Cour d'appel de Bruxelles 14 octobre 2004
POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS
Décisions de l'Institut belge des Services Postaux et des Télécommunications - Recours - Cour d'appel de Bruxelles - Recours de pleine juridiction - Compétence
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POST EN TELECOMMUNICATIE
Beslissingen van het Belgisch Instituut voor postdiensten en telecommunicatie - Beroep - Hof van Beroep te Brussel - Volledige toegang tot de rechtsmacht - Bevoegdheid
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Mobistar / Institut belge des Services Postaux et des Télécommunications, SA Belgacom Mobile et SA Base
Siég.: C. Schurmans (conseiller ff. président), H. Mackelbert (conseiller) et S. Dufrène (conseiller suppléant) |
Pl.: Mes Y. Van Gerven, A. Vallery, F. Louis et S. Depré, D. Van Liedekerke, A. Verheyden, Y. Desmedt |
I. | Antécédents de la procédure |
1. Par requête déposée le 21 octobre 2003 au greffe de la cour, Mobistar a formé un recours contre la décision du Conseil de l'IBPT du 16 septembre 2003 concernant les coûts d'établissement par numéro mobile porté pour la période du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2005, notifiée le 22 septembre 2003.
Aux termes de sa requête, le recours est dirigé contre l'IBPT, Belgacom Mobile et Base.
(...)
Dans ses conclusions déposées le 2 février 2004, Belgacom Mobile indique qu'elle introduit pour autant que de besoin, un appel ou un recours incident, en invitant la cour à réformer la décision attaquée.
(...)
II. | Les parties |
3. Les sociétés Belgacom Mobile, Mobistar et Proximus offrent des services de télécommunications mobiles.
(...)
4. L'IBPT, autorité administrative, est une autorité réglementaire nationale au sens de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communication électroniques (directive "cadre"), publiée le 24 avril 2002, chargée d'exercer partie des tâches de réglementation assignées dans cette directive et dans les directives particulières.
(...)
IV. | L'acte attaqué |
13. Le Conseil de l'IBPT a fixé les coûts d'établissement par numéro mobile transféré avec succès à 3,86 euros pour une installation simple et à 23,41 euros pour une installation complexe et ce, pour une période de trois ans allant du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2005.
La décision du 16 septembre 2003 est libellée comme suit:
"1. L'article 19 de l'arrêté royal relatif à la portabilité des numéros des utilisateurs finals des services de télécommunications mobiles offerts au public du 23 septembre 2002 stipule que les coûts d'établissement par ligne ou par numéro sont fixés par l'Institut sur la base des coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace. Les montants fixés par l'Institut à cet effet sont orientés en fonction des coûts. En outre, seuls les coûts du portage des numéros vers des opérateurs externes sont pris en considération.
2. Conformément aux décisions du STC (Steering Committee) NPTF MOB du 27 janvier et du 27 février 2003, le coût est fixé aussi bien pour 1) un transfert simple que pour un transfert complexe (voir les définitions de l'article 11 de l'A.R. susmentionné) et 2) par numéro transféré avec succès.
3. L'IBPT a consulté les opérateurs mobiles Base, Mobistar et Proximus par un courrier du 24 mars 2003. C'est sur cette base que la concertation bilatérale avec tous les opérateurs concernés a été poursuivie.
4. L'Institut a fixé le coût d'établissement sur la base du concept de `coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace' inscrit dans l'A.R. susvisé. L'Institut souligne que `efficace' ne coïncide pas par définition avec le coût le moins élevé, mais doit plutôt être considéré comme étant compétitif au sein du groupe d'environnements comparables. Lors de l'élaboration du modèle de coûts, l'on a tenté d'utiliser le plus possible une méthodologie `bottom-up'. À cet effet, l'on s'est basé sur un modèle le plus indépendant possible des entreprises reflétant le plus précisément possible la réalité de celles-ci, tout en vérifiant pour chaque support de coût dans quelle mesure son importance dépend du contexte spécifique de l'opérateur. Seuls les éléments pouvant être justifiés objectivement et tenant directement compte de la portabilité du numéro ont été pris en considération pour la fixation du coût. En principe seul un coût applicable à tous les opérateurs GSM est obtenu sur la base de cette méthodologie. Cette méthode a pour avantage que les opérateurs offrant une portabilité du numéro mobile efficace ne sont pas lésés par rapport aux opérateurs moins efficaces, ce qui serait effectivement le cas si l'on optait pour un modèle où les opérateurs GSM pourraient facturer tous leurs coûts à leurs concurrents.
5. Le coût total de portage de numéros est calculé sur la base des coûts opérationnels annuels liés à l'investissement dans la propre plate-forme TI reliée au CBRC (Centre de la Banque de données de référence centrale), majorés des coûts supplémentaires en matière de personnel afin de traiter les demandes (traitement manuel et interventions) qui s'ajoutent aux coûts normaux pour clôturer un numéro. La moitié de ces coûts, à l'exception des coûts pertinents en matière de personnel pouvant être liés au traitement de demandes, sont attribués au portage de numéros mobiles. De plus, l'Institut s'est basé sur la supposition que les installations complexes prennent 85% des coûts de traitement pour leur compte. Il est important de noter que les coûts d'investissement n'ont pas été portés en compte car selon l'article 21, chaque opérateur mobile doit supporter lui-même l'investissement dans la propre plate-forme TI.
6. Pour le calcul, l'on suppose que chaque opérateur mobile transfère par année calendrier 43.000 numéros appartenant à des installations simples et 28.000 numéros appartenant à des installations complexes vers un autre opérateur mobile. Ce nombre total de numéros portés a été calculé sur la base des chiffres réels pour la période du 1er octobre 2002 au 13 août 2003 également dans l'hypothèse que l'opérateur mobile théorique prend 1/3 de ces transferts de numéros à son compte.
7. Les coûts d'établissement par numéro transféré avec succès sont calculés sur la base du modèle décrit ci-dessus à l'aide de valeurs moyennes des données de coûts transmises par les trois opérateurs GSM dans la consultation écrite, après la suppression des coûts non pertinents par l'IBPT.
8. Sur la base des hypothèses précédentes, le coût d'établissement par numéro mobile transféré avec succès s'élève à 3,86 euros pour une installation simple et à 23,41 euros pour une installation complexe pour la période du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2005.
9. Si les hypothèses utilisées devaient faire l'objet de modifications importantes avant le 1er octobre 2005, l'Institut belge des Services Postaux et des Télécommunications pourrait procéder à une révision des coûts."
14. Il y a lieu d'observer d'emblée que la décision attaquée a un effet rétroactif. La date choisie par l'IBPT correspond à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 23 septembre 2002.
15. L'IBPT produit la proposition de décision qu'un membre de l'IBPT a adressée au Conseil de l'IBPT en date du 12 septembre 2003, et ses annexes: un modèle théorique de détermination du coût d'établissement par numéro mobile porté et une synthèse des points de vue et observations des différents opérateurs.
Dans un premier temps, l'intégralité des données chiffrées y figurant ont été masquées. Mobistar ayant décidé de lever la confidentialité sur les données qu'elle a communiquées à l'IBPT, l'IBPT a produit en un second temps une nouvelle version des documents, en rendant lisibles les seules informations relatives à Mobistar.
(...)
VI. | Les demandes |
A. | La demande de Mobistar |
19. Aux termes de ses conclusions de synthèse déposées le 3 mai 2004, Mobistar conclut qu'il plaise à la cour:
- ordonner, en application de l'article 877 du Code judiciaire, à l'IBPT de produire l'ensemble des pièces de son dossier dans leur version complète, à l'exception des informations précises et chiffrées provenant directement des opérateurs mobiles et leur appartenant, et que ceux-ci auraient expressément désignées en tant que confidentielles et, en toute hypothèse, produire une version complète du modèle théorique annexé à la pièce 24 du dossier de l'IBPT;
- constater que la décision attaquée est illégale et à tout le moins manque en fait,
- mettre à néant la décision de l'IBPT et
à titre principal, fixer les coûts d'établissement par ligne ou par numéro engendrés suite au transfert d'un ou de plusieurs numéros mobiles sur la base des coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace et de manière à ce qu'ils soient orientés en fonction des coûts;
à titre subsidiaire, constater, le cas échéant, les carences de l'enquête effectuée par l'IBPT et, par conséquent, constater qu'elle n'est pas en mesure de fixer lesdits coûts conformément aux articles 19 et 20 de l'arrêté royal du 23 septembre 2002;
à titre plus subsidiaire encore, dans l'hypothèse où la cour devrait considérer qu'il convient de suspendre l'examen du présent recours dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'État sur le recours de Base tendant à l'annulation de l'article 19 de l'arrêté royal du 23 septembre 2002, ordonner à titre de mesure provisoire, la suspension de la décision attaquée jusqu'à ce que la cour se soit prononcée sur les conséquences pour la présente procédure de l'arrêt du Conseil d'État, une fois celui-ci intervenu;
- condamner l'IBPT aux dépens de l'instance en ce compris l'indemnité de procédure.
B. | La demande de Belgacom Mobile |
20. Belgacom Mobile conclut au rejet du recours de Mobistar et à ce qu'il plaise à la cour:
- mettre la décision attaquée à néant; et
- fixer les coûts d'établissement par ligne ou par numéro porté à 16,34 euros par numéro pour les transferts simples et à 37,29 euros pour les transferts complexes pour la période du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2005;
- condamner l'IBPT aux dépens.
C. | La demande de Base |
21. Base conclut au bien-fondé du recours de Mobistar et au rejet de la demande de Belgacom Mobile.
Elle prie la cour de dire pour droit que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle a été adoptée en application de l'arrêté royal du 23 septembre 2002 relatif à la portabilité des numéros des utilisateurs finals des services de télécommunications mobiles offerts au public, et en conséquence de l'annuler.
À titre subsidiaire, elle demande à la cour de poser la question suivante à la Cour de justice des Communautés européennes:
"Est-ce que le principe d'orientation sur les coûts tel que prévu à l'article 30 alinéa 2 de la directive 2002/22/EC du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communication électroniques, requiert que les tarifs orientés sur les coûts soient basés sur une analyse des coûts réels des opérateurs régulés en question et peut-il contraindre des opérateurs à appliquer des tarifs qui ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts réels?".
VII. | Discussion |
A. | À titre liminaire, sur l'objet et la nature de l'acte attaqué et sur la compétence de la cour de connaître du recours |
22. Avant d'examiner les différents moyens présentés par les parties, il importe de déterminer l'objet de la décision déférée au contrôle de la cour et la nature de l'intervention de l'IBPT dans la présente affaire.
L'acte attaqué répond à la notion de loi entendue dans un sens matériel. En fixant le montant des coûts de portage d'un numéro mobile, l'IBPT a exercé une compétence réglementaire que le législateur lui a donnée aux termes de l'article 105bis alinéa treize, dernière phrase de la loi du 21 mars 1991 - du moins dans l'interprétation donnée à cette disposition par l'arrêté royal du 23 septembre 2002 -, et énoncé une norme juridique de caractère général et obligatoire qui vaut pour tous les cas de portage d'un numéro mobile.
Il résulte en effet des dispositions de l'arrêté royal susmentionné que l'opérateur donneur se voit reconnaître le droit d'exiger de l'opérateur receveur le remboursement des coûts de portage fixés par l'IBPT, de sorte qu'en procédant au calcul desdits coûts, l'IBPT a fixé pour le service un prix général en valeur absolue destiné à couvrir les coûts encourus par l'opérateur donneur qui sont à charge de l'opérateur receveur.
23. L'article 2 de la loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 sur le statut du régulateur des postes et télécommunications belges, entrée en vigueur le 23 avril 2003, confère à la cour la compétence de connaître des recours contre les "décisions" de l'IBPT. Il s'agit, selon la même disposition, d'un recours de pleine juridiction.
Il ne résulte ni des termes de cette disposition ni des travaux préparatoires que le législateur n'aurait visé que les décisions individuelles de l'IBPT, dépourvues de contenu normatif.
Il a été indiqué au cours des travaux préparatoires de la loi que "la compétence générale du Conseil d'État de connaître des recours en annulation contre les décisions administratives s'efface donc ici devant la volonté du législateur de la confier à la cour d'appel de Bruxelles" (Doc. 50 1937/001).
Par ailleurs, la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 (directive "cadre") énonce en son article 4 § 1, en ce qui concerne le droit de recours:
"Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté(e) par une décision prise par une autorité réglementaire nationale, d'introduire un recours auprès d'un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d'exercer ses fonctions. Les États membres veillent à ce que le fond de l'affaire soit dûment pris en considération et à ce qu'il existe un mécanisme de recours efficace. Dans l'attente de l'issue de la procédure, la décision de l'autorité réglementaire nationale est maintenue, sauf si l'organisme de recours en décide autrement."
Il ressort des dispositions de cette directive et des directives particulières que les mécanismes de recours doivent être mis en place pour toute décision des autorités réglementaires nationales prises dans le cadre des "tâches réglementaires" qui leur sont assignées, ces mots désignant toute intervention de l'autorité administrative, qu'elle consiste en une mesure générale et abstraite, ou en une décision particulière.
Il y a donc lieu de considérer qu'à défaut de dispositions dans la loi du 17 janvier 2003 limitant le pouvoir de juridiction de la cour aux seules décisions individuelles, le recours devant la cour d'appel de Bruxelles est ouvert contre toute décision de l'IBPT, quelle que soit sa nature, susceptible d'affecter les intérêts des utilisateurs ou ceux des opérateurs.
La compétence de la cour n'est d'ailleurs contestée par aucune des parties.
B. | Sur la recevabilité du recours de Mobistar |
1. Sur le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut d'urgence, présenté par l'IBPT |
24. L'IBPT invoque l'irrecevabilité du recours de Mobistar en faisant valoir le défaut d'urgence. L'Institut déduit le défaut d'urgence du fait que Mobistar aurait tardé à former son recours alors que, selon l'Institut, en énonçant que la cour statue comme en référé, l'article 2 § 1er de la loi du 17 janvier 2003 aurait pour effet de priver les intéressés de la possibilité d'introduire un recours s'ils n'agissent pas avec célérité.
25. Le moyen manque en droit. En précisant que la cour statue comme en référé, le législateur a entendu renforcer l'efficacité du recours, conformément à l'obligation qui pèse sur les États membres de mettre en place des mécanismes de recours efficaces en vertu de l'article 4 de la directive 2002/21/CE (directive "cadre"), et non introduire une cause de déchéance du droit d'agir en justice.
2. Sur le moyen de l'IBPT tiré du fait que Mobistar ne fournit pas les éléments permettant à la cour de fixer les coûts de portage |
26. Se fondant sur l'article 2 § 1er de la loi du 17 janvier 2003 qui attribue à la cour une compétence de pleine juridiction, l'IBPT soutient que le législateur aurait non seulement conféré à la cour le pouvoir de réformer l'acte attaqué quelle que soit la nature de l'intervention de l'IBPT, mais également exclu que la cour puisse se limiter à examiner la légalité de l'acte attaqué.
La recevabilité du recours serait donc subordonnée à la production par la partie requérante d'éléments permettant à la cour de substituer sa propre décision à celle de l'IBPT.
L'IBPT observe que Mobistar ne produit pas les éléments qui permettraient à la cour de calculer les coûts de portage en appliquant la méthode de calcul de ces coûts décrite à l'article 19 de l'arrêté royal du 23 septembre 2002 relatif à la portabilité du numéro mobile et qu'elle ne formule aucune proposition alternative quant à la fixation de ces coûts.
Selon l'Institut, cette seule constatation entraînerait l'irrecevabilité du recours, la cour n'étant pas compétente pour prononcer un arrêt d'annulation.
27. En dotant la cour d'une compétence de pleine juridiction, le législateur a entendu lui donner des pouvoirs bien plus étendus que ceux qui sont reconnus au juge dans le contentieux de l'annulation. Il n'a en revanche nullement privé la cour de la possibilité de prononcer un arrêt d'annulation de l'acte entaché d'illégalité dans l'hypothèse où celle-ci devrait constater une impossibilité, en fait ou en droit, de substituer sa propre décision à la décision entachée d'illégalité.
En décider autrement reviendrait à priver le justiciable de toute protection contre les interventions de l'IBPT notamment dans l'hypothèse où l'acte attaqué de l'IBPT a pour objet d'énoncer une règle de droit générale et abstraite. Il n'entre en effet pas dans les attributions de la cour d'édicter une norme de droit.
Il appartient par contre à la cour de vérifier, le cas échéant d'office, la légalité de la base juridique de l'acte normatif attaqué au jour où il a été pris, sa conformité aux règles de droit européen et de se limiter à annuler l'acte si elle devait constater que celui-ci est dépourvu de base juridique, qu'il se fonde sur une base juridique illégale ou à en écarter les effets s'il est en contradiction avec une règle de droit européen.
Le droit d'agir du requérant ne saurait donc dépendre du fait que la cour constate préalablement que les conditions d'une réformation de la décision de l'IBPT sont réunies.
Le moyen n'est dès lors pas fondé.
(...)
C. | Sur la légalité de la base juridique sur laquelle repose l'acte attaqué |
(...)
2. Appréciation de la cour |
- Sur les effets de droit de la décision de l'IBPT fixant le coût d'établissement par numéro porté avec succès
35. Il convient de constater d'abord que les parties s'entendent quant aux effets de droit qu'il y a lieu d'attacher à la décision attaquée à la lumière des dispositions de l'arrêté royal du 23 septembre 2002 sur la portabilité du numéro mobile.
Ceux-ci peuvent être analysés comme suit:
1° la décision attaquée n'empêche pas les opérateurs de négocier un prix plus bas;
(...)
2° la décision fait obstacle à l'application d'un prix supérieur aux montants fixés par l'IBPT;
(...)
3° l'opérateur donneur a le droit d'exiger le paiement des montants fixés par l'IBPT quels que soient les coûts réellement engagés;
(...)
4° l'IBPT ne doit pas veiller à ce que la tarification appliquée par l'opérateur donneur pour l'exécution des demandes de portage soit orientée en fonction des coûts.
(...)
Comme l'indique l'État belge dans son mémoire en réponse devant le Conseil d'État, cette mesure est plus contraignante qu'une obligation d'orientation des prix en fonction des coûts dès lors qu'elle peut avoir pour effet qu'un opérateur ne puisse pas récupérer les coûts réellement engagés pour exécuter, en qualité d'opérateur donneur, les demandes de portage. Elle peut en outre avoir pour effet de contraindre même un opérateur efficace à fournir le service à perte, le coût moyen d'un service étant fonction d'une série d'éléments objectifs tels que sa position sur le marché, le volume des opérations ou du trafic, la phase de déploiement des investissements, leur importance, etc.
Par ailleurs, cette mesure restreint l'autonomie de la volonté de tous les opérateurs, y compris les opérateurs qui ne sont pas puissants sur le marché.
- Sur la possibilité laissée aux États membres de restreindre l'autonomie de la volonté des opérateurs en ce qui concerne les conditions commerciales du transfert d'un numéro mobile
37. La directive 97/33/CE (directive "ONP") énumérait une série d'obligations qui s'imposaient aux entreprises puissantes sur le marché, notamment en ce qui concerne la transparence, la non-discrimination, la séparation comptable, l'accès et le contrôle des prix.
Il se déduit de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 décembre 2001 (C.J.C.E. 13 décembre 2001, C-79/00, Rec.jur. 2001, p. I-10075) que les dispositions qui énoncent les obligations susceptibles d'être imposées aux opérateurs puissants sur le marché, devaient être interprétées en ce sens qu'elles ne s'opposaient pas à ce que les États membres permettent aux autorités réglementaires nationales d'imposer ex ante à un opérateur qui est puissant sur le marché des obligations autres que celles qui étaient prévues dans la directive ou de fixer ex ante des conditions dans les domaines autres que ceux énumérés par la première partie de l'annexe VII de la directive qui concerne le cadre de négociation des accords relatifs à l'interconnexion, du moins quand cela apparaît nécessaire afin de faciliter l'introduction de la concurrence et de promouvoir les intérêts des utilisateurs.
Il ne se déduit cependant ni des dispositions de la directive "ONP" ni de la jurisprudence de la Cour que les États membres étaient habilités à adopter des mesures visant à restreindre l'autonomie de la volonté des opérateurs autres que les opérateurs puissants sur le marché, en prévoyant des mesures allant au-delà de celles que le législateur européen avait prévues en ce qui concerne l'ensemble des opérateurs.
Au nombre de ces dernières figure l'obligation de fournir le service de portabilité en respectant une tarification raisonnable, mais qui ne s'appliquait pas aux services de téléphonie mobile.
Le cinquième considérant de la directive 97/33/CE (ONP) du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion énonce que "les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public sur l'ensemble ou sur une partie du territoire de la Communauté doivent être libres de négocier des accords d'interconnexion sur une base commerciale dans le respect du droit communautaire, sous réserve de la supervision et, le cas échéant, de l'intervention des autorités réglementaires nationales."
L'article 3 de la directive dispose que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer les éventuelles restrictions qui empêchent lesdits organismes de négocier entre eux des accords d'interconnexion conformément à la législation communautaire. Suivant cette disposition, les modalités techniques et commerciales d'interconnexion font l'objet d'un accord entre les parties concernées. Selon l'annexe VII de la directive, les questions relatives à la portabilité du numéro font partie du cadre de négociation des accords relatifs à l'interconnexion.
L'article 9 § 2 de la directive qui confère aux autorités réglementaires nationales la mission de fixer des conditions d'interconnexion ex ante et le douzième considérant de cette directive, qui énonce que "la négociation d'accords d'interconnexion peut être facilitée si les autorités réglementaires nationales fixent préalablement certaines conditions, conformément au droit communautaire, en tenant compte des recommandations définies par la Commission en vue de faciliter le développement d'un véritable `marché domestique' européen et déterminent quels autres domaines doivent être couverts par les accords d'interconnexion", ne permettent nullement de conclure à la possibilité de soumettre le service qui consiste à exécuter une demande de portage à un prix commun à tous les opérateurs en limitant ainsi la liberté de négociation des opérateurs non puissants.
38. Le cadre réglementaire de 2002 consacre avec plus de force encore le principe de la liberté de négociation des opérateurs puisque son objectif est de réduire progressivement la réglementation sectorielle ex ante au fur et à mesure que la concurrence s'intensifie sur le marché en faisant dépendre l'imposition d'obligations ex ante ou leur maintien d'une identification des marchés qui ne sont pas effectivement concurrentiels.
Ainsi, le considérant 14 de la directive 2002/19/CE (directive "accès") précise que les obligations qui étaient susceptibles d'être imposées aux entreprises puissantes sur le marché en exécution de la directive 97/33/CE constituent dorénavant "un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises" et que ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il peut être opportun d'imposer des obligations en matière d'accès ou d'interconnexion à tous les acteurs du marché.
L'article 8 de cette directive dispose que sans préjudice des dispositions qu'il énumère, au nombre desquelles figure l'article 30 de la directive "service universel" qui vise également la téléphonie mobile, les autorités réglementaires nationales n'imposent pas les obligations définies aux articles 9 à 13 aux opérateurs qui n'ont pas été désignés comme disposant d'une puissance significative sur un marché donné. Une obligation concernant l'orientation des prix en fonction des coûts, visée à l'article 13, ne peut donc être imposée aux opérateurs non puissants.
Il y a dès lors lieu de constater, prima facie, qu'il ne se déduit d'aucune disposition des directives qui composent le nouveau cadre que les États membres seraient, sauf cas exceptionnels, autorisés à restreindre la liberté de négociation de l'ensemble des opérateurs en imposant une obligation d'orientation vers les coûts ou en adoptant des mesures par lesquelles un prix commun serait fixé pour un service fourni par un opérateur à un autre.
39. Comme indiqué plus haut, l'IBPT et Belgacom font valoir que l'article 30 § 2 de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") est étranger au service consistant à exécuter une demande de portage et qu'il ne vise que les services d'interconnexion fournis à l'occasion des appels vers les numéros portés.
Dès lors, selon ces parties, cette disposition laisserait entière la liberté des États membres d'étendre l'obligation d'orientation en fonction des coûts à la tarification des prestations nécessaires à la réalisation du portage du numéro, ou d'adopter toute autre mesure telle l'imposition d'un prix commun fixé sur la base des coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace.
40. Ce raisonnement paraît de prime abord inexact.
Il résulte prima facie des considérations qui précèdent qu'une interprétation restrictive de la notion "tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros" visée à l'article 30 § 2 de la directive 2002/22/CE (directive "service universel"), fondée sur une distinction entre les coûts de trafic et les coûts de portage, à la supposer exacte, doit au contraire conduire au respect du principe de l'autonomie de la volonté dont les opérateurs autres que les opérateurs puissants peuvent se prévaloir.
41. L'arrêté royal du 23 septembre 2002 sur la portabilité du numéro mobile a été adopté avant l'entrée en vigueur du nouveau cadre législatif européen.
Si, comme l'IBPT et Belgacom le prétendent, l'article 30 § 2 de la directive "service universel" ne s'applique pas aux coûts de portage, force est de constater prima facie que les dispositions de cet arrêté royal sont contraires aux dispositions de la directive 97/33/CE (directive "ONP") qui était en vigueur au moment de son adoption, en ce qu'elles limitent sans justification l'autonomie de la volonté et la liberté de négociation des opérateurs autres que les opérateurs puissants sur le marché en édictant des règles selon lesquelles:
- tout opérateur est tenu, lorsqu'il est opérateur donneur, de respecter un prix maximum;
- tout opérateur est tenu, lorsqu'il est opérateur receveur, de payer ce prix sauf accord de l'opérateur donneur.
Dans la même hypothèse, il faudrait constater, prima facie, que les dispositions de l'arrêté royal sont également contraires aux dispositions du nouveau cadre législatif européen, dont le délai de transposition expirait le 24 juillet 2003, en ce qu'elles édictent des règles qui constituent une atteinte à la liberté des opérateurs de négocier les conditions commerciales du service de portabilité du numéro mobile.
- Sur l'interprétation à donner à l'article 30 § 2 de la directive "service universel"
42. Le service de la portabilité du numéro était visé de manière expresse dans la directive 97/33/CE (directive "ONP") qui est, comme son intitulé l'indique, relative à l'interconnexion.
Le considérant 15 énonce: "la portabilité du numéro représente un service important pour les utilisateurs, et doit être réalisée dès que possible".
L'article 12 § 5 deuxième alinéa disposait que "afin d'assurer que les redevances à payer par le consommateur sont raisonnables, les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de ce service soit raisonnable".
L'annexe IV qui fournit une liste d'exemples d'éléments entrant dans l'élaboration des redevances d'interconnexion, cite les frais supportés pour assurer la portabilité des numéros.
L'annexe VII qui décrit le cadre de négociation des accords relatifs à l'interconnexion, visé à l'article 9 § 2 de la directive, cite les exigences en matière de portabilité du numéro au nombre de domaines dans lesquels l'autorité nationale peut fixer des conditions ex ante.
L'interconnexion, qui constitue un type particulier d'accès mis en uvre entre opérateurs de réseaux publics, est définie à l'article 2, b de la directive "accès" comme "la liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente, afin de permettre aux utilisateurs d'une entreprise de communiquer avec les utilisateurs de la même entreprise ou d'une autre entreprise ou bien d'accéder aux services fournis par une autre entreprise".
La portabilité du numéro étant un moyen pour l'utilisateur d'accéder aux services fournis par un autre organisme tout en conservant son numéro, il semble raisonnable de considérer, prima facie, que l'exécution d'une demande de portage par l'opérateur donneur constitue notamment un service d'interconnexion.
Il n'y a dès lors pas lieu, prima facie, en ce qui concerne l'obligation qui pèse sur les opérateurs quelle que soit leur puissance de marché d'établir les tarifs de l'interconnexion liés à la fourniture de la portabilité des numéros en fonction du coût, d'opérer une distinction entre les coûts de portage et les coûts de trafic, au motif que les premiers sont encourus avant le transfert du numéro, pour exécuter la demande de portage, alors que les seconds naissent après le transfert.
En décider autrement reviendrait semble-t-il à considérer que la fixation des coûts de portage est laissée à l'entière liberté des parties alors que son objectif est d'encourager la portabilité des numéros, considérée comme un élément moteur du choix du consommateur et du jeu effectif de la concurrence.
La fixation d'une indemnité excessive pour les coûts de portage est en effet de nature à dissuader les opérateurs de mener une politique visant à attirer à eux les abonnés de leurs concurrents nonobstant l'espoir de générer des revenus supplémentaires grâce au trafic sur les numéros portés et à maintenir la clientèle de l'opérateur dominant captive de celui-ci.
C'est donc de prime abord à bon droit que Base fait valoir que l'article 30 § 2 de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") ne vise pas exclusivement les tarifs de terminaison des appels mais concerne tous les coûts induits par la portabilité des numéros, qu'ils soient facturés à l'acte à l'opérateur receveur ou au contraire de façon récurrente.
- Sur la possibilité laissée aux États membres d'habiliter les autorités réglementaires à fixer ex ante la tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros
43. Il ne résulte pas des termes de l'article 30 § 2 de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") que le législateur européen a entendu que soit confiée aux autorités nationales la mission de fixer ex ante, en lieu et place des opérateurs, par une mesure générale et abstraite, la tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros.
La tâche impartie aux autorités réglementaires nationales par cette disposition et qui consiste à veiller au respect par les opérateurs de l'obligation d'orienter les tarifs vers les coûts semble au contraire incompatible avec une intervention préalable de l'autorité ayant pour objet de déterminer un prix commun.
L'article 19 de l'arrêté royal du 23 septembre 2002 sur la portabilité du numéro mobile, lu en liaison avec l'article 21 § 1 du même arrêté, paraît donc de prime abord contraire à l'article 30 § 2 de la directive, en ce qu'il attribue à l'IBPT le pouvoir de déterminer la hauteur de la redevance que l'opérateur donneur est en droit de facturer à l'opérateur receveur pour couvrir les "coûts d'établissement par ligne ou par numéro", et ce indépendamment de la question de savoir si les critères d'évaluation retenus - à savoir les coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace - sont pertinents.
- Sur la possibilité laissée aux États membres de définir la notion de tarification orientée vers les coûts
44. À supposer, comme la cour le constate de prime abord, que l'article 30 § 2 de la directive 2002/22/CE prescrit une obligation pour les entreprises d'orienter la tarification du service consistant à exécuter une demande de portage en qualité d'opérateur donneur en fonction des coûts, la question se pose de savoir si cette disposition laisse aux États membres la possibilité de définir, par des mesures de transposition spécifiques, le contenu même de la notion soit en imposant une méthode de calcul des coûts, soit en déterminant ex ante le prix du service pour une période déterminée.
L'article 105bis de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques donne au Roi le pouvoir de fixer, sur avis de l'Institut, les règles de base en vue de la mise en uvre du service de la portabilité, la méthodologie pour la fixation des coûts et la répartition de ces coûts entre les parties concernées et habilite l'Institut à calculer ces coûts.
Cette disposition donne donc au Roi le pouvoir d'établir la méthodologie pour la fixation des coûts.
S'agissant des méthodes de calcul des coûts engagés, il ressort cependant du considérant 20 et de l'article 13 de la directive 2002/19/CE (directive "accès"), que le législateur européen n'a apparemment pas entendu que soit imposée une méthode déterminée mais a au contraire invité les autorités réglementaires nationales à adapter la méthode de récupération des coûts aux circonstances en tenant compte de la nécessité de promouvoir l'efficacité et une concurrence durable et d'optimaliser les profits pour le consommateur.
Par ailleurs, la règle selon laquelle il incombe aux entreprises soumises à une obligation d'orientation des prix en fonction des coûts de prouver que les redevances sont déterminées en fonction des coûts, contenue à l'article 13 de la directive "accès" semble faire obstacle à toute méthodologie de tarification qui serait fondée sur une approche théorique des coûts.
En conclusion, la cour constate prima facie que les alinéas 12 et 13 de l'article 105bis précité doivent être écartés dans la mesure où ceux-ci doivent s'interpréter comme confiant au Roi le pouvoir d'imposer une ou plusieurs méthodes déterminées de calcul des coûts générés par le service de portabilité du numéro mobile.
(...)
Conclusion
46. Il y a donc lieu de conclure, prima facie, que la décision attaquée de l'IBPT est dépourvue de base légale valable.
Eu égard aux considérations qui précèdent sur la légalité de la base juridique qui fonde la décision attaquée, et aux incidences graves que cette décision est susceptible d'entraîner sur le jeu de la concurrence et le libre choix du consommateur, il y a lieu également d'en suspendre les effets dans l'attente d'une réponse de la Cour du justice des Communautés européennes aux questions préjudicielles énoncées dans le dispositif du présent arrêt.
D. | Sur le recours de Mobistar en ce qu'il tend à l'annulation de la décision attaquée |
47. Le bien-fondé du recours dépend d'abord des réponses aux questions préjudicielles qui concernent la légalité de la base juridique de la décision attaquée.
Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur la demande en annulation.
48. Mais dans l'hypothèse où en fonction des réponses de la Cour de justice des Communautés européennes, il conviendrait de conclure que la décision attaquée est fondée sur des règles de droit qui ne sont en rien contraires au droit communautaire, la cour sera amenée à examiner les moyens présentés par Mobistar et Belgacom, en ce compris, le cas échéant, les moyens tirés notamment d'erreurs (manifestes) d'appréciation qui auraient été commises par l'IBPT dans l'élaboration d'un modèle théorique des coûts et dans le calcul des montants.
Comme indiqué plus haut (n° 15), la cour ne dispose pas de l'ensemble des informations fournies par les opérateurs à l'IBPT sur la base desquelles l'IBPT a fondé l'évaluation des coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace. Elle ne dispose pas non plus des moyennes établies par l'IBPT sur la base des informations fournies par les opérateurs, qui si elles étaient dévoilées, permettraient aux opérateurs d'identifier les coûts de leurs concurrents puisque les données relatives à Mobistar ont été divulguées.
L'IBPT fait valoir qu'il est tenu à une obligation de confidentialité en vertu de l'article 23 de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des Postes et des Télécommunications belges.
La question se pose dès lors de savoir si l'article 4 de la directive "cadre" relatif aux recours, qui dispose que "les États membres veillent à ce que le fond de l'affaire soit dûment pris en considération et à ce qu'il existe un mécanisme de recours efficace" doit s'interpréter en ce sens que l'autorité désignée pour connaître des recours doit pouvoir disposer de l'ensemble des informations qui lui sont nécessaires pour examiner le bien-fondé du recours, en ce compris les informations considérées comme confidentielles conformément à la réglementation communautaire et nationale en matière de secret des affaires.
E. | Sur le recours de Mobistar en ce qu'il tend à la réformation de la décision attaquée |
49. En organisant un recours de pleine juridiction devant la cour d'appel de Bruxelles contre les décisions de l'IBPT, réglementaires ou individuelles, le législateur national n'a pas entendu lui confier un pouvoir réglementaire. En conséquence, le pouvoir de réformer un acte réglementaire en lui substituant d'autres dispositions ne saurait entrer dans les attributions de la cour.
Le recours doit donc d'ores et déjà être rejeté en ce qu'il tend à inviter la cour à substituer à la décision réglementaire attaquée sa propre décision et à fixer elle-même, sur la base des coûts théoriques d'un opérateur mobile efficace, les coûts d'établissement par ligne ou par numéro.
F. | Sur les demandes formées par Belgacom Mobile et Base |
50. Un arrêt d'annulation, en ce qu'il porte sur un acte réglementaire de l'IBPT reconnu illégal, s'impose nécessairement erga omnes.
En confiant à la cour d'appel de Bruxelles la compétence de connaître des recours contre les décisions réglementaires ou individuelles de l'IBPT, autorité administrative, le législateur n'a pas entendu priver les tiers des effets qu'aurait entraîner l'annulation de la décision par le Conseil d'État.
Dès lors, si l'acte attaqué est annulé au motif que l'intervention de l'IBPT se fonde, en l'espèce, sur une base juridique illégale, il sera censé n'être jamais intervenu, de sorte qu'il sera sans intérêt d'examiner séparément les demandes de Belgacom Mobile et de Base auxquelles l'acte annulé ne pourrait plus s'appliquer et de se prononcer dans le cadre de la présente affaire sur la question de savoir si les opérateurs appelés à la cause par la partie requérante ont la qualité d'intimé au sens du Code judiciaire et la qualité pour former un appel incident.
Par ces motifs
La cour
(...)
Dit le recours de Mobistar recevable.
Suspend, à titre de mesure provisoire, les effets de la décision attaquée en application de l'article 2 § 2 de la loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges.
Avant de statuer sur le bien-fondé du recours, pose les questions suivantes à la Cour de justice des Communautés européennes:
En ce qui concerne le service de portabilité des numéros prévu à l'article 30 de la directive 2002/22/CE (directive "service universel"):
1. l'article 30 § 2 de la directive "service universel" qui prévoit que les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros soit fonction du coût, vise-t-il seulement les coûts liés au trafic vers le numéro porté ou également la tarification des coûts encourus par les opérateurs pour exécuter les demandes de portage du numéro?
2. si l'article 30 § 2 de la directive vise seulement les coûts d'interconnexion liés au trafic vers le numéro porté, faut-il l'interpréter:
a) en ce sens qu'il laisse les opérateurs libres de négocier les conditions commerciales du service et qu'il interdit aux États membres d'imposer ex ante des conditions commerciales aux entreprises auxquelles incombe l'obligation de fournir le service de portabilité du numéro en ce qui concerne les prestations liées à l'exécution d'une demande de portage?
b) en ce sens qu'il n'interdit pas aux États membres d'imposer ex ante des conditions commerciales pour ledit service aux opérateurs qui ont été désignés comme disposant d'une puissance significative sur un marché donné?
3. si l'article 30 § 2 de la directive doit s'interpréter en ce sens qu'il impose à l'ensemble des opérateurs l'obligation d'orientation en fonction des coûts en ce qui concerne les coûts de portage du numéro, faut-il l'interpréter en ce sens qu'il s'oppose:
a) à une mesure réglementaire nationale imposant pour le calcul des coûts une méthode de calcul déterminée?
b) à une mesure nationale qui fixe ex ante la répartition des coûts entre les opérateurs?
c) à une mesure nationale qui habilite l'autorité réglementaire nationale à fixer ex ante pour l'ensemble des opérateurs et pour une période déterminée le montant maximum des redevances que l'opérateur donneur peut réclamer à l'opérateur receveur?
d) à une mesure nationale qui accorde à l'opérateur donneur le droit d'appliquer la tarification déterminée par l'autorité réglementaire nationale en le dispensant de l'obligation de prouver que la tarification qu'il applique est orientée en fonction de ses propres coûts?
En ce qui concerne le droit de recours prévu par l'article 4 de la directive 2002/21/CE (directive "cadre")
L'article 4 § 1 de la directive "cadre" doit-il s'interpréter en ce sens que l'autorité désignée pour connaître des recours doit pouvoir disposer de l'ensemble des informations nécessaires pour que le fond de l'affaire puisse être dûment pris en considération, en ce compris les informations confidentielles sur la base desquelles l'autorité réglementaire nationale a adopté la décision faisant l'objet du recours?
(...)