Article

Cour d'appel Liège, 23/06/2003, R.D.C.-T.B.H., 2005/2, p. 141

Cour d'appel de Liège 23 juin 2003

BANQUE
Compte - Solidarité époux séparés de fait (non) - Approbation de compte - Anatocisme - Intérêts après clôture
La banque, qui a été avisée de la séparation de fait d'époux dont l'un était titulaire d'un compte et l'autre mandataire, ne peut invoquer la solidarité entre époux.
Est de mauvaise foi le client qui conteste le décompte de la banque qui reprend toute l'évolution du compte alors qu'il a conservé le silence après la réception de chaque extrait de compte et alors que le contrat de compte l'obligeait à signaler immédiatement les erreurs qu'il aurait constatées.
Avant la clôture du compte, les intérêts peuvent conventionnellement être incorporés régulièrement au montant dû en principal pour produire intérêt nonobstant l'absence des formalités prévues par l'article 1154 du Code civil qui ne seront exigées que lors de la clôture du compte.
Après la clôture du compte, les intérêts continuent à courir au taux conventionnel.

BANK
Rekening - Solidariteit tussen feitelijk gescheiden echtgenoten (neen) - Goedkeuring van de rekening - Anatocisme - Interesten na afsluiting
De bank, die op de hoogte werd gebracht van de feitelijke scheiding van de echtgenoten waarvan één titularis was van een rekening en de andere mandataris kan de hoofdelijkheid tussen echtgenoten niet inroepen.
Is te kwader trouw, de cliënt die de afrekening van de bank die de hele evolutie van de rekening herneemt, betwist, terwijl hij de stilte heeft bewaard na ontvangst van elk rekeninguittreksel en terwijl de rekeningovereenkomst hem verplichtte om de fouten die hij zou vaststellen onmiddellijk te melden.
Voor de afsluiting van de rekening kunnen de interesten op conventionele basis regelmatig geïncorporeerd worden in het verschuldigde hoofdbedrag om interesten te produceren niettegenstaande de afwezigheid van de formaliteiten bepaald bij artikel 1154 van het Burgerlijk Wetboek die slechts vereist worden door de afsluiting van de rekening.
Na de afsluiting van de rekening blijven de interesten lopen tegen de conventionele interestvoet.

Richard / SA Fortis Banque - Marchal

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes J. Mignon, A. Bosseler et Girouart loco Kauten, Bungert & Saussez

(...)

Attendu que Pierre Marchal était titulaire auprès de la Générale de Banque, devenue Fortis Banque, d'un compte à vue, dénommé G-Global Plus, numéro 267-0046837-05 dont son épouse, l'actuelle appelante, était mandataire ayant pouvoir d'agir seule; que chaque mois, et jusqu'en mars 1996, les dépenses effectuées par l'appelante au moyen de sa carte “Visa” personnelle étaient débitées dudit compte dont le titulaire a reçu régulièrement les extraits; que l'intéressé les a d'ailleurs soigneusement conservés puisqu'il les produit en photocopie dans son dossier de pièces;

Attendu que l'appelante affirme avoir averti l'agence d'Étalle ouverte par l'intimée le 14 mars 1996 de ce qu'elle quittait le domicile conjugal et avoir communiqué sa nouvelle adresse; que cette affirmation est étayée par un document émanant de la banque elle-même (pièce 2 appelante); que la carte de crédit dont l'appelante disposait lui a été reprise le 26 mars suivant (pièce 5 appelante); que le changement de domicile sera acté administrativement le 19 mars 1996 (voy. certificat de résidence de la commune de Tintigny);

Attendu qu'après avoir été créditeur entre le 14 et le 22 février 1996, le compte ouvert au nom de Pierre Marchal s'est à nouveau trouvé débiteur à partir du 23 février 1996; que le 13 mars 1996, il était en découvert de 101.582 francs; que le débit ne fera que croître pour atteindre 396.712 francs le 11 juillet, la banque signifiant par une lettre recommandée adressée le 18 juillet 1996 au seul Pierre Marchal qu'elle mettait fin au compte et priait son huissier d'entreprendre la récupération du découvert;

Que la citation sera signifiée le 15 mai 1997 pour un principal de 462.902 francs réclamé à nouveau au seul époux titulaire;

Que ce dernier assigne en garantie celle qui est encore son épouse pour qu'elle supporte la moitié des sommes qu'il serait amené à payer à la banque, laquelle, profitant de l'entrée en scène de l'épouse conclura à sa condamnation solidaire et indivisible; que le premier juge a prononcé une condamnation solidaire et n'a pas rencontré le souhait du mari d'être garanti pour la moitié; que le divorce entre époux a été transcrit le 13 mars 2000;

Attendu qu'après beaucoup d'hésitation à propos de l'incidence de la séparation de fait des époux sur la solidarité instituée par l'article 222 du Code civil pour des dettes contractées en vue de couvrir les besoins du ménage (voy. Leleu, “Examen de jurisprudence, les régimes matrimoniaux”, R.C.J.B. 1998, pp. 90-93, n° 27), la jurisprudence s'est fixée à la suite d'un arrêt du 15 octobre 1999 qui exclut la solidarité sauf si le tiers de bonne foi a contracté dans l'ignorance de la séparation (Cass. 15 octobre 1999, J.L.M.B. 1999, p. 1724 et note Leleu, R.C.J.B. 2001, p. 73); que la bonne foi désigne non seulement l'ignorance de la séparation mais aussi le devoir d'investigation du tiers (Leleu, “Le ménage apparent des époux séparés”, R.C.J.B. 2001, p. 87, n° 11) qui suivant les circonstances et le degré d'organisation de la profession qu'il exerce doit chercher à apprécier raisonnablement si les engagements pris sont nécessaires pour les besoins du ménage et donc s'il y a encore cohabitation ou au contraire séparation de fait (o.c., p. 98, n° 18, c);

Qu'il est constant que la banque a été avisée de la séparation de fait le 14 mars 1996 et qu'elle ne peut dès lors invoquer la solidarité entre les époux, y compris pour le découvert antérieur à cette séparation puisque c'est la clôture du compte courant le 18 juillet 1996, soit largement après la séparation de fait et après que le compte ait d'ailleurs véritablement plongé, qui fige l'obligation et donne ouverture à la réclamation;

Qu'en assignant le seul titulaire du compte, la banque ne s'était pas trompée et reconnaissait qu'elle ne pouvait agir contre l'épouse séparée;

Attendu que par la transcription du divorce le 13 mars 2000, le régime matrimonial se trouve dissous; que dans le cadre de l'action en liquidation du régime, l'intimé pourra invoquer ce que bon lui semble à propos de la prise en compte par l'appelante d'une partie du découvert du compte utilisé apparemment pour les besoins du ménage notamment par la couverture des dépenses effectuées par l'appelante au moyen de sa carte Visa; que cette question ne peut être discutée de manière séparée et indépendante de la procédure de liquidation du régime matrimonial que les parties n'ont pas défini;

Attendu que l'intimé conteste le décompte de la banque qui reprend toute l'évolution du compte; que sa mauvaise foi résulte du silence qu'il a conservé après réception de chaque extrait de compte; que l'article 5 du règlement général des opérations l'obligeait à signaler immédiatement à la banque les erreurs qu'il aurait constatées; qu'il n'en a dénoncé aucune et ne vise aucune opération précise en apportant une preuve ou même un indice laissant croire à l'existence d'une erreur ou omission; que la banque mentionne elle-même un versement à déduire, reçu d'un tiers le 13 juillet 2001 (conclusions p. 9);

Attendu qu'après la clôture du compte les intérêts continuent à courir au taux conventionnel (Liège 21 décembre 1989, J.L.M.B. 1991, p. 326 et obs. Buyle; Bruxelles 8 septembre 1995, 1995/AR/1591, en cause Générale de Banque/Brichet); qu'avant celle-ci ils peuvent, suivant la convention, être incorporés régulièrement au montant dû en principal pour produire intérêt nonobstant l'absence des formalités prévues par l'article 1154 du Code civil qui ne seront exigées qu'après la clôture du compte courant (Liège 14 janvier 1993, J.L.M.B. 1994, p. 364);

(...)

La Cour, statuant contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement entrepris sous les émendations que la condamnation de l'appelante Nathalie Richard est supprimée et que vient en déduction de la condamnation de Pierre Marchal un versement de 491,30 euros intervenu le 13 juillet 2001.

(...)