Article

Tribunal de commerce Bruxelles, 18/03/2003, R.D.C.-T.B.H., 2005/7, p. 784-786

Tribunal de commerce de Bruxelles 18 mars 2003

SOCIÉTÉS
Offre publique d'acquisition - Offre publique d'échange - Incessibilité des actions réservées au personnel - Article 609 du Code des sociétés - Article 3 alinéa 1er, 1° de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés (obligation de viser tous les titres non encore détenus par l'offrant) - Dérogation accordée par la CBFA - Licéité
La dérogation accordée par la Commission bancaire, financière et des assurances à l'article 3 alinéa 1er, 1° de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés traduit le souci de permettre à tous les détenteurs d'échanger leurs titres, en ce compris le personnel dont les actions étaient incessibles. Les membres du personnel auraient été injustement lésés si la Commission bancaire, financière et des assurances n'avait pas dérogé à l'article 3 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989. Une telle dérogation est licite et en parfaite adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur.
VENNOOTSCHAPPEN
Openbaar overnameaanbod - Openbaar bod tot omruiling - Onoverdraagbaarheid van aandelen die aan het personeel zijn voorbehouden - Artikel 609 van het Wetboek van Vennootschappen - Artikel 3 lid 1, 1° van het koninklijk besluit van 8 november 1989 op de openbare overnameaanbiedingen en de wijzigingen in de controle op vennootschappen (verplichting tot het uitbrengen van het bod op alle effecten die nog niet in het bezit zijn van de bieder) - Afwijking toegestaan door de CBFA - Geldigheid
De afwijking van artikel 3 lid 1, 1° van het koninklijk besluit van 8 november 1989 op de openbare overnameaanbiedingen en de wijzigingen in de controle op vennootschappen die is toegestaan door de Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen is ingegeven door het oogmerk om de mogelijkheid tot omruiling van de effecten te bieden aan alle houders, met inbegrip van de personeelsleden wiens aandelen niet overdraagbaar zijn. De personeelsleden zouden onterecht benadeeld zijn indien de Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen geen afwijking op artikel 3 van het koninklijk besluit van 8 november 1989 had toegelaten. Een dergelijke afwijking is geldig en volledig in overeenstemming met het doel dat door de wetgever wordt nagestreefd.

SA Biotec / ING Groep NV

Siég.: Libiez (juge, président), Rayé et Martin (juges consulaires)
Pl.: Mes B. Paquot, A. Coibion et J.-M. Nelissen Grade

(...)

Attendu que la demanderesse SA Biotec conclut qu'il nous plaise de condamner la défenderesse à échanger ses 5.202 actions BBL aux conditions de l'O.P.E. du 3 décembre 1997 et d'assortir cette condamnation d'une astreinte de 25.000 euros par jour de retard; qu'elle réclame également des dommages et intérêts d'un import à calculer, les intérêts moratoires et judiciaires ainsi que les dépens;

Qu'à l'audience, cette partie déclare ne pas insister sur sa demande subsidiaire en dommages et intérêts;

Que la défenderesse SA de droit néerlandais ING Groep conclut qu'il nous plaise de déclarer l'action principale irrecevable à défaut d'intérêt légitime et, à tout le moins, de la déclarer mal fondée et de condamner Biotec aux entiers dépens, l'indemnité de procédure comprise;

Que, par reconvention, ING Groep sollicite la condamnation de Biotec à lui payer 25.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de son action téméraire et vexatoire, ensemble avec les intérêts judiciaires;

Attendu que, le 3 décembre 1997, ING Groep a lancé une offre publique d'échange sur toutes les actions BBL qu'elle ne possédait pas encore;

Que ING Groep offrait, pour une action BBL, six certificats ING Groep + un warrant ING Groep + une soulte en espèce ou six certificats Sogès CF ING + un certificat Sogès warrant ING + une soulte en espèce, au meilleur choix de l'apportant;

Que, d'une part, ING Groep a acquis 95,57% du capital de la BBL suite à l'offre publique qui s'est déroulée du 3 au 17 décembre 1997; que, d'autre part, le 19 décembre 1997, elle avait demandé et annoncé la radiation de la cotation du titre BBL;

Que, pour ce double motif stipulé par l'article 32, a) et b) de l'arrêté royal du 8 novembre 1989, ING Groep a rouvert l'offre publique d'échange du 5 au 23 janvier 1998;

Qu'au terme de cette deuxième période d'échange, ING Groep a porté sa participation à 98,50% du capital de la BBL et le titre BBL fut radié du marché au comptant le 30 juin 1998;

Que, cependant, le personnel de la BBL, qui avait souscrit aux augmentations de capital de cette banque et de ses filiales en 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997, n'a pu participer à l'offre publique d'échange du mois de décembre 1998, ni à celle du mois de janvier suivant;

Qu'en effet, leurs parts nominatives étaient incessibles pendant cinq ans par application de l'article 53septies (ancien) des lois coordonnées sur les sociétés commerciales;

Qu'à dessein de replacer cette catégorie d'actionnaires BBL dans une situation identique aux autres porteurs, ING Groep a obtenu de la Commission bancaire et financière l'autorisation de lancer une nouvelle offre publique d'échange qui leur soit réservée;

Que ING Groep s'y était déjà engagée dans le prospectus de l'offre publique d'échange du mois de décembre 1998;

Qu'en date du 28 octobre 1998, ING Groep a donc émis un prospectus abrégé en vue de permettre au personnel BBL d'échanger leurs parts dans des conditions équivalentes à celles de l'offre initiale;

Que chaque détenteur a ainsi reçu l'occasion d'apporter ses parts - une unique fois - à l'issue de la période d'incessibilité légale qui frappait celles-ci (voy. le tableau p. 8 des conclusions de synthèse prises par ING Groep);

Que, de cette manière, ING Groep a encore acquis 0,65% des parts BBL; que, par ailleurs, elle a poursuivi l'échange avec un certain nombre d'actionnaires ainsi que l'achat en vente publique ou de gré à gré, portant - en définitive - sa participation à 99,37%;

Que Biotec s'est manifesté pour la première fois le 14 décembre 2000 pour échanger ses 4.592 actions aux conditions identiques à celles qui étaient proposées au personnel BBL;

Que, devant la réponse négative de la défenderesse, Biotec l'a assignée et sollicite aujourd'hui l'échange de 5.202 actions BBL au porteur qu'elle prétend détenir;

Que Biotec est réticente à préciser leur date d'achat mais reconnaît néanmoins qu'elle les a acquises après la clôture des offres publiques qui se tinrent en décembre 1997 et janvier 1998;

Que, par déduction, il est certain que Biotec a encore acheté 5.202 - 4.592 = 610 actions BBL entre le 14 décembre 2000 et la citation du 24 avril 2001;

Qu'elle justifie ces différentes acquisitions d'actions comme placement de trésorerie, étant entendu que la spéculation est étrangère à son objet social;

Attendu qu'à l'audience, Biotec a déclaré qu'au vu des explications fournies par ING Groep et ci-avant rappelées, elle n'insistait plus sur l'argumentation qu'elle avait développée en conclusions à partir de ce qu'elle pensait être une violation de l'article 32, b) de l'arrêté royal du 8 novembre 1989;

Que ING Groep établit en effet qu'elle a respecté l'article 32, a) et b) de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 puisqu'elle a rouvert l'offre publique d'échange pendant quinze jours, du 5 au 23 janvier 1998;

Que ING Groep ayant demandé l'arrêt de la cotation du titre BBL le 19 décembre 1997, demande publiée le 24 décembre suivant et rendue publique par voie d'annonce du même jour et du 6 janvier 1998, une seule réouverture était suffisante pour satisfaire au prescrit de la loi;

Qu'en revanche, Biotec maintient que la dérogation accordée par la Commission bancaire et financière en vertu de l'article 15 § 3 de la loi du 2 mars 1989 était illégale et que l'offre publique restreinte du 28 octobre 1998 était discriminatoire à son égard;

Qu'elle se prévaut du droit subjectif consacré par l'article 3 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 et dont elle aurait été privée: celui de participer, avec ses titres au porteur, à l'offre publique d'échange réservée au personnel de la BBL;

Qu'en réalité, la dérogation incriminée traduit précisément le souci de permettre à tous les détenteurs d'échanger leurs titres BBL, en ce compris le personnel de cette banque dont les parts étaient incessibles;

Que les membres de ce personnel auraient été injustement lésés dans le cas inverse où la Commission bancaire et financière n'aurait pas dérogé à l'article 3 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989;

Que les détenteurs des 5.202 actions, actuellement aux mains de Biotec, ont perdu cette occasion en ne procédant pas à l'échange entre le 3 et le 17 décembre 1997 et entre le 5 et le 23 janvier 1998 et Biotec serait, au contraire, avantagée - anormalement et en violation du principe de l'égalité de traitement entre les actionnaires - si une troisième opportunité lui était offerte;

Que la dérogation était donc licite et en parfaite adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur;

Qu'au surplus, la responsabilité quasi-délictuelle de ING Groep ne saurait être engagée par suite d'un fait imputable à faute - par hypothèse de travail - à la Commission bancaire et financière;

Et, même s'il fallait suivre l'argumentation de Biotec jusque-là, le lien ferait alors défaut avec le préjudice allégué par celle-ci puisque, à l'époque des offres publiques d'échanges de décembre 1997 et janvier 1998, la demanderesse ne détenait pas les titres aujourd'hui litigieux;

Qu'enfin, après ces deux offres publiques, ING Groep était en droit d'acquérir des actions BBL - de gré à gré ou en vente publique - sans violer aucune disposition légale et elle n'a par conséquent aucun compte à rendre sur les accords de cette nature qu'elle a conclus au cas par cas;

Que la vindicte de Biotec ne s'explique, d'ailleurs, que par le refus que cette partie a personnellement essuyé le 8 janvier 2001 dans ce contexte d'opérations échappant à la réglementation;

Qu'en achetant un ou plusieurs lots d'actions après les offres publiques d'échange et dans des conditions qu'elle espérait très profitables, Biotec a simplement pris un risque spéculatif qui s'est retourné contre elle;

Qu'elle entendait, au besoin, contraindre ING Groep par la voie judiciaire et c'est à bon escient que la défenderesse stigmatise le comportement procédurier adopté par Biotec, un comportement qui n'est pas celui d'un justiciable normalement diligent;

Qu'en effet, si la spéculation participe de la vie économique et n'est évidemment pas reprochable en soi, en l'espèce, Biotec a clairement abusé de la procédure à cette fin détournée en se mettant, elle-même et sciemment, dans la situation de faire le procès et tenter, par ce biais, d'exploiter les conséquences d'un traitement prétendument discriminatoire;

Qu'en outre, elle a encore aggravé le préjudice dont elle demande réparation par l'achat de 610 actions complémentaires alors qu'elle était confrontée au refus de ING Groep;

Que l'action principale est recevable car Biotec justifie de sa qualité et d'un intérêt au sens de l'article 17 du Code judiciaire; qu'en réalité, les griefs que ING Groep fait valoir en affectent le fondement;

Que - quant à elle - l'action reconventionnelle est bien fondée dans son principe et Biotec doit réparation de sa procédure abusive et malicieuse à hauteur de 2.500 euros, montant que le tribunal arbitre en équité.

Par ces motifs,

Le tribunal,

Statuant contradictoirement,

- sur l'action principale,

la déclare recevable et mal fondée;

en déboute Biotec;

- sur l'action reconventionnelle,

la déclare recevable et bien fondée;

en conséquence, condamne Biotec à payer à ING Groep la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procès téméraire;

(...)