéficiaire de celle-ci, la prestation d'assurance soit avant l'échéance du contrat en cas de décès de l'administrateur (tête assurée) soit à l'échéance dudit contrat en cas de survie dudit administrateur et, d'autre part, en parallèle, une promesse de pension contractuellement prévue entre la demanderesse et l'administrateur couvert, promesse en vertu de laquelle la société s'engage à verser à l'administrateur ou à ses héritiers la prestation d'assurance;
- le 8 novembre 1978, la demanderesse a souscrit auprès de la défenderesse deux contrats d'assurance “dirigeant d'entreprise” pour ses administrateurs G.C. (contrat portant le numéro 7.053.464) et G.G. (contrat portant le numéro 7.053.465); à cette époque, les conditions générales applicables datent de 1969; depuis le 1er octobre 1992, l'aspect “épargne” - relatif au risque de survie de la tête assurée à l'échéance du contrat - est couvert par deux nouveaux contrats d'assurance groupe portant les numéros 4492/01;
- à chacun des contrats d'assurance “dirigeant d'entreprise” sont jointes plusieurs assurances additionnelles: assurance en cas de décès de la tête assurée avant le 1er octobre 2015, assurance couvrant le risque d'invalidité de la tête assurée et assurance couvrant le risque d'hospitalisation de la tête assurée;
- en juin 1980 et en septembre 1984, les montants des garanties et donc des primes des deux contrats souscrits en faveur de chaque administrateur furent revus à la hausse par le biais d'avenants.
1. | De la prescription |
Attendu que l'article 34 § 1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurances terrestres dispose: “Le délai de prescription de toute action dérivant du contrat d'assurance est de trois ans. (...) le délai court à partir du jour de l'événement qui donne ouverture à l'action. (...)”;
Que force est de constater que le libellé assez vague utilisé par le législateur (qui l'avait d'ailleurs déjà utilisé en son article 32 de la loi de 1874 sur les assurances) vise une action fondée sur un droit qu'une partie à un contrat d'assurance y trouve et dont elle entend se prévaloir à l'égard de l'autre;
Que tel est assurément le cas d'une action qui vise à déterminer l'étendue exacte des obligations de l'assureur à la suite de divers avenants ou modifications intervenus entre parties depuis plusieurs années (voy. M. Houben, “La prescription et le contrat d'assurance”, in Formation Permanente CUP, vol. XXIII, avril 1998, p. 111, nos 44 et s.);
Attendu que l'article 34 § 1er alinéa 2 de la même loi du 25 juin 1992 dispose que “Le délai court à partir du jour de l'événement qui donne ouverture à l'action. Toutefois, lorsque celui à qui appartient l'action prouve qu'il n'a eu connaissance de cet événement qu'à une date ultérieure, le délai ne commence à courir qu'à cette date sans pouvoir excéder cinq ans à dater de l'événement, le cas de fraude excepté.”;
Que force est de relever, en l'espèce, que les événements dont la demanderesse se prévaut sont antérieurs de plus de cinq ans au moment de l'introduction de la présente procédure;
Que reste à envisager l'hypothèse de la fraude, laquelle n'est toutefois pas rapportée à suffisance de droit par la demanderesse en l'occurrence; qu'en effet, ses administrateurs (qui sont les têtes assurées) n'ont jamais critiqué le nouveau système mis en place par la défenderesse, du moins pas avant la mise en demeure adressée le 19 avril 2000 par le conseil de la demanderesse, quelle mise en demeure fit suite à des récriminations que les administrateurs de la demanderesse ont adressées à la défenderesse en des courriers datés du 10 novembre 1999 et qui n'avaient pour seul objet que de contester la bonne application de la clause de péréquation;
Que les prétentions articulées par la demanderesse quant au remboursement d'un excédent de primes qu'elle considère avoir payées indûment doivent également être considérées comme prescrites dès lors qu'elles ne visent pas, par exemple, des primes d'assurances qui auraient été payées pour une même période à deux reprises par erreur mais concernent, au contraire, des montants qui ne lui seraient dus que s'il était fait droit à sa demande d'application du mécanisme de la revalorisation et dont l'importance varierait en fonction de la mesure dans laquelle elle serait déclarée fondée; que les montants qui sont ainsi réclamés dépendent donc du sort qui devrait être réservé à une demande qui est aujourd'hui prescrite;
Que, partant, il n'y a donc pas lieu de faire droit non plus à la demande d'expertise sollicitée, celle-ci étant sans objet et donc dépourvue d'intérêt;
Attendu, par contre, que l'action de la demanderesse n'est pas prescrite en ce qu'elle concerne:
- l'impact du paiement fractionné des primes d'assurances;
- la délivrance d'attestations fiscales relatives aux années 1999, 2000 et 2001.
2. | De l'impact du paiement fractionné des primes et de la délivrance d'attestations fiscales |
Attendu qu'il ressort des pièces produites par la demanderesse (sous-farde II, pièces 11 et 12), que les primes ont été payées par fractionnements mensuels avec majoration de 3% alors même que plus aucun montant ne fut réclamé à ce titre par la défenderesse, de sorte que l'on ne peut considérer que les contrats existant entre parties ont été mis en réduction puisqu'il ne s'agit pas là de paiements partiels mais, au contraire, de paiements étalés dans le temps;
Qu'il appartient donc à la défenderesse de faire parvenir à la demanderesse tous documents adéquats (avis d'échéance, quittances, attestations fiscales,...) de manière à permettre à celle-ci d'établir la cause et la réalité de la dépense exposée dans le cadre de sa déclaration fiscale et de les y joindre;
Qu'il apparaît que la défenderesse s'est distinguée par sa carence, nonobstant les réclamations qui lui furent formulées (notamment par courriers du 20 mars 2001 - dossier de la demanderesse, sous-farde II, pièces 22 et 22');
Que, dès lors, la condamnation mise à charge de la défenderesse sera prononcée sous peine d'une astreinte ainsi qu'il sera dit au dispositif ci-après;
Que, dans ces conditions, il ne s'indique pas d'accorder des réserves fiscales en faveur de la demanderesse ni, dès lors, de renvoyer au rôle pour le surplus, les dépens non liquidés étant réservés d'office (art. 1021 al. 2 C.jud.);
Par ces motifs:
Le tribunal,
Statuant contradictoirement,
Écartant comme non fondées toutes conclusions, autres, plus amples ou contraires,
Reçoit l'action et la déclare partiellement fondée;
Condamne la défenderesse à délivrer à la demanderesse dans les trente jours à dater de la signification du présent jugement tous documents adéquats (avis d'échéance, quittances, attestations fiscales,...) de manière à permettre à celle-ci d'établir la cause et la réalité des primes d'assurance qu'elle lui a payées dans le cadre de sa déclaration fiscale et de les y joindre sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du trente et unième jour suivant ladite signification;
Condamne la défenderesse à la moitié des dépens non liquidés dans le chef des parties et la demanderesse à l'autre moitié desdits dépens;
Déboute la demanderesse du surplus de ses prétentions.
(...)