1.Le conseiller en placements est la personne qui, à titre professionnel, principal ou accessoire, preste ou offre de prester au public, moyennant rémunération, des services de conseil en matière de placements, portant sur un ou plusieurs instruments financiers (art. 119 de la loi du 6 avril 1995). Le tribunal rappelle à bon droit qu'il s'agit d'un louage d'ouvrage [1].
Le conseil en placements consiste donc en un service de suggestions et de conseils, sans que le conseiller puisse exécuter des actes de disposition sur les avoirs de son client. C'est le client qui prend les décisions d'investissement, à la lumière du conseil reçu. Le contrat de conseil en placements suppose une “participation” active de la part du client qui, en toute hypothèse, a le dernier mot.
Le conseiller en placements se distingue de celui qui donne un simple conseil ponctuel non orienté, à titre gratuit et bénévole dans le cadre d'une opération d'investissement [2]. Tel est le cas du banquier qui donne un avis au guichet ou sur un site Internet à un client qui désire acquérir une part de Sicav. Dans ce cas, le banquier ne fournit pas un service rémunéré.
L'intervention d'un intermédiaire professionnel n'est pas nécessairement une garantie de rentabilité de l'épargne. Le fonctionnement des marchés reste aléatoire et, dans une certaine mesure, imprévisible.
Le tribunal rappelle à bon droit que le conseiller en placements est en principe tenu d'une obligation de moyens. Le conseiller est responsable de sa faute, certains estimant même qu'il ne peut engager sa responsabilité qu'en cas de dol, de mauvaise foi ou d'imprudence grave [3]. Ne commet pas une faute, le conseiller en placements dont le choix respecte les critères de “bon père de famille” [4].
Il est communément admis que le simple fait que le portefeuille du client ait subi une moins-value n'est pas en soi constitutif de faute [5].
“Le conseiller doit apporter à sa mission des soins consciencieux. On ne peut également exiger du banquier conseiller plus que des connaissances normales appréciées au moment où le conseil est donné. Si le banquier ne garantit pas l'exactitude des renseignements fournis, il doit faire preuve d'une certaine diligence pour parvenir à cette exactitude. La bonne exécution par le banquier de son obligation de conseil droit s'apprécier en tenant compte de la qualité du client, habitué du secteur financier, du type de titres en cause et du contexte boursier international à l'époque des faits” [6].
2.Dans le cas d'espèce commenté, les clients fondaient leurs griefs sur l'article 36, § 1er, 2°, 5° et 7°, de la loi du 6 avril 1995, qui dispose que:
“§1er. Dans leurs opérations sur instruments financiers, les intermédiaires visés aux articles 2, § 1er et 34 veilleront: (…) 2° à servir au mieux les intérêts de leurs clients, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, compte tenu du degré de connaissance professionnelle de ces clients; (…) 5° à faire des démarches raisonnables pour fournir, dans un délai raisonnable, au client qu'ils conseillent, dans une langue compréhensible, toute information qui lui permet de prendre une décision bien réfléchie et en connaissance de cause. Sur simple demande du client, ils seront prêts à lui faire rapport de manière complète et honnête de leurs engagements vis-à-vis du client. Ils ne pourront proposer ni encourager une quelconque mesure qui inciterait leur client à ne pas respecter ses obligations légales y compris vis-à-vis de l'État; (…) 7° à avoir et à utiliser avec efficacité les ressources et les procédures nécessaires pour mener à bonne fin leurs activités.”
Pour être applicable, cet article 36 suppose qu'il y ait une “opération” sur des “instruments financiers” accomplie par un intermédiaire financier.
La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par “opération”. Ce terme s'éclaire d'une part à la lecture de la version néerlandaise du texte, qui parle de “transaction” [7] et d'autre part, à la lumière de l'objet même de la loi du 6 avril 1995.
Le terme “transaction” renvoie à l'idée de “circulation” des instruments financiers. Ceci est conforme au sens connu des mots “opérations de bourse” [8] qui signifient, selon le Petit Larousse et le Petit Robert, “action d'acheter ou de vendre des valeurs de bourse”.
La loi du 6 avril 1995 entend réglementer la négociation des instruments financiers en organisant d'une part, les marchés financiers et, d'autre part, le statut des intermédiaires pouvant agir sur ceux-ci.
Si les griefs adressés par les clients investisseurs à leur banque ne concernent pas, comme en l'espèce, une transaction sur instruments financiers, l'article 36 de la loi du 6 avril 1995 n'est pas applicable de sorte que le fondement invoqué par ceux-ci est inexact.
C'est dès lors à bon droit que le tribunal conclut à la non- applicabilité de l'article 36 au conseiller en placements, dès lors que les griefs du client ne visent pas une transaction sur instruments financiers [9].
L'article 36, § 1er, 2°, de la loi du 6 avril 1995 impose à l'intermédiaire de servir au mieux les intérêts de son client. Ceci implique notamment de pouvoir prouver l'ordre donné par le client, d'envoyer le bordereau relatif à l'exécution de l'ordre. Le respect de cette obligation est présumé par l'article 36, § 3, de la loi du 6 avril 1995. Il appartient dès lors au client qui se prévaut de la violation de l'article 36, § 1er, 2°, de ladite loi de renverser cette présomption et d'apporter la preuve de la violation de l'obligation d'information, ce que le client ne faisait pas en l'espèce.
L'article 36, § 1er, 5°, de la loi du 6 avril 1995 impose à l'intermédiaire une obligation d'information a priori et a posteriori, c'est-à-dire avant la conclusion de l'opération sur instrument financier et après la conclusion de celle-ci.
L'article 36, § 1er, 7°, de la loi du 6 avril 1995 impose à l'intermédiaire une obligation d'organisation qui implique d'une part, l'existence d'un audit interne et, d'autre part, le recours aux sources d'informations usuelles sur le marché. La banque disposait en l'espèce d'un service d'audit interne et de toutes les sources d'informations usuelles sur le marché.
[1] | Comm. Bruxelles 3 avril 1990, R.D.C. 1992, p. 63; Comm. Bruxelles 25 juin 1999, R.D.C. 1999, p. 735 et obs. J.P. Buyle et M. Delierneux; Bruxelles 12 octobre 2001, R.D.C. 2002, p. 334; J.L.M.B. 2002, p. 1036 ; D.C.C.R. 2003, n° 160 et note F. Longfils; M. Flamée et Th. Tilquin, “La gestion de fortune et le conseil en placements”, Rev. banque 1991, p. 575; B. Feron et B. Taevernier, Principes généraux du droit des marchés financiers, Larcier, 1997, p. 349. |
[2] | Comm. Bruxelles 2 avril 1999, R.D.C. 2000, p. 743 et obs. J.P. Buyle et M. Delierneux. |
[3] | Sentence arbitrale 29 mars 1996, R.D.C. 1996, p. 1078 et obs. J.P. Buyle et X. Thunis.; Comm. Bruxelles 7 février 1995, R.D.C. 1996, p. 80. |
[4] | Comm. Bruxelles 25 juin 1999, R.D.C. 1999, p. 735 et obs. J.P. Buyle et M. Delierneux. |
[5] | Bruxelles 12 octobre 2001, o.c.; en matière de gestion de fortune, Comm. Bruxelles 7 février 1995, R.D.C. 1996, p. 80. |
[6] | D. Blommaert et O. Poelmans, “Chronique de jurisprudence en droit bancaire”, DAOR 2003/66, p. 123 commentant Trib. arr. Luxembourg 24 octobre 2001. |
[7] | La version française de la loi utilise le terme “transaction”, lorsqu'il s'agit de définir ce qu'est un intermédiaire financier (art. 2, § 1er, de la loi). |
[8] | Le Petit Larousse et le Petit Robert, définissent la “transaction” notamment comme une “opération boursière”. |
[9] | La proposition de directive relative à la modernisation de la DSI vise à étendre la liste des services d'investissement concernés en y incluant l'activité du conseil en placements (B. Feron, “Les règles de conduite applicables aux intermédiaires financiers”, Dr. banc. fin. 2003, p. 88). |