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Action sociale contre un administrateur de société anonyme: décision préalable de l'assemblée générale, R.D.C.-T.B.H., 2005/4, p. 385-386

VENNOOTSCHAP
Aansprakelijkheid van de bestuurders - Vennootschapsvordering - Artikel 66bis, § 1, Venn.W. (art. 561 W.Venn.) - Geen voorafgaande beslissing van de algemene vergadering - Onontvankelijkheid van de vordering
Krachtens artikel 66bis van de Vennootschapswet, beslist de algemene vergadering of tegen de bestuurders een vennootschapsvordering moet worden ingesteld.
Een vennootschapsvordering tegen een bestuurder, ingesteld door een vennootschap, ook al wordt die voor de rechter vertegenwoordigd door een orgaan dat daartoe de bevoegdheid heeft, kan niet worden ingewilligd indien de algemene vergadering niet beslist die vordering in te stellen.
SOCIÉTÉS
Responsabilité des administrateurs - Action sociale - Article 66bis, § 1, des L.C.S.C. (art. 561 C.soc.) - Absence de décision préalable de l'assemlée générale - Non-recevabilité de l'action
En vertu de l'article 66bis des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, l'assemblée générale décide s'il y a lieu d'exercer l'action sociale contre les administrateurs.
Une action sociale exercée à l'encontre d'un administrateur par une société, même représentée en justice par un organe compétent à cet effet, ne peut être admise si l'assemblée générale ne décide pas d'exercer cette action.
Action sociale contre un administrateur de société anonyme:
décision préalable de l'assemblée générale
Stéphane Gilcart [1]

Le présent arrêt s'inscrit dans le droit fil de la décision prononcée, dans le même litige, par la cour d'appel d'Anvers le 1er mars 1999 [2].

La Cour de cassation confirme que l'action sociale ou actio mandati mue par une société anonyme à l'encontre de l'un de ses administrateurs [3], et mettant en cause la responsabilité de celui-ci requiert une décision préalable de l'assemblée générale [4].

Cette exigence légale qui figurait dans l'article 66bis, § 1er, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales et est à présent reproduite sous l'article 561 du Code des sociétés, trouve écho, en des termes identiques, dans les articles 289 et 415 du même code, respectivement pour la SPRL et la SCRL [5].

La limitation, instaurée par ces textes, à l'autonomie décisionnelle de l'organe de représentation s'applique dès lors que la société est en droit de se prévaloir d'une faute civile (contractuelle ou aquilienne) ou des conséquences civiles d'une faute pénale [6] commise par un administrateur [7] ou par un gérant dans le cadre de sa fonction d'administration ou de gestion.

Elle ne se justifie qu'en cours de vie sociale, quand l'assemblée générale détient sa pleine et entière capacité de décision. Par contraste, à compter de la dissolution ou dans le cadre d'une procédure de faillite, l'actio mandati relève de la seule initiative des liquidateurs [8], dans le premier cas, et du curateur, dans le second.

La méconnaissance de l'article 561 du Code des sociétés, et des dispositions équivalentes, expose à l'irrecevabilité de l'action en justice de la société, pour défaut de qualité, au sens de l'article 17 du Code judiciaire [9]. Il importe, par conséquent, que l'organe de représentation soit muni d'une décision formelle [10] de l'assemblée générale et qu'il puisse faire état de cette décision dès l'entame de la procédure [11].

On soulignera avec insistance le caractère légal du prérequis de l'intervention de l'assemblée, qui le distingue clairement d'une restriction statutaire. Certes, depuis 1973, le système dit “de la Prokura”, applicable à la SA, à la SPRL et à la SCRL, et auquel se réfère d'ailleurs la première branche du moyen devant la cour, établit une séparation nette entre la compétence de gestion interne et celle de représentation externe de la société. En ce sens, il serait exact de prétendre, avec la demanderesse, que l'action en justice mise en oeuvre par l'organe de représentation compétent (le conseil d'administration) peut être attribuée à la société elle-même, valablement représentée, même si l'organe compétent, d'un point de vue interne, pour décider de cette action (l'assemblée générale), n'a pas été consulté. Autrement dit, les défendeurs ne pourraient se prévaloir de l'absence de décision préalable de l'assemblée générale.

Telle n'est cependant pas l'optique d'interprétation de l'article 561 du Code des sociétés, qui, comme le relève à juste titre la Cour suprême, fait de l'habilitation de l'assemblée générale l'expression de la volonté du législateur. Pareille limitation légale à la compétence du conseil d'administration restreint bel et bien le pouvoir de représentation dont est investi ce même conseil [12] et la partie adverse peut légitimement invoquer le défaut de décision de l'assemblée générale comme argument pour contester la recevabilité de l'action sociale.

En guise de conclusion, et pour illustrer l'intérêt de l'arrêt de la Cour de cassation, l'on peut, à la suite d'un premier commentateur [13], esquisser un parallèle et voir, dans la logique de l'article 561, une image inversée de celle du système de la “Prokura”.

Selon ce dernier, en effet, les limites statutaires des pouvoirs des organes ayant qualité pour représenter la société n'ont, en principe, qu'une portée purement interne; ces limites ne sont dès lors pas opposables aux tiers et ne peuvent pas davantage être invoquées par eux [14]. À l'inverse, suivant l'article 561, la restriction légale au pouvoir de représentation de l'organe est non seulement opposable aux tiers mais peut également être invoquée par ceux-ci à l'encontre de la société.

[1] Chargé de cours à la Faculté des Sciences économiques, sociales et de gestion des F.U.N.D.P., Namur.
[2] R.D.C. 2000, p. 615.
[3] Ou d'un commissaire.
[4] En ce sens Comm. Hasselt 8 mars 2000, T.R.V. 2000, p. 184, J.D.S.C. 2001, n° 314, p. 191, obs. M.-A. Delvaux; Comm. Hasselt 27 mars 2000, T.R.V. 2000, p. 186, note B. Van Bruystegem, J.D.S.C. 2002, n° 378, p. 87, obs. J.F. Goffin et E. Viatour.
[5] Également, et par renvoi aux dispositions applicables à la société anonyme, pour la société en commandite par actions (art. 657 C.soc.) et la récente société européenne (art. 930 C.soc.).
[6] Dans l'hypothèse, par exemple, où la société se constitue partie civile devant le juge pénal dans le cadre de l'infraction d'abus de biens sociaux.
[7] Les dispositions légales ne visent pas, de manière explicite, le délégué à la gestion journalière, ni les membres du comité de direction, ni le représentant permanent d'un administrateur-personne morale. Sur la question de l'extension de l'exigence de décision préalable dans le cadre d'une action en responsabilité de la société contre ces personnes, voy. J. Vananroye, “De bekrachtiging van eenzijdige vertegenwoordigingshandelingen,in het bijzonder van de actio mandati ingesteld zonder beslissing van de AV”, note sous Cass. 25 septembre 2003, T.R.V. 2004, p. 39 et les références citées.
[8] Art. 186 C.soc. (les liquidateurs peuvent intenter toutes actions...).
[9] C. Bertsch, “De quelques précisions sur la sanction du non-respect de l'article 523 du Code des sociétés”, obs. sous Anvers 1er mars 1999, J.D.S.C. 2001, n° 305, p. 168. Également, H. Boularbah, “La double dimension de la qualité, condition de l'action et condition de la demande en justice”, R.G.D.C. 1997, p. 78, n° 51.
[10] À laquelle ne peut, par exemple, suppléer la simple constatation que l'action sociale répond à la volonté d'une majorité des actionnaires. Voy. Anvers 1er mars 1999, R.D.C. 2000, p. 615.
[11] Sauf à admettre la possibilité, dans le chef de l'assemblée générale, de ratifier en cours d'instance, couvrant ainsi l'absence initiale de décision. Dans un sens favorable à la reprise, Comm. Hasselt 8 mars 2000, T.R.V. 2000, p. 184, J.D.S.C. 2001, n° 314, p. 191, obs. M.-A. Delvaux. Contra, cependant, Anvers 1er mars 1999, R.D.C. 2000, p. 615.

B. Van Bruystegem, “Over de bekrachtiging van een actio mandati”, note sous Comm. Hasselt 27 mars 2000, T.R.V. 2000, pp. 188 et s.
[12] J. Vananroye, o.c., p. 41.
[13] Idem, p. 41.
[14] Cass. 12 novembre 1987, Pas. 1988, I, p. 304.