La communication d'informations confidentielles dans le cadre des “due diligence”, en particulier dans le cas des sociétés cotées
TABLE DES MATIERES
2. La communication d'informations par le conseil d'administration 2.1. L'obligation de secret des administrateurs (a) Principe
(b) Exceptions (i) Prise en compte de l'intérêt social
(ii) Décision du conseil agissant collégialement
(c) Vers une obligation de communiquer?
2.2. Les opérations d'initiés (a) L'abus d'informations privilégiées, manquement administratif (i) La communication de l'information privilégiée
(ii) L'acquisition ou la cession des titres concernés
(b) L'infraction pénale de délit d'initié (i) La communication de l'information privilégiée
(c) Pouvoir de réglementation de la CBFA (i) Principes
(ii) Liens avec l'infraction pénale
(iii) Les exemples à l'étranger
2.3. Obligations de communiquer (a) Quant à l'obligation de communiquer l'existence du processus de due diligence, dans le cadre des sociétés cotées
(b) Quant à l'obligation de communiquer les informations communiquées dans le cadre du due diligence (i) La communication aux autres candidats
(ii) La communication aux actionnaires et au public
3. Le rôle des actionnaires dans le due diligence 3.1. L'accès des actionnaires à des informations non publiques (a) Le droit direct à l'information des actionnaires
(b) La communication d'informations par des administrateurs à des actionnaires de la société (i) Principes
(ii) Application des règles relatives à l'abus d'information privilégiée et au délit d'initié?
3.2. La communication par l'actionnaire d'informations confidentielles qu'il a reçues
3.3. La cession de ses titres par l'actionnaire, titulaire d'informations privilégiées
1. | Introduction |
1.À l'occasion d'une série d'opérations relatives à une société, il est devenu habituel de pratiquer un audit de due diligence. Le due diligence consiste à examiner, de manière plus ou moins approfondie selon les cas, un ensemble de données relatives à une entreprise, afin de déterminer ou confirmer la valeur de celle-ci ou de certains de ses éléments et/ou de vérifier si l'entreprise ne recèle pas des risques pour celui qui envisage de réaliser une opération y relative (acquéreur d'actions ou d'actifs, banquier, investisseur, etc.). Le due diligence peut concerner tous les aspects d'une entreprise (aspects commerciaux, financiers, fiscaux, juridiques, environnementaux, sociaux, immobiliers, etc.). Le plus souvent il est réalisé préalablement à l'opération concernée. Parfois, il est postérieur à celle-ci et en affecte les termes (par exemple, ajustement du prix de cession d'actions ou d'actifs) [2].
La principale opération qui peut donner lieu à un tel due diligence consiste dans l'acquisition de tout ou partie des titres d'une société, dans le cadre ou non d'une offre publique d'acquisition. Dans cette hypothèse, bien que la société soit concernée par l'opération, celle-ci se dénouera au niveau de tous ou certains de ses actionnaires. De nombreuses autres situations, dans lesquelles la société est directement partie à l'opération, se présentent également. L'on pense notamment à l'émission, publique ou privée, de nouveaux titres, la cession d'actifs par la société concernée (en ce compris des participations dans d'autres sociétés), l'introduction en bourse ou la conclusion de contrats par cette société, notamment de crédit.
2.Même lorsqu'il se réalise dans le cadre d'une société privée, le due diligence peut donner lieu à un certain nombre de difficultés résultant du fait qu'un tiers à la société accède à des informations autres que celles qui sont publiquement disponibles (telles que les comptes annuels, les statuts, etc.).
Les contraintes juridiques sont encore bien plus grandes lorsqu'il il s'agit d'une société dont les titres sont admis à la cote sur un marché réglementé [3].
Pourtant, lorsque l'opération en question est relative à une société cotée, le besoin des tiers de disposer au préalable d'informations non publiques se fait également très souvent ressentir. Certes, une société cotée est plus transparente, en raison notamment des obligations qui pèsent sur elle, d'une part, de mettre à la disposition du public toutes les informations nécessaires à la transparence, à l'intégrité et au bon fonctionnement des marchés [4] et, d'autre part, de dévoiler immédiatement les informations sensibles [5]. Cependant cette obligation de communiquer ne vise que les informations d'un certain type [6]. En outre, elle connaît certaines exceptions [7].
Par ailleurs, compte tenu de la nature spécifique de l'actionnariat d'une société cotée, il peut s'avérer difficile, voire impossible, - spécialement en l'absence d'actionnaire de contrôle - de faire bénéficier le tiers de déclarations et garanties à consentir contractuellement par les actionnaires, comme cela pourrait être le cas dans le cadre d'une société privée. Le tiers ne pourra alors pas se reposer sur des telles déclarations et garanties compensant, dans une certaine mesure, un examen approfondi de la société.
Le tiers, candidat à la réalisation d'une opération avec une société cotée ou concernant celle-ci, ne dispose par ailleurs d'aucun droit à l'égard de la société, de ses administrateurs ou de ses actionnaires, à l'obtention des informations qu'il estimerait utiles. Il n'en va autrement que lorsque la loi le prévoit spécifiquement [8]. Ce tiers dépendra donc de la volonté de collaboration de ceux qui détiennent l'information.
3.La source première d'informations est constituée par le conseil d'administration de la société concernée, qui est le détenteur “naturel” des informations non publiques [9]. En pratique, les actionnaires importants d'une société détiennent également souvent nombre d'informations confidentielles.
2. | La communication d'informations par le conseil d'administration |
2.1. | L'obligation de secret des administrateurs |
(a) Principe |
4.Bien qu'aucune disposition légale ne le prévoie expressément, il est unanimement admis aujourd'hui que les administrateurs d'une société sont tenus d'un devoir de discrétion. Ce devoir consiste pour les administrateurs à ne pas dévoiler à des tiers les informations dont ils ont eu connaissance du fait de l'exercice de leurs fonctions lorsque la communication de ces informations pourrait nuire à la société.
Divers fondements juridiques ont été proposés pour justifier cette obligation, à savoir l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de mandat conclu avec la société, le caractère collégial du conseil d'administration et même le droit à l'intimité dont bénéficie la personne morale [10].
(b) Exceptions |
5.Ce principe souffre toutefois d'un certain nombre d'exceptions.
Tout d'abord, il y a des cas où la loi elle-même impose de faire des communications [11].
Nous reviendrons également ci-dessous sur le cas spécifique de la communication d'informations à l'actionnaire qui est à l'origine de la nomination de l'administrateur en question (n° 49).
Par ailleurs, quel que soit le fondement juridique reconnu au devoir de secret, il est certain que celui-ci se justifie in fine par le souci de protéger les intérêts de la société administrée. Dès lors, si l'intérêt social exige, au contraire, que des informations non connues publiquement soient divulguées à un tiers, une telle divulgation est permise et même, selon nous, obligatoire pour les administrateurs concernés. L'obligation de discrétion des administrateurs ne se confond en effet pas avec le secret professionnel prévu à l'article 458 du Code pénal, fondé sur des considérations d'ordre public et auquel il n'est en principe pas possible de déroger au profit d'intérêts privés.
Il est dès lors admis qu'il puisse être dérogé à l'obligation de discrétion incombant aux administrateurs à la double condition (a) que le conseil d'administration de la société concernée, agissant collégialement, le décide et (b) que cette décision intervienne dans l'intérêt social [12]. Les principes dégagés ci-dessous s'appliquent également mutatis mutandis à la communication d'informations à un tiers chargé d'assister dans la réalisation d'une opération, par exemple à un banquier d'affaires mandaté par un actionnaire dans le cadre de la cession de ses actions.
(i) Prise en compte de l'intérêt social |
6.L'on sait que les contours de la notion d'intérêt social sont flous [13].
En substance, il existe deux tendances principales. Selon une première thèse, restrictive, l'intérêt social se réduit à l'intérêt des actionnaires de maximaliser les profits qu'ils peuvent retirer de la société [14]. Une autre position, qui semble l'emporter, consiste à considérer que l'intérêt social englobe les intérêts de ceux qui sont impliqués dans l'activité de la société, ces différents intéressés étant dénommés les stakeholders. Dans cette conception, doivent être pris en compte, outre les intérêts des actionnaires, ceux des travailleurs, des fournisseurs, des clients, des créanciers, voire même des autorités [15].
Une solution intermédiaire a également été dégagée. Il s'agit d'apprécier l'intérêt social en fonction de l'objectif d'entreprise économiquement rentable [16].
7.Les divers intérêts ainsi considérés peuvent être opposés. La décision à prendre par le conseil de communiquer des informations confidentielles à des tiers peut dès lors être fondamentalement différente selon que c'est l'une ou l'autre de ces thèses qui est retenue. Il en est particulièrement ainsi lorsque la société n'est pas elle-même partie à l'opération envisagée mais que celle-ci se déroule au niveau de son actionnariat, comme dans le cas d'une cession d'actions de la société.
Ainsi, permettre la réalisation d'un due diligence afin de faciliter le transfert du contrôle de la société à un candidat offrant un prix avantageux aux actionnaires peut être conforme aux intérêts patrimoniaux de ceux-ci, tout en étant contraire aux intérêts des autres stakeholders. Par exemple, ce candidat acquéreur pourrait envisager de restructurer complètement la société (licenciements collectifs, fermeture de lignes de production, limitation de l'offre de produits, etc.).
8.Nous partageons l'avis de ceux qui considèrent qu'un ensemble d'éléments doit être pris en considération pour apprécier si la décision est conforme à l'intérêt social dans ce genre de situation, et non pas seulement l'intérêt “égoïste” des actionnaires ou de certains d'entre eux. S'il peut être légitime pour un actionnaire, dans une certaine mesure, d'agir en fonction exclusivement de ses intérêts propres [17], il n'en va pas ainsi au niveau du conseil d'administration.
Dans le cadre de l'offre publique d'acquisition envisagée par ING sur les actions de la BBL en 1992, la Commission bancaire avait estimé qu'un due diligence se justifiait “dans le souci de permettre à l'ensemble des actionnaires de la BBL de pouvoir bénéficier d'une offre de reprise qui conforterait la stabilité de l'actionnariat de la banque, condition nécessaire au développement de celle-ci” [18]. La Commission a ainsi combiné l'intérêt de l'ensemble des actionnaires et celui de la société elle-même. L'arrêté royal du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés semble également adopter une conception large de l'intérêt social en prévoyant que, dans l'avis qu'il doit donner dans le cadre d'une offre publique d'acquisition, le conseil d'administration doit “agir dans l'intérêt de l'ensemble des titulaires de titres, des créanciers et des travailleurs de la société visée”.
Le caractère large du cadre d'action ainsi tracé au conseil se justifie, eu égard à la variété et à la complexité des situations qui peuvent se présenter à lui. En cas de contestation, le juge saisi ne pourra d'ailleurs faire qu'une appréciation marginale du respect ou non de l'intérêt social par le conseil d'administration. Cela signifie qu'il ne pourra pas y substituer sa propre appréciation mais devra juger si l'intérêt social a manifestement été méconnu [19], [20].
Il va sans dire que dans le cadre de l'appréciation de l'intérêt social, les administrateurs ne peuvent pas tenir compte de leur propre intérêt. Ainsi, le souci de ne pas être maintenu comme administrateur suite à un changement de contrôle ne peut pas être un argument opposé à la réalisation d'un due diligence [21].
9.La prudence recommande de documenter soigneusement la conformité à l'intérêt social de la décision de communication ou de refus de communication, par exemple en exposant dans un procès-verbal le détail des motifs de la décision. Le cas échéant, le conseil pourra se faire assister par un tiers qui l'aidera à appréhender concrètement la conformité ou non de l'opération envisagée (et donc de la communication d'informations) par rapport à l'intérêt social.
Dans le cadre de l'appréciation de l'intérêt social, il y aura lieu en tous cas de tenir compte de plusieurs éléments:
- le principe même de la communication d'informations non publiques à des tiers, compte tenu des circonstances;
- les destinataires de cette information en fonction de l'objectif poursuivi (comment ces destinataires sont-ils sélectionnés? Quel engagement ou marque d'intérêt doivent-ils avoir manifesté avant que des informations leurs soient communiquées?);
- la nature de l'information non publique qui peut être dévoilée. La prise en compte de l'intérêt social vise en effet tant le principe même de la communication que l'étendue de cette communication;
- les modalités de la communication, qui doivent permettre de protéger les intérêts de la société (accords de confidentialité, engagement de standstill en matière d'achat de titres, communication progressive en fonction du caractère plus ou moins ferme de l'engagement du tiers) [22].
(ii) Décision du conseil agissant collégialement |
10.L'exigence d'une décision collégiale du conseil d'administration résulte de ce que, sauf exception, les administrateurs ne disposent individuellement d'aucun pouvoir de gestion ou de décision [23].
Toutefois, conformément aux règles générales de la responsabilité, la méconnaissance des règles de discrétion n'entraînerait la responsabilité du ou des administrateurs qui divulgueraient des informations en dehors d'une délibération de l'ensemble du conseil d'administration que pour autant que la communication d'information cause un préjudice à la société ou le cas échéant à des tiers, tels les actionnaires.
Selon nous, il est dès lors envisageable que, dans des circonstances exceptionnelles, un ou plusieurs administrateurs prennent seuls, sous leur responsabilité, la décision de communiquer des informations confidentielles [24]. Les limites à une telle initiative sont que les informations en question ne soient pas des informations privilégiées [25], qu'une telle communication soit faite dans l'intérêt social et que les mesures nécessaires soient prises pour éviter que la société n'en subisse un préjudice (engagements de confidentialité, etc.) [26]. En pratique, l'hypothèse où un ou plusieurs administrateurs isolés souhaiteraient communiquer des informations recoupe le plus souvent celle dans laquelle ils agissent “pour le compte” d'un actionnaire. Cette situation sera discutée ci-dessous n° 49.
(c) Vers une obligation de communiquer? |
11.L'intérêt social devant à tout moment guider l'action du conseil d'administration, celui-ci pourrait se trouver contraint d'ouvrir les livres de la société à des tiers si l'intérêt social le commande, à peine d'engager sa responsabilité. Le refus de permettre la réalisation d'un due diligence ou la communication trop restrictive d'informations peut en effet rendre impossible la réalisation de certaines opérations ou en affecter défavorablement les conditions. Ainsi, l'acquéreur de titres de la société sera généralement plus enclin à proposer un prix de vente plus élevé s'il a pu acquérir préalablement une connaissance détaillée de la société.
Confronté à la requête en ce sens d'un tiers ou d'un actionnaire, le conseil ne pourra donc pas se borner à invoquer son devoir de confidentialité pour décliner la demande. En outre, toujours au nom de l'intérêt social, le conseil d'administration peut devoir prendre lui-même l'initiative de proposer à des tiers de prendre connaissance de certaines informations afin de réaliser des opérations avec la société ou ses actionnaires (par exemple, la recherche d'un partenaire stratégique).
2.2. | Les opérations d'initiés |
12.La loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, déjà amendée par une loi du 22 décembre 2003, a modifié en profondeur le régime des opérations d'initiés [27]. À côté de la modification des éléments constitutifs de l'infraction pénale de délit d'initié (art. 40), cette loi a créé le manquement administratif d'opération d'initié (art. 25), [28]. Elle supprime par ailleurs “l'exception holding” [29]. La loi du 2 août 2002 s'est inspirée du projet de ce qui est entre-temps devenu la directive européenne cadre 2003/6/CE du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) [30]. Cette directive a été mise en oeuvre par divers autres instruments européens [31].
Il suffit, pour que l'on soit en présence d'une information privilégiée dont la diffusion est réglementée, que l'information (i) soit non publique, (ii) ait a un caractère précis, (iii) concerne directement ou indirectement un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers ou un ou plusieurs instruments financiers et (iv) soit susceptible, si elle était rendue publique, d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou celui d'instruments financiers connexes [32], [33].
La question des opérations d'initiés ne se pose donc pas uniquement lorsque l'opération envisagée est à conclure avec une société dont les titres sont cotés ou lorsqu'elle porte sur des titres cotés.
Ainsi, des informations confidentielles relatives à la filiale d'une société cotée sont susceptibles de constituer des informations privilégiées. Il en va ainsi que la cotation soit sur un marché belge ou à l'étranger [34].
Nous examinons ci-dessous dans quelle mesure la communication d'informations non publiques à des tiers dans le cadre d'un due diligence est susceptible de constituer une infraction pénale ou un manquement administratif ainsi que les pouvoirs réglementaires de la CBFA à cet égard. L'on rappellera ci-dessous que les informations sensibles doivent être immédiatement rendues publiques par la société concernée. Au niveau du conseil d'administration de la société concernée, la question ne se pose donc en pratique que pour les informations privilégiées qui ne constituent pas des informations sensibles - à supposer que cela puisse être le cas, ce qui est contestable - ou, si elles constituent des informations sensibles, pour lesquelles la société a obtenu une dispense de publication [35].
(a) L'abus d'informations privilégiées, manquement administratif |
13.La loi du 2 août 2002 a créé, à côté des délits pénaux, la notion d'abus de marché, dont la sanction ressort de l'autorité administrative qu'est la CBFA. Parmi les abus de marché figure l'abus d'informations privilégiées [36].
Dans le contexte qui nous occupe, deux actes sont interdits: la communication de l'information privilégiée et l'acquisition ou la cession de titres par celui qui dispose d'une information privilégiée.
(i) La communication de l'information privilégiée |
14.L'article 25 de la loi du 2 août 2002 interdit notamment de communiquer l'information privilégiée à une autre personne.
Il précise toutefois qu'une telle communication n'est pas interdite si elle intervient “dans le cadre normal de l'exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions” [37]. Ces termes, déjà utilisés par la loi du 4 décembre 1990, ne sont précisés ni par la loi ni par la directive ni par leurs travaux préparatoires. La jurisprudence belge n'en donne pas non plus d'illustration [38].
Dans leur sens commun, ces termes n'impliquent pas que la communication ne puisse être effectuée qu'en raison d'une obligation, comme certains l'ont considéré [39]. Chaque fois que le conseil d'administration, agissant dans le cadre de l'objet social de la société concernée, cherche à satisfaire l'intérêt social, il agit “dans le cadre normal de ses fonctions”. Il en va ainsi même lorsque le conseil d'administration prend des initiatives sans y être tenu. Au contraire, des administrateurs qui agiraient exclusivement lorsqu'il s'agit d'exécuter des obligations pourraient engager leur responsabilité [40].
Il en découle que la dérogation relative au cadre normal de l'exercice des fonctions autorise incontestablement la communication d'informations privilégiées par le conseil d'administration dans le cadre d'une opération à réaliser par la société elle-même (par exemple dans le cadre d'un due diligence à l'occasion de la cession d'actifs par la société ou d'une opération de financement). Il ne fait en effet pas de doute qu'en effectuant une telle communication pour le compte de la société, le conseil d'administration agit dans le cadre normal de ses fonctions.
Lorsque la société est simplement l'objet de l'opération (par exemple, un transfert de son contrôle) et que la communication sert une opération qui se conclura à l'extérieur de la société, une telle communication peut aussi se situer dans le cadre normal de l'exercice de ses fonctions par le conseil.
Tout d'abord en effet, comme exposé dans l'introduction de la présente note, la réalisation d'un due diligence est devenue tout à fait habituelle, même dans le cadre de l'acquisition des titres d'une société cotée.
La défense de l'intérêt social - dans le contexte de laquelle se situe par hypothèse la communication de l'information [41] - constitue en outre le cadre normal de l'exercice de la fonction d'administrateur.
La communication d'informations privilégiées par le conseil d'administration peut donc bénéficier de l'exception du “cadre normal des fonctions”, même lorsque la société n'est pas elle-même partie à l'opération [42]. Cette position est confirmée par un examen des pratiques suivies dans d'autres pays, dont il résulte que la réalisation d'un due diligence préalablement à l'acquisition d'une société entre bien dans le champ habituel des activités du conseil d'administration [43].
15.Pour qu'une communication d'informations privilégiées se situe dans ce “cadre normal des fonctions”, il faut, outre la conformité à l'intérêt social, une action collégiale du conseil d'administration. Les administrateurs considérés isolément n'ont en effet, sauf cas particuliers, aucun pouvoir ni aucune fonction à exercer. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'un ou plusieurs administrateurs agissant isolément ne pourraient pas communiquer des informations privilégiées sans se rendre coupables du manquement administratif d'abus d'informations privilégiées, même indépendamment de toute intention frauduleuse [44]. Il faut toutefois réserver le cas de la communication d'informations à l'actionnaire que l'administrateur “représente” [45].
16.D. Napolitano et M. Wyckaert considèrent qu'il faut en outre, pour pouvoir bénéficier de l'exception, que le conseil d'administration agisse conformément aux règles de l'art dans le cadre de la communication, en entourant celle-ci de toutes les précautions nécessaires (organisation du processus évitant les rumeurs, engagement de standstill, etc.) [46]. Cette condition résulterait du critère de normalité prévu par la disposition.
Selon nous, l'exigence de “normalité” est relative uniquement, conformément au texte légal dans la version française, au cadre de l'exercice du travail, de la profession ou des fonctions, c'est-à-dire au lien entre, d'une part, le travail, la profession ou les fonctions et, d'autre part, la communication. Elle ne concerne par contre pas la manière dont ce travail, cette profession ou ces fonctions sont exercés.
Dès lors, si le conseil d'administration, agissant collégialement, prend, en conformité avec l'objet social de la société et l'intérêt social, la décision de communiquer des informations privilégiées, il agit dans le cadre normal de l'exercice de ses fonctions et ne se rend pas coupable de manquement administratif. Ceci reste exact même si les modalités de communication de l'information ne répondent pas aux standards que l'on aurait pu attendre d'un conseil d'administration normalement prudent et diligent.
Le débat provient sans doute de la différence entre le texte de la version française et celui de la version néerlandaise. En français, le texte légal vise la communication “dans le cadre normal de l'exercice de son travail…” [47]. En néerlandais, l'exception s'applique à une communication effectuée “binnen het kader van de normale uitoefening van zijn werk…”. Cette même différence se retrouve dans les versions française et néerlandaise de l'article 3 de la directive 2003/6/CE dont la loi du 2 août 2002 déclare expressément s'inspirer [48].
La nuance est importante. Dans l'interprétation que nous défendons, un manquement au devoir de prudence dans la communication de l'information privilégiée ne devrait être sanctionné que sur base de la responsabilité de droit commun des administrateurs. Au contraire, si l'on fait de la “normalité” dans l'exercice de la fonction (c'est-à-dire dans les modalités ou dans la mise en oeuvre de la décision) une condition de l'exception, il y aurait en outre manquement administratif (et éventuellement délit d'initiés) sanctionné comme tel par des amendes (indépendamment même d'un dommage).
17.Une autre question se posera lorsque la CBFA aura adopté le règlement définissant les conditions dans lesquelles des pratiques courantes sur le marché, telles que l'examen d'informations en vue de l'acquisition de participation dans des sociétés cotées, sont constitutives ou non d'un abus d'information privilégiée, ainsi que l'y autorise l'article 30 de la loi du 2 août 2002 [49].
Faudra-t-il alors considérer que le conseil d'administration commettrait un manquement administratif si, bien qu'agissant “dans le cadre normal de l'exercice de ses fonctions” tel que nous l'avons défini ci-dessus, il communiquait l'information selon d'autres modalités que celles qui seront le cas échéant prévues par le règlement de la CBFA?
Nous ne le croyons pas. Indépendamment du règlement de la CBFA, le conseil d'administration bénéficie déjà, dans les conditions décrites ci-dessus, d'un régime d'exception en vertu de l'article 25, § 1, b), de la loi du 2 août 2002. La CBFA ne nous paraît pas pouvoir, par ses règlements, restreindre la portée de cette exception. Il nous paraît d'ailleurs qu'aucun règlement n'est nécessaire pour permettre la communication d'informations par le conseil d'administration dans le cadre d'un due diligence, eu égard à l'exception légale discutée ci-dessus. Ce qui pose véritablement problème dans l'état actuel des textes, c'est l'acquisition de titres suite à l'examen de ces informations privilégiées par le candidat [50].
(ii) L'acquisition ou la cession des titres concernés |
18.L'article 25 de la loi du 2 août 2002 interdit également à toute personne qui dispose d'une information dont elle sait ou devrait savoir qu'elle a un caractère privilégié, d'acquérir ou de céder, ou de tenter d'acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d'autrui, directement ou indirectement, les instruments financiers sur lesquels porte l'information ou des instruments financiers connexes [51].
On se situe ici du point de vue du tiers qui a reçu l'information. Il n'existe pas ici de dérogation relative au “cadre normal de l'exercice des fonctions”.
L'on constatera qu'une série d'actes pouvant être basés sur l'information privilégiée ne sont pas interdits. Il en est ainsi en particulier de la plupart des actes auxquels la société elle-même est partie. Par exemple, après avoir acquis des informations privilégiées, le tiers pourrait librement acquérir des actifs essentiels de la société concernée, tels qu'une branche d'activités, voire même l'universalité de son patrimoine [52]. De même, une banque pourrait, sur la base de ces informations, consentir un crédit ou, au contraire, le refuser. La portée relativement restreinte des actes interdits à celui qui a reçu l'information privilégiée et leur limitation aux transactions sur instruments financiers résulte de l'objectif de cette réglementation, qui est d'assurer l'intégrité et la transparence des marchés financiers [53]. Pourtant, les marchés financiers sont également susceptibles d'être perturbés par des transactions effectuées par des “insiders” et portant sur des actifs importants de la société dans des conditions de nature à influencer le cours des titres.
19.Pour le candidat acquéreur de titres de la société, la communication d'informations privilégiées, bien que régulièrement réalisée par le conseil d'administration en vertu des règles décrites ci-dessus, serait inutile si, une fois en possession de l'information privilégiée, ce candidat se trouvait contraint de s'abstenir.
Au contraire, dans ce cas, ce candidat acquéreur, s'il veut mener à bien son opération, devrait tout faire pour éviter de recevoir des informations privilégiées.
Une telle solution ne serait cependant pas conforme aux intérêts des affaires, de la société et des actionnaires. Elle aurait en effet pour conséquence de limiter les opérations sur titres cotés ou de les rendre plus difficiles ou encore de réduire le prix que les actionnaires peuvent espérer retirer de leur investissement.
20.La loi du 2 août 2002, telle qu'initialement votée, permettait de concilier les intérêts de la pratique avec les exigences d'intégrité et de transparence des marchés financiers.
La version initiale de cette loi prévoyait en effet - comme c'est toujours le cas aujourd'hui pour l'infraction pénale de délit d'initié - qu'il était interdit à la personne disposant d'une information privilégiée “d'utiliser cette information en acquérant ou en cédant…”.
Sur base d'une telle formulation, l'on pouvait considérer que celui qui a formé le projet ferme d'acquérir les titres d'une société, à des conditions relativement déterminées, et qui fait simplement confirmer cette volonté et ces conditions par l'exercice d'un due diligence, “n'utilisait” pas cette information pour acquérir ou céder des titres [54].
La condition d'utilisation de l'information a donné lieu à plusieurs allers-retours dans la discussion de la loi pour en arriver à la formulation actuelle.
Le texte de l'article 25 de l'avant-projet de loi tel que présenté par le gouvernement le 4 juin 2002 ne comportait pas cette condition. Au contraire, cet avant-projet indiquait “… l'abus d'informations privilégiées, en tant qu'abus de marché justiciable d'une amende administrative, se distingue du délit d'initié défini à l'article 40 notamment par l'absence de tout élément intentionnel. Pour l'abus de marché, il ne faut pas établir que la personne était consciente du caractère privilégié de l'information ou ne pouvait raisonnablement l'ignorer - ce qui, en revanche, constitue l'un des éléments constitutifs du délit d'initié” [55].
Aux cours des travaux préparatoires, cet ajout fut alors critiqué, notamment par le président de la CBF(A), Monsieur E. Wymeersch lors de son audition en commission. Ce texte fut amendé pour y ajouter la condition d'utilisation. Il indiqua notamment “Cette formulation a pour effet d'introduire un lien de causalité entre la détention de l'information privilégiée et la transaction litigieuse. (…) Sur le plan de l'administration de la preuve, cette condition a des conséquences importantes: ayant établi que la personne détenait une information privilégiée et qu'elle a effectué une transaction, il conviendra encore d'établir qu'il y a eu utilisation de ladite information, c'est-à-dire que c'est en raison de l'information que la personne a conclu cette transaction, que cette information est la cause unique qui l'a conduite à acquérir ou céder les instruments financiers concernés par l'information privilégiée. L'expérience a montré que cette preuve du lien causal est très difficile, sinon quasiment impossible à établir” [56]. Des discussions détaillées eurent ensuite lieu au sein de la commission des finances et du budget, à l'issue desquelles il fut constaté que “Après réflexion, le ministre ne souhaite pas modifier la présente disposition. Un amendement sera néanmoins déposé à l'article 40 (sanction pénale)” [57].
La loi du 2 août 2002 fut alors adoptée avec la condition d'utilisation, tant pour l'article 25 que pour l'article 40.
Les partisans d'un assouplissement des exigences de preuves du manquement administratif ne jetèrent toutefois pas l'éponge puisque la loi du 2 août 2002 fut modifiée par la loi du 22 décembre 2003. La modification consista à remettre la loi dans l'état de l'avant-projet. La condition d'utilisation fut donc supprimée en ce qui concerne le manquement administratif [58].
Aujourd'hui, le manquement administratif est donc réalisé dès lors que la personne qui dispose d'une information dont elle sait ou devrait savoir qu'elle a un caractère privilégié acquiert ou cède, ou tente d'acquérir ou de céder, les titres concernés. À s'en tenir strictement à ce texte, il faudrait donc conclure que celui qui a pris connaissance d'informations privilégiées ne peut plus acquérir des titres de la société concernée.
Pourtant, selon le 29e considérant de la directive 2003/6/CE, “Le fait d'avoir accès à une information privilégiée concernant une autre société et d'utiliser cette information dans le cadre d'une offre publique d'acquisition visant à la prise de contrôle de cette société ou d'une proposition de fusion avec cette société ne devrait pas être réputé constituer en soi une opération d'initié”.
La sévérité de la loi belge au niveau du manquement administratif est toutefois tempérée par les pouvoirs de réglementation reconnus à cet égard à la CBFA par l'article 30 de la loi du 2 août 2002 [59].
21.Le candidat acquéreur pourra par ailleurs le cas échéant bénéficier de l'exception selon laquelle l'interdiction d'acquérir ou de céder “ne s'applique pas aux transactions effectuées pour assurer l'exécution d'une obligation d'acquisition ou de cession d'instruments financiers lorsque cette obligation est devenue exigible et résulte d'une convention conclue avant que l'intéressé dispose de l'information privilégiée en question” [60]. Cette nouvelle exception a été introduite à la suite de la directive 2003/6/CE [61].
Ceci suppose que, dès avant la prise de connaissance des informations privilégiées, le candidat acquéreur ait contracté un engagement ferme d'acquérir les titres. Or, le plus souvent, un tel engagement ferme n'interviendra précisément qu'à l'issue du due diligence.
En pratique, cette exception paraît toutefois pouvoir être utilisée efficacement si elle est combinée avec une condition résolutoire. Avant de procéder au due diligence, le candidat acquéreur pourrait contracter un engagement ferme d'acquérir des titres à des conditions précises, sous la condition résolutoire de la découverte dans le cadre du due diligence d'éléments affectant négativement la valeur des titres (ou autre critère de même nature). Les “éléments affectant négativement la valeur des titres” ainsi que leur mode de constatation doivent être définis de manière objective pour qu'il s'agisse bien d'un engagement ferme du candidat acquéreur [62]. De cette manière, si le due diligence ne révèle pas d'élément négatif, le candidat acquéreur pourra poursuivre son acquisition même si, entre-temps, il a pris connaissance d'informations privilégiées. Il ne fait en effet qu'exécuter son obligation d'acquisition préexistante. Par contre, en cas de révélation d'un élément négatif, la condition résolutoire jouera. Dans cette hypothèse, le candidat acquéreur aura certes, le cas échéant, utilisé de l'information privilégiée, mais seulement pour ne pas acquérir. Or, la loi belge, à l'instar de la directive européenne et de la plupart des régimes étrangers ne sanctionne pas l'abstention résultant de la connaissance d'informations privilégiées [63]. Si malgré la découverte d'une information défavorable, le candidat veut quand même acquérir, mais à d'autres conditions, il y aura lieu que l'information défavorable soit rendue publique, ce qui aura pour effet de supprimer son caractère d'information privilégiée [64].
(iii) La recommandation à un tiers d'acquérir ou de céder, sur base de l'information privilégiée, les titres concernés |
22.L'interdiction de recommander l'acquisition ou la cession [65] n'est pas non plus assortie de l'exception relative au cadre normal de l'exercice des fonctions. Par contre, un lien entre la recommandation et l'information privilégiée est ici requis [66].
Le conseil d'administration ne pourrait dès lors pas, même si c'est conforme à l'intérêt social, aller au-delà d'une simple communication des informations privilégiées et, sur base de celles-ci, recommander l'acquisition d'une participation dans la société. Lors de l'organisation d'un due diligence, le conseil d'administration doit donc adopter une attitude neutre, à tout le moins au regard de l'information privilégiée qu'il met à disposition. Par contre, il lui serait permis de recommander l'acquisition pour d'autres raisons [67].
(b) L'infraction pénale de délit d'initié |
23.Sous certaines nuances importantes, que nous examinerons, ce qui a été dit au sujet de l'abus d'information privilégiée s'applique également à l'infraction pénale de délit d'initié édictée par l'article 40 de la loi du 2 août 2002.
(i) La communication de l'information privilégiée |
24.L'interdiction de la communication d'une information prévue par l'article 40 est également assortie de l'exception de la communication intervenant dans le cadre normal de l'exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions [68]. Nous renvoyons le lecteur aux développements consacrés à cette notion dans le cadre de l'article 25 de la loi [69].
25.La loi du 4 décembre 1990, qui incriminait précédemment le délit d'initié, rendait punissable les transactions sur titres effectuées par le détenteur d'informations privilégiées, sans qu'aucun lien de causalité ne soit requis entre les transactions et la connaissance. Il s'agissait d'appliquer un test purement chronologique: si, dans un premier temps, une personne disposait d'une information privilégiée et, ensuite, acquérait les titres concernés, l'infraction était commise [70].
Ce régime était plus sévère que celui de la directive européenne en vigueur à l'époque (directive 89/592/CEE sur les opérations d'initiés), qui requérait déjà que l'information privilégiée ait été utilisée pour que l'infraction existe. Comme rappelé ci-dessus, il en va de même de la directive 2003/6/CE qui la remplace.
Dans le cadre des débats évoqués ci-dessus, la loi du 2 août 2002 a été alignée sur ce point sur les directives européennes. Désormais, il faut que l'information privilégiée ait été utilisée pour acquérir ou céder des titres pour que l'infraction pénale soit commise. Les débats auxquels la condition d'utilisation a donné lieu au sujet du manquement administratif et aboutissant à la loi du 22 décembre 2003 [71] ont laissé intacte la formulation relative à l'infraction [72].
26.La modification intervenue en 2002 semble de nature à permettre au candidat acquéreur, qui aurait acquis la connaissance d'informations privilégiées dans le cadre d'un “due diligence”, de néanmoins acquérir une participation sans commettre l'infraction.
Pour cela, il faut qu'avant de prendre connaissance d'informations privilégiées, le candidat ait déjà pris la décision d'acquérir la participation en question ou à tout le moins, qu'il en ait sérieusement l'intention et ce pour des raisons autres que la découverte de l'information privilégiée. Il est préférable que cette décision d'acquérir, ou cette intention sérieuse, pour pouvoir établir l'absence de lien de causalité, soient consignées dans un document écrit préalablement à la réalisation du due diligence (par exemple une offre ou une lettre d'intention adressée à un ou plusieurs actionnaires ou un engagement à l'égard de la société cible) [73].
Certes, on peut se demander si en “confortant” sa décision d'acheter grâce au due diligence qu'il a pu effectuer et qui lui a confirmé la situation qu'il escomptait (voire lui a fait prendre connaissance d'une meilleure situation), le candidat n'“utilise” pas quand même l'information privilégiée pour acquérir des titres. En effet, dans de nombreux cas, l'acquéreur ne souhaitera pas acquérir - ou pas acquérir aux conditions qu'il envisage - s'il ne sait pas qu'il pourra ultérieurement confirmer sa valorisation de la cible par un examen plus approfondi de celle-ci. Il y a donc quand même un lien de causalité entre l'accès à l'information privilégiée et l'acquisition.
Personnellement, je ne pense cependant pas qu'une telle attitude soit visée par la disposition pénale. Les textes répressifs s'interprètent restrictivement et les termes “utiliser l'information en acquérant…” ne paraissent pas couvrir l'hypothèse dans laquelle une décision de principe d'acquérir est déjà prise mais sur base de l'assurance de pouvoir effectuer certaines vérifications.
Dans ses commentaires relatifs à la condition d'utilisation lors de la discussion du projet de loi, le président de la CBF(A), Monsieur E. Wymeersch, avait indiqué que l'exigence d'un lien de causalité entre la détention de l'information privilégiée et la transaction litigieuse avait pour conséquence qu'il faudrait prouver qu'il y a eu utilisation de l'information privilégiée, “c'est-à-dire que c'est en raison de l'information que la personne a conclu cette transaction, que cette information est la cause unique qui l'a conduite à acquérir ou céder les instruments financiers concernés par l'information privilégiée” [74]. Cette interprétation de la portée de la condition d'utilisation n'a pas été remise en cause lors des travaux préparatoires [75]. Le ministre des Finances a indiqué, au sujet de la condition d'utilisation: “Les dispositions précitées ne font pas réellement référence à une relation de cause à effet. Elles citent uniquement les éléments de fait qui prouvent qu'il existe un lien de causalité entre la détention de l'information et la transaction litigieuse” [76]. Ceci confirme donc que la détention de l'information doit être la cause ou, à tout le moins, l'une des causes de l'acquisition pour qu'il y ait infraction pénale [77].
En France, la jurisprudence décide de manière similaire que pour qu'il y ait délit d'initié, il faut que l'information privilégiée détenue par l'initié soit “déterminante” des opérations réalisées [78].
Il est à noter que, contrairement au cas du manquement administratif, il n'est pas prévu, pour l'infraction pénale, d'exception basée sur l'exécution d'une convention antérieurement conclue [79]. Cette exception ne paraît toutefois pas nécessaire à ce niveau: si le détenteur d'une information privilégiée ne fait que donner suite à une convention préexistante à la prise de connaissance, il n'utilise pas l'information pour acquérir ou céder les titres concernés et ne commet donc pas l'infraction [80].
(c) Pouvoir de réglementation de la CBFA |
(i) Principes |
27.L'article 30, 2°, de la loi du 2 août 2002 accorde le pouvoir à la CBFA de définir, par voie de règlement, “sur la base des meilleures pratiques des marchés financiers internationaux”, les conditions dans lesquelles des pratiques courantes dans le marché, notamment en matière d'examen d'informations en vue de l'acquisition de participations dans des sociétés cotées, sont constitutives ou non d'une infraction aux dispositions de l'article 25. La CBFA n'a par contre pas le pouvoir d'accorder des dérogations, dans des cas individuels, à l'application des règles relatives à l'abus d'informations privilégiées [81].
Les travaux préparatoires justifient cette innovation par le souci de renforcer la sécurité juridique nécessaire aux intervenants sur le marché, dans la mesure où trop souvent “certaines lacunes dans nos textes législatifs ou réglementaires ne permettent pas d'affirmer avec certitude si certaines opérations, au demeurant courantes dans certains pays, sont légalement acceptables, ou quelles sont les conditions ou limites à respecter pour rendre ces obligations légales” [82]. Le fait de confier cette mission réglementaire à la CBFA plutôt qu'au Roi est destiné à pouvoir “tenir compte du caractère technique, spécifique et évolutif” des matières concernées [83].
La CBFA pourra s'inspirer de la définition de “pratiques de marché admises” donnée à l'article 1, 5), de la directive 2003/6/EC, à savoir “les pratiques qui sont susceptibles d'être utilisées sur un ou plusieurs marchés financiers et qui sont acceptées par l'autorité compétente conformément aux orientations adoptées par la Commission selon la procédure prévue à l'article 17, paragraphe 2”. En vertu de cette disposition, les mesures d'exécution de la directive, notamment quant à la définition des pratiques de marché, seront adoptées avec l'aide du Comité européen des Valeurs mobilières. La notion de “pratiques de marché admises” a déjà été précisée dans divers textes européens récents [84].
28.Les règlements à adopter par la CBFA en vertu de l'article 30, dont la portée dépassera sans doute largement la question du due diligence, sont attendus avec intérêt [85].
Qu'en est-il toutefois au cours de la période précédant l'adoption de ces règlements?
Il paraît évident que puisque la CBFA est chargée de veiller au respect de l'article 25, elle appliquera dans la mise en oeuvre de cette disposition la même appréciation que celle qui servira de base à son futur règlement. Des comportements qui ne constitueraient pas des infractions selon le futur règlement ne devraient dès lors logiquement pas non plus faire l'objet de poursuites par la CBFA avant l'adoption dudit règlement.
La difficulté pour les acteurs du marché sera de prévoir la position qu'adoptera la CBFA. Cette difficulté n'est toutefois pas insurmontable, d'une part grâce à la consultation de précédents à l'étranger et aux considérations émises dans le cadre des directives européennes, mais également en raison de la possibilité d'avoir un dialogue préalable et confidentiel avec la CBFA en cas de doute [86].
Si l'on dispose donc de moyens d'être rassuré dès à présent quant à la position de la CBFA, les choses sont moins claires à l'égard des tiers. La violation des interdictions prévues par la loi constitue en principe une faute civile [87]. Or, en raison de la récente suppression de l'exigence d'un lien de causalité et de l'absence de règlement de la CBFA actuellement, l'on pourrait considérer qu'une infraction à l'article 25 existe dès lors que l'acquéreur ou le cessionnaire de titres a disposé d'informations privilégiées. Cette faute est-elle alors de nature à engager la responsabilité du contrevenant à l'égard des tiers, par exemple les actionnaires minoritaires qui s'estimeraient lésés?
Ceci pose la question de savoir si des tiers peuvent se prévaloir de la méconnaissance des règles relatives aux opérations d'initiés.
En France, cette question a suscité des débats qui témoignent des dangers auxquels sont exposés les opérateurs sur le marché. Deux actionnaires minoritaires et administrateurs de la société Immobail souhaitaient céder leur participation dans cette dernière. Ils ont, à cet effet, mandaté une banque de trouver acquéreur. Dans ce cadre, ils proposaient de communiquer aux candidats éventuels des informations privilégiées et confidentielles sur la société Immobail, moyennant des engagements de confidentialité et de ne pas effectuer des transactions sur le titre Immobail pendant deux ans si leur offre était écartée. Une offre d'achat a été formulée pour les actions de ces deux actionnaires, suivie par une offre publique d'achat au même prix.
La Commission des Opérations de Bourse avait mené une enquête au terme de laquelle elle avait conclu que la procédure de data room avait été organisée avec professionnalisme, loyauté et respect de l'égalité entre les divers candidats. Malgré cela un actionnaire minoritaire a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef notamment de délit d'initié. Tant le juge d'instruction, statuant en première instance, que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris avaient considéré que cette constitution de partie civile par l'actionnaire minoritaire n'était pas recevable.
La chambre criminelle de la Cour de cassation de France a toutefois cassé cette décision en ce qu'elle concernait le délit d'initié. La cour estime en effet que “pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie, permettent au juge d'instruction d'admettre comme possible l'existence du préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale” [88].
Cette décision a été critiquée par la doctrine française au motif que l'on aperçoit pas le préjudice subi par les non-initiés [89], et qualifiée de “choix de politique judiciaire inspiré par l'opportunité” [90]. Elle démontre en tous cas que le fait que l'autorité de marché compétente ne trouve rien à redire à une opération de due diligence ne met pas nécessairement les participants à l'abri de poursuites [91].
(ii) Liens avec l'infraction pénale |
29.L'article 30 ne prévoit la possibilité pour la CBFA que d'adopter des règlements dans le cadre de l'abus de marché (art. 25) mais non dans le cadre de l'infraction pénale de délit d'initié (art. 40).
Un éminent auteur a fait valoir que dans la mesure où la CBFA aura défini les conditions dans lesquelles un due diligence peut être réalisé, il ne saurait plus y avoir de poursuites pénales si ces conditions sont respectées, “sauf à rendre le système complètement incohérent” [92].
Cette interprétation va toutefois à l'encontre du texte clair de la loi. Elle ne me paraît en outre pas nécessaire pour maintenir la cohérence du système compte tenu de la formulation différente des articles 25 et 40. D'une part, au niveau de la communication par le conseil d'administration, l'exception du cadre normal d'exercice des fonctions suffit pour qu'il n'y ait ni infraction pénale ni manquement administratif. En ce qui concerne la cession ou l'acquisition des titres, l'article 40 est moins strict que l'article 25 puisqu'il exige une utilisation de l'information privilégiée. Une telle utilisation, au sens précisé ci-dessus, doit rester punissable. Un règlement n'est donc pas nécessaire pour assouplir encore les éléments constitutifs de l'infraction. Il est d'ailleurs douteux que la CBFA, dans le règlement qu'elle adoptera, considère que l'utilisation d'une information privilégiée au sens précité se justifie. Il est à noter que l'absence d'incidence de la réglementation adoptée par l'autorité de marché par rapport au risque pénal du délit d'initié se retrouve également dans d'autres pays comme la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
(iii) Les exemples à l'étranger |
30.Dans la mesure où la loi invite expressément la CBFA à se référer “aux meilleures pratiques des marchés financiers internationaux” pour établir son règlement, il semble intéressant d'examiner la situation dans quelques pays.
(A) France |
31.En France, la distinction entre le manquement administratif d'abus de marché et l'infraction pénale de délit d'initié existe également. La Commission des Opérations de Bourse (devenue depuis l'Autorité des Marchés Financiers) a récemment adopté, à l'issue d'une consultation publique, la recommandation COB n° 2003-01 du 6 novembre 2003 relative à la transmission d'informations privilégiées préalablement à des opérations de cession de participations significatives dans des sociétés cotées sur un marché réglementé (procédure dite de “Data Room”) [93].
La recommandation ne traite que du cas de la data room [94] organisée par une société cotée en vue de la cession d'une participation dite “significative” par l'un de ses actionnaires. Cette procédure doit être spécifiquement justifiée au regard de l'intérêt social. Préalablement à l'accès à la data room, le ou les candidats doivent souscrire un accord de confidentialité. En outre, peut seul participer à la data room celui qui témoigne d'un “intérêt sérieux d'acquérir”. Cet intérêt doit être confirmé par la signature d'une lettre d'intention. L'information communiquée doit être de nature à permettre aux candidats de confirmer ou non leur intention et de définir avec précision les conditions auxquelles ils sont prêts à réaliser la transaction. Cette information “ne constitue pas, par conséquent, l'élément déterminant de l'intention d'achat”. L'on retrouve ainsi le critère du lien de causalité entre l'information et l'acquisition. La recommandation prévoit également, en cas d'offre concurrente, l'accès des tous les compétiteurs “aux informations nécessaires contenues dans la data room”, mais seulement si “le principe de l'égalité des compétiteurs l'exige” [95]. Les candidats acquéreurs doivent, quant à eux, pendant la procédure de data room respecter la confidentialité des informations qui leurs sont communiquées et s'abstenir d'exploiter cette information en acquérant ou en cédant des titres. Si la procédure est suivie d'une offre publique, le public doit avoir accès à “tout fait important nécessaire aux investisseurs pour fonder leur jugement transmis à l'occasion de la data room”, ce qui ne vise donc pas tout le contenu de la data room. S'il n'y a pas d'offre publique, le marché doit être informé de la cession intervenue, de la procédure suivie et “de tout fait important susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours du titre (que l'émetteur) avait pris la responsabilité de ne pas rendre public, dans l'intérêt de la société, dès lors que cette information a figuré dans la data room”. Enfin, si aucune transaction ne suit la procédure de data room, l'émetteur doit communiquer au marché les informations sensibles livrées en data room, conformément à ses obligations réglementaires. Les participants à la data room ne peuvent évidemment ni divulguer ni exploiter les informations confidentielles.
32.Il est à noter que la COB indique elle-même que “son pouvoir s'arrête là où commence celui des juges”. En d'autres termes, le respect de la recommandation permet d'éviter les manquements administratifs d'initié mais ne supprime pas le risque pénal d'être poursuivi pour délit d'initié.
(B) Royaume-Uni |
33.En 2000, le Royaume-Uni a adopté une loi (the Financial Services and Market Act 2000) qui, comme en Belgique, sanctionne le manquement administratif d'abus de marché (“market abuse”), parallèlement au délit d'initié (“insider dealing”). Cette loi a chargé l'autorité de marché, la Financial Services Authority (FSA), de donner des directives quand à ce qui constitue ou ne constitue pas un abus de marché. La FSA a adopté un “Code of Market Conduct” [96].
L'on peut en retenir les éléments suivants. Pour qu'il y ait abus de marché, il faut que la transaction soit “basée sur l'information”. L'information doit avoir une influence importante (“material influence”) sur la décision de procéder à la transaction; il n'est toutefois pas requis que l'information soit la seule raison (1.4.4). Il est présumé que la possession de l'information n'a pas influencé la décision de procéder à une transaction si (i) la personne avait pris une décision ferme de procéder à la transaction avant que l'information ne soit en sa possession et (ii) les termes auxquels la personne avait envisagé de conclure la transaction n'ont pas changé après qu'elle ait été mise en possession de l'information (1.4.21 et 1.4.22). Il n'y a pas non plus abus si la transaction ne constitue que l'exécution d'une obligation (même contractuelle) qui existait avant que l'information privilégiée n'entre en possession de l'acquéreur ou du cessionnaire (1.4.20). La règle 1.4.28 autorise la réalisation d'opérations en relation avec l'acquisition ou la cession d'une participation dans une société dans le cadre d'une offre publique, lorsque l'information relative à la société cible a été légitimement obtenue par l'offrant. Le détenteur d'informations privilégiées peut par ailleurs communiquer cette information à une personne dont il souhaite obtenir un engagement en relation avec une offre soumise au Takeover Code (1.8.6).
La FSA attire toutefois l'attention du lecteur sur le fait que se comporter en conformité avec le Code of Market Conduct ne met pas nécessairement à l'abri de poursuites pénales, notamment pour “insider dealing” [97].
Ces principes, combinés avec ceux du City Code on Takeovers and Mergers [98], permettent d'organiser une information adéquate dans le cadre de due diligence, tout en protégeant le marché contre les abus.
(C) Pays-Bas |
34.Aux Pays-Bas, l'Autoriteit voor de Financiële Markten admet également qu'un due diligence puisse être réalisé dans le cadre de la préparation d'une opération relative aux titres d'une société cotée. Elle a adopté en avril 2003 une “beleidsregel” à cet égard [99].
Comme en France et au Royaume-Uni, l'autorité de marché néerlandaise précise toutefois que la ligne de conduite qu'elle détermine est sans préjudice de poursuites éventuelles par le ministère public.
2.3. | Obligations de communiquer |
(a) Quant à l'obligation de communiquer l'existence du processus de due diligence, dans le cadre des sociétés cotées |
35.Comme rappelé ci-dessus, les sociétés cotées doivent informer immédiatement le public en cas de survenance de faits nouveaux importants dans leur sphère d'activité qui ne sont pas dans le domaine public et qui sont susceptibles, en raison de leur incidence sur leur situation patrimoniale ou financière ou la marche générale de leurs affaires, d'influencer de façon sensible le cours de leurs titres [100]. Les faits ainsi visés constituent des informations dites “sensibles”.
Il existe assurément une similitude entre l'information sensible au sens de l'article 10, § 1, 1°, b), de la loi du 2 août 2002 et l'information privilégiée au sens de l'article 2, 14° de cette même loi. Les termes utilisés pour définir ces deux notions ne se recoupent toutefois pas parfaitement.
Antérieurement à la loi du 2 août 2002, une partie de la doctrine considérait ainsi que la notion d'“information privilégiée” était plus large que celle d'“information sensible”, ce qui expliquait que certaines informations puissent être conservées dans la confidentialité, malgré leur influence éventuelle sur le cours de bourse et ce même en l'absence de dérogation accordée par la CBFA [101]. L'article 10 vise en effet des “faits”, tandis que l'article 2 est relatif à des “informations” [102]. Selon P.A. Foriers, le degré de certitude du “fait” visé à l'article 10 doit être plus grand que celui de l'“information” visée à l'article 2 [103]. D'autres estimaient au contraire que les deux notions se recoupaient [104], voire que la notion d'information sensible était plus large que l'information privilégiée [105]. Lors des travaux préparatoires de la loi du 2 août 2002, le délégué du ministre des Finances a également indiqué que c'est la notion d'information sensible qui serait plus large que celle d'information privilégiée [106]. Les explications données à cet égard semblent toutefois être contredites par l'exposé des motifs de la loi [107].
La directive 2003/6/CE assimile clairement les notions d'informations privilégiées faisant l'objet des diverses interdiction (art. 2) et d'information privilégiée devant être immédiatement rendue publique, pour autant qu'elle ait trait directement à l'émetteur concerné (art. 6). La loi du 2 août 2002 s'inspirant expressément du projet de directive, celle-ci paraît clore la controverse en faveur de l'unicité des deux notions.
36.Un projet d'opération pour lequel un due diligence est en cours est souvent de nature à influencer de manière sensible le cours des titres de la société concernée, s'il était rendu public. Il en va ainsi en particulier lorsque le projet consiste en une offre publique d'acquisition relative à tout ou partie des titres concernés.
La question de savoir s'il s'agit d'une information sensible devant immédiatement être rendue publique dépendra du caractère suffisamment précis et/ou engagé de ce projet.
L'obligation de rendre public le projet de céder une participation de contrôle n'existe dès lors, en vertu de la doctrine majoritaire, qu'au moment de la conclusion d'un accord de principe. L'existence de simples contacts voire la réalisation d'un due diligence devraient y échapper en raison de leur caractère trop imprécis. On considère en effet que “informer le marché ne consiste pas à officialiser en les publiant les simples projets, les premiers contacts en vue d'une négociation. Agir de la sorte serait en réalité alimenter la spéculation, l'agitation des cours” [108].
Cette interprétation peut se prévaloir de la récente directive 2003/124/CE du 22 décembre 2003, qui indique qu'une information est réputée “à caractère précis” pour la définition de l'information privilégiée (et donc, dans notre terminologie, de l'information sensible) “si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, et si elle est suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur les cours des instruments financiers concernés ou d'instruments financiers dérivés qui leurs sont liés” (art. 1, 1).
La question du moment où l'information devient suffisamment précise pour constituer un “fait” et devoir être communiquée est bien entendu une question de fait à examiner au cas par cas. Il est recommandé, en cas de doute, de procéder à cet examen en concertation avec la CBFA, dans le cadre des discussions confidentielles qui peuvent avoir lieu avec elle en pratique. Ici non plus, le système des accords préalable (“rulings”) de la CBFA n'est pas applicable, en vertu de l'article 3 § 4 de l'A.R. du 23 août 2004 [109].
À notre avis, sauf circonstances particulières, il y aurait lieu à communication publique dès le moment où (1) une offre ferme de contracter a été émise (par exemple pour l'acquisition d'une participation de contrôle), même si cette offre est encore assortie de conditions habituelles telles que la réalisation d'un due diligence confirmatoire, l'autorisation des autorités de la concurrence, etc., pour autant que (2) cette offre ait des chances raisonnables d'aboutir, notamment en raison de la position a priori favorable déjà exprimée par celui à qui est adressée l'offre (et ce même si cette offre n'a pas encore été formellement acceptée) [110]. Par contre si, avant de s'engager de manière ferme, un éventuel offrant souhaitait réaliser un due diligence, il n'y aurait pas lieu à procéder à une communication publique.
Dans certains cas, la divulgation du projet d'opération, même à un stade avancé, avant sa conclusion effective, pourrait toutefois ne pas être opportune. Il est alors possible de demander à la CBFA d'autoriser la société à différer la publication sur base de l'article 10, § 3, de la loi du 2 août 2002. Il faut alors que la CBFA estime que la divulgation soit serait contraire à l'ordre public, soit porterait atteinte aux intérêts légitimes de l'émetteur. En outre, l'absence de publication ne doit pas risquer d'induire le public en erreur et l'émetteur doit être en mesure d'assurer la confidentialité des informations en question. La directive 2003/124/CE du 22 décembre 2003, précitée, indique d'ailleurs parmi les exemples d'intérêts légitimes pouvant justifier le report de l'information du public, “négociations en cours, ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d'affecter l'issue ou le cours normal de ces négociation” (art. 3.1, a)).
Par ailleurs, en vertu de l'article 7 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989, il est interdit d'annoncer, sous quelque forme que ce soit, le lancement d'une offre publique d'acquisition avant la publication par la CBFA d'un avis relatif à cette offre. La doctrine considère que cette disposition spécifique l'emporte sur l'obligation générale de communiquer les informations sensibles [111]. Il n'y a toutefois pas nécessairement de contradiction entre ces deux dispositions. Ainsi, le seul fait d'annoncer qu'un candidat acquéreur d'une participation de contrôle a entamé un processus de due diligence n'équivaut pas, à mon sens, à l'annonce du lancement d'une offre publique d'acquisition. L'interdiction prévue par l'article 7 de l'arrêté royal ne paraît dès lors pas suffire pour justifier une dispense de publication. Néanmoins, si l'opération envisagée à l'issue du due diligence est une offre publique d'acquisition et qu'une publication est requise en vertu des dispositions de l'article 10 de la loi du 2 août 2002, la société agira prudemment en sollicitant au préalable, auprès de la CBFA, une dérogation à l'interdiction d'annonce [112].
(b) Quant à l'obligation de communiquer les informations communiquées dans le cadre du due diligence |
37.À partir du moment où des informations confidentielles relatives à la société ont été communiquées à un ou plusieurs tiers par le conseil d'administration, se pose la question de savoir si d'autres tiers intéressés ont également droit à en prendre connaissance. Au rang de ces tiers comptent les autres candidats, concurrents de celui qui veut réaliser l'opération avec ou au sujet de la société, ainsi que les actionnaires de celle-ci et, dans le cas des sociétés cotées, le public.
(i) La communication aux autres candidats |
(A) Principe |
38.De manière générale, il n'existe à notre avis aucune obligation pour le conseil d'administration de traiter de la même manière tous les candidats et de leur donner, ou de leur donner dans la même mesure, l'accès aux informations confidentielles communiquées à l'un d'eux.
La décision du conseil d'administration doit être guidée à cet égard par l'intérêt social, comme développé ci-dessus (n° 6). Cette appréciation de l'intérêt social peut justifier que les candidats ne soient pas traités de la même manière. Elle ne sera soumise qu'à un contrôle judiciaire marginal en cas de litige [113].
Autre chose est bien entendu que le conseil d'administration ne peut se rendre coupable ou complice d'une culpa in contrahendo ou d'un manquement au principe de bonne foi, sur base des règles du droit commun, en ne dévoilant pas à certains candidats des informations qu'il montre par ailleurs à d'autres.
(B) Régime spécifique dans le cadre des opérations pouvant mener à des offres publiques d'acquisition |
39.Le principe indiqué ci-dessus ne s'applique pas aux opérations pouvant mener à des offres publiques d'acquisition relatives aux sociétés cotées.
Les pratiques à l'étranger témoignent d'une volonté de placer tous les candidats sur un pied d'égalité dans le cadre des offres publiques d'acquisition. Il est vrai qu'en stimulant la concurrence, un prix plus élevé peut généralement être obtenu, ce qui profite aux investisseurs.
C'est ainsi qu'au Royaume-Uni, la règle 20.2 du City Code on Takeovers and Mergers impose expressément que les informations communiquées à un offrant soient, “on request”, communiquées “equally and promptly” à un autre offrant ou offrant potentiel, même si cet autre offrant est “less welcome” [114].
La position de la COB française dans sa recommandation n° 2003-01 est, on l'a vu, plus nuancée: “S'il apparaît au cas d'espèce que le principe d'égalité des compétiteurs l'exige, la société organiserait l'accès de tous les compétiteurs aux informations nécessaires contenues dans la data room”. Ce point a donné lieu à pas mal de débats, tant dans le cadre de la consultation publique préparant la recommandation que dans les commentaires de celle-ci. Certains ont critiqué les limites mises au principe d'égalité de candidats [115]. D'autres se sont déclarés surpris du fondement du “principe d'égalité des compétiteurs dans le cadre des offres publiques” invoqué par la COB alors qu'il ne figure dans aucun texte boursier français [116].
En Belgique, un tel principe a été consacré, à tout le moins en ce qui concerne l'accès à l'information, par l'arrêté royal du 8 novembre 1989, modifié par l'arrêté royal du 21 avril 1999, dont l'article 36 dispose “En ce qui concerne l'information procurée par la société visée, l'offrant, le contre-offrant et le surenchérisseur doivent être mis sur un pied d'égalité” [117]. Il résulte de ce texte que les informations confidentielles communiquées par le conseil d'administration de la société visée à celui qui se propose de lancer une offre publique d'acquisition (volontaire ou obligatoire) devront également être communiquées aux autres offrants éventuels [118].
L'on peut pourtant s'interroger sur l'opportunité d'une telle mesure. Elle pourrait dans certains cas s'avérer contraire à l'intérêt social conçu de manière large comme dit ci-dessus et à la sauvegarde duquel il appartient au conseil d'administration de veiller sans être tenu à des divulgations automatiques.
Ainsi, si l'intérêt social consiste, exclusivement ou principalement, dans les circonstances concrètes de l'espèce, à obtenir le meilleur prix pour les titres de la société, il peut se justifier de mettre en concurrence le plus grand nombre possible de candidats et de leur ouvrir à tous les portes de la data room. Par contre, si un rapprochement stratégique n'est jugé opportun qu'avec un partenaire en particulier, le conseil devrait pouvoir repousser les demandes d'information d'autres intéressés. D'ailleurs, puisque des divulgations par voie de conséquence s'imposent, le conseil d'administration pourrait se montrer réticent à fournir des informations à un offrant potentiel intéressant, de crainte de ne plus être maître de la communication ensuite. L'action du conseil risque alors d'être paralysée, au détriment de l'intérêt social et même de l'intérêt des investisseurs considérés isolément.
En créant le droit à l'égalité des candidats dans la communication de l'information, le Roi semble avoir, dans ce cas particulier, privilégié la notion restrictive d'intérêt social, conçu comme la possibilité pour les investisseurs de maximaliser la valeur des titres qu'ils détiennent [119].
(ii) La communication aux actionnaires et au public |
40.Lorsque des informations confidentielles sont communiquées à un tiers, les actionnaires et, dans les sociétés publiques, le public, ont-il le droit d'en obtenir également communication?
Ici également, il faut faire une distinction entre les opérations portant sur les titres de la société et les autres types d'opérations.
(A) Principe |
41.De manière générale, le seul fait que le conseil d'administration décide de communiquer des informations confidentielles à un tiers ne permet pas aux actionnaires ou au public d'en prendre également connaissance. Il en va ainsi par exemple dans le cadre d'un due diligence réalisé par une banque avant de consentir un crédit à la société.
Il n'existe en effet pas de principe général de transparence qui l'emporterait sur le droit au secret, même dans les sociétés publiques [120]. Bien entendu, le conseil d'administration doit respecter ses obligations légales d'information.
(B) Dans le cadre des opérations sur titres |
42.La situation peut être différente dans le cadre des opérations portant sur les titres de la société. Dans ce cas en effet, au moins un actionnaire - le cédant - a également connaissance de l'information confidentielle [121].
(I) Rappels quant au principe d'égalité des actionnaires |
43.L'examen du principe de l'égalité des actionnaires dépasse le cadre de la présente note. On se permettra de renvoyer le lecteur à l'abondante littérature à cet égard [122]. L'on rappellera simplement ici les distinctions opérées entre l'égalité “interne” et l'égalité “externe” et entre l'égalité dans les sociétés publiques et l'égalité dans les sociétés privées. L'égalité “interne” est celle qui s'applique au sein de la société, d'une part entre ces organes et ses actionnaires et d'autre part entre les actionnaires. Elle a pour conséquence notamment que les organes de la société ont l'obligation de traiter de manière égale tous les actionnaires se trouvant dans la même situation. Bien qu'aucune disposition générale ne le consacre, ce principe d'égalité est reconnu comme une règle fondamentale du droit des sociétés s'appliquant tant dans les sociétés privées que dans celles qui ont fait publiquement appel à l'épargne. L'intérêt social peut néanmoins justifier des dérogations au traitement égalitaire (par exemple, suppression ou limitation du droit de souscription préférentiel, création d'actions privilégiées, etc.). L'égalité “externe” est relative aux relations avec les tiers et se manifeste particulièrement au niveau de la possibilité de céder ses titres dans la société. Elle a été consacrée de manière générale par des dispositions légales et réglementaires spécifiques dans le cas des sociétés publiques [123]. Par contre, pour les sociétés privées, l'égalité “externe” n'existe que si elle est consacrée spécifiquement par une disposition légale ou réglementaire [124]. Enfin, même dans le cas des sociétés publiques, l'égalité de traitement des actionnaires n'est pas absolue [125].
(II) Dans les sociétés publiques |
44.L'égalité de traitement des actionnaires de sociétés publiques dans l'accès à l'information est édictée par plusieurs dispositions légales et réglementaires [126].
Il en résulte que si soit un actionnaire cédant, soit le cessionnaire a pris connaissance d'informations non publiques, ces informations doivent être diffusées au public. Il en va ainsi qu'il s'agisse d'une cession privée ou d'une offre publique d'acquisition. Dans ce dernier cas, les informations révélées par le due diligence pourront être reprises dans le prospectus d'offre [127]. C'est également le système retenu en France, dans le cadre de la recommandation n° 2003-01, où “la note d'information soumise au visa de la COB devra rétablir l'égalité d'accès à tout fait important nécessaire aux investisseurs pour fonder leur jugement, transmis à l'occasion de la data room” [128].
Nous pensons que ce principe ne doit cependant pas recevoir une application absolue. Si une information pouvant avoir un effet sensible sur le cours est restée confidentielle malgré les obligations d'information qui s'imposent à la société, c'est sans doute parce que la CBFA a accordé une dérogation à l'obligation de communiquer, en raison des intérêts légitimes de la société, dans les conditions de l'article 10, § 3, 1°, de la loi du 2 août 2002. Ces intérêts légitimes peuvent subsister après la cession privée ou le lancement de l'offre publique d'acquisition [129]. La dérogation à la publication devrait alors subsister également. Dans le cas de l'offre publique, elle pourrait être accordée par la CBFA sur base de l'article 15, § 3, de la loi du 2 mars 1989. Une telle différence de traitement entre l'actionnaire de contrôle (cédant et/ou cessionnaire) et les minoritaires se justifie non seulement parce que le premier est “le plus concerné par l'objectif de favoriser le bon fonctionnement et l'évolution de l'entreprise” [130], mais aussi tout simplement parce que le secret de l'information peut être conservé si celle-ci n'est communiquée qu'à quelques intervenant alors que ce n'est par définition pas le cas si l'information est rendue publique…
Les intérêts du public peuvent en outre être protégés dans cette hypothèse par l'intervention de la CBFA et par celle du conseil d'administration appelé à donner un avis sur l'offre, en connaissance de cause [131].
(III) Dans les sociétés privées |
45.La communication d'une information par le conseil d'administration à un actionnaire ou à un candidat actionnaire se situe dans l'ordre interne et implique dès lors la mise en oeuvre du respect de l'égalité de traitement interne des actionnaires, même dans une société privée. Les autres actionnaires auront donc le droit de recevoir également cette information.
Ce droit à l'égalité cède toutefois devant la nécessité de préserver l'intérêt social. Dès lors, comme dans le cas des sociétés publiques, si la confidentialité le requiert, le conseil d'administration pourra décider de déroger la règle de l'égalité. Et il faut bien admettre que les protections dont disposent les minoritaires dans ce cadre sont bien moindres que dans le cas d'une société publique.
3. | Le rôle des actionnaires dans le due diligence |
46.Les actionnaires sont souvent les premiers concernés par la réalisation d'un due diligence. Il en va ainsi en particulier lorsque l'examen de la société par un tiers est destiné à permettre à celui-ci de prendre une décision d'acquisition de leurs actions ou de fixer le prix de vente de celles-ci. Pourtant, les possibilités pour les actionnaires d'organiser eux-mêmes un accès à des informations non publiques relatives à la société et de les communiquer à des tiers sont limitées.
3.1. | L'accès des actionnaires à des informations non publiques |
47.Tout d'abord se pose la question de savoir dans quelle mesure les actionnaires peuvent régulièrement prendre connaissance d'informations non publiques.
(a) Le droit direct à l'information des actionnaires |
48.L'accès direct des actionnaires à l'information est organisé, outre ce que nous avons déjà signalé concernant les sociétés cotées, par le Code des sociétés et en particulier par l'article 540, alinéa 1er qui oblige les administrateurs à répondre à certaines questions qui leur sont posées par les actionnaires.
Cet accès est toutefois limité. Les questions auxquelles les administrateurs sont tenus de répondre doivent en effet concerner leur rapport ou des points portés à l'ordre du jour et la communication ne doit pas être de nature à porter gravement préjudice à la société, aux actionnaires ou au personnel de la société.
Il est en tous cas admis en doctrine que le droit à l'information n'est pas absolu mais doit être exercé dans la perspective du vote à émettre sur les comptes et la décharge aux administrateurs [132].
(b) La communication d'informations par des administrateurs à des actionnaires de la société |
(i) Principes |
49.Au nom de “la pratique des affaires”, la doctrine majoritaire reconnaît le droit pour des administrateurs de communiquer à l'actionnaire qui, dans les faits, est à l'origine de leur désignation, des informations non publiques relatives à la société administrée: “On imagine mal le directeur d'une société mère 'envoyé comme administrateur' au sein du conseil d'administration d'une société filiale se refuser à donner des informations ou à recevoir des indications ou des directives sur l'exercice de son mandat de la part de son administrateur délégué ou de son directeur général au sein de la société mère - sans bien entendu que puisse lui être imposée une violation des obligations qui lui incombent comme administrateur de la filiale et comme garant de l'intérêt social de cette dernière” [133].
L'on justifie alors cette position par une “autorisation tacite” donnée par le conseil d'administration [134].
Cette thèse me paraît devoir être admise. Les contacts et échanges d'informations entre l'administrateur et l'actionnaire qui l'a fait nommer sont de nature à permettre une gestion de la société - ou une intervention dans cette gestion - conforme aux attentes des actionnaires et autres administrateurs. A contrario, la consécration légale des administrateurs “indépendants” (art. 524 du Code des sociétés), à savoir de ceux qui ne rapportent pas à un actionnaire, confirme ce point de vue.
Le fondement de cette règle en circonscrit toutefois les limites. Ainsi, le conseil d'administration pourrait révoquer son “autorisation tacite” et au contraire interdire la communication à un actionnaire des informations confidentielles [135]. Par ailleurs, selon nous, ces échanges ne pourraient pas se faire de manière occulte, c'est-à-dire sans que les autres administrateurs ne soient conscients des liens entre un administrateur et un actionnaire déterminé.
(ii) Application des règles relatives à l'abus d'informations privilégiées et au délit d'initié? |
50.Le professeur Van Ommeslaghe estime cependant que la communication par un administrateur à l'actionnaire “qu'en fait il représente” ne pourrait pas porter sur des informations privilégiées, car dans ce cas l'administrateur en question se rendrait coupable d'un délit d'initié [136]. Nous pensons toutefois que si l'on admet, comme le fait l'éminent auteur, que la communication d'informations fait partie de la mission normale d'un administrateur dans le cadre d'un groupe de sociétés, il faut également considérer que la communication d'informations privilégiées entre “dans le cadre normal de l'exercice de la fonction” d'administrateur au sens des articles 25 et 40 de la loi du 2 août 2002. Dès lors, il n'y a dans cette hypothèse ni manquement administratif ni délit d'initié.
3.2. | La communication par l'actionnaire d'informations confidentielles qu'il a reçues |
51.Une fois en possession d'informations confidentielles selon l'un des modes décrits ci-dessus, l'actionnaire peut-il directement, c'est-à-dire sans l'intervention du conseil d'administration de la société concernée, mettre ces informations à la disposition d'un tiers, typiquement le candidat acquéreur de la participation de cet actionnaire dans la société?
Lorsqu'il s'agit d'informations qu'il a reçues lui-même en sa qualité d'actionnaire (ci-dessus, n° 48), il nous paraît qu'il n'est pas autorisé à les communiquer à des tiers eu égard à l'objectif spécifique de ces accès à l'information.
De même, si les informations proviennent d'un administrateur de la société concernée (ci-dessus, n° 49), l'actionnaire ne peut en faire usage à des fins personnelles. Il n'a en effet reçu ces informations qu'à une fin précise, c'est-à-dire pour permettre l'exercice optimal du mandat d'administrateur dans la société concernée [137].
Si les informations reçues sont privilégiées et sont néanmoins communiquées par l'actionnaire, celui-ci se rend coupable d'un manque administratif et/ou d'un délit d'initié. Il ne peut en effet se prévaloir d'une communication faite “dans le cadre normal de l'exercice des fonctions”.
Si l'actionnaire souhaite communiquer de telles informations à un tiers, il ne pourra dès lors le faire que par l'intermédiaire du conseil d'administration de la société concernée ou moyennant l'autorisation de ce conseil d'administration. Conformément aux principes généraux, une telle autorisation peut être tacite mais doit être certaine.
3.3. | La cession de ses titres par l'actionnaire, titulaire d'informations privilégiées |
52.L'on sait que l'“exception holding”, qui excluait des informations privilégiées les informations dont disposent les sociétés dites holding, prévue par la loi du 4 décembre 1990 a été supprimée dans la loi du 2 août 2002, après avoir été considérée illégale par la Cour de justice des Communautés européennes et, à sa suite, par les tribunaux belges [138].
Lors de travaux préparatoires de la loi du 2 août 2002, il a été précisé que cette suppression ne devait pas empêcher les sociétés holding de continuer à gérer leurs participations [139].
En réalité, les règles que nous avons dégagées ci-dessus concernant les articles 25 et 40 trouvent également à s'appliquer à l'actionnaire désireux de céder sa participation mais ayant connaissance d'informations privilégiées. Dans le cadre de l'article 25 (manquement administratif), on espère que la CBFA précisera bientôt dans une recommandation le comportement qui s'impose à tel actionnaire. Celui-ci peut déjà bénéficier de l'exemption s'il avait déjà contracté une obligation de céder avant de pendre connaissance de l'information privilégiée (ci-dessus, n° 21). En ce qui concerne l'article 40 (infraction pénale), l'actionnaire en possession d'une information privilégiée pourra néanmoins céder ses actions si, ce faisant, il “n'utilise pas” cette information (ci-dessus, n°s 25 et s.).
[1] | Avocat. |
[2] | Sur la pratique du “due diligence”, voy. notamment B. De Vuyst, “Dommages pour manque d'information ou pour information erronée: 'due diligence' et 'data rooms': la maîtrise des risques”, DAOR 2000, n° 80, p. 54. Pour la vision américaine: A. R. Lajoux et C. M. Elson, The Art of M&A Due Diligence, McGraw-Hill, 2000 et Due diligence for Global Deal Making, A. H. Rosenbloom (éd.), 2002. |
[3] | Sur ces questions, voy. également, N. Van Crombrugge, “Rechten en plichten van bestuurders bij onderhandelingen over de overname van hun vennootschap”, DAOR 2003, n° 67, p. 8; P. Van Ommeslaghe, “L'acquisition du contrôle d'une société anonyme et l'information de l'acquéreur”, Mélanges R.O. Dalcq, Bruxelles, Larcier, p. 591; D. Napolitano et M. Wyckaert, “Is er leven na de beurs?: introductie tot de 'going private'-operatie naar Belgisch recht”, T.R.V. 2002, p. 161; X. Dieux, “La divulgation d'informations concernant la société anonyme. Principes et sanctions”, Rev. dr. U.L.B., 1992, p. 63; J.M. Nelissen Grade, “Kroniek van de openbare overnamebiedingen (1996-2003)”, Dr. banc. fin. 2004/1, p. 44, n° 29; P. Hamer, “Développements récents en matière d'offres publiques d'acquisition”, in Sociétés cotées, rester en bourse ou non?, Séminaire Van Ham & Van Ham, 7 février 2002, p. 5; X. Dieux, “Questions relatives aux opérations préparatoires et au lancement d'une OPA volontaire”, in Liber Amicorum Guy Horsmans, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 413. |
[4] | Art. 2 de l'A.R. du 31 mars 2003 relatif aux obligations des émetteurs d'instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, modifié par A.R. du 28 janvier 2004. |
[5] | Art. 6, § 1er, 1°, de l'A.R. du 31 mars 2003 et art. 10, § 1er, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers. |
[6] | Sont “sensibles” au sens de l'art. 10, § 1er, de la loi du 2 août 2002, les informations qui concernent “tous faits nouveaux importants dans leur sphère, d'activité qui ne sont pas dans le domaine public et qui sont susceptibles, en raison de leur incidence sur leur situation patrimoniale ou financière ou la marche générale de leurs affaires, d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers en question”. Sur le lien entre les informations “sensibles” et les informations “privilégiées”, voy. ci-dessous, n° 35. |
[7] | L'art. 10, § 3, de la loi du 2 août 2002 permet d'obtenir de la CBFA l'autorisation de différer la publication d'informations, à certaines conditions. |
[8] | X. Dieux, o.c., Rev. dr. U.L.B. 1992, p. 104, n° 14 et p. 113, n° 17; P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 603. |
[9] | Étant donné que le comité de direction peut se voir déléguer par le conseil d'administration tout pouvoir de gestion, sans que cette délégation puisse porter sur la détermination de la politique générale de la société, - ni sur l'ensemble des actes réservés au conseil d'administration par d'autres dispositions de la loi -, il pourrait lui incomber de procéder à la communication d'information - ou de s'abstenir de le faire -, en fonction de la délégation qui lui a été consentie (sur la question de savoir si, malgré la délégation, le conseil d'administration conserve le pouvoir d'intervenir, voy. B. Delmotte, “Behoudt of verliest de raad van bestuur de bevoegdheden die hij heeft verleend aan het directiecomité?”, T.R.V. 2004, p. 219 et D. Van Gerven, “De bevoegdheden van het directiecomité in de naamloze vennootschap in verhouding tot de raad van bestuur”, T.R.V. 2004, p. 22). Les règles applicables sont similaires à celles décrites ci-dessous concernant les administrateurs. Par contre, il n'appartient en principe pas au délégué à la gestion journalière de communiquer à un tiers des informations non publiques, sauf en exécution d'une décision du conseil d'administration ou du comité de direction. Une telle communication n'entre en effet pas, sauf cas exceptionnel, dans la notion d'acte de gestion journalière, à savoir les actes d'administration ne dépassant pas les besoins de la vie quotidienne de la société ou qui, en raison tant de leur peu d'importance que de la nécessité d'une prompte solution, ne justifient pas l'intervention du conseil d'administration lui-même (Cass. 17 septembre 1968, Pas. 1969, I, p. 61; Cass. 21 février 2000, Pas. 2000, I, p. 138; Cons. Ét. 10 décembre 2002, R.P.S. 2003, p. 214). À titre d'exception, on peut par exemple songer à la communication d'informations à un banquier dans le cadre de la conclusion d'un contrat de crédit dans certaines circonstances (nature non essentielle des informations, conclusion du contrat de crédit entrant dans le cadre de la gestion journalière en raison de l'activité de la société, du montant du crédit, etc.). De même, les travailleurs occupés par la société n'ont pas de rôle à jouer dans la communication d'informations confidentielles sauf dans le cadre de l'exécution d'une décision du conseil d'administration ou du comité de direction. Ceci est d'ailleurs de nature à susciter des difficultés à l'occasion d'opération de “Management buy-out”. |
[10] | Voy. sur ces principes, B. Tilleman, “L'obligation au secret et à la discrétion des administrateurs”, J.T. 1993, p. 549 et “De plicht tot geheimhouding en discretie van bestuurders”, T.R.V. 1992, p. 277; X. Dieux, o.c. Rev. dr. U.L.B. 1992, pp. 113-114; B. Feron et J. Meunier, “La 'double casquette' de l'administrateur de société anonyme”, J.T. 2000, p. 696 ; N. Van Crombrugge, o.c., p. 13. Sur la notion de “secret des affaires”, voy. J.-P. Buyle, in “Le secret des affaires: du droit à l'intimé au secret professionnel”, in Liber Amicorum Guy Horsmans, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 93. |
[11] | Euronext et la CBFA ont récemment publié un “Vade Mecum de l'information - Les obligations d'information des sociétés admises à la cotation sur un marché réglementé organisé par Euronext Brussels”, qui reprend l'ensemble des obligations d'information s'imposant aux sociétés cotées, en ce compris les obligations qui découleront du futur Code de corporate governance (Vade Mecum, version octobre 2004, disponible sur le site internet de la CBFA, www.cbfa.be). Consultez également la circulaire de la CBFA FMI/2003-02, relative aux obligations incombant aux émetteurs belges d'instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé belge (site internet CBFA, www.cbfa.be). Pour un examen détaillé des obligations d'information s'imposant aux sociétés publiques, voy. également D. Napolitano, De Publieke Vennootschap, Larcier, 2003, pp. 173 et s.; P.-J. Engelen, Informatieverstrekking door beursgenoteerde vennootschappen, Intersentia, 1999. |
[12] | P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, pp. 603-604; X. Dieux, o.c., Rev. dr. U.L.B. 1992, p. 114; D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., p. 184; N. Van Crombrugge, o.c., p. 15. |
[13] | Pour un examen détaillé de ce concept, voy. A. François, Het vennootschapsbelang in het Belgisch vennootschapsrecht, Antwerpen, Intersentia, 1999. En France, où les mêmes questions se posent, voy. G. Goffaux-Callebaut, “La définition de l'intérêt social”, R.T.D. Com. 2004, p. 35. |
[14] | Voy. les références citées par P. Van Ommeslaghe et J. Heenen, “L'intérêt social”, in Liber Amicorum Paul De Vroede, p. 889. |
[15] | P. Van Ommeslaghe, “Entreprise, entreprise en difficulté, concepts juridiques?”, Rev. dr. U.L.B. 1991, 1, p. 12; P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 606. |
[16] | K. Geens, “De jurisprudentiële bescherming van de minderheidsaandeelhouders tegen door de meerderheid opgezette beschermingsconstructie”, T.P.R. 1989, p. 44; H. Laga, “Vennootschaps- en verbintenissenrecht: één recht?”, R.W. 1996-97, p. 557; O. Ralet, Responsabilités de dirigeants de sociétés, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 91; W. Van Gerven, H. Cousy et J. Stuyck, Handels- en vennootschapsrecht, deel 1 A, 1989, p. 34; N. Van Crombrugge, o.c., p. 17. |
[17] | Le droit de vote de l'actionnaire est également soumis à certaines limites, déduites des principes relatifs à l'abus de droit; voy. Mons 12 mars 1996, R.P.S. 1996, p. 300 et note Ph. Lambrecht, “Illustrations récentes du référé en cas de blocage dans la société anonyme”. |
[18] | Rapport annuel 1992-93, p. 102. La commission avait également précisé que la décision relevait de la compétence exclusive du conseil d'administration. Le conseil d'administration a marqué son accord sur la demande d'ING. Les investigations menées par cette dernière ont finalement conduit à ce qu'elle ne lance pas d'offre publique. |
[19] | Voy. par exemple Comm. Bruxelles 31 janvier 1997, T.R.V. 1997, p. 159. |
[20] | Sur la question de savoir si les règles relatives aux conflits d'intérêts sont applicables à la décision du conseil de communiquer des informations, voy. P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, pp. 609-610; D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., pp. 188 et s.; N. Van Crombrugge, o.c., pp. 18 et s.; X. Dieux, o.c., Liber Amicorum Guy Horsmans, pp. 418 à 420. Cette importante et intéressante question dépasse le cadre de notre étude. Notons que l'art. 524 du Code des sociétés, tel qu'il a été modifié par la loi du 2 août 2002, ne trouve en tous cas plus à s'appliquer à notre hypothèse, sauf si le bénéficiaire de l'information est une société liée à la société cotée concernée (autre qu'une filiale).Concernant l'art. 523 du Code des sociétés et l'exigence, pour que celui-ci soit applicable, que la décision du conseil crée des droits ou des obligations au profit ou à charge de la société, l'on notera que dans la pratique il est fréquent que la société se réserve la possibilité de mettre fin de manière discrétionnaire au processus de due diligence. Il est en outre souvent prévu que la société ne pourra pas être tenue responsable en cas d'inexactitude de l'information communiquée ou si celle-ci se révèle incomplète. Ces stipulations - qui sont valables - doivent bien sûr se combiner avec les principes d'exécution de bonne foi et d'interdiction de l'abus de droit. |
[21] | Sur l'obligation, dans certains cas, d'ouvrir la société à un due diligence, voy. n° 11 ci-dessous. |
[22] | Sur le genre d'accord de confidentialité pouvant être conclus dans ce cadre, voy. C. Guyot, “Les clauses de non-concurrence et de confidentialité dans les cessions d'actifs et d'actions”, DAOR 2001/4, p. 57. |
[23] | Art. 521 du Code des sociétés; voy. Comm. Bruxelles 21 décembre 1998, J.D.S.C. 2000, p. 167 et obs. C. Bertsch; H. De Wulf, Taak en loyauteitsplicht van het bestuur in de naamloze vennootschap, Intersentia, 2002, p. 298. |
[24] | Par exemple en cas d'extrême urgence, ou parce qu'en raison de la taille du conseil ou de sa composition, il ne s'avérerait pas possible de garantir la confidentialité de la démarche de communication, ou encore en cas de situation contentieuse ou précontentieuse entre divers groupes d'actionnaires “représentés” au conseil. |
[25] | Les informations privilégiées au sens de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers sont soumises à un régime spécifique dont ils sera question ci-dessous. |
[26] | Il est à noter que si la société est informée d'une telle initiative individuelle d'un ou de plusieurs de ses administrateurs, elle pourra s'y opposer, le cas échéant en sollicitant une injonction judiciaire en référé. A priori, sauf abus ou position manifestement contraire à l'intérêt social, c'est en effet toujours au conseil d'administration dans son ensemble qu'il appartient d'apprécier l'opportunité de telles communications et la société est en droit d'exiger l'exécution en nature de leurs obligations par les administrateurs. |
[27] | Jusque là organisé par les art. 181 à 191 de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers; sur cette loi, dont certaines dispositions ont été reprises, voy. A. Bruyneel, “La réforme financière de 1990. Loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers. Livre Ier”, J.T. 1991, p. 556; Th. L'Homme, “Les opérations d'initiés en droit belge et en droit européen”, Rev. dr. intern. comp. 1994, p. 344; J. Cerfontaine, “Beursdelicten”, R.D.C. dossier 4 1997, p. 139; Ph. Lambrecht, “Le point à propos du délit d'initié”, Rev. dr. U.L.B. 1997, p. 85; B. Feron, Les délits boursiers en droit belge et en droit comparé, Cahiers AEDBF Belgium, Bruxelles, 2001, p. 41; K. Geens, “Voorkennis: Strafbaar zonder gebruik?”, in De Nieuwe beurswetgeving, Biblo, 1991, p. 409. |
[28] | En indiquant expressément qu'il suffit que l'information concerne “directement ou indirectement” la société ou les titres, la loi du 2 août 2002 élargit la notion d'information privilégiée par rapport à la réglementation antérieure, à tout le moins dans l'interprétation restrictive que certains en donnaient (Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, p. 39). Sur cette loi, avant sa modification de 2003, voy. J. Van Lancker et K. Verdoodt, “Nieuwe regels inzake marktmanipulatie en misbruik van voorkennis”, T.R.V. 2003, p. 36 et spéc. p. 58; B. Feron et P. Paulus de Châtelet, “Les délits de marché”, T.P.D.C., t. 5, Droit bancaire et financier, titre V, Kluwer, 2003, pp. 245 et s.; Y. De Cort, “L'égalité entre actionnaires”, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 836 à 851; J. Malherbe, Ph. Lambrecht et Ph. Malherbe, Droit des sociétés. Précis, Bruylant, 2004, pp. 1102 et s. et pp. 1121 et s; Ph. Lambrecht et J.F. Tossens, “La réforme de la surveillance du secteur financier. Article de synthèse sur la loi du 2 août 2002”, Rev. prat. soc. 2002, p. 113; E. Ponnet et A. Van Cauwenberge, “Naar een financieel toezicht voor de 21ste eeuw: de wet van 2 augustus 2002 betreffende het toezicht op de financiële sector en de financiële diensten”, T.R.V. 2003, p. 3. |
[29] | Voy. ci-dessous, n° 52. |
[30] | J.O.U.E. 12 avril 2003, L 96, p. 16. Sur cette directive, voy. Ph. Lambrecht, “Les opérations d'initiés dans la directive sur les abus de marché”, in Financiële regulering: op zoek naar nieuwe evenwichten, vol. II, Intersentia, p. 353. En France, H. de Vauplane et J.-J. Daigre, “Chronique financière et boursière - Actualités réglementaires - Directive Abus de marché. Présentation générale. Objectifs”, Banque & Droit, n° 89, p. 34; Ch. Goyet, N. Rontchevsky et M. Storck, “Droit des marchés financiers. Réglementation boursière”, R.T.D. Com. 2003, p. 531. |
[31] | Règlement n° 2273/2003 du 22 décembre 2003 en ce qui concerne les dérogations prévues pour les programmes de rachat et la stabilisation d'instruments financiers, J.O.U.E. 23 décembre 2003, L 336/33, directive 2003/124/CE du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, J.O.U.E. 24 décembre 2003, L 339/70, directive 2003/125/CE du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE en ce qui concerne la présentation équitable des recommandations d'investissement et la mention des conflits d'intérêts, J.O.U.E. 24 décembre 2003, L 339/73. |
[32] | Art. 2, 14°. |
[33] | Il est en outre certain que la nouvelle réglementation, tout comme la précédente, vise tant les transactions hors bourse que les transactions en bourse (voy. les auteurs cités aux notes 1 et 2 ci-dessus). |
[34] | Voy. les art. 25, § 3 et 40, § 4, de la loi du 2 août 2002. L'on se référera également utilement à la directive 2003/124/CE du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché, laquelle tend à mieux circonscrire les notions de “caractère précis” et “d'impact potentiel sur les cours”. Cette directive aurait dû être transposée en droit belge pour le 12 octobre 2004 au plus tard. |
[35] | Voy. ci-dessous, n° 35 sur le lien entre information sensible et information privilégiée. |
[36] | Voy. les explications détaillées données à cet égard dans l'Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, pp. 59 à 61, qui doivent toutefois être lues avec prudence en raison des modifications intervenues par rapport au projet initial, notamment dans le cadre de la loi du 22 décembre 2003. |
[37] | Art. 25, § 1er, 1°, b). Bien que grammaticalement, la formulation puisse prêter à confusion, il s'agit bien d'une référence au travail, la profession ou les fonctions de celui qui communique l'information et non de celui qui la reçoit. Voy. infra, le commentaire relatif au libellé de l'art. 40. |
[38] | En doctrine, voy. B. Feron, o.c., Cahiers AEDBF Belgium, pp. 65-67 et K. Geens, o.c., in De Nieuwe beurswetgeving, pp. 436-437. |
[39] | J. Cerfontaine, “Artikel 183 W. 4 december 1990”, Financieel recht, Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, n°s 2-3. |
[40] | De sorte qu'il y a en réalité une “obligation de prendre des initiatives”, en fonction des circonstances. |
[41] | Voy. n°s 6 et s. ci-dessus. |
[42] | Dans ce sens également, D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., n°s 58 à 62; N. Van Crombrugge, o.c., p. 30. Comp. B. Feron et P. Paulus de Châtelet, o.c., T.P.D.C. 2003, p. 275, qui semblent considérer que la communication d'informations privilégiées par un administrateur constitue un délit d'initié. S'ils ne visent que la communication par un administrateur isolé, leur position est justifiée (cf. n° 15 ci-dessous), mais pas s'ils considèrent une communication faite par le conseil d'administration. |
[43] | Voy. n°s 30 et s. ci-dessous. |
[44] | Comp., pour le cas de la communication d'informations confidentielles mais non privilégiées, ci-dessus, n° 10. |
[45] | Sur ce point, voy. ci-dessous, n° 49. |
[46] | D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., p. 187, n°s 61-62. Les commentaires de ces auteurs sont antérieurs à la loi du 8 août 2002 mais sont intégralement applicables à celle-ci, les éléments ici discutés n'ayant pas été modifiés. Dans le même sens, K. Geens, o.c., in De Nieuwe beurswetgeving, pp. 436-437. |
[47] | Et non “dans le cadre de l'exercice normal de son travail…”, je mets en gras. |
[48] | Les autres langues de la directive ne sont pas d'une grande aide pour éclairer le débat puisque, par exemple, la version anglaise vise la communication “in the normal course of exercise of his employment,…” et la version allemande, “im normalen Rahmen der Ausübung iher Arbeit…”, tandis que la version italienne vise “nell'ambito del normale esercizio della loro professione…”. |
[49] | Voy. ci-dessous, n°s 27 et s. |
[50] | D'ailleurs, l'art. 30 de la loi du 2 août 2002 vise, certes à titre exemplatif, “l'examen d'informations en vue de l'acquisition de participations dans des sociétés cotées” mais non la “communication” de telles informations. Voyez également ci-dessous. |
[51] | Art. 25, § 1er, 1°, a). |
[52] | La fusion n'est pas non plus nécessairement visée puisqu'elle n'implique pas la cession de titres de la société visée, sauf lorsque cette société est la société absorbante dans le cadre d'une fusion par absorption. |
[53] | Voy. exposé des motifs de la loi du 2 août 2002, DOC 50, 1842/001 et l'exposé des motifs de la proposition du 30 mai 2001 de directive européenne sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), devenue la directive 2003/6/CE. |
[54] | Voy. ci-dessous n° 25 en ce qui concerne l'infraction pénale et n°s 30 et s. pour ce qui est de la pratique dans d'autres pays. |
[55] | Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, pp. 60-61. |
[56] | DOC 50, 1842/004, p. 80. |
[57] | DOC 50, 1842/004, pp. 111 à 113; voy. également DOC 50, 1842/004, pp. 151-152. |
[58] | La loi du 22 décembre 2003 précise que l'art. 25 tel que modifié est applicable aux faits commis à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, soit le 1er janvier 2004, tandis que les faits commis entre le 1er juin 2003 (date d'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2002) restent soumis à l'art. 25 tel qu'il existait avant sa modification par la loi du 23 décembre 2003. |
[59] | Voy. ci-dessous n°s 27 et s. |
[60] | Art. 25, § 2, al. 2. |
[61] | Art. 2.3. Voy. Ph. Lambrecht, “Les opérations d'initiés dans la directive sur les abus de marché”, in Financiële regulering: op zoek naar nieuwe evenwichten, vol. II, Intersentia, 2003, p. 368. Cette exception permet de résoudre la difficulté qui se posait dans l'ancien régime lorsque des ordres périodiques étaient donnés et que le donneur d'ordre venait ultérieurement à prendre connaissance d'une information privilégiée; voy. D. Devos, “Les opérations d'initiés en droit positif belge”, Rev. banque 1991/8, p. 464; T. L'Homme, o.c., p. 370. La formulation est toutefois générale et s'applique à d'autres cas également; voy. l'exemple cité par Ph. Lambrecht, o.c. et l.c., à savoir l'exercice d'une option d'achat. |
[62] | Bien qu'une condition résolutoire, à l'inverse d'une condition suspensive, puisse être purement potestative, il faut considérer que dans ce cas, il n'y a pas d'obligation de la part du candidat. Sur un cas où une condition relative à la réalisation satisfaisante d'un due diligence a été jugée potestative, voy. Civ. Hasselt 7 septembre 1998, V & F 1998, p. 286. |
[63] | Voy. sur ce sujet, aux États-Unis, J. M. Fried, Using Inside Information to Abstain from Trading, September 2002, http://ssrn.com/abstract_id=330520, qui expose sur base d'un examen du marché que l'abstention d'acquérir ou de céder des titres sur base d'informations privilégiées n'est pas préjudiciable au public. En Belgique, voy. D. Devos, o.c., Rev. banque 1991/8, p. 463; K. Geens, o.c., in De Nieuwe beurswetgeving, p. 438; B. Feron, o.c., Cahiers AEDBF Belgium, p. 65; T. L'Homme, o.c., p. 367. |
[64] | Dans certains cas, la communication publique de telles informations peut toutefois s'avérer contraire à l'intérêt de la société et entrer dans l'une des exceptions légales à l'obligation de communication au public. |
[65] | Art. 25, § 1er, 1°, c). |
[66] | Il ne résulte pas clairement du texte français si ce lien doit exister entre l'information et la recommandation ou entre l'information et l'acquisition ou la cession (il est interdit “de recommander à un tiers d'acquérir ou de céder (…), sur base de l'information privilégiée”). Tant la version néerlandaise (“op grond van deze voorkennis iemand anders aan te bevelen om…”) que le fait que l'interdiction s'adresse à celui qui détient l'information, donc le “conseilleur”, indiquent que le lien concerne bien la recommandation elle-même. |
[67] | Par exemple en raison d'informations confidentielles non privilégiées au sens de la loi du 2 août 2002. |
[68] | Le texte français de l'art. 40, § 2 comporte une erreur grammaticale. Il dispose “Il est interdit aux personnes soumises à l'interdiction prévue au § 1er: 1° de communiquer l'information privilégiée à une autre personne, si ce n'est dans le cadre normal de l'exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions”. Comme indiqué ci-dessus à propos de l'art. 25, ce sont le travail, la profession et les fonctions de celui qui communique l'information qui sont visés et non de celui qui la reçoit. Le texte aurait donc dû viser “leur travail, leur profession ou leurs fonctions”. Cette interprétation est confirmée par le texte de la directive 2003/6/CE (art. 2). |
[69] | Ci-dessus, n°s 14 et s. |
[70] | Sur le régime antérieur à cet égard, voy. D. Devos, o.c., p. 464. |
[71] | Voy. ci-dessus, n° 20. |
[72] | Voy. J. Van Lancker et K. Verdoodt, o.c., pp. 60-61. |
[73] | Même si c'est bien entendu au ministère public qu'il incombe de rapporter la preuve de l'infraction, en ce compris, selon moi, l'existence de ce lien de causalité. |
[74] | DOC 50, 1842/004, p. 80. |
[75] | Elle n'est toutefois pas partagée par toute la doctrine. Ainsi, Ph. Lambrecht considère au contraire que la connaissance de l'information privilégiée ne doit pas être la seule raison de l'acte, il suffit qu'il s'agisse l'une des raisons parmi une pluralité de causes (“Les opérations d'initiés…”, o.c., pp. 370-371). Voyez également les auteurs suivants, qui considèrent que le ministère public ne doit pas établir l'utilisation: J. Malherbe, Ph. Lambrecht et Ph. Malherbe, Droit des sociétés - Précis, o.c., pp. 1132 et 1133; Ph. Lambrecht et J.F. Tossens, o.c., p. 169. |
[76] | DOC 50, 1842/004, p. 152. |
[77] | Comp. P.A. Foriers, “Autour et alentour de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 7 mai 2001. Réflexions d'un civiliste sur le délit d'initié”, in Liber Amicorum Lucien Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002, spéc. p. 703, qui estime que ne sont pas critiquables des opérations réalisées entre initiés (le vendeur et l'acquéreur d'une participation, de contrôle ou minoritaire), au motif qu'aucun initié n'abuse alors de la situation au profit d'un non-initié et qu'il n'y a pas atteinte à l'intégrité du marché. L'éminent auteur, qui s'exprimait avant l'introduction par la loi du 2 août 2002 de la condition d'utilisation comme élément du délit d'initié, semble donc considérer que, dans ce contexte, même l'utilisation de l'information privilégiée serait permise. Cette position nous paraît cependant contraire au droit positif. |
[78] | Cass. fr. crim. 26 juin 1995, J.C.P., p. 766 et note Viandier; voy. également Cass. fr. comm. 9 avril 1996, J.C.P. 1996, IV, p. 1317. Pour un commentaire récent de ces principes en France, voy. M.-N. Dompé, “Le devoir d'abstention d l'initié”, in Le Droit boursier en mouvement, colloque de Chantilly, 14-15 juin 2003, Revue de jurisprudence commerciale 2003, p. 173. |
[79] | Voy. supra, n° 21. |
[80] | L'avant-projet de loi prévoyait, dans le cadre de l'art. 40, que le Roi pouvait, sur avis de la CBF, fixer les conditions auxquelles l'émetteur d'un instrument financier peut mettre en place une procédure de déclaration préalable des transactions portant sur cet instrument financier, qui, si elle a été respectée, fait présumer, sauf preuve contraire, que le cédant ou l'acquéreur n'était pas en possession d'une information privilégiée lorsqu'il a cédé ou acquis les instruments financiers en question (DOC 50, 1842/001, p. 182). Ce mécanisme visait notamment les options sur actions des administrateurs de l'émetteur. Le Conseil d'État a mis en doute sa compatibilité avec la directive européenne alors en vigueur (DOC 50, 1842/001, p. 273). Cette possibilité de déclaration a finalement été abandonnée. Voy. Ch. Goyet, N. Rontchevsky et M. Storck, o.c., R.T.D. Com. 2003, p. 536, qui indiquent que dans le cas d'une obligation préexistante, l'opération n'a pas été déterminée par l'information privilégiée, et la jurisprudence française citée. |
[81] | L'art. 30, 1°, qui confère à la CBFA un pouvoir de dérogation individuelle, ne vise pas l'art. 25. |
[82] | Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, pp. 67-68. |
[83] | Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, p. 93. |
[84] | Le règlement n° 2273/2003 du 22 décembre 2003 (J.O.U.E. 23 décembre 2003, L 336/33) définit des pratiques courantes de marché en ce qui concerne les opérations sur actions propres dans le cadre de programmes de rachat et les mesures de stabilisation d'instruments financiers. La directive de la Commission n° 2004/72/EC du 29 avril 2004 (J.O.U.E. 30 avril 2004) définit quant à elle les pratiques de marché admises en matière de manipulations de marché, ainsi que la procédure à suivre par les autorités compétentes notamment une procédure de consultation des acteurs du marché. |
[85] | A l'heure actuelle (1er janvier 2005), de tels règlements n'ont pas encore été adoptés. |
[86] | Notons au passage que le tout récent système des accords préalables (“rulings”) de la CBFA n'est pas d'application pour la loi du 2 août 2002. |
[87] | “Le manquement à la loi ou aux règlements constitue le cas où la faute est la moins discutable. La faute existe dès que la loi a été violée”, R.O. Dalcq, Traité de la responsabilité civile, t. I, n° 301; voy. ég. R.O. Dalcq, “Unité ou dualité des notions de faute et d'illégalité”, R.C.J.B. 1984, p. 19 et “Appréciation de la faute en cas de violation d'une obligation déterminée”, R.C.J.B. 1990, p. 207. La question donne toutefois lieu à des discussions dont l'examen dépasse la portée de la présente note; voy. W. Van Gerven et S. Covemaeker, Verbintenissenrecht, Leuven, 2001, pp. 198-201 et les références citées. En outre, en l'espèce, il y aura lieu de tenir compte de l'exception expresse se référant aux pratiques de marché, lesquelles existent déjà même si elles n'ont pas encore été codifiées par la CBFA. |
[88] | Cass. fr. crim. 11 décembre 2002, Rev. soc. 2003, p. 145 et note B. Bouloc, “L'action civile d'un actionnaire en matière d'abus de pouvoir et de délit d'initié”; Ch. Soyet, N. Rontchevsky et M. Storck, “Chroniques - Droit des marchés financiers”, R.T.D. Com. 2003, p. 336; Banque & Droit 2003, n° 88, p. 36 et obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre; Dr. pénal 2003, n° 35, p. 17, et obs. J.H. Robert. |
[89] | Voy. notes citées au n° précédent. Voy. ég. P.A. Foriers, o.c., pp. 703 et s. |
[90] | J.H. Robert, o.c. et l.c. |
[91] | Voy. Ch. Soyet, N. Rontchevsky et M. Storck, o.c., p. 339 ainsi que ci-dessous concernant les règlements, codes ou recommandations adoptés dans divers pays. Cette décision est antérieure à la recommandation de la COB n° 2003-01, en France, dont question ci-après. |
[92] | X. Dieux, o.c., Liber Amicorum Guy Horsmans, p. 422. L'auteur ajoute “Même si littéralement, l'art. 30 ne vise que l'art. 25 de la loi et non point l'art. 40”. Comp. B. Feron et P. Paulus de Châtelet, o.c., T.P.D.C., p. 275 qui, avant la différenciation entre les artt. 25 et 40, insérée par la loi du 22 décembre 2003, estimaient que “les cours et tribunaux judiciaires qui auraient à connaître d'une affaire de délit d'initié pénal s'inspireront sans aucun doute des réglementations de la CBFA pour apprécier le caractère fautif des faits reprochés”. |
[93] | Bulletin mensuel COB octobre 2003, p. 2; H. de Vauplanne, Banque et dr. novembre-décembre 2003, p. 35; D. Schmidt, “Commentaire de la recommandation n° 2003-01 de la COB relative aux procédures dites de 'Data Room'”, J.C.P. 2004, p. 604; “Droit des marchés financiers, chronique sous la direction de Jean-Jacques Daigre et Anne Deprez-Graff”, J.C.P. 2004, p. 1101; J.M. Moulin, “La recommandation COB n° 2003-01 relative aux data rooms”, Les Petites Affiches 24 juin 2004, n° 126, p. 13. Pour la situation antérieure, voy. L. Faugérolas et A. Moser, “Comment concilier la nécessaire mise en place d'une data room lors de l'acquisition d'actions d'une société cotée avec le droit des délits et manquements d'initiés?”, J.C.P. 1999, p. 752. |
[94] | La data room est le lieu où sont rassemblées les informations qui vont être examinées dans le cadre du due diligence. |
[95] | Nous reviendrons ci-dessous sur ces limites. |
[96] | FSA Handbook, Release 031, May 2004. |
[97] | “Nothing in the Code makes lawful or permits any activity that contravenes the criminal law or applicable legal or regulatory requirements” (1.9.1) et “Persons will, therefore, need to ensure that, even if their behaviour does not amount to market abuse, it does not breach (…) any applicable criminal law, for instance the insider dealing provisions of the Criminal Justice Act 1993 (…)” (1.9.2). |
[98] | http://www.thetakeoverpanel.org.uk/code/code.pdf ; en particulier les règles 20.1 et 20.2, relatives aux informations données par la société cible. |
[99] | Beleidsregel 03-01 van de AFM inzake de toepassing van de artikelen 46 en 46a Wet toezicht effectenverkeer 1995 bij het polsen van (potentiële) aandeelhouders in het kader van het verrichten van transacties, http://www.afm.nl. |
[100] | Art. 10, § 1er, de la loi du 2 août 2002 et art. 6 de l'A.R. du 31 mars 2003. |
[101] | P. Krekels, “Misbruik van voorkennis naar Belgisch recht: de repressieve keerzijde van de informatiemedaille?”, R.D.C. 1992, pp. 23-24; K. Geens, o.c., pp. 417-418; B. Hendrickx et W. Van Gulck, “Misbruik van voorwetenschap in vergelijkend perspectief”, Jura Falconis 1990-91, p. 388. Voy. également T. Tilquin, “Occasionele informatie die de beurskoers kan beïnvloeden”, T.R.V. 1992, p. 195 et p. 199. |
[102] | Dans le régime de l'A.R. du 3 juillet 1996, qui a été remplacé par celui du 31 mars 2003 et par l'art. 10 de la loi du 2 août 2002, l'information sensible consistait en “faits” ou “décisions”. |
[103] | O.c., p. 700. |
[104] | D. Devos, o.c., p. 161; Ph. Lambrecht, “La réforme financière de 1990”, J.T. 1991, p. 673; P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 602. |
[105] | P. Lefevre, “Commentaar bij art. 5 § 1 KB 3 juli 1996”, in Financieel recht. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, mise à jour 10 août 2000, n° 19. |
[106] | “'Gevoelige informatie' in de zin van artikel 2,14°, b), is ruimer dan “bevoorrechte informatie” in de zin van artikel 40, §1. Deze laatste omvat niet-publieke prijsgevoelige informatie die betrekking heeft op het relevante financieel instrument of de relevante emittent (…). 'Gevoelige informatie' omvat eveneens niet-publieke informatie betreffende andere financiële instrumenten of emittente, of zelfs niet-publieke informatie betreffende politieke, regelgevende of wetenschappelijke ontwikkelingen, die, wegens hun verband met de activiteitssfeer van de relevante emittent, toch een weerslag kunnen hebben op de koers van de relevante financieel instrument” (DOC 50, 1842/001, p. 256). Dans ce sens également, P. Lefevre, “Commentaar bij art. 5 § 1 KB 3 juli 1996”, in Financieel recht. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, mise à jour 10 août 2000, n° 19. |
[107] | L'ajout du mot “indirect” dans la définition “devrait permettre d'écarter l'interprétation trop restrictive de la notion d'information privilégiée défendue par certains auteurs et d'y inclure des informations non publiques qui se rapportent à d'autres émetteurs ou instruments, voire à des développements d'ordre politique, réglementaire ou scientifique mais qui se situent spécifiquement dans la sphère d'activité de l'émetteur concerné et qui pourraient de ce chef avoir une influence significative sur l'appréciation des perspectives de l'émetteur ou de l'instrument financier concerné” (DOC 50, 1842/001, p. 39). |
[108] | P.A. Foriers, o.c., p. 700; dans ce sens, D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., p. 194; N. Van Crombrugge, o.c., p. 24. |
[109] | Le rapport au Roi justifie cette exclusion par les délais dans lesquels la publication de l'information doit être faite (“immédiatement”), jugés incompatibles avec la procédure formelle du ruling (M.B. 11 octobre 2004, p. 70847). |
[110] | Dans le cadre de l'appréciation du caractère privilégié d'une information, la cour d'appel de Paris a récemment décidé que “la notion de précision implique un projet d'offre suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d'aboutir, peu important l'existence d'aléas inhérents à toute opération de cette nature quant à la réalisation effective de ce projet et sans qu'il soit nécessairement arrêté un prix” (Paris 1er avril 2003, cité par Ch. Goyet, N. Rontchevsky et M. Storck, “Chroniques. Droit des marchés financiers”, R.T.D. Com., p. 543. |
[111] | J.M. Nelissen Grade, “Het openbaar bod: zes jaar ervaring”, in De regulering van het beursapparaat, Brugge, die Keure, 1997, p. 103; D. Napolitano et M. Wyckaert, o.c., p. 195; P. Hamer, o.c., p. 3. |
[112] | Dérogation qui peut être accordée sur base de l'art. 15, § 3, de la loi du 2 mars 1989. |
[113] | Voy. ci-dessus, n° 8. |
[114] | “20.2 Equality of information to competing offerors. Any information, including particulars of shareholders, given to one offeror or potential offeror, whether named or unnamed, must on request, be given equally and promptly to another offeror or bona fide potential offeror even if that other offeror is less welcome”. Les notes relatives à cette règle précisent: “The passing of information pursuant to this Rule should not be made subject to any conditions other than those relating to: the confidentiality of the information passed; reasonable restrictions forbidding the use of the information passed to solicit customers or employees; and the use of the information solely in connection with an offer or potential offer. Any such conditions imposed should be no more onerous than those imposed upon any other offeror or potential offeror”. |
[115] | H. de Vauplanne, o.c., p. 37; D. Schmidt, o.c., p. 610. |
[116] | J.M. Moulin, o.c., p. 13. |
[117] | Sur les modifications apportées par l'A.R. du 21 avril 1999, voy. Ph. Lambrecht, “L'arrêté royal du 21 avril 1989: un simple toilettage de la réglementation sur les OPA?”, R.P.S. 1999, p. 201. |
[118] | Dans le même ordre d'idées, dans le cadre de l'OPA sur la Banque du Brabant, la CBFA a imposé la communication à l'offrant d'informations communiquées aux actionnaires de la société, en vue “d'assurer un traitement identique des différents protagonistes dans le cadre de cette offre” (rapport 2001-02, p. 114). |
[119] | Ceci témoigne des hésitations du droit belge entre le système de la “rule of passivity”, consacrée notamment au Royaume-Uni, selon laquelle le conseil d'administration ne peut rien faire qui puisse entraver l'offre publique et le système de la “business judgment rule”, en vigueur aux États-Unis, qui permet au conseil d'administration de réagir face à une offre publique, en fonction de l'intérêt social. Pour une synthèse récente en Belgique, voy. P. Van Ommeslaghe, “La protection contre les OPA hostiles en droit belge ou les limites du pragmatisme”, Mélanges Guyon, Dalloz, 2003, pp. 1077 et s. Sur le maintien de ces hésitations dans le cadre de la directive européenne sur les offres publiques d'acquisition: J. F. Mantzen, “La directive du Parlement européen et du Conseil concernant les offres publiques d'acquisitions”, Dr. banc. fin. 2004, p. 144. |
[120] | R. Prioux, “La transparence, principe général de droit en matière d'information des actionnaires et du marché?”, J.T. 1994, p. 226; P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 597; X. Dieux, o.c., Rev. dr. U.L.B. 1992, pp. 63-64 et 104-107; B. Feron et B. Taevernier, Principes généraux du droit des marchés financiers, Bruxelles, Larcier, 1997, pp. 168-172; Y. De Cordt, o.c., p. 834. |
[121] | On pourrait imaginer en théorie une situation dans laquelle le conseil d'administration mettrait à la disposition du candidat acquéreur des informations que le candidat cédant ne connaît pas. En pratique, une telle situation ne se rencontrera toutefois que rarement. |
[122] | Voy. notamment la thèse précitée de Y. De Cordt, “L'égalité entre actionnaires”, Bruxelles, Bruylant, 2004 et du même auteur “L'égalité entre actionnaires”, Rev. soc. 2003, p. 105; L. Simont, “L'égalité entre actionnaires de la société anonyme”, Rev. soc. 1997, p. 235; H. Laga, “Het gelijkheidsbeginsel in het vennootschaps- en effectenrecht”, R.W. 1991-92, p. 1161, J.-M. Nelissen Grade, “Het gelijkheidsbeginsel in het bijzonder bij inkoop van eigen aandelen en kapitaal - vermindering”, in Knelpunten van dertig jaar vennootschapsrecht 1999, p. 629. |
[123] | Art. 15, § 1er, de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition; art. 41 de l'A.R. du 8 novembre 1989 relatif aux offres publiques d'acquisition et aux modifications du contrôle des sociétés. |
[124] | L. Simont, o.c., pp. 250-251. |
[125] | C.A. 14 mai 2003, à propos de l'art. 513 du Code des sociétés, Dr. banc. fin. 2003, p. 301 et note L.F. du Castillon, “L'offre publique de reprise: mesure discriminatoire? Mesure contraire aux garanties contre la privation de la propriété privée?”; T.R.V. 2003, p. 471, et note M. Wauters, “De verenigbaarheid met het gelijkheidsbeginsel van het uitkoopbod in publieke vennootschappen (art. 513 par. 1. W.Venn)”. |
[126] | En particulier, l'art. 15, § 1er, de la loi du 2 mars 1989. |
[127] | P. Hamer, o.c., p. 5. |
[128] | Recommandation n° 2003-01, II-1 in fine, Bull. mensuel COB, n° 383, p. 40. |
[129] | Par exemple, des secrets d'affaires qui doivent rester ignorés des concurrents. |
[130] | Pour reprendre la formulation de la Cour d'arbitrage dans son arrêt du 14 mai 2003, précité. Sur la possibilité, de manière générale, de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes, voy. N. Banneux, “L'égalité, clef du contentieux constitutionnel?”, in L'égalité: nouvelle(s) clé(s) du droit?, Larcier, 2004, pp. 17 et s. |
[131] | Par exemple si le prix de l'offre ne reflète pas une “bonne nouvelle” importante restée confidentielle. |
[132] | F. De Bauw, “Étendue et finalité du droit de poser des questions aux administrateurs”, note sous Gand 18 avril 2002, R.D.C. 2002, p. 730; P. Baert, “En hoe gaat het met uw wapenproductie? Bedenkingen bij het vraagrecht van de aandeelhouder, naar aanleiding van de Barco-Zaak”, T.R.V. 2002, p. 397; H. Braeckmans, “Het vraagrecht van de aandeelhouder in de algemene vergadering”, Liber Amicorum Lucien Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 527. |
[133] | P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 601. |
[134] | P. Van Ommeslaghe, o.c. et l.c., Mélanges R.O. Dalcq. |
[135] | P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, pp. 602-603. |
[136] | P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 602; voy. également B. Feron et P. Paulus de Châtelet, o.c., T.P.D.C., p. 275. |
[137] | P. Van Ommeslaghe, o.c., Mélanges R.O. Dalcq, p. 603. |
[138] | Dr. banc. fin. 2001, p. 178 et note J. Cerfontaine, “Misbruik van voorkennis: de Belgische 'holdingexceptie' en de causaliteit voor het Europese Hof van Justitie”; P.A. Foriers, o.c., p. 695. |
[139] | Exposé des motifs, DOC 50, 1842/001, p. 22. |