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Code de DIP: droits réels et compensation, R.D.C.-T.B.H., 2005/6, p. 656-674

Code de DIP: droits réels et compensation [1]

Vanessa Marquette [2]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Le règlement collectif de l'insolvabilité dans le code A. Volonté d'extension des dispositions du règlement

B. Champ d'application limité

III. Loi applicable A. Règle générale

B. Cohérence

IV. Exceptions à la lex concursus A. Généralités § 1. Règles de conflits vs. règles de conflits négatives

§ 2. Les dispositions du code

B. Les droits réels § 1. Mécanisme de l'article 119, § 2, 1°

§ 2. Champ d'application Champ d'application territorial

Procédures d'insolvabilité principales

Champ d'application matériel

Champ d'application temporel

§ 3. Loi applicable aux droits réels

§ 4. Le gage, l'hypothèque et la cession de créances à titre de garantie Le gage

L'hypothèque

La cession de créances à titre de garantie

C. La compensation § 1. Mécanisme de l'article 119, § 2, 2°

§ 2. Champ d'application matériel

§ 3. Champ d'application temporel

§ 4. Loi applicable à la compensation

IV. Actions en inopposabilité, nullité et annulation

V. Conclusion

RESUME
La présente contribution examine le régime des droits réels et de la compensation dans l'hypothèse de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur la base des dispositions du Code de droit international privé (le “code”) relatives au règlement collectif de l'insolvabilité.
Le champ d'application du code est assez limité compte tenu des autres instruments qui organisent l'insolvabilité transfrontalière et qui prévalent sur le code en tant que législation communautaire ou traité internationaux (il s'agit du règlement relatif aux procédures d'insolvabilité (le “règlement”), de la loi du 6 décembre 2004 transposant la directive concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurances et la directive concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit, de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières transposant la directive “collateral”, et de la loi du 28 avril 1999 dite “finalité” transposant la directive “finalité” du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres.
Les dispositions du code en matière d'insolvabilité transfrontalière sont largement inspirées du règlement. Le législateur belge a d'ailleurs veillé à utiliser autant que possible des termes identiques à ceux utilisés dans le règlement afin de permettre une application uniforme du code et du règlement. Cet élément est important lorsqu'il s'agit d'interpréter les dispositions du code relatives au traitement des droits réels et de la compensation en cas de procédure d'insolvabilité.
Le code prévoit que c'est la loi de l'Etat de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité (la lex concursus ou loi de la faillite) qui en régit l'ouverture, le déroulement et la clôture. Le domaine de la lex concursus est déterminé par renvoi à l'article 4, 2 (a) à (m), du règlement. Sous réserve de la mise en oeuvre d'exceptions à cette règle générale, les conditions d'opposabilité d'une clause de compensation sont régies par la lex concursus, de même que les dispositions de la lex concursus qui limitent ou s'opposent à l'efficacité des sûretés en cas de concours s'appliquent également.
Pour assurer la confiance légitime des créanciers et la sécurité juridique des transactions, le code consacre des exceptions à l'application de la lex concursus dont les plus importantes en pratique concernent les droits réels (art. 119, § 2, 1°) et la compensation (art. 119, § 2, 2°). Des exceptions analogues sont consacrées par le règlement (artt. 5 et 6) et la loi du 6 décembre 2004. Cependant, contrairement aux articles 5 et 6 du règlement qui constituent des règles de conflits négatives, l'article 119, § 2, 1° et 2° consacre de véritables règles de conflit de lois ce qui rend difficile l'interprétation de ces dispositions par analogie avec celles du règlement.
L'article 119, § 2, 1° prévoit que par dérogation à l'application de la lex concursus (loi belge), l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur les droits réels des tiers (constitués avant l'ouverture de la procédure) qui portent sur les biens appartenant au débiteur situés sur le territoire d'un autre Etat que la Belgique au moment de l'ouverture de la procédure, est régi par le droit applicable à ces droits. Il s'agit de la loi applicable aux droits réels, la lex rei sitae, désignée conformément aux articles 87 et suivants du code, soit le cas échéant, conformément à une règle de conflit spéciale qui prévaut sur les articles 87 et suivants (comme l'art. 17 de la loi sur les sûretés financières). Une question délicate est celle de savoir s'il faut écarter les dispositions du droit de la faillite de la lex rei sitae et n'appliquer que son droit commercial général ou non. En d'autres termes, l'article 119, § 2, 1° a-t-il pour effet d'immuniser les droits réels contre l'insolvabilité du débiteur ou non? La même question s'est posée dans le cadre du règlement mais le raisonnement par analogie se heurte ici à la rédaction différente adoptée par le législateur belge. Les avis sont partagés. Les droits réels visés peuvent être déterminés par référence à ceux définis dans le règlement. Sont notamment visés et examinés dans la présente contribution le gage, l'hypothèque et la cession de créance à titre de garantie.
L'article 119, § 2, 2° prévoit que par dérogation à l'application de la lex concursus (loi belge), l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur le droit du créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec celle du débiteur (à condition que les créances à compenser existaient avant l'ouverture de la procédure), est régi par le droit applicable à la créance du débiteur. La loi applicable à la créance du débiteur est selon nous la loi qui gouverne l'acte à l'origine de la créance. En cas de créance d'origine contractuelle, il s'agira de la loi applicable à la convention de base. Nous sommes d'avis que cette exception vise la compensation légale et conventionnelle mais pas les arrangements de “close-out netting”.
Malgré ces exceptions en faveur des droits réels et de la compensation, la lex concursus continue de s'appliquer aux actions en nullité, inopposabilité et annulation des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers (comme par exemple une sûreté constituée pendant la période suspecte). Si celui qui a bénéficié de cet acte peut prouver que celui-ci est soumis à une autre loi que la lex concursus et qu'en vertu de ce droit cet acte ne peut pas faire en l'espèce l'objet d'une action en nullité, inopposabilité ou annulation, alors la lex concursus ne s'appliquera pas. Ces dispositions sont similaires au mécanisme de l'article 13 du règlement qui se retrouve également dans la loi du 6 décembre 2004.
SAMENVATTING
Deze bijdrage heeft betrekking op het stelsel van de zakelijke rechten en de schuldvergelijking in het geval van de opening van een insolventieprocedure op grond van de bepalingen van het Wetboek van Internationaal Privaatrecht (hierna “het wetboek”) inzake de collectieve procedures van insolventie.
Het toepassingsgebied van het wetboek is tamelijk beperkt, rekening houdend met de andere instrumenten die de grensoverschrijdende insolventie regelen en die wegens hun Europeesrechtelijke of verdragsrechtelijke aard voorrang hebben op het wetboek: het gaat hierbij om de verordening betreffende insolventieprocedures (hierna “de verordening”), om de wet van 6 december 2004 tot uitvoering van de richtlijn betreffende de sanering en de liquidatie van verzekeringsondernemingen en de richtlijn betreffende de sanering en de liquidatie van kredietinstellingen, om de wet van 15 december 2004 betreffende financiële zekerheden en houdende diverse fiscale bepalingen inzake zakelijkezekerheidsovereenkomsten en leningen met betrekking tot financiële instrumenten tot uitvoering van de zogenaamde “collateral”-richtlijn en om de zogenaamde “Finality”-wet van 28 april 1999 houdende omzetting van de “Finality”-richtlijn van 19 mei 1998 betreffende het definitieve karakter van de afwikkeling van betalingen en effectentransacties in betalings- en afwikkelingssysteem, en verschillende verdragen uit te voeren.
De bepalingen uit het wetboek over de grensoverschrijdende insolventie werden grotendeels geïnspireerd door de verordening. De wetgever wou zoveel mogelijk dezelfde termen gebruiken als deze uit de verordening om een uniforme toepassing van de verordening en van het wetboek mogelijk te maken. Dit is van belang wanneer men de bepalingen van het wetboek over zakelijke rechten en schuldvergelijking in geval van een insolventieprocedure moet interpreteren.
Het wetboek voorziet dat het recht van de staat van de opening van de insolventieprocedure (de lex concursus of het recht van het faillissement) de opening, het verloop en de sluiting regelt. De draagwijdte van de lex concursus wordt bepaald door middel van een verwijzing naar artikel 4, 2 (a) tot (m), van de verordening. Onder voorbehoud van enkele uitzonderingen zijn de voorwaarden voor de tegenstelbaarheid van een schuldvergelijkingsclausule onderworpen aan de lex concursus en zijn het de bepalingen van de lex concursus die de doeltreffendheid van de zekerheden in geval van samenloop beperken of uitsluiten.
Om het vertrouwen van de schuldeisers en de rechtszekerheid voor de verrichtingen te verzekeren, voorziet het wetboek in uitzonderingen op de toepassing van de lex concursus waarvan de belangrijkste betrekking hebben op zakelijke rechten (art. 119, § 2, 1°) en op schuldvergelijking (art. 119, § 2, 2°). Gelijkaardige uitzonderingen zijn opgenomen in de verordening (artt. 5 en 6) en in de wet van 6 december 2004. Anders dan de artikelen 5 en 6 van de verordening die negatieve conflictregels bevatten, bevat artikel 119, § 2, 1° en 2° werkelijke conflictregels, hetgeen de interpretatie overeenkomstig de verordening bemoeilijkt.
Artikel 119, § 2, 1° voorziet - in afwijking van de lex concursus (Belgisch recht) - dat de uitwerking van de opening van een insolventieprocedure op de zakelijke rechten van derden (die tot stand werden gebracht vóór de opening van de procedure) op goederen die aan de schuldenaar toebehoren en die zich op het moment van de opening op het grondgebied van een andere staat bevinden, beheerst wordt door het recht dat van toepassing is op die zakelijke rechten, m.n. de lex rei sitae, die aangewezen wordt overeenkomstig de artikelen 87 en volgende van het wetboek, of in voorkomend geval overeenkomstig een bijzondere regel die voorrang heeft op de artikelen 87 en volgende (zoals art. 17 van de Wet betreffende de financiële zekerheden). De vraag is of men al dan niet de bepalingen van het faillissementsrecht van de lex rei sitae terzijde moet schuiven en slechts het algemeen handelsrecht moet toepassen. Heeft artikel 119, § 2, 1°, met andere woorden, tot gevolg dat de zakelijke rechten beschermd worden tegen de insolventie van de schuldenaar of niet? Deze vraag is ook gerezen in het kader van de verordening maar een analoge interpretatie stoot hier op de verschillen in de redactie van deze bepaling door de Belgische wetgever. De meningen zijn dan ook verdeeld. De zakelijke rechten die beoogd worden, kunnen bepaald worden met verwijzing naar de zakelijke rechten die in de verordening zijn omschreven. Worden meer bepaald beoogd en behandeld: het pand, de hypotheek en de overdracht van de schuldvordering als waarborg.
Artikel 119, § 2, 2° voorziet - in afwijking van de toepassing van de lex concursus (Belgisch recht) - dat de uitwerking van de opening van de insolventieprocedure op het recht van de schuldeiser om beroep te doen op schuldvergelijking ten aanzien van zijn schuldenaar (op voorwaarde dat de schuldvorderingen bestonden vóór de opening van de procedure), beheerst wordt door het recht dat van toepassing is op de schuldvordering van de schuldenaar. Dit is o.i. het recht dat van toepassing is op de handeling die de schuldvordering tot stand heeft gebracht. Bij een schuldvordering van contractuele aard gaat het om het recht dat van toepassing is op de basisovereenkomst. O.i. omvat deze uitzondering de wettelijke en conventionele schuldvergelijking, maar niet de “close-out netting”-regelingen.
Ondanks deze uitzonderingen ten voordele van de zakelijke rechten en de schuldvergelijking, blijft de lex concursus van toepassing op de vorderingen tot nietigheid, vernietiging en niet-tegenwerpbaarheid van handelingen die voor het geheel van schuldenaars nadelig zijn (zoals bijvoorbeeld een zekerheid die tijdens de verdachte periode is gesteld). Indien degene die van deze handeling voordeel heeft genoten, kan aantonen dat deze handeling aan een ander recht dan de lex concursus onderworpen is en dat deze handeling op grond van dat recht niet het voorwerp van een vordering tot nietigheid, vernietiging of niet-tegenstelbaarheid kan uitmaken, dan is de lex concursus niet van toepassing. Deze bepalingen stemmen overeen met het regime uit artikel 13 van de verordening dat ook voorkomt in de wet van 6 december 2004.
I. Introduction

1.L'objet de cette contribution est d'examiner quelles sont les règles de conflit de lois prévues par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (ci-après le “code”) en ce qui concerne la loi qui régit l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité transfrontalière sur la validité, l'efficacité et l'opposabilité des droits réels et des clauses de compensation. Avant d'examiner les dispositions du code pertinentes (soit principalement l'art. 119, § 1 et § 2, 1° et 2°), il est utile de rappeler brièvement les règles traditionnelles de droit international privé belge concernant la détermination de la loi applicable aux sûretés réelles en cas de concours. Dans la seconde partie de cette contribution, les dispositions du code seront mises en parallèle avec d'autres règles de droit international privé belges qui régissent l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité transfrontalière sur certains droits réels ou sur la compensation.

2.Les sûretés réelles sont des droits complexes à la frontière entre le statut de l'autonomie de la volonté (parce qu'elles sont généralement créées par une convention conclue entre un tiers et le débiteur), le statut des biens (parce qu'elles concernent par définition un bien déterminé) et le cas échéant, le droit de l'insolvabilité (en cas de procédure d'insolvabilité ouverte à l'égard du débiteur qui a concédé la sûreté réelle). Les règles traditionnelles de conflits de lois en matière de sûretés réelles sont les suivantes: (i) la création de rapports contractuels entre le débiteur qui constitue la sûreté et le tiers qui en bénéficie est régie par la loi du contrat à l'origine de la sûreté qui est librement déterminée par les parties (la lex contractus[3], (ii) les aspects des droits réels de la sûreté sont soumis à la loi de la situation du bien (la lex rei sitae), qu'elle soit réelle ou fictive; elle détermine les conditions de validité et d'opposabilité du droit réel (perfection de la sûreté, formalités,…) ainsi que les types de sûretés disponibles (numerus clausus) et (iii) en cas de concours sur les biens du débiteur, la loi applicable au concours (la lex concursus) a vocation à régir également certains aspects des droits réels. Les opinions divergent quelque peu dans la doctrine quant au champ d'application de la lex concursus et la jurisprudence n'apporte que peu d'éléments à cet égard. La plupart des auteurs, à juste titre selon nous, attribuent à la lex concursus une compétence négative, celle-ci n'intervenant que pour limiter les droits du créancier tels que consacrés par la lex rei sitae [4]. Il ne s'agit donc pas de rendre applicable à la sûreté l'ensemble des dispositions de la lex concursus, mais uniquement celles qui limitent ou s'opposent à l'efficacité de la sûreté en cas de concours (e.g. les règles relatives à la période suspecte,…). Compte tenu de ce cumul des différentes lois applicables et de la disparité des règles de droit international privé consacrées par les droits internes en la matière, l'on enseignait traditionnellement que les sûretés réelles sont des droits inexportables [5], en ce sens qu'elles sortaient rarement leurs effets une fois transposées dans un environnement transfrontalier. Le cumul des différentes lois applicables était encore plus problématique en cas de conflit mobile, c'est-à-dire en cas de déplacement du bien entre le moment de la constitution de la sûreté et celui où celle-ci doit sortir ses effets.

Le législateur européen, soucieux de garantir le bon fonctionnement du marché européen et une plus grande sécurité juridique aux échanges économiques effectués au sein de l'Union a entamé, il y a de nombreuses années, des travaux afin de mettre en place des règles de conflits et de coopération en matière d'insolvabilité transfrontalière, en ce compris le régime des droits réels et de la compensation. Après une longue période de carence (hormis certaines conventions bilatérales conclues entre Etats membres, en ce compris la Belgique) [6], plusieurs instruments communautaires sont récemment entrés en vigueur qui ont pour effet de modifier fondamentalement les règles de droit international privé en la matière. Il s'agit (i) du règlement CE n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (ci-après le règlement”) [7] entré en vigueur le 31 mai 2002 et applicable aux procédures d'insolvabilité communautaires [8], (ii) de la directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance (ci-après la Directive Assurances”) et de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (ci-après la Directive Établissements de Crédit”), transposées en droit belge par la loi du 6 décembre 2004 [9], (iii) d'une disposition de la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, dite directive “Collateral”, transposée en droit belge de la par la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières, (ci-après la Loi sur les sûretés financières”) et (iv) d'une disposition de la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans le système de paiement et de règlement des opérations sur titres, dite “directive finalité”, transposée en droit belge par la loi du 28 avril 1999. L'ensemble de ces instruments contient des règles de conflit relatives aux droits réels et à la compensation. Après une longue période durant laquelle il n'existait que peu ou pas de règles de conflits en matière de droits réels et de compensation à l'échelle communautaire, on se trouve donc désormais face à multiplicité d'instruments communautaires qui contiennent de telles règles. Il est dès lors important d'examiner ces dispositions en parallèle avec les dispositions pertinentes du code.

II. Le règlement collectif de l'insolvabilité dans le code

3.Nous n'abordons ici que les aspects utiles à la compréhension des développements que nous faisons ci-dessous en ce qui concerne les exceptions à l'application générale de la lex concursus pour régir la procédure d'insolvabilité qui sont consacrées par le code en faveur des droits réels et de la compensation. Nous renvoyons pour les autres aspects à la contribution de M. Ivan Verougstraete publiée dans cette revue.

A. Volonté d'extension des dispositions du règlement

4.Les dispositions du code en matière de règlement collectif de l'insolvabilité sont largement inspirées du règlement. Initialement le projet de loi ne contenait qu'un renvoi aux dispositions du règlement, le législateur belge étant soucieux d'étendre le champ d'application des dispositions du règlement afin que les juridictions belges puissent appliquer de manière cohérente des règles similaires ou analogues aux procédures d'insolvabilité ouvertes en Belgique, que celles-ci le soient sur la base du règlement ou sur la base du code. Compte tenu de cette volonté affichée du législateur belge, l'interprétation donnée aux dispositions du règlement sera donc particulièrement pertinente afin d'interpréter les dispositions du code, même si le code s'écarte parfois du texte du règlement. En ce qui concerne plus particulièrement les exceptions à la loi de la faillite, le projet de loi ne contenait à l'origine qu'un simple renvoi aux dispositions des articles 5 et suivants du règlement. Le législateur a finalement jugé utile, afin d'éviter les difficultés d'interprétation, d'énumérer de manière succincte les matières visées par les exceptions (d'autant que d'un point de vue légistique la technique du renvoi n'était pas jugée opportune).

En outre, afin d'assurer l'interprétation uniforme des exceptions prévues par le code et des articles 5 à 11 et 13 à 15 du règlement, le législateur a veillé à utiliser autant que possible des termes identiques à ceux du règlement et a insisté sur le fait que “les curateurs et juges qui appliquent ces règles doivent garder à l'esprit l'objectif d'une application uniforme conforme à la réglementation européenne, en ce compris son interprétation et son évolution” [10]. Ceci s'explique par la volonté du législateur d'élaborer un système cohérent de règles de droit international privé relatives au règlement collectif de l'insolvabilité que la procédure d'insolvabilité soit communautaire ou non-communautaire. Il convient d'être attentif au souhait du législateur de voir les juridictions belges appliquer de manière cohérente les dispositions du code et celles du règlement lorsque l'on examine la matière des exceptions à la lex concursus.

B. Champ d'application limité

5.La notion de procédure d'insolvabilité consacrée par le code est très large. Il s'agit de toutes les procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur. Sont dès lors concernées les procédures de droit belge qui répondent à cette définition (à savoir la faillite, le concordat et le règlement collectif de dettes mais également, selon les travaux parlementaires, la liquidation déficitaire volontaire ou forcée [11]), mais aussi les procédures étrangères fondées sur l'insolvabilité collective du débiteur puisque le code organise leur reconnaissance et leur exécution en Belgique (art. 116).

6.Le chapitre XI du code s'applique indistinctement à tous les débiteurs personnes physiques ou morales. En cela le code se distingue du règlement dont l'article 1, 2 exclut certaines personnes morales particulières en vue de les soumettre à des règles spéciales (il s'agit des entreprises d'assurance, des établissements de crédit, des entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières et des organismes de placement collectifs). Les entreprises d'assurances et les établissements de crédit sont visés par des directives européennes transposées en droit belge par la loi du 6 décembre 2004 [12]. Par contre, les entreprises d'investissements mentionnées ci-dessus et les organismes de placement collectifs échappent à l'application du règlement et des deux directives transposées en droit belge.

7.Néanmoins, le chapitre du code relatif au règlement collectif de l'insolvabilité trouve assez rarement à s'appliquer. En effet, l'article 2 du code confirme le principe de la primauté des instruments internationaux sur les dispositions de droit national et l'adage lex specialis. Le chapitre XI ne s'applique donc qu'à défaut d'application du règlement, de la loi du 6 décembre 2004 ou d'une des conventions bilatérales conclues entre la Belgique, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Autriche [13]. Les articles 116 à 121 du code s'appliqueront donc principalement: (i) aux procédures d'insolvabilités non-communautaires, c'est-à-dire celles relatives à un débiteur dont le principal établissement n'est pas situé dans un Etat membre, mais qui a établi en Belgique son siège statutaire ou qui y dispose d'un établissement, et (ii) aux procédures communautaires qui concernent un débiteur exclu du champ d'application du règlement et non visé par la loi du 6 décembre 2004 (il s'agit principalement des entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers et des organismes de placement collectifs).

III. Loi applicable
A. Règle générale

8.Le code n'innove pas en prévoyant que c'est la lex concursus (c'est-à-dire la loi de l'Etat d'ouverture de la procédure d'insolvabilité) qui en régit l'ouverture, le déroulement et la clôture (art. 119, § 1). Il est en effet logique que le juge compétent pour ouvrir une telle procédure lui applique le droit du for. La même règle de conflit est consacrée à l'article 4 du règlement. Le domaine de la lex concursus est d'ailleurs déterminé à l'article 119, § 1er, alinéa 2, du code par référence expresse à l'article 4, 2 (a) à (m), du règlement, qui renvoie au droit national des Etats membres mais contient néanmoins une liste non exhaustive des questions régies par la loi de la faillite. L'article 4, 2, du règlement énonce que:

“La loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment:

a) les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité;

b) les biens qui font l'objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;

c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic;

d) les conditions d'opposabilité d'une compensation;

e) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie;

f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l'exception des instances en cours;

g) les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;

h) les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances;

i) les règles de distribution du produit de la réalisation des biens, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation;

j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat;

k) les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité;

l) la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité;

m) les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers”.

9.La référence à l'article 4, 2, a été insérée dans le code uniquement en vue de clarifier le champ d'application de la lex concursus. Cette liste est purement exemplative et les juridictions belges sont donc libres de préciser le champ d'application de la lex concursus.

En principe, sous réserve de la mise en oeuvre d'une des exceptions à la lex concursus, les conditions d'opposabilité à la masse d'une compensation sont donc régies par la lex concursus (art. 4, 2, d) du règlement), de même que les dispositions de la lex concursus qui limitent ou s'opposent à l'efficacité des sûretés en cas de concours s'appliquent également.

Prenons l'exemple d'un gage constitué sur des bijoux de valeur par un débiteur belge au profit d'un créancier italien. Les aspects contractuels du gage (c'est-à-dire les effets personnels entre les parties contractantes) sont soumis à la lex contractus, la loi du contrat librement déterminée par les parties conformément à la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après la Convention de Rome”). À défaut de choix exprès ou implicite des parties les aspects contractuels du gage sont soumis à la loi de l'Etat où était située la résidence habituelle ou l'administration centrale du débiteur gagiste au moment de la conclusion du contrat de gage en application de l'article 4, 2°, de la Convention de Rome consacrant la théorie des liens les plus étroits, puisque c'est le débiteur gagiste qui effectue la prestation caractéristique dans un contrat de gage [14].

Les aspects de droit réel relèvent de la lex rei sitae. Conformément à l'article 87, § 1, du code, les droits réels sont généralement régis par la loi de l'Etat sur le territoire duquel le bien est situé au moment où le droit réel constitué sur ce bien est invoqué. L'article 94 du code détermine le champ d'application de la lex rei sitae. Elle régit notamment l'existence, la nature le contenu et l'étendue des droits réels constitués sur le bien, l'opposabilité du droit réel aux tiers ou encore les modes de constitution, de modification, de transmission et d'extinction de ces droits. Ainsi, en application des dispositions du code, l'opposabilité aux tiers du gage constitué sur les bijoux du débiteur gagiste sera régie par la loi de l'Etat où sont situés les bijoux au moment où le gage est invoqué. Les dispositions de la lex concursus qui s'opposent ou limitent l'opposabilité du gage en cas d'insolvabilité du débiteur ont également vocation à s'appliquer dans une certaine mesure en application de l'article 119, § 1, du code. En principe (hors application de toute exception à la lex concursus), si les bijoux mis en gage ont été déposés dans un coffre en Italie, en cas de faillite du débiteur belge, le créancier italien devra pour pouvoir réaliser son gage s'assurer que celui-ci a été valablement constitué au regard de la lex contractus, que le droit réel a été valablement constitué au regard de la lex rei sitae (loi italienne) et que cette loi permet l'opposabilité du gage aux tiers en cas de faillite du débiteur et enfin, il devra respecter les conditions ou les restrictions imposées par le droit belge de la faillite (par exemple les règles applicables à la période suspecte).

B. Cohérence

10.De la même manière que l'article 119, § 1, du code et l'article 4 du règlement consacrent la compétence générale de la loi de la faillite pour connaître des questions liées à l'ouverture, au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité (sous réserve des exceptions prévues), la loi du 6 décembre 2004 qui transpose la Directive Assurances et la Directive Établissements de Crédit consacre également la compétence générale de la lex concursus mais elle ne comporte par contre aucune énumération des matières visées par la lex concursus.

IV. Exceptions à la lex concursus
A. Généralités
§ 1. Règles de conflits vs. règles de conflits négatives

11.Avant d'examiner les règles de conflits de lois propres aux droits réels et à la compensation consacrées à l'article 119, § 2, 1° et 2°, du code, il est important de distinguer entre deux types d'exceptions à la lex concursus que l'on retrouve dans le règlement, la Directive Assurances et la Directive Établissements de Crédit et la loi du 6 décembre 2004. Parfois les exceptions à l'application de la lex concursus résultent d'une véritable règle de conflit de lois alternative qui désigne une loi autre que la lex concursus pour régir de manière exclusive les effets de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur les droits concernés. C'est le cas des exceptions prévues aux articles 8 à 11 du règlement en faveur des contrats portant sur un bien immobilier (la loi désignée est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel le bien est situé), des droits et obligations des participants à un système de payement ou de règlement ou à un marché financier (la loi désignée est celle de l'Etat membre applicable audit système ou marché), des contrats de travail (la loi désignée est celle de l'Etat membre applicable au contrat de travail), et des droits sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef soumis à enregistrement (la loi désignée est celle de l'Etat membre sous l'autorité duquel le registre est tenu). C'est également le cas des exceptions consacrées par la loi du 6 décembre 2004 en faveur des contrats de travail et relations de travail, des contrats donnant le droit de jouir ou d'acquérir un bien immobilier, droits sur un immeuble, un navire ou un aéronef, droits de propriété et autres droits sur instruments financiers, convention de compensation et de “netting”, convention de cession-rétrocession et transactions effectuées dans le cadre d'un marché réglementé (artt. 23 et 58 de la loi du 6 décembre 2004).

Parfois l'exception à l'application de la loi de la faillite résulte d'une règle de conflit de nature différente qui a pour seul objet de limiter l'application ou les effets de la loi de la faillite sur les droits concernés mais sans désigner une autre loi applicable. On parle dans ce cas de règles de conflit négatives. Les articles 5 à 7 du règlement constituent des règles de conflit négatives en application desquelles l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'égard du débiteur “n'affecte pas” les droits réels, la compensation ni la réserve de propriété (dans certaines conditions). Ces articles ne désignent aucune loi applicable pour régir les effets de la procédure d'insolvabilité sur ces droits, à l'exclusion de la loi de la faillite, chaque juge devant alors faire application des règles de conflit contenues dans le droit international privé du for pour déterminer la loi applicable. De même, les articles 26 et 62 de la loi du 6 décembre 2004 relatifs aux droits réels, à la compensation et aux clauses de réserve de propriété constituent également des règles de conflits négatives. L'adoption de ce type de règles de conflit négatives s'explique notamment par le fait qu'en cas de disparité des règles de conflits locales il était plus aisé dans un instrument communautaire de renvoyer au droit international privé des Etats membres plutôt que de dégager une règle de conflit de lois uniforme.

§ 2. Les dispositions du code

12.Dans un souci de simplification le législateur belge a décidé de ne pas faire coexister dans le code des règles de conflits de lois et des règles de conflit négatives. Toutes les exceptions à la lex concursus consacrées à l'article 119, § 2 et § 3, du code sont de véritables règles de conflits de lois, en ce compris les exceptions relatives aux droits réels et à la compensation. Ces règles de conflits désignent donc une loi autre que la loi de faillite pour régir certains aspects des droits concernés. Nous verrons que lorsqu'une règle de conflit de lois et une règle de conflit négative consacrent toutes deux une exception à la loi de la faillite en faveur du même type de droit, il n'est pas aisé de déterminer laquelle de ces règles l'emporte. Cette question est complexe et débattue. Par exemple, la loi du 6 décembre 2004 contient une règle de conflits de loi relative aux clauses de compensation et de netting (en application de laquelle ces clauses de compensation, en ce compris les conditions résolutoires expresses qu'elles contiennent sont exclusivement régies par la loi applicable à ces conventions) et également une règle de conflit négative qui vise la compensation de manière générale et aux termes de laquelle l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou la mise en oeuvre de mesures d'assainissement n'affecte pas la compensation de la créance du créancier avec celle du débiteur (lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'assurances).

B. Les droits réels
§ 1. Mécanisme de l'article 119, § 2, 1°

13.L'article 119, § 2, 1°, du code dispose que: “Par dérogation au § 1er mais sans préjudice de l'application du droit désigné en vertu du § 1er aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers, l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur:

1° les droits réels des tiers portant sur les biens appartenant au débiteur et qui sont situés sur le territoire d'un autre Etat au moment de l'ouverture de la procédure, est régi par le droit applicable à ces droits”.

La ratio legis de cette exception (la même que celle qui sous-tend l'exception prévue à l'art. 5, 1, du règlement) est la confiance légitime des créanciers et la sécurité des transactions. L'objectif est de protéger les tiers qui ont obtenu un droit réel sur un bien du débiteur situé dans un autre Etat autre que celui où la procédure d'insolvabilité a été ouverte et qui peuvent donc légitimement s'attendre à ce que la lex concursus ne s'applique pas aux sûretés valablement constituées et opposables au regard de la loi qui leur est applicable (c'est-à-dire la lex rei sitae déterminée conformément aux artt. 87 et suivants du code) [15]. En application de l'article 119, § 2, 1°, un créancier français qui aurait obtenu de la part d'un organisme de placement collectif de droit belge un gage sur un bien situé en France pourrait donc exercer ce gage en cas de faillite de l'OPC de droit belge ouverte en Belgique compte tenu uniquement des dispositions de la lex rei sitae applicable à ce gage, en l'espèce la loi française, à l'exclusion de l'application des dispositions du droit belge de la faillite (sauf les actions en nullité, annulation et inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers qui restent soumises à la loi belge dans les conditions indiquées ci-dessous).

14.Des exceptions similaires à la lex concursus en faveur des droits réels se retrouvent à l'article 5, 1, du règlement et dans la loi du 6 décembre 2004 qui adopte un nouvel article 109/20 de la loi de 1993 et un nouvel article 48/20 de la loi de 1975 en vertu desquels la mise en oeuvre des mesures d'assainissement ou de liquidation à l'égard d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'assurances n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, en ce compris les ensembles de biens indéterminés comme les fonds de commerce, appartenant à un établissement de crédit ou à une entreprise d'assurances, à condition que ces biens se trouvent au moment de la mise en oeuvre des mesures d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur le territoire d'un autre Etat membre de l'EEE [16].

§ 2. Champ d'application

15.Le champ d'application de l'article 119, § 2, 1°, du code sera réduit.

Champ d'application territorial

16.Les règles de conflits consacrées à l'article 119, §§ 2 à 4, du code ne sortent, en principe, leurs effets que dans l'hypothèse où les juridictions belges décident d'ouvrir une procédure d'insolvabilité principale ou territoriale en Belgique en fondant leur compétence sur l'article 118, § 1, alinéa 2, du code (et non sur l'art. 3 du règlement visé à l'art. 118, § 1, al. 1, du code) [17]. Cependant, par le biais de l'article 121, § 2, du code, l'article 119, §§ 2 à 4 sortira néanmoins certains effets dans l'hypothèse d'une demande de reconnaissance ou d'exécution d'une procédure d'insolvabilité étrangère. Cet article, inspiré de la loi modèle sur les faillites adoptée par la CNUDCI, précise qu'une décision judiciaire étrangère ne pourra pas recevoir d'effets en Belgique qui seraient contraire aux droits des parties conformément à l'article 119, §§ 2 à 4, du code. Selon nous un créancier belge qui disposerait d'un gage sur un fonds de commerce situé en Belgique appartenant à un débiteur américain dont la faillite a été ouverte aux Etats-Unis pourrait s'opposer à la reconnaissance d'effets en Belgique à la décision américaine de faillite qui limiterait ses droits à la réalisation du gage. Les conditions d'application de l'article 121 ne sont toutefois pas très explicites. Faut-il considérer que puisque le fonds de commerce est situé dans un autre Etat que celui d'ouverture de la procédure, l'article 119, § 2 peut être invoqué pour refuser les effets en Belgique de la procédure étrangère ou faut-il considérer que ce gage ne peut en l'espèce bénéficier de la protection de l'article 119 car dans l'hypothèse de l'ouverture d'une faillite en Belgique il n'aurait pas été protégé puisque le fonds de commerce est situé en Belgique. La première solution nous semble plus conforme à l'esprit du code.

Procédures d'insolvabilité principales

17.En principe les exceptions de l'article 119, §§ 2 et 3, ont vocation à s'appliquer tant aux procédures principales que territoriales. En pratique cependant, l'exception de l'article 119, § 2, 1° ne trouvera à s'appliquer que dans l'hypothèse où les juridictions belges ouvrent une procédure principale. En effet, si elles ouvrent une procédure territoriale, celle-ci n'a vocation à régir que les biens situés sur le territoire belge et donc la condition de localisation des biens dans un autre Etat ne sera pas ou très rarement remplie. Prenons un exemple: un débiteur américain dispose d'une succursale en Belgique et a consenti à une banque belge une hypothèque sur un immeuble situé au Canada. En cas d'insolvabilité du débiteur, les juridictions belges sont compétentes pour ouvrir une procédure territoriale. Celle-ci n'a cependant pas vocation à englober l'immeuble situé au Canada. Par contre, si un organisme de placement collectif de droit belge est déclaré en faillite en Belgique, le créancier américain qui s'est vu consentir par ce débiteur une hypothèque sur un immeuble situé en Turquie pourra invoquer l'article 119, § 2, 1° puisqu'il dispose d'un droit réel sur un immeuble situé dans un autre Etat que la Belgique.

Champ d'application matériel

18.Le code ne fournit aucune liste exhaustive, ni aucune définition des droits réels protégés. L'on peut s'inspirer de la liste exemplative des droits réels visés à l'article 5 du règlement afin d'en faciliter l'interprétation. Sur cette base, sont notamment visés le gage, la cession de créances à titre de garantie, l'hypothèque, le droit de revendication, ou encore les droits qui font l'objet d'une inscription dans un registre public et opposable aux tiers (artt. 5, 2 (a) et 5, 3, du règlement). La plupart des privilèges seront également visés par l'article 119, § 2, 1°. L'article 119, § 2, 1° n'établit aucune distinction entre les différents types de biens susceptibles de faire l'objet d'un droit réel. Les droits réels concernés peuvent donc indifféremment être constitués sur des biens mobiliers ou immobiliers, ut singuli ou ut universi. Le gage sur fonds de commerce ou les “floating charges” de common law peuvent dès lors être considérés comme des droits réels au sens du code (de la même manière qu'il est admis qu'ils constituent en des droits réels au sens du règlement) [18].

19.C'est au juge belge décidant de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité qu'il appartient en principe d'examiner si le droit invoqué par un tiers constitue un droit réel au sens de l'article 119, § 2, 1°. Il est généralement considéré que le juge doit pour ce faire consulter la loi applicable au droit réel telle que désignée par les règles de conflits de droit belge, hors cas d'insolvabilité, c'est-à-dire la lex rei sitae [19]. Prenons le cas d'un juge belge qui prononce l'ouverture d'une faillite en Belgique sur la base du code et qui doit examiner si le titulaire d'un droit réel similaire à un gage constitué sur des diamants appartenant au débiteur et déposés dans le coffre d'une banque dans l'Etat de New York peut bénéficier de la protection de l'article 119, § 2, 1°. Le juge devra rechercher dans la loi applicable à ce gage si le droit réel peut être qualifié de droit réel. Le juge déterminera la loi applicable à ce gage conformément aux règles de conflits de lois de droit belge, c'est-à-dire qu'il fera application de la loi de l'Etat de New York s'agissant de la loi de la situation du bien (lex rei sitae) qui régit les questions relatives à la création du droit réel conformément à l'article 87, § 1, du code. Si la loi de l'Etat de New York reconnaît un caractère réel à la sûreté constituée, le juge belge appliquera à ce gage la protection de l'article 119, § 2, 1°.

Dans l'hypothèse où les diamants auraient été déplacés après la création du gage mais avant l'ouverture de la faillite dans un coffre d'une banque française en France, le juge belge devrait selon nous examiner non pas la lex rei sitae d'origine mais la loi de la situation actuelle du bien. Cette solution est non seulement conforme à la règle traditionnelle consacrée en droit international privé belge mais elle découle aussi du texte de l'article 87, § 1, du code qui dispose clairement que la lex rei sitae est “le droit sur le territoire duquel ce bien est situé au moment ou ils [les droits réels] sont invoqués”.

Champ d'application temporel

20.Tout comme l'article 5 du règlement, l'article 119, § 2, 1° ne bénéficie qu'aux droits réels constitués avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité puisque l'objectif de l'article 119, § 2, 1° est de protéger les créanciers dont l'attente légitime était de voir leur sûreté échapper à l'application de la lex concursus (parce que constituée sur un bien situé dans un Etat différent de celui de l'Etat d'ouverture de la procédure d'insolvabilité) [20]. Une telle attente légitime ne peut se justifier lorsque le droit réel est constitué après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. S'il est créé pendant la période suspecte, la lex concursus s'applique à nouveau (voy. par. 39 ci-dessous).

§ 3. Loi applicable aux droits réels

21.Le code désigne la loi qui détermine les effets de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité sur les droits réels. Il s'agit de la loi applicable aux droits réels. Le code comporte donc une véritable règle de conflit de lois, contrairement à l'article 5, 1 du règlement qui ne contient aucune disposition de conflit de lois relative à la validité, à la perfection ou à l'exécution des droits réels et a pour seul objet d'écarter l'application de toute restriction contenue dans la loi de la faillite aux questions relatives à l'origine, la validité et l'étendue du droit réel valablement créé sur des biens situés sur le territoire d'un autre Etat membre au moment de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité [21]. La loi applicable aux droits réels désignée à l'article 119, § 2, 1° est la lex rei sitae déterminée conformément aux articles 87 et suivants du code (l'art. 91 du code s'appliquant lorsque le droit réel porte sur des titres négociables) ou conformément à une règle de conflit spéciale qui l'emporte sur les dispositions du code (comme l'art. 17 de la loi sur les sûretés financières qui s'applique lorsque le droit réel consiste en une sûreté constituée sur des instruments financiers inscrits en compte). Les articles 87 et 91 régissent l'ensemble des questions énumérées à l'article 94 du code (existence, nature, contenu et étendue des droits réels, mode de constitution, de modification, de transmission et d'extinction de ces droits, opposabilité aux tiers,…). L'article 17 de la loi sur les sûretés financières s'applique aux questions qu'elle vise expressément (nature juridique et effets patrimoniaux de la sûreté, formalités d'opposabilité, concours avec des droits concurrents, réalisation). Bien entendu, la loi applicable aux aspects contractuels entre parties reste la lex contractus, avec pour seule réserve le fait que le choix par les parties de la loi applicable à leur sûreté ne peut être effectué indépendamment des types de sûretés reconnues par la lex rei sitae.

22.L'objectif de l'exception instaurée à l'article 119, § 2, 1° en faveur des droits réels est d'écarter l'application de la lex concursus mais cet article 119, § 2, 1° ne précise pas s'il faut également écarter les dispositions du droit de la faillite de la lex rei sitae qui limitent l'effet des droits réels concernés ou le rendent inopposable en cas d'insolvabilité du débiteur afin de n'appliquer que les règles du droit commercial général de la lex rei sitae. La même question se pose dès lors que par rapport à l'article 5, 1, du règlement [22]: l'article 119, § 2, 1° a-t-il pour effet d'immuniser ou non les droits réels contre l'insolvabilité du débiteur? Cette question a été abondamment discutée en ce qui concerne l'article 5, 1, du règlement et les avis de la doctrine divergent. La question peut être illustrée par la faillite d'une société dont le siège statutaire est établi en Belgique (bien que le centre de ses intérêts principaux soit situé au Canada) et qui a octroyé une hypothèque sur un immeuble sis en Espagne à une banque belge. Dans le cadre de la faillite principale ouverte par les juridictions belges à l'égard de la société belge, la banque belge pourra invoquer l'article 119, § 2, 1°, du code puisqu'elle dispose d'un droit réel sur un immeuble du débiteur situé au moment de l'ouverture de la procédure collective d'insolvabilité dans un Etat autre que la Belgique. Faut-il pour autant en déduire que l'hypothèque sera totalement immunisée contre l'insolvabilité du débiteur?

Certains auteurs considèrent que les droits du titulaire de la sûreté doivent être limités par les dispositions de la lex rei sitae relative à la faillite. Selon la thèse de ces auteurs, si le droit espagnol de la faillite contient des restrictions ou des conditions à la réalisation d'une hypothèque en cas de faillite, ces restrictions ou conditions doivent être opposées en l'espèce au droit de la banque belge. Ces auteurs justifient leur position par l'argument selon lequel il serait anormal que le titulaire de la sûreté réelle voit sa situation améliorée du seul fait que la procédure d'insolvabilité est ouverte dans un Etat autre que celui où est situé le bien. Cette argumentation est peu cohérente avec l'esprit du règlement puisque justement celui-ci cherche à protéger les créanciers qui disposent d'une sûreté sur un bien situé dans un autre Etat autre que celui où est poursuivie l'insolvabilité du débiteur en raison de leurs attentes légitimes de voir dans ces circonstances leur sûreté échapper à l'application de la lex concursus.

D'autres auteurs, majoritaires en Belgique, estiment au contraire que les titulaires d'un droit réel peuvent exercer leurs droits sans aucune limitation, en sorte que les droits réels sont immunisés contre l'effet d'une insolvabilité du débiteur, sous réserve bien entendu de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire dans cet Etat. En l'espèce la banque belge pourrait donc réaliser l'hypothèque sans avoir égard aux restrictions éventuelles présentes dans le droit espagnol de la faillite (sauf si une procédure territoriale de faillite était ouverte en Espagne conformément aux règles de droit international privé espagnoles). Cette opinion qui correspond à la volonté des rédacteurs du rapport nous semble la plus correcte [23].

23.Cette solution ne peut être appliquée automatiquement en ce qui concerne l'interprétation de l'article 119, § 2, 1°, du code puisque sa rédaction s'écarte de celle de l'article 5, 1°, du règlement, le code prévoyant une véritable règle de conflit de lois là où le règlement instaure une règle de conflit négative.

Certains considèrent que l'article 119, § 2 n'a pas pour effet d'immuniser les droits réels visés au motif que le titulaire de ces droits ne pourrait pas invoquer le caractère surprenant que revêtirait l'application des dispositions relatives à l'insolvabilité du droit désigné par l'article 119, § 2. Dès lors, il faut appliquer la lex rei sitae, en ce compris les limitations éventuelles du droit de la faillite [24].

Cette position peut être confortée par le fait que les exceptions prévues aux articles 8 à 11 du règlement, c'est-à-dire celles qui consistent en de véritables règles de conflit de lois et non en des règles de conflits négatives, n'ont pas d'effet immunisant, ce qui est confirmé par le rapport [25]. De la même manière les règles de conflits de lois prévues dans la loi du 6 décembre 2004 désignent une loi applicable, en ce compris ses règles restrictives en matière d'insolvabilité, alors que les travaux parlementaires précisent par contre que les règles de conflits négatives prévues aux articles de la loi du 6 décembre 2004 ont pour effet d'immuniser les droits concernés, en ce compris les droits réels.

Cependant, les travaux préparatoires du code insistent sur la nécessité d'interpréter de manière uniforme les dispositions du règlement et celles du code, particulièrement en ce qui concerne les exceptions à la lex concursus, même s'il est vrai que la rédaction adoptée est différente de celle du code. Il serait en effet peu opportun que les juridictions belges traitent différemment les créanciers en cas d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en Belgique selon que la procédure soit soumise au règlement, à la loi du 6 décembre 2004 ou au code, or, les droits réels constitués sur des biens situés dans un autre Etat au moment de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité sont immunisés dans la loi du 6 décembre 2004 et dans le règlement. Ceci est sans doute conforme à la volonté du législateur mais il est malheureux qu'elle n'ait pas été exprimée explicitement. Cet argument ne vaudrait que pour les exceptions prévues à l'article 119, § 2, du code qui correspondent aux règles de conflits négatives dans le règlement et qui concernent les droits réels, la compensation et la réserve de propriété.

§ 4. Le gage, l'hypothèque et la cession de créances à titre de garantie

24.Après avoir décrit de manière générale le sort des droits réels dans le cadre du code, il est intéressant de passer en revue plus systématiquement la situation d'un tiers titulaire d'un gage, d'une hypothèque ou cessionnaire de créances à titre de garantie par rapport à la situation en droit belge avant l'entrée en vigueur du code.

Le gage

25.Il est important de passer en revue différentes catégories de gages pour examiner les questions qui sont susceptibles de se poser. C'est principalement la question de la localisation du bien sur lequel porte le gage et de la détermination de la lex rei sitae qui sont susceptibles de créer des incertitudes.

a) Le gage sur un objet mobilier corporel

26.Il est important de localiser le bien sur lequel porte le gage pour déterminer s'il est situé dans un autre Etat que la Belgique au moment de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. La question de la localisation effective d'un bien mobilier corporel est généralement aisée. Le règlement prévoit des critères de localisation des biens en son article 2 (g). Ceux-ci devraient être utilisés par les juridictions belges également dans le cadre de l'article 119. Conformément à l'article 2 (g) du règlement, les biens corporels sont logiquement situés dans l'Etat membre sur le territoire duquel ils sont matériellement situés.

Si le gage porte par exemple sur un stock de marchandises entreposées dans un endroit précis, la question de la localisation ne soulèvera aucune difficulté.

En outre, la question du conflit mobile est clairement résolue en faveur de la loi de la situation du bien au moment où celui-ci est invoqué.

En ce qui concerne la lex rei sitae, la règle générale de l'article 87, § 1 s'applique ici et désigne le droit de l'Etat sur le territoire duquel ce bien est situé au moment où les droits réels sont invoqués pour déterminer les effets de la procédure sur le gage.

b) Le gage sur fonds de commerce

27.La particularité du gage sur fonds de commerce est qu'il porte sur une universalité, c'est-à-dire le fonds de commerce, et non sur chacun des biens qui le composent pris individuellement. La question de la localisation du fonds de commerce a traditionnellement posé problème.

Prenons l'exemple d'une banque allemande qui a pris un gage sur un fonds de commerce appartenant à une société belge tombée ensuite en faillite. La banque a inscrit le gage en Belgique dans le registre tenu à la conservation des hypothèques de l'arrondissement dans lequel le fonds de commerce est établi. Comme il s'agit d'un droit que l'inscription rend opposable aux tiers, si l'on applique par analogie l'article 2 (g) du règlement, l'état où est localisé le fonds de commerce sera celui où le gage a été inscrit dans les registres [26]. Dans notre exemple la banque ne pourra en conséquence pas se prévaloir de l'article 119, § 2, 1° pour échapper à l'application de la lex concursus.

La localisation du fonds de commerce en Belgique impliquera l'existence en Belgique, à tout le moins, d'un “établissement” au sens de l'article 118, § 1, du code permettant l'ouverture d'une faillite territoriale en Belgique.

La lex rei sitae est déterminée conformément à l'article 87, § 2, du code qui prévoit une règle particulière de détermination de la lex rei sitae en faveur des universalités. Cet article désigne la loi de l'Etat avec lequel le fonds de commerce présente les liens les plus étroits. L'on peut présumer qu'il s'agit de la loi de l'Etat dans lequel est situé le siège d'exploitation du fonds de commerce concerné.

c) Le gage sur créances

28.En droit interne, le gage sur créances tout comme la cession de créances, est opposable aux tiers autres que le débiteur erga omnes c'est-à-dire sans formalité par la simple conclusion du gage (art. 2075 du code civil). La plupart des auteurs considéraient traditionnellement que les règles de droit international privé applicable à la cession de créances devaient s'appliquer par analogie au gage sur créances.

L'article 12 de la Convention de Rome relative à la loi applicable aux obligations contractuelles concerne la cession de créances et dispose que:

“1. Les obligations entre le cédant et le cessionnaire d'une créance sont régies par la loi qui, en vertu de la présente convention, s'applique au contrat qui les lie.

2. La loi qui régit la créance cédée détermine le caractère cessible de celle-ci, les rapports entre cessionnaire et débiteur, les conditions d'opposabilité de la cession au débiteur et le caractère libératoire de la prestation faite par le débiteur”.

Par analogie avec les règles de l'article 12 de la Convention de Rome, la loi applicable au contrat de gage régit traditionnellement les rapports entre le créancier gagiste et le débiteur gagiste et la loi de la créance gagée détermine traditionnellement si celle-ci peut être donnée en gage, les rapports entre le créancier gagiste et le débiteur de la créance gagée et les conditions d'opposabilité du gage au débiteur. Comme l'article 12 de la Convention de Rome ne prévoit aucune règle de conflit en ce qui concerne l'opposabilité aux tiers, les règles de conflit de lois du for s'appliquent pour déterminer la loi applicable à l'opposabilité aux tiers du gage sur créances.

29.Dans un premier temps le législateur belge avait opté dans l'article 145 de la loi du 2 août 2002 pour la loi du contrat de cession pour régir l'opposabilité aux tiers autres que le débiteur cédé de la cession de créances. À nouveau cet article ne s'appliquait qu'à la cession de créances mais pouvait être appliqué par analogie au gage sur créances. L'article 145 de la loi du 2 août 2002 a été abrogé par le code et remplacé par l'article 87, § 3, du code qui dispose que “la constitution de droits réels sur une créance ainsi que les effets de la cession d'une créance sur de tels droits sont régis par le droit de l'Etat sur le territoire duquel la partie qui a constitué ce droit ou cédé sa créance avait sa résidence habituelle au moment de la constitution ou de la cession”.

L'article 87, § 3 vise incontestablement le gage sur créances. La règle de conflit consacrée à l'article 87, § 3 concerne l'ensemble des aspects réels du gage sur créances tels qu'ils sont énumérés à l'article 94 du code, en ce compris donc l'opposabilité aux tiers [27]. L'on peut s'interroger sur les relations entre l'article 12 de la Convention de Rome et les dispositions des articles 87, § 3 et 94 du code. En principe, dans la mesure où la Convention de Rome ne s'appliquait que par analogie au gage sur créances, la règle de conflit consacrée à l'article 87, § 3, du code doit prévaloir en ce qui concerne le gage sur créances, tandis que les dispositions de la Convention de Rome prévalent en matière de cession de créances en tant que règles de conflit de droit international. Toutefois, le conflit potentiel entre la règle de l'article 87, § 3 et celle de l'article 12 est plutôt théorique puisque les règles de conflits consacrées à l'article 12, §§ 1 et 2, de la Convention de Rome concernent les aspects contractuels de la cession de créances et par analogie du gage sur créances (hormis la cessibilité de la créance), alors que la règle de conflit visée à l'article 87, § 3, du code ne s'applique au contraire qu'aux aspects réels.

Prenons l'exemple d'une banque française qui a consenti un prêt à une société belge (une entreprise d'investissement) qui dispose de plusieurs établissements en Europe. La banque s'est vue consentir un gage sur les créances de la société à l'égard de débiteurs français. Les parties ont décidé de soumettre ce gage à la loi française. Les juridictions belges ouvrent ensuite la faillite principale de la société en Belgique. Pour que la banque française puisse se prévaloir de la protection de l'article 119, § 2, 1°, il faut que les créances gagées soient situées dans un autre Etat que la Belgique au moment de l'ouverture de la procédure de faillite. Selon le critère de l'article 2 (g) du règlement, analogue au critère traditionnel de localisation fictive consacré en droit belge, les créances sont réputées localisées au centre des intérêts principaux du débiteur de la créance (qui n'est pas le débiteur insolvable). Il appartiendra à la banque d'établir pour la ou les créances gagées que le centre des intérêts principaux de chacun des débiteurs se situe dans un Etat autre que la Belgique. Le critère de localisation retenue à l'article 2 (g) en ce qui concerne les créances est peu pratique en cas de mise en gage d'un ensemble de créances car il résulte de la mise en oeuvre de ce critère la détermination de différentes localisations. Dans notre exemple, la condition de situation de la créance dans un Etat autre que la Belgique sera remplie en ce qui concerne le gage puisque les créances seront réputées situées en France. En application de l'article 87, § 3, du code, c'est la loi belge qui s'appliquera en l'espèce à titre de lex rei sitae puisque le constituant du gage avait sa résidence habituelle en Belgique au moment de la constitution du gage. Cette loi déterminera notamment si le gage sur créances est opposable aux tiers. La loi applicable à la convention de gage et la loi applicable à la créance mise en gage régiront par analogie les matières visées à l'article 12 de la Convention de Rome.

Les gages sur créances constitués avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité (hors période suspecte) seront protégés par l'article 119, § 2, 1° même s'ils portent sur des créances futures.

d) Le gage sur instruments financiers

30.Prenons l'exemple d'un gage constitué par un débiteur belge sur des instruments financiers détenus sur un compte-titres tenu auprès d'un intermédiaire établi à Luxembourg en faveur d'un créancier français. En cas de faillite du débiteur belge, la sûreté du créancier est-elle protégée contre l'ouverture de cette faillite en vertu de l'article 119, § 2, 1°?

Il s'agit clairement d'un droit réel protégé par l'article 119, § 2, 1° et les conditions de son application sont remplies en l'espèce puisque les instruments financiers sur lesquels porte le gage sont localisés au lieu de situation du compte-titres, c'est-à-dire à Luxembourg.

31.En ce qui concerne la détermination de la lex rei sitae (qui va déterminer les effets de la procédure de faillite sur le gage sur instruments financiers), le juge belge pourrait faire application de l'article 91 du code relatif aux titres négociables. La loi désignée par l'article 91, § 1 est celle de l'Etat où est situé le registre où figure l'inscription en compte des titulaires de compte. Il est présumé que le registre est situé au lieu de l'établissement de la personne qui tient le compte des titulaires, c'est-à-dire en l'espèce au Luxembourg. Si les instruments ne font pas l'objet d'une telle inscription, la loi applicable est celle de leur situation effective au moment où le gage est invoqué (art. 91, § 2).

Toutefois d'autres règles de conflits prévalent en application de l'article 2 du code, en tant que lex specialis, puisque le code ne s'applique que sous réserve “de l'application des traités internationaux, du droit de l'Union européenne ou de dispositions contenues dans des lois particulières”.

Tout d'abord, l'article 9 de la directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (dite Directive Finalité”), transposé en droit belge à l'article 8 de la loi de transposition du 28 avril 1999, s'applique en tant que lex specialis lorsque le droit réel concerné consiste en une sûreté constituée en faveur d'un autre participant à un système de paiement ou de règlement-titres ou en faveur d'une banque centrale d'un Etat membre [28]. L'article 8, § 1 de la loi du 28 avril 1999 assure l'efficacité de telles sûretés en disposant que l'insolvabilité d'un participant à un tel système ne peut en affecter la validité, l'opposabilité ou la réalisation préférentielle. L'article 8, § 2 précise que lorsque la sûreté porte sur des instruments financiers inscrits en compte, dans un registre ou auprès d'un système de dépôt centralisé situé dans un Etat membre de l'Union européenne, la détermination des droits des participants ou des banques centrales en leur qualité de titulaire de cette sûreté relève exclusivement du droit de l'Etat membre où est situé le compte, le registre ou le système de dépôt centralisé dans lequel est inscrite la sûreté. Une solution identique est consacrée par le nouvel article 109/19, 4°, de la loi du 22 mars 1993 tel qu'inséré par la loi du 6 décembre 2004 qui transpose en droit belge la Directive Assurances et la Directive Établissements de Crédit [29].

Si le gage porte sur des instruments financiers inscrits en compte, la lex rei sitae est déterminée conformément à l'article 17, § 1, de la loi sur les sûretés financières [30] qui consacre le principe “PRIMA” [31] en stipulant que la loi matérielle du lieu où le compte pertinent est tenu s'applique aux aspects de droit réel des sûretés sur des instruments financiers inscrits en compte, à savoir:

    • la nature juridique et les effets patrimoniaux de la sûreté;
    • les éventuelles exigences relatives aux formalités nécessaires pour rendre une telle sûreté opposable aux tiers;
    • le concours entre droits concurrents ou le fait de savoir si une acquisition de bonne foi a eu lieu;
    • les éventuelles conditions requises pour la réalisation de la sûreté.

    L'article 17, § 3 précise que le compte pertinent est celui tenu par l'intermédiaire financier ou l'organisme de compensation ou de liquidation dans les livres duquel les instruments financiers remis en garantie sont inscrits.

    L'article 17 précise expressément que ses dispositions s'appliquent sans préjudice de l'article 8, § 2, de la loi de transposition de la Directive Finalité [32]. Par ailleurs, l'article 17 de la loi sur les sûretés financières l'emporte en tant que législation communautaire sur les dispositions des conventions bilatérales conclues par la Belgique, et plus particulièrement sur la Convention conclue avec l'Autriche le 16 juillet 1969 et sur celle conclue avec les Pays-Bas le 28 mars 1925 (voy. par. 7 ci-dessus).

    32.En toute hypothèse, l'ensemble des dispositions applicables aux sûretés sur instruments financiers faisant l'objet d'une inscription en compte, dans un registre ou auprès d'un système de dépôt centralisé sont parfaitement cohérentes en ce qu'elles consacrent toutes l'approche PRIMA. Ceci est également vrai dans la loi du 6 décembre 2004 qui édicte un nouvel article 109/19, 4°, de la loi du 22 mars 1993 qui dispose que l'exercice du droit de propriété sur des instruments financiers ou d'autres droits sur de tels instruments dont l'existence ou le transfert suppose l'inscription dans un registre, un compte ou auprès d'un système de dépôt centralisé est régi par la loi de l'Etat membre où est situé le registre, le compte ou le système de dépôt centralisé. Seul l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur les droits réels est régi par la lex rei sitae ainsi désignée. La loi du 6 décembre 2004 n'a prévu cette exception à la lex concursus qu'en ce qui concerne la loi applicable aux mesures d'assainissement et de liquidation relatives aux établissements de crédit et non aux entreprises d'assurances [33].

    L'hypothèque

    33.La protection offerte par une hypothèque soulève moins d'incertitudes que le recours aux autres types de sûretés réelles. Comme les autres sûretés réelles, l'hypothèque conventionnelle est régie à la fois par la lex rei sitae pour les aspects relatifs au droit réel (validité de l'inscription, opposabilité, rang, durée,…) et par la lex contractus [34]. Ceci étant, les hypothèques légales sont soumises à la lex rei sitae uniquement, et les règles de conflits de lois applicables à l'hypothèque ne sont pas modifiées en cas de concours sur les biens du débiteur [35] et enfin il n'y aura aucun problème de localisation du bien sur lequel porte la sûreté, ni de conflits mobiles à trancher.

    Une banque belge qui dispose d'une hypothèque sur l'immeuble d'un débiteur belge situé en France pourra dès lors, en cas de faillite du débiteur, réaliser son hypothèque sur l'immeuble situé en France sans avoir égard au droit belge de la faillite. Seul le droit français va s'appliquer pour déterminer les effets de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité sur l'hypothèque, en tenant compte ou non des dispositions françaises du droit de la faillite selon que l'on considère ou non que l'article 119, § 2, 1° a pour effet d'immuniser l'hypothèque contre la faillite du débiteur ou non (voy. n°s 22 et s. ci-dessus).

    La cession de créances à titre de garantie

    34.La cession de créances à titre de garantie est l'un des droits réels expressément visés à l'article 5, § 2, b), du règlement qui fait référence au “droit exclusif de recouvrer une créance”. Par analogie, ce type de droit est donc également visé par l'article 119, § 2, 1°, du code.

    Les effets d'une procédure d'insolvabilité sur la cession de créances à titre de garantie consentie par un débiteur belge en faveur de son créancier en garantie de la bonne exécution de ses obligations ne seront pas régis par la loi belge en tant que lex concursus en cas d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en Belgique à l'encontre de ce débiteur si les créances cédées sont situées dans un autre Etat membre au moment de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Dans ce cas, c'est la loi applicable à la cession de créances à titre de garantie qui s'applique. L'article 2 (g) du règlement précise qu'une créance est située dans l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du débiteur cédé (et non du débiteur insolvable). Les créances sont donc fictivement localisées au domicile du débiteur cédé. Dans l'hypothèse d'une cession globale impliquant plusieurs débiteurs cédés, il conviendra de déterminer pour chacune des créances le lieu de domicile du débiteur cédé.

    Quelle est la loi applicable à la cession de créance à titre de garantie? Il s'agit de la loi déterminée conformément à l'article 87, § 3, du code qui vise notamment l'opposabilité de la cession de créances à titre de garantie aux tiers. Il s'agit de la loi de l'Etat où le cédant avait sa résidence habituelle au moment de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. En l'espèce il s'agira de la loi belge puisque le cédant est un débiteur de droit belge. C'est par contre la loi de la créance cédée qui détermine si celle-ci peut être cédée à quelles conditions. C'est également la loi de la créance cédée qui régit la question de l'opposabilité au débiteur cédé de la cession de créances (art. 12, § 2, de la Convention de Rome). La détermination de la loi applicable à une créance est en droit belge une question délicate et controversée (sauf lorsque la créance est incorporée dans un titre auquel cas le gage sur ce type de créance est assimilé à un gage sur biens meubles corporels) [36] qui se pose dans des termes similaires pour le gage sur créances et la cession de créances ou la cession de créances à titre de garantie. La doctrine classique et la jurisprudence belges localisaient généralement les créances au domicile du débiteur de la créance [37]. Un courant plus récent et majoritaire prône le rattachement des créances à la loi de leur source, c'est-à-dire la loi du contrat dans lequel la créance trouve son origine, celle du délit ou du quasi-délit [38]. La loi de la créance gagée régit également la question de savoir si la créance peut être gagée et à quelles conditions.

    L'article 119, § 2, 1°, du code sortira ses effets afin de protéger les cessions de créances à titre de garantie conclues avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, même si celles-ci portent sur des créances futures.

    C. La compensation
    § 1. Mécanisme de l'article 119, § 2, 2°

    35.L'article 119, § 2, 2°, du code dispose que: “Par dérogation au § 1er mais sans préjudice de l'application du droit désigné en vertu du § 1er aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers, l'effet de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sur:

    2° le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, est régi par le droit applicable à la créance du débiteur insolvable”.

    Comme nous l'avons vu, c'est en principe la lex concursus qui détermine les conditions d'opposabilité de la compensation en cas de procédure collective d'insolvabilité ouverte à l'égard du débiteur. Cette loi s'applique en plus de la loi applicable à la compensation déterminée conformément aux règles de droit international privé du juge saisi. En droit belge la loi applicable aux effets personnels de la compensation conventionnelle est la lex contractus, tandis que la loi applicable à ses effets réels est la loi des créances à compenser, ce qui n'est pas sans soulever des difficultés lorsque les deux créances sont soumises à des lois différentes.

    De la même manière que l'article 119, § 2, 1° constitue une exception à l'application de la lex concursus en faveur des droits réels répondant à certaines conditions, l'article 119, § 2, 2° dispose que par dérogation à l'application de la lex concursus prévue à l'article 119, § 1, c'est la loi de la créance du débiteur insolvable qui régit le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur est régi par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable.

    Cette disposition est à mettre en parallèle avec l'article 6 du règlement qui prévoit une règle similaire, bien que sous la forme d'une règle de conflit négative. Dans le cadre du règlement, l'article 6 précise uniquement que la compensation n'est pas affectée par l'ouverture de la procédure d'insolvabilité lorsque la loi applicable à la créance du débiteur insolvable permet une compensation que n'autorise pas la loi du concours. Si la lex concursus reconnaît l'opposabilité de la compensation à la masse, celle-ci n'est pas écartée. Le créancier titulaire d'une clause de compensation peut donc la voir validée soit au regard de la loi de la créance du débiteur insolvable, soit au regard de la lex concursus. L'article 119, § 2, 2°, du code, tel que rédigé, aboutit à un résultat différent: la lex concursus désigne la loi qui régit cette question, à savoir la loi applicable à la créance du débiteur insolvable et dans l'hypothèse où cette loi ne permet pas l'opposabilité de la clause de compensation, il ne sera pas possible de faire application de la lex concursus dans l'hypothèse où elle le permettrait [39]. Ceci illustre clairement que les règles de conflits positives ont un effet de protection limité par rapport aux règles de conflit négatives.

    Imaginons une banque luxembourgeoise qui a conclu une convention de compte régie par le droit luxembourgeois avec une entreprise d'investissement de droit belge. Cette convention contient une clause de compensation très large. La banque pourra opposer la compensation en cas de faillite en Belgique du débiteur sans avoir égard à la loi de la faillite si cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable, c'est-à-dire la loi luxembourgeoise si la créance découle de la convention de compte.

    § 2. Champ d'application matériel

    36.Le code ne définit pas ce qu'il faut entendre par compensation, ni quel type de compensation est protégé par l'article 119, § 2, 2°. Ici encore, il faut en référer aux dispositions du règlement qui devraient s'appliquer par analogie selon les voeux du législateur belge. Est visée selon nous tant la compensation légale que conventionnelle.

    Il nous semble que c'est la loi qui régit la créance du débiteur insolvable, et non pas la lex concursus, qu'il faut appliquer pour déterminer si les dispositions contractuelles prévoyant la compensation instaurent ou non un mécanisme de compensation tel que protégé par le code.

    Dans le secteur financier les clauses de compensation sont souvent assorties de clauses dites de “close-out” dont l'objet est de provoquer la résolution expresse des contrats concernés lorsque survient un événement lié à la défaillance et qui déclenche le processus de compensation, en ce compris en ce qui concerne les obligations non encore exigibles. Rien ne permet selon nous de considérer que l'article 119, § 2, 2° s'applique aux arrangements de “close-out netting”. Au contraire, par analogie avec l'interprétation des dispositions de l'article 6 du règlement, il nous paraît douteux que la notion de “compensation” visée à l'article 119, § 2, 2° puisse se comprendre comme faisant également référence aux arrangements de “close-out netting”. En effet, d'une part les accords de “close-out netting” consistent en des arrangements plus larges que la compensation au sens strict puisqu'ils supposent généralement la résiliation anticipée préalable au contrat et l'exigibilité anticipée des créances. Par ailleurs, l'évolution des dispositions du droit communautaire en matière de protection de la compensation (principalement dans la Directive Établissements de Crédit et dans la Directive “Collateral”) semble confirmer que les notions de “compensation” et de “netting” ne sont pas interchangeables, bien au contraire, et qu'il s'agit de deux concepts légaux distincts [40].

    La loi du 6 décembre 2004 a instauré à l'article 109/19, 5°, de la loi du 22 mars 1993 une disposition au terme de laquelle les conventions de novation ou de compensation bilatérale ou multilatérale, ainsi que les conditions résolutoires expresses qu'elles contiennent pour permettre la compensation sont exclusivement régies, en cas de mesures d'assainissement ou de procédures de liquidation à l'égard d'un établissement de crédit, par la loi applicable à ces conventions de compensation, c'est-à-dire la lex contractus déterminée conformément à la Convention de Rome [41]. La solution est donc fort différente de celle consacrée dans le code. Les parties peuvent dès lors opter pour la loi d'un Etat qui reconnaît largement la validité des clauses de “close-out netting” et leur opposabilité même en cas de faillite (à condition que tous les autres éléments de l'opération ne soient pas situés dans un seul et même Etat, auquel cas la Convention de Rome prévoit en son art. 3, § 3 que les dispositions impératives de la loi de cet Etat continuent à s'appliquer). Aucune exception similaire n'existe en ce qui concerne les mesures d'assainissement et les procédures de liquidation à l'égard des entreprises d'assurances.

    La loi du 6 décembre 2004 dispose aussi que la mise en oeuvre des mesures d'assainissement ou de liquidation à l'égard d'un établissement de crédit (art. 109/22 de la loi du 22 mars 1993) ou d'une entreprise d'assurances (art. 48/22 de la loi de 1975) n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation avec la créance de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'assurances lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'assurances [42]. Nous renvoyons pour le surplus aux nombreux commentaires relatifs à l'article 6 du règlement qui sont pertinents en l'espèce notamment en ce qui concerne l'obligation pour les créances d'exister avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité pour bénéficier de la protection de l'article 6 [43]. La loi applicable à la créance de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'assurances est déterminée conformément aux règles de droit international privé du for. En ce qui concerne les mesures d'assainissement et les procédures de liquidation concernant un établissement de crédit, l'article 109/22 n'a vocation à s'appliquer qu'à la compensation légale, la compensation conventionnelle étant visée à l'article 109/19, 5°.

    § 3. Champ d'application temporel

    37.Tout comme l'article 6 du règlement [44], l'article 119, § 2, 2° ne s'applique selon nous que dans l'hypothèse où les créances à compenser existaient avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité puisque l'objectif de l'article 119, § 2, 2° est de protéger les créanciers dont l'attente légitime était de voir leur possibilité d'invoquer la compensation échapper à l'application de la lex concursus [45]. Une telle attente légitime ne peut se justifier que lorsque les créances à compenser existent avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. S'ils sont créés pendant la période suspecte, la lex concursus s'applique à nouveau (voy. par. 39 ci-dessous). Certains auteurs considèrent néanmoins que si la loi de la créance du débiteur insolvable autorise la compensation après faillite alors même que les deux créances sont nées après la faillite, l'article 6, 1 devrait s'appliquer [46].

    § 4. Loi applicable à la compensation

    38.L'article 119, § 2, 2°, du code est une véritable règle de conflit de loi qui désigne la loi applicable pour déterminer quels sont les effets de l'ouverture de la procédure sur la compensation entre les créances du créancier et du débiteur insolvable. Les règles de conflits traditionnelles désignent la loi applicable aux créances à compenser, en général la loi de la source (lex causae), c'est-à-dire la loi applicable à l'acte qui est à l'origine de la créance. Bien entendu, la loi applicable à la compensation conventionnelle est une question délicate lorsque les parties n'ont pas fait choix d'une loi applicable et que les créances à compenser sont soumises à des lois différentes. Il faut dans ce cas faire application de la théorie des liens les plus étroits conformément à l'article 4, 1, de la Convention de Rome [47]. C'est pourquoi le code a tranché en faveur de la loi de la créance du débiteur insolvable qui régit seule les effets de la procédure sur la compensation, ce qui facilite l'application pratique. Il est évident que cette loi n'a pas vocation à régir la compensation de manière générale [48]. Au contraire, l'article 6, 1, du règlement est une règle de conflit négative dont l'objet n'est pas de déterminer la loi applicable à la compensation mais d'exclure dans certaines conditions l'application à cette compensation d'une loi déterminée, à savoir la lex concursus.

    Prenons l'exemple d'une société de droit belge qui a ouvert un compte auprès d'une banque française en France, la compensation instaurée par la convention de compte pourra sortir ses effets sans être affectée par l'ouverture en Belgique d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre du débiteur à condition que cette compensation soit permise par la loi applicable à la créance du débiteur, c'est-à-dire par la loi applicable à la convention de compte si les créances à compenser trouvent leur origine dans cette convention. Cette loi sera soit la loi choisie expressément ou implicitement par les parties, soit la loi française en raison de la localisation en France de la résidence habituelle de l'établissement de crédit qui effectue la prestation caractéristique.

    IV. Actions en inopposabilité, nullité et annulation

    39.L'exception à la lex concursus en faveur des droits réels et de la compensation consacrée à l'article 119, § 2, 1° et 2° est sans préjudice à l'application de la lex concursus aux actions en nullité, inopposabilité et annulation des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers. La même réserve existe d'ailleurs dans le règlement et dans la loi du 6 décembre 2004 à propos des règles de conflits négatives que ces instruments édictent en ce qui concerne la compensation et les droits réels. En droit belge cette réserve renvoie aux articles 17 à 20 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites (serait par exemple visée l'annulation d'un gage constitué par le débiteur au profit d'un de ses créanciers pendant la période suspecte). Néanmoins, si celui qui a bénéficié de l'acte préjudiciable peut prouver (i) que cet acte est soumis à la loi d'un autre Etat que la lex concursus (comme par exemple la lex rei sitae) et (ii) qu'en vertu de ce droit cet acte ne peut pas faire, en l'espèce, l'objet d'une nullité, inopposabilité ou annulation alors la lex concursus ne s'appliquera pas et cet acte restera régi uniquement par la loi qui lui est applicable. Cette appréciation doit être effectuée in concreto afin de déterminer compte tenu de l'ensemble des caractéristiques factuelles de l'espèce que l'acte concerné ne pourrait en aucun cas être attaqué. Cette disposition est similaire à l'article 13 du règlement et ce mécanisme se retrouve également dans la loi du 6 décembre 2004.

    V. Conclusion

    40.Les dispositions du code qui organisent des exceptions à l'application de la lex concursus en faveur des droits réels et de la compensation sont dans l'ensemble tout à fait cohérentes avec les dispositions similaires contenues aux articles 5 et 6 du règlement et dans la loi du 6 décembre 2004 en sorte que le juge belge pourra globalement traiter de manière analogue les droits réels et la compensation en cas de procédure d'insolvabilité ouverte en Belgique, que cette procédure ait été ouverte sur la base du règlement, de la loi du 6 décembre 2004 ou du code.

    Une première réserve à ce constat réside dans l'effet que la jurisprudence va reconnaître aux règles de conflits de lois consacrées par le code dans la mesure où celles-ci constituent de véritables règles de conflits et non des règles de conflits négatives. En d'autres termes, la jurisprudence va-t-elle considérer que l'article 119, § 2 a pour effet d'immuniser les droits réels et la compensation en cas d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou non?

    Une autre réserve réside dans le traitement des arrangements de “close-out netting” qui sont protégées dans le cadre des faillites bancaires ouvertes sur la base de la loi du 6 décembre 2004 mais pas, selon nous, dans l'hypothèse de procédures d'insolvabilité ouvertes sur la base du code, du règlement ou de la loi du 6 décembre 2004 lorsqu'elles concernent une entreprise d'assurances.

    [1] Ce texte a été présenté lors de l'après-midi d'étude intitulée “Code de droit international privé: Nouveaux aspects du droit international des affaires” qui s'est tenue à l'ULB le 11 mars 2005.
    [2] Maître de conférences à l'ULB. Avocat, Simont Braun.
    [3] Une limite à la lex contractus consiste dans le choix d'un type de sûreté existant dans le droit de l'Etat où est situé le bien (lex rei sitae). Voy. n° 21 ci-dessous.
    [4] N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, in Le droit des sûretés, Éd. du Jeune Barreau, 1992, n° 91 et les références citées aux notes 153 et 154; I. Peeters, “Internationaal privaatrecht”, Comm. Voorr. Kluwer, n°s 7-8, n°s 129 et s. et les nombreuses références citées. Certains auteurs minoritaires estiment que la lex concursus ne devrait en aucun cas limiter les droits des créanciers titulaires d'une sûreté en cas d'insolvabilité du débiteur (voy. not. L. Barnich, note sous Comm. Bruxelles 25 janvier 1984, Clunet 1989, pp. 1074 et s.; G. Van Hecke, “Le droit international privé des sûretés issues de la pratique”, in Les sûretés, Feduci, p. 459). Selon un autre courant doctrinal encore, la lex concursus devrait être appliquée cumulativement à la lex rei sitae en sorte que pour sortir ses effets en cas de faillite du débiteur la sûreté doit être reconnue tant par la lex rei sitae que par la lex concursus (not. H. Van Houtte, o.c., 393, note 100bis).
    [5] P. Niboyet, Traité de droit international privé français, t. IV, Paris, Sirey, 1947, p. 382, n° 1194.
    [6] Voy. note 13.
    [7] Règlement (CE) n°1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000, J.O.C.E. 30 juin 2000, L 160, p. 1. Voy. aussi M.B. 8 août 2000, p. 27243. Le règlement a fait l'objet de nombreux commentaires auxquels nous renvoyons M. Bogdan, “The E.C. law of international insolvency”, R.A.E. 2001-02, pp. 452 et s.; T. M. Bos, “The European insolvency regulation and the harmonization of private international law in Europe”, N.I.L.R. 2003, pp. 31 et s.; Th. Bosly, “La faillite internationale. Une ère nouvelle s'est-elle ouverte avec le règlement du Conseil du 29 mai 2000?”, J.T. 2001, pp. 689 et s.; D. Bureau, “La fin d'un îlot de résistance. Le règlement du Conseil relatif aux procédures d'insolvabilité”, Rev. crit. d.i.p. 2002, pp. 613 et s.; Y. Chaput, “Vers un droit de la faillite européenne? (Le règlement du Conseil du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité)”, in Centre d'études Jean Renauld, Faillites et concordats judiciaires: un droit aux contours incertains et aux interférences multiples, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 571 et s.; Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, “Les entreprises en difficulté dans l'Union européenne”, Petites Affiches 2001, numéro spécial du 20 novembre; E. Dirix et V. Sagaert, “De Europese Insolventieverordening”, in H. Braeckmans en E. Dirix et al. (éd.), Gerechtelijk akkoord en faillissement, Antwerpen, Kluwer, 2002 et “De Europese Insolventieverordening”, in Gerechtelijk akkoord en Faillissement, Kluwer, 2002, pp. 20-26; Ph. Hameau et M. Raimon, “Faillites internationales. Approche européenne”, R.D.A.I. 2003, pp. 645 et s.; A. Honorat et C. Henry, “La compétence juridictionnelle en matière de procédures d'insolvabilité dans le règlement 1346/2000 du 29 mai 2000: une nouvelle tentative de conciliation par la hiérarchie entre universalité et territorialité en matière de 'faillites internationales'“, in X, Mélanges Jean-Pierre Sortais, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 313 et s.; L. Idot, “Un nouveau droit communautaire des procédures collectives: le règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000”, J.C.P. éd. E 2000, pp. 1648 et s.; V. Marquette, L'incidence du règlement 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité sur les sûretés bancaires contractuelles“, in Sûretés bancaires et financières, Cycle d'étude du 8 et 27 mai 2003, AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 130 et s.; M. Menjucq, “La situation des créanciers dans le règlement 1346/2000 sur les procédures d'insolvabilité”, R.J.D.A. 2001/6, pp. 579 et s., et “Aspects de droit international privé relatifs aux conflits de compétence et aux conflits de lois”, Rev. proc. coll. 2003, pp. 49 et s.; G. Moss, I. Fletcher et S. Isaacs (éd.), The EC Regulation on insolvency proceedings. A commentary and annotated guide, Oxford University Press, 2002; P. Torremans, “The EU Council Regulation on Insolvency Proceedings: a step in the right direction?”, tijdschrift@ipr.be, 2001, pp. 104 et s.; J.-L. Vallens, “Le droit de la faillite en Europe. Les procédures secondaires”, Rev. proc. coll. 2003, pp. 60 et s.; N. Watté, “L'opposabilité des sûretés dans le nouveau règlement européen des procédures d'insolvabilité”, Rev. dr. U.L.B. 2001; N. Watté et V. Marquette, “Le règlement communautaire, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité”, R.D.C. 2001, pp. 565 et s.; P. Wautelet, “De Europese insolventieverordening”, in H. Van Houtte et M. Pertegas Sender (éd.), Het nieuwe Europese IPR: van verdrag naar verordening, Antwerpen - Groningen, Intersentia Rechtswetenschappen, 2001, pp. 103 et s.
    [8] C'est-à-dire celles qui concernent un débiteur dont le centre des intérêts principaux est situé dans un Etat membre, en ce compris les dix nouveaux Etats membres puisque le règlement fait partie de l'acquis communautaire qui leur est directement applicable (voy. art. 2 de l'acte d'adhésion), mais à l'exception du Danemark qui n'est pas lié par le règlement.
    [9] Loi du 6 décembre 2004 modifiant notamment, en matière de procédures d'insolvabilité, la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances, M.B. 28 décembre 2004, p. 85856. Directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurances, J.O.C.E. 20 avril 2004, L 110 (Directive Assurances) et Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (J.O.C.E. 5 mai 2001, L 125, p. 15 (Directive Établissements de Crédit). Sur la Directive Établissements de Crédit: J.P. Deguée, “La directive 2001/24/CE sur l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit: une solution au défaillances bancaires internationales?”, Euredia 2001-02, pp. 241 et s.; “La directive 2001/24/CE sur l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit: enfin un droit international privé uniforme des procédures d'insolvabilité en matière bancaire”, Cahiers AEDBF, n° 15, Bruylant, 2004, pp. 185 et s., “The Winding Up Directive Finally Establishes Uniform Private International Law for Banking Insolvency Proceedings”, EBLR 2004, vol. 15, pp. 99 et s.; R. Cercone, “European Community Directive on Reorganisation and Winding-Up of Credit Institutions”, EBLR 2004, pp. 685 et s. Sur la Directive Assurances, voy. J.-P. Deguée, “Aspects juridiques de la liquidation des entreprises d'assurances”, Euredia 2003/4, pp. 613 et s.; J. Bannister et R. Spencer, “Insurer Insolvency: Brave New World?”, in Butterworths Journal of International Banking and Financial Law septembre 2003, p. 308. Sur la loi du 6 décembre 2004, voy. V. Marquette, “Actualités du droit international privé en matière de droit bancaire, financier et des assurances: aperçu global et questions choisies”, in Bancassurfinance, Bruylant, 2005, pp. 291 et s.
    [10] Doc. parl. Sénat, sess. 2003-04, amendements, n° 3-27/6, p. 39.
    [11] Doc. parl. Sénat, sess. 2003-04, rapport, n° 3-27/7, p. 367. Cette référence à la liquidation déficitaire ne sera pas sans soulever de nombreuses questions. Quels sont les critères précis à prendre en considération pour déterminer si une procédure de liquidation est ou non déficitaire? À quel moment de la procédure faut-il se situer pour déterminer si elle est déficitaire?
    [12] Ces directives ont été transposées en droit belge par la loi du 6 décembre 2004 précitée. Par contre, certaines entreprises d'investissements et les organismes de placement collectifs échappent tant au règlement qu'aux deux directives. Sur ces directives voy. note 9 ci-dessus.
    [13] Convention du 8 juillet 1899 entre la Belgique et la France sur la compétence judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, loi du 31 mars 1900 (M.B. 30-31 juillet 1900); convention du 16 juillet 1969 entre la Belgique et l'Autriche sur la faillite, le concordat et le sursis de paiement (avec le protocole additionnel du 13 juin 1973), loi du 15 avril 1975 (M.B. 24 juillet 1975); convention du 28 mars 1925 entre la Belgique et les Pays-Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite, ainsi que sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, loi du 16 août 1926 (M.B. 27 juillet 1929); convention du 2 mai 1934 entre le Royaume-Uni et la Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, loi du 4 mai 1936 (M.B. 27 novembre 1936). Ces conventions n'ont pas été abrogées suite à l'entrée en vigueur du règlement. Son article 44 précise toutefois que ses dispositions remplacent les différentes conventions bilatérales conclues entre Etats liés pour les matières auxquelles il se réfère. La portée de ces conventions est donc en pratique fort réduite sauf en ce qui concerne notamment les catégories de débiteurs exclues visées à l'art. 1, 2, du règlement.
    [14] En matière de contrats bancaires, la prestation caractéristique est toutefois fournie par la banque (voy. M. Delierneux, “L'actualité des crédits internationaux”, in Le crédit aux entreprises, aux collectivités et aux particuliers, Éd. du Jeune Barreau, 2002, pp. 308 à 309; F. Bonelli, “La convention de Rome du 19 juin 1980 et la loi applicable aux opérations bancaires”, R.D.A.I. 1985, pp. 390 et s. et J.P. Mattout, Droit bancaire international, Paris, Banque, 2è éd. 1996, p. 14, n° 10 cités par M. Delierneux; N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, o.c., pp. 305 à 342, n° 96.) C'est donc la loi de l'Etat où est située l'administration centrale de la banque qui s'applique à défaut de choix. Lorsque la banque intervient via une de ses succursales situées dans un Etat autre que celui où elle a son administration centrale, le contrat est présumé avoir les liens les plus étroits avec le pays où est située la succursale qui a effectivement fourni le service.
    [15] M. Virgos et E. Schmit, Rapport sur la convention relative aux procédures d'insolvabilité (ci-après le rapport”), n° 92. Bien que le rapport ait été établi dans le cadre de la convention sur les procédures d'insolvabilité signée à Bruxelles le 23 novembre 1995, et non dans le cadre du règlement, il est généralement admis que le rapport est un instrument d'interprétation du règlement tout à fait pertinent compte tenu de l'identité de contenu de la convention et du règlement (The EC Regulation on Insolvency Proceedings: A Commentary and Annoted Guide, G. Moss, I. Fletcher et S. Isaacs (ed.), 2002).
    [16] Artt. 109/20 de la loi du 22 mars 1993 et 48/20 de la loi du 9 juillet 1975 tels que modifiés par les artt. 23 et 58 de la loi du 6 décembre 2004.
    [17] L'art. 119, § 1 indique que:

    “La procédure d'insolvabilité ouverte en vertu de l'article 118, § 1er, alinéa 2, et ses effets sont régis par le droit belge”, tandis que l'art. 119, § 2 énonce une série d'exceptions par référence à la règle générale visée à l'art. 119, § 1. Celles-ci ne concernent dès lors que les procédures d'insolvabilité visées au § 1.
    [18] Rapport, o.c., n° 103.
    [19] Rapport, o.c., n° 100.
    [20] Rapport, o.c., n° 96.
    [21] Voy. le considérant 25 du règlement et le rapport, o.c., n° 95 et 100.
    [22] N. Watté, o.c., n°s 29 et s.; E. Dirix et V. Sagaert, o.c., R.D.C. n° 23 et les références citées; Kortmann et Veder, “De Europese Insolventieverordening”, W.P.N.R. 2000, pp. 769 et 770.
    [23] Rapport, o.c., considérant n° 25. Un troisième courant, principalement aux Pays-Bas, défend encore l'idée selon laquelle les règles restrictives de la lex rei sitae ne peuvent s'appliquer que lorsque les mêmes limitations existent dans la lex concursus. Les limitations du droit espagnol de la faillite ne pourraient ainsi limiter le droit de la banque de réaliser son hypothèque que si les mêmes restrictions existent en droit français (Kortmann et Veder, l.c.; B. Wessels, “The secured creditor in cross-border finance transactions under the EU Insolvency Regulation”, J.I.B.L.R. 2003, pp. 135 et s.).
    [24] P. Wautelet, “Le nouveau droit international privé belge”, Dr. banc. et fin. 2005, note n° 175.
    [25] Rapport, o.c., n° 96.
    [26] Sur la question de la localisation d'un fonds de commerce lorsque le règlement ne s'applique pas, voy. I. Peeters, o.c., n° 3; G. Van Hecke et K. Lenaerts, Internationaal Privaatrecht, A.P.R., Story-Scientia, n°s 639-645.
    [27] Art. 94. “§ 1er. Le droit applicable en vertu de la présente section détermine notamment:

    1°le caractère mobilier ou immobilier d'un bien;

    2°l'existence, la nature, le contenu et l'étendue des droits réels susceptibles d'affecter un bien, ainsi que des droits de propriété intellectuelle;

    3°les titulaires de ces droits;

    4°la disponibilité de ces droits;

    5°les modes de constitution, de modification, de transmission et d'extinction de ces droits;

    6°l'opposabilité aux tiers d'un droit réel.

    § 2. Aux fins de réalisation du bien d'un débiteur, le droit applicable en vertu de la présente section détermine également l'existence de causes de préférence et leur rang, ainsi que la distribution du produit de la réalisation, sans préjudice de l'article 119”.
    [28] Voy. les considérants 25 et 26 de la Directive Établissements de Crédit.
    [29] Sur la loi du 6 décembre 2004, voy. V. Marquette, Bancassurfinance, Bruylant, 2005, o.c.
    [30] Loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûretés réelles et de prêts portant sur des instruments financiers, M.B. 1er février 2005, 2961.
    [31] Place of the Relevant Intermediary Approach.
    [32] M. van der Haegen, “Les sûretés financières: bouleversement du droit des sûretés? Nouvelles règles de droit matériel relatives au gage et nouvelles règles de droit international privé”, AEDBF/EVBFR 2004-05, pp. 9 et s.
    [33] Art. 109/19, 4°, de la loi du 22 mars 1993 tel que modifié par l'art. 23 de la loi du 6 décembre 2004.
    [34] I. Peeters, “Regeling van de voorrechten en hypotheken in het internationaal privaatrecht”, Comm. Voorr. Anvers, Kluwer, losbladig, éd. octobre 1992, n°s 129 et s. et les références citées.
    [35] I. Peeters, “Regeling van de voorrechten…”, o.c., p. 36, n° 65 et p. 47, n° 95; Rigaux et Fallon, o.c., II, p. 498, n° 1263.
    [36] Battifol et Lagarde, Droit international privé, t. 2, Paris, L.G.D.J., 7è éd., n° 5551; N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, o.c., n° 102.
    [37] Anvers 15 janvier 1991, R.W. 1991-92, p. 55; R. Vander Elst, “Les sûretés réelles et traditionnelles en droit international privé”, in Les sûretés, Feduci, 1984, p. 417.
    [38] Not. N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, o.c., n° 110.
    [39] P. Wautelet, “Le nouveau droit international privé…”, o.c., n° 41.
    [40] À cet égard voy. le rapport publié en octobre 2004 par le “European Financial Market Lawyers group”, EFMLG, relatif à la “Protection for bilateral insolvency set-off and netting arrangements under EC Law”, disponible à l'adresse suivante: http://www.efmlg.org/Docs/report_on_netting_final_301004.pdf ; V. Marquette, “L'incidence du règlement 1346/2000…“, o. c., p. 171, n° 71.
    [41] Art. 109/19, 5° tel qu'adopté par l'art. 23 de la loi du 6 décembre 2004.
    [42] Art. 109/22 de la loi de 1993 et art. 48/22 de la loi de 1975 tels que modifiés par les artt. 26 et 61 de la loi du 6 décembre 204. Voy. V. Marquette, Bancassurfinance, o.c.
    [43] Voy. les références citées à la note 2.
    [44] La majorité des auteurs ayant commenté le règlement considère que l'art. 6, 1 ne doit s'appliquer que dans l'hypothèse où les créances à compenser existaient avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Ceci est confirmé dans le rapport (rapport, n° 96) et ce même si l'art. 6, 1 du règlement ne fait pas expressément de distinction temporelle et devrait donc théoriquement s'appliquer sans que l'on doive distinguer selon que les créances existaient avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ou non.
    [45] Rapport, o.c., n° 96.
    [46] N. Watté, “Questions de droit international privé…”, o.c., n° 42; A.J. Berends, “Het Europees Verdrag betreffende insolventieprocedures en de UNCITRAL Modelwet inzake grensoverschrijdende insolventie met elkaar vergeleken”, Med. NVIR 1998, n° 135; E. Dirix et V. Sagaert, o.c., n° 53, ne se prononcent pas expressément sur la question.
    [47] N. Watté, “Questions de droit international privé …”, o.c., n°s 52 et 53. Sur la loi applicable à la compensation légale, voy. N. Watté, l.c., n°s 46 et s.
    [48] P. Wautelet, ”Le nouveau droit international privé…”, o.c., n° 41.