Article

Tribunal du travail Charleroi, 06/10/2003, R.D.C.-T.B.H., 2005/5, p. 545-547

Tribunal du travail de Charleroi 6 octobre 2003

ASSURANCE
Assurance en général - Assurance transport - Assurance responsabilité du transporteur - Caractère applicable de la loi sur les assurances du 11 juin 1874
L'article 2, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre exclut expressément les assurances de transport de marchandises de son champ d'application de sorte que c'est la loi sur les assurances du 11 juin 1874 qui est applicable.
ASSURANCE
Assurance transport - Article 16 de la loi 11 juin 1874 - Faute grave du préposé - Notion - Article 18 de la loi 3 juillet 1978 sur le contrat de travail - Exclusion dans la police
Lorsqu'une police de responsabilité transport prévoit une limitation de la couverture en cas de faute grave des préposés de l'assuré, “que ces derniers agissent ou non dans l'exercice de leurs activités professionnelles”, la notion de “faute grave” au sens de l'article 16 de la loi sur les assurances du 11 juin 1874 doit être assimilée à la notion de “faute grave” au sens de l'article 18 de la loi 3 juillet 1978 sur le contrat de travail.
Lorsque l'ébriété du chauffeur - qui a causé un accident - est considérée comme une faute grave au sens de la loi sur le contrat de travail, l'assureur peut par conséquent limiter son intervention sous la police à la limitation contractuelle applicable en la matière en cas de “faute grave des préposés”.
ASSURANCE
Général - Assurance transport - Prescription - Article 32 de la loi 18 juin 1874
Les parties peuvent valablement déroger dans la police d'assurance à la prescription triennale prévue à l'article 32 de la loi sur les assurances du 18 juin 1874.
VERZEKERING
Algemeen - Transportverzekering - Vervoerders­aansprakelijkheidsverzekering - Toepasselijkheid V­erzekeringswet 11 juni 1874
Artikel 2, § 1, van de Wet van 25 juni 1992 op de landverzekeringsovereenkomst (L.V.O.-Wet) sluit uitdrukkelijk transportverzekeringen voor vervoer van goederen uit haar toepassingsgebied uit zodat terzake de Verzekeringswet van 11 juni 1874 toepasselijk is.
VERZEKERING
Transportverzekering - Artikel 16 Wet 11 juni 1874 - Zware fout aangestelde - Begrip - Artikel 18 Wet 3 juli 1978 op de Arbeidsovereenkomst - Uitsluiting in de polis
Wanneer de vervoersaansprakelijkheidspolis voorziet in een beperking van de dekking in geval van zware fout van de aangestelden van de verzekerde “ongeacht of deze laatsten handelen in de uitoefening van hun beroepswerkzaamheden of niet”, is het begrip “zware fout” in de zin van artikel 16 Verzekeringswet 11 juni 1874 gelijk te stellen met het begrip “zware fout” in de zin van artikel 18 Wet 3 juli 1978 op de Arbeidsovereenkomst.
Wanneer de dronkenschap van de chauffeur - die tot een ongeval leidde - wordt bestempeld als een zware fout in de zin van de Wet op de Arbeidsovereenkomst kan de verzekeraar derhalve zijn tussenkomst onder de polis beperken tot de terzake geldende contractuele beperking ingeval van “zware fout van de aangestelden”.
VERZEKERING
Algemeen - Transportverzekering - Verjaring - Artikel 32 Wet 18 juni 1874
Partijen kunnen in de verzekeringspolis geldig afwijken van de driejarige verjaring voorzien in artikel 32 Verzekeringswet 18 juni 1874.

Me L. Dermine q.q. curateur SPRL Transgal / P. Scutenaire et Axa Belgium SA

Siég.: Moineaux (vice-président), Langrand et Nowakowski (juges sociaux)
Pl .: Mes Ph. De Graux, M. Defrance et J.P. Kesteloot loco J. Libouton

(...)

IV. La demande en intervention forcée
A. Préambule

La partie défenderesse en intervention couvre la responsabilité contractuelle de la SPRL Transgal du fait des dommages matériels occasionnés aux marchandises transportées par route pour compte d'autrui.

Sur la base de la police d'assurance et particulièrement de l'article 2.1.1 de ses conditions générales, la partie défenderesse en intervention a pris en charge le dommage survenu le 17 janvier 1999 du fait de l'avarie du chargement transporté, sous déduction d'une franchise de 25%.

L'article 2 de la police, intitulé “Exclusions”, prévoit que “Sont, dans tous les cas, exclues de la garantie, les indemnités pour avaries, pertes et/ou préjudices causés à la marchandise résultant de”:

2.1.1 “Dol et faute lourde de l'assuré et/ou de ses préposés, que ces derniers agissent ou non dans les limites de leurs attributions professionnelles.

La faute lourde des préposés commise dans l'exercice de leurs attributions professionnelles est toutefois couverte moyennant une franchise déductible de 25% du montant du sinistre avec un minimum de 50.000 FB par sinistre.” (inventaire 3, pièce 1 du dossier du demandeur qualitate qua)

Eu égard aux contestations émises par M. Scutenaire dans le cadre de l'instance principale, quant à sa commission d'une faute lourde, le demandeur qualitate qua a assigné la partie défenderesse en intervention dès lors que la franchise de 25% appliquée par cette dernière se révélerait irrégulière si l'argumentation de M. Scutenaire devait être accueillie par le tribunal.

Le demandeur qualitate qua formule d'ailleurs, à titre subsidiaire, une demande de condamnation de la partie défenderesse en intervention à la somme de 7.310,38 euros correspondant à cette franchise.

Il convient donc de considérer que la citation en intervention forcée du 11 décembre 2001 n'a pas seulement un objet limité et conservatoire, à savoir l'appel en déclaration de jugement commun (cf. A. Fettweis, Manuel de procédure civile 1987, n° 592, p. 420).

B. Compétence du tribunal et recevabilité
1. Sur la compétence

La partie défenderesse en intervention souligne que les relations entre les parties à la cause sont régies par le droit du travail (action principale), d'une part et par la loi du 11 juin 1874 sur les assurances et la police d'assurance de responsabilité CMR (action en intervention), d'autre part.

Elle poursuit en indiquant que la notion de faute lourde s'apprécie différemment suivant les dispositions légales ainsi applicables et qu'il n'y a donc pas de connexité entre les deux actions.

Une telle connexité est pourtant requise par l'article 566, alinéa 1er, du Code judiciaire, qui fait partie du titre relatif à la compétence d'attribution.

La faute lourde, une notion commune?

La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre prévoit expressément (art. 2, § 1er) ne pas s'appliquer aux assurances de transport de marchandises.

Par conséquent, c'est le régime de la loi du 11 juin 1874 sur les assurances en général qui demeure applicable aux contrats d'assurance de transport (cf. art. 3 de la loi; M. Fontaine, Droit des assurances, Larcier, 2ème éd., 1996, n° 97).

Suivant l'article 16 de la loi du 11 juin 1874, l'assureur est déchargé de couvrir les sinistres dus au dol ou à la faute lourde de l'assuré, celle-ci se définissant à partir de critères semblables à ceux déjà évoqués à propos de la faute lourde visée à l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail: un fait non intentionnel, qui dénote une imprudence telle, que l'auteur a eu ou a dû avoir conscience de ses conséquences (cf. M. Fontaine, o.c., n° 311 et s. et dans l'édition de 1975, n° 19, p. 83).

Par ailleurs, il convient de noter que les conditions générales de la police d'assurance qui lie les parties, font expressément référence à la notion de faute lourde du préposé commise dans l'exercice de ses attributions professionnelles.

Il est ainsi renvoyé à la faute lourde contenue à l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978.

Il y a donc connexité.

Partant, le tribunal est compétent, conformément aux articles 566, alinéa 1er et 565, alinéa 2, 3°, du Code judiciaire.

2. Sur la prescription de la demande de remboursement de la franchise

Les parties à un contrat d'assurance peuvent convenir de déroger au délai de prescription triennal prévu par l'article 32 de la loi du 11 juin 1874 (Cass. 25 janvier 1968, Pas. 1968, I, 656).

En l'espèce, l'article 9.5 des conditions générales de la police d'assurance dispose que:

“sans préjudice des délais légaux de prescription régissant les réclamations des tiers vis-à-vis de l'assuré, toute action en paiement d'indemnité introduite par ce dernier sera prescrite après un an à compter du jour où la compagnie a notifié à l'assuré son refus d'accorder sa garantie”.

Il est ainsi convenu, d'une manière générale, que toute action en paiement d'indemnités doit être intentée dans l'année du refus d'intervention.

En l'espèce, le refus de paiement de l'indemnité, à concurrence des 25% représentés par la franchise, a été notifié à la société Transgal par une lettre du 14 avril 2000 (inventaire 3, pièce 3 du dossier du demandeur qualitate qua).

La demande d'accord contenue au dernier paragraphe de cette lettre n'est pas de nature à remettre en question la nature de la décision de refus, dès lors que cette demande d'accord ne concerne qu'une modalité du règlement du sinistre intervenu entre l'assureur et le tiers préjudicié, à savoir le paiement par la société Transgal de sa quote-part, étant la franchise de 25%, directement au préjudicié.

La société Transgal était d'ailleurs bien consciente de la portée de la décision de son assureur de limiter son intervention à concurrence de 75% du dommage puisqu'elle lui a demandé d'intervenir volontairement à la cause dirigée contre M. Scutenaire, afin d'éviter le coût d'une intervention forcée (lettre de son conseil du 30 mai 2000, inventaire 4, pièce 1 du dossier du demandeur qualitate qua)

La demande en intervention, en tant qu'elle a pour objet d'entendre condamner la partie défenderesse en intervention à la somme de 7.310,38 euros, est donc prescrite car formée plus d'un an après le refus d'intervention notifié le 14 avril 2000.

Partant, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par la défenderesse en intervention forcée.

3. Conclusion

Le tribunal peut déclarer le jugement commun et opposable mais constate que la demande formulée à titre subsidiaire est prescrite.

Par ces motifs,

Le tribunal du travail,

(...)