Article

Cour d'appel Bruxelles, 06/05/2004, R.D.C.-T.B.H., 2005/1, p. 72-77

Cour d'appel de Bruxelles 6 mai 2004

CONCESSION
Concession de vente - Indemnité compensatoire de préavis - Détermination in concreto - Détermination des frais incompressibles
Encore que le droit à indemnisation pouvant résulter de la rupture unilatérale d'une convention naisse dès la notification de la volonté de rupture par l'une des parties, le juge doit tenir compte de tous les éléments dont il a connaissance au moment où il prend sa décision.
CONCESSION
Concession de vente - Indemnité complémentaire - Indemnité pour licenciement du personnel
Seuls les dédits, c'est-à-dire les indemnités de licenciement dues à un travailleur dispensé de prester son préavis sont indemnisables au titre de l'article 3, 3°, de la loi du 27 juillet 1961. Le droit à l'indemnité complémentaire n'est pas subordonné au paiement effectif des indemnités de dédit.
CONCESSION
Concession de vente - Obligations du concédant - Faute contractuelle - Refus de livraison par le concédant pendant la dernière année de la relation contractuelle - Dommage distinct du préjudice résultant de la rupture
La loi n'exclut pas que le concessionnaire puisse, à la suite de la rupture unilatérale du contrat par le concédant, demander la réparation d'une faute commise par le concédant au cours de l'exécution du contrat.
CONCESSION
Concession de vente - Cantonnement - Absence de faute
Le fait pour le concédant de faire usage de la faculté de cantonnement qui lui a été accordée par jugement ne peut constituer une faute.
CONCESSIE
Verkoopconcessie - Opzeggingsvergoeding - Vaststelling in concreto - Bepaling van de niet-samendrukbare kosten
Ofschoon het eventuele recht op schadevergoeding wegens de eenzijdige verbreking van een overeenkomst ontstaat vanaf de kennisgeving door één van de partijen van de wil om de overeenkomst te verbreken, moet de rechter rekening houden met alle elementen waarvan hij kennis heeft op het moment van zijn beslissing.
CONCESSIE
Verkoopconcessie - Aanvullende schadevergoeding - Rouwgeld voor het ontslag van het personeel
Enkel het rouwgeld, dit is de opzeggingsvergoeding voor het ontslag van een werknemer die geen prestaties moet verrichten gedurende de opzeggingstermijn, kan vergoed worden op grond van artikel 3, 3°, van de Wet van 27 juli 1961. Het recht op een aanvullende vergoeding is niet onderworpen aan de daadwerkelijke betaling van het rouwgeld.
CONCESSIE
Verkoopconcessie - Verbintenissen van de concessie­gever - Contractuele fout - Weigering tot levering door de concessiegever gedurende het laatste jaar van de contractuele relatie - Andere schade dan deze die volgt uit de verbreking
De wet sluit niet uit dat de concessiehouder na de eenzijdige verbreking van de overeenkomst door de concessiegever het herstel kan vorderen van een fout die de concessiegever gedurende de uitvoering van de overeenkomst heeft begaan.
CONCESSIE
Verkoopconcessie - Kantonnement - Afwezigheid van fout
Wanneer de concessiegever de hem in een vonnis toegekende mogelijkheid van een kantonnement benut, kan dit geen fout uitmaken

Service Center N°1 SA / Honda Belgium SA

Siég.: M. Regout (conseiller, ff. président), H. Mackelbert et P. Sury (conseillers)
Pl.: Mes T. Bindelle, P. Delannay, P. Dupuis, G. Bogaert et E. Kairis

(...)

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Service Center N°1 est le concessionnaire de vente exclusive des produits de la marque Honda depuis 1972.

Par lettre du 20 octobre 1992, Honda Belgium rompt le contrat pour faute grave, invoquant la cessation des paiements et l'ébranlement du crédit du concessionnaire.

Par courrier du 21 octobre 1992, Service Center N°1 constate que Honda Belgium avait en réalité déjà rompu le contrat plusieurs mois auparavant, en suspendant les livraisons, ce qu'elle avait dénoncé par lettre du 5 août 1992.

Par exploit du 3 novembre 1992, Honda Belgium fait citer Service Center N°1 devant le tribunal de commerce de Bruxelles en paiement de 24.648.831 FB du chef d'arriérés de factures, 3.697.324 FB à titre de clause pénale ainsi que du montant des intérêts moratoires au taux conventionnel de 8%.

Service Center N°1 introduit une demande reconventionnelle en paiement de diverses indemnités pour un montant total de 97.868.903 FB, en application de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive.

Le 14 avril 1993, l'assemblée générale de Service Center N°1 prononce la dissolution de la société avec effet rétroactif au 30 novembre 1992 et désigne MM. Bindelle et Bastin comme liquidateurs.

(...)

4. Service Center N°1 interjette appel du jugement rendu le 19 septembre 2002 dont elle postule la réformation. Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande à la cour de condamner Honda Belgium à lui payer les sommes suivantes:

- indemnité compensatoire de préavis et de clientèle:   € 1.290.945,60 ou € 1.029.229,90 à titre subsidiaire;

- indemnité pour licenciement du personnel: € 55.073,07;

- indemnité pour moins-value sur la réalisation de l'immeuble et du stock (qualifiée erronément dans le dispositif d'indemnité pour l'appel abusif à la garantie bancaire): € 344.571,99;

- frais de liquidation: € 25.000;

- préjudice commercial: € 136.450;

- provision pour couvrir les frais, amendes et intérêts réclamés par les créanciers de la liquidation: € 30.000;

- le tout augmenté des intérêts compensatoires.

Honda Belgium introduit un appel incident. Elle demande à la cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a statué sur l'évaluation des indemnités compensatoire de préavis et de clientèle, et de limiter ces indemnités à € 255.203,60 et € 95.701,35, augmentés des intérêts compensatoires.

IV. Discussion
1. Indemnités de préavis et de clientèle - détermination du bénéfice semi-brut

5. Il est définitivement jugé que l'indemnité compensatoire de préavis doit correspondre à 24 mois du bénéfice semi-brut et l'indemnité de clientèle à 9 mois du même bénéficie semi-brut, soit un total de 33 mois pour les deux indemnités confondues.

Pour le calcul de ce bénéfice semi-brut, l'expert Pirenne, désigné par le tribunal de commerce, aboutit, au terme de son rapport, aux estimations suivantes (cf. rapport p. 27):

- bénéfice net avant impôts: 471.490 FB
- frais incompressibles: 15.569.321 FB
- bénéfice semi-brut: 15.097.831 FB
- ou 374.265,45 €

Service Center N°1 a consulté le réviseur d'entreprise Fernand Maillard afin qu'il donne son avis sur les conclusions du rapport de l'expert judiciaire.

Si le bénéfice net avant impôts de -471.490 FB ne fait pas l'objet d'observations, le réviseur Maillard considère qu'il y a lieu d'ajouter aux frais incompressibles les imprimés et fournitures de bureau, le petit outillage, les honoraires, les cotisations et abonnements, les publications légales, les travaux informatiques et les charges financières. Il aboutit ainsi à un bénéfice semi-brut annuel moyen de € 469.434,80 (18.936.953 FB).

Service Center N°1 estime que ce montant doit servir de base pour le calcul des indemnités de préavis et de clientèle.

Honda Belgium considère, quant à elle, qu'il y a lieu de tenir compte des faits postérieurs à la rupture, et plus particulièrement de la mise en liquidation de la société. Elle critique le rapport de l'expert judiciaire en ce qu'il a surestimé les frais incompressibles dont il y aurait lieu de soustraire les postes suivants:


- 90% des frais de gaz, eau, électricité, téléphone et entretien: 8.958, 08 €
- frais de publicité: 20.052,75 €
- salaires et charges sociales: 191.378,51 €
ce qui réduit le montant du bénéfice semi-brut à 127.601,80 €

Face à ces positions divergentes et prenant en considération le fait que Service Center N°1 était en liquidation depuis le 30 novembre 1992, le jugement attaqué a décidé de fixer le bénéfice semi-brut en équité à € 235.000 par an.

6. L'indemnité compensatoire de préavis est destinée à compenser le manque à gagner dû au non-respect de l'obligation de notifier un préavis raisonnable et plus particulièrement la perte de bénéfice que le concessionnaire aurait pu réaliser pendant la durée du préavis qui eût dû lui être accordé. Elle doit donc être déterminée de manière telle que le concessionnaire obtienne l'équivalent de ce qu'il aurait obtenu suite à l'exécution d'un préavis raisonnable (Kileste et Hollander, “Examen de jurisprudence, 1997 à 2002”, R.D.C. 2003, n° 86, p. 436 et la jurisprudence citée).

Comme le préavis raisonnable est celui qui est censé permettre au concessionnaire de se procurer une source de revenus équivalente à celle qu'il a perdue par la résiliation du contrat de concession ou de faire face, le cas échéant, à la nécessité d'organiser la reconversion de ses activités (Bruxelles 2 décembre 2003, inédit, RG 1998/AR/3163), l'indemnité compensatoire de préavis est constituée du bénéfice net moyen majoré des frais incompressibles, c'est-à-dire ceux qui, nonobstant la rupture des relations, continueront néanmoins à grever l'exploitation du concessionnaire jusqu'au moment où le préavis raisonnable aurait dû expirer, soit en l'espèce le 20 octobre 1994.

Encore que le droit à indemnisation pouvant résulter de la rupture unilatérale d'une convention naisse dès la notification de la volonté de rupture par l'une des parties (Cass. 25 mars 1976, Pas. 1976, I, p. 822), le juge doit tenir compte de tous les éléments dont il a connaissance au moment où il prend sa décision (Cass. 16 mai 2003, C.00.0375.N et les conclusions de l'avocat général Thijs).

Partant, la cour ne peut ignorer les conséquences éventuelles de la mise en liquidation de Service Center N°1 sur la permanence des frais incompressibles pendant toute la durée de la période couverte par l'indemnité de préavis.

Il convient, par ailleurs, de noter que le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 23 avril 1996 et l'arrêt de la cour du 26 juin 2001 ont, certes, fixé le mode de calcul des indemnités à partir du bénéfice semi-brut, mais n'ont défini ni la manière de calculer ce dernier ni ce qu'il fallait entendre par frais incompressibles.

Il faut également tenir compte du fait qu'une entreprise peut avoir intérêt à exposer des frais généraux, même à perte, en vue de retrouver une autre activité. De même, des frais de structure peuvent rester indispensables à la continuité de l'entreprise.

Quant à la mise en liquidation de la société, elle n'implique pas que la société ne doive plus exposer de frais. Il n'y a, en effet, pas lieu de confondre dissolution et clôture de liquidation.

Dès lors, il convient d'examiner chacun des postes de frais incompressibles sur lesquels les parties sont en désaccord et de vérifier s'ils peuvent constituer, in concreto, un élément du dommage (cf. de Schoutheete, “Détermination in concreto ou in abstracto de l'indemnité de rupture visée à l'article 2 de la loi du 27 juillet 1961”, R.D.C. 2003, p. 537).

L'appréciation globale, en équité, du bénéfice semi-brut, faite par le premier juge, ne peut être admise, d'une part, parce qu'il n'a pas précisé les raisons pour lesquelles il lui était impossible de fixer le dommage sur la base de critères objectifs et, d'autre part, eu égard à l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 23 avril 1996 qui avait fixé le mode de calcul en donnant une mission précise à l'expert judiciaire.

(...)

b. Imprimés, fournitures de bureau et téléphone

8. Ces frais administratifs, indispensables à la bonne marche d'une société, ne représentaient, en 1990, que 0,2% du chiffre d'affaires.

La dissolution de Service Center N°1 a été prononcée 6 mois après la rupture. Il n'est pas établi qu'elle a été contrainte d'engager les mêmes frais de bureau depuis sa mise en liquidation, mais il ne peut être raisonnablement contesté qu'une société en liquidation doive encore faire face à des tâches administratives. Il convient donc de réduire ces frais à 50% en moyenne pendant 18 mois, soit pour toute la période de préavis à (0,25 + 0,75/2) = 0,625. (...)

c. Petit outillage

9. Il n'existe aucune raison objective de ne pas prendre en compte le montant dérisoire de 35.946 FB dépensé au cours des trois dernières années qui ont précédé la rupture.

d. Honoraires

10. Service Center N°1 expose que ce poste contient les honoraires payés aux comptable, réviseur et avocat.

Une société qui recherche une nouvelle concession et qui est contrainte, ensuite, de se mettre en liquidation, doit exposer des frais de même nature.

Ces frais ne doivent pas être déduits du total des frais incompressibles.

e. Cotisations et abonnements

11. La cessation des activités commerciales n'implique pas que la société doive résilier toutes ses cotisations et abonnements. Eu égard à la modicité des montants dépensés, soit 30.042 FB + 12.130 FB + 2.200 FB, il n'était pas anormal de les avoir maintenus.

Aucune déduction ne doit être opérée.

f. Publications légales

12. Une société en liquidation n'est pas dispensée de ses obligations légales de publier ses bilans et les décisions prises par ses assemblées générales.

Ce montant doit être maintenu.

g. Travaux informatiques

13. L'entretien du système informatique reste indispensable après la rupture des relations commerciales jusqu'à la clôture de la liquidation.

Aucune déduction ne doit être opérée.

h. Eau, gaz, électricité et frais d'entretien

14. Il n'est pas contestable qu'une société en liquidation a moins de charges d'énergie qu'une société en activité.

Il convient donc d'appliquer le même coefficient de réduction que pour les frais de bureau, soit 1 - 0,625 = 0,375.

Les frais incompressibles doivent être réduits pour le poste “Eau, gaz et électricité” de (784.146 + 670.131 + 427.501) / 3 x 0,375 = 235.222 FB.

Par contre, il n'y a pas lieu d'opérer de déductions pour l'entretien du bâtiment, la société ayant tout intérêt à conserver celui-ci dans le meilleur état en vue de sa revente.

i. Publicité

15. Les frais de publicité, engagés spécifiquement en vue de promouvoir la marque Honda, ne peuvent être considérés comme des frais incompressibles. Tout au plus peuvent-ils être pris en compte dans le cadre de l'article 3, 2°, de la loi du 27 juillet 1961. Service Center N°1 ne prouve pas, comme elle l'affirme, qu'elle engageait des frais de publicité pour d'autres modèles que ceux de la marque Honda ou pour son garage dans le seul but de le promouvoir indépendamment de la concession.

Il convient donc de déduire la somme de (647.048 + 886.756 + 1.540.021) = 3.073.825 / 3 = 1.024.608 FB.

j. Salaires et charges sociales

16. L'expert Pirenne a pris en considération la totalité des rémunérations payées aux travailleurs de la société, soit un montant annuel moyen de 7.760.530 FB.

Honda Belgium estime que les rémunérations ordinaires ne peuvent être considérées comme des frais incompressibles, dès lors qu'il est possible au concessionnaire de résilier les contrats de travail, quitte à réclamer le remboursement des indemnités de licenciement sur la base de l'article 3, 3°, de la loi du 27 juillet 1961.

Seuls les dédits, c'est-à-dire les indemnités de licenciement dues à un travailleur dispensé de prester son préavis sont indemnisables au titre de l'article 3, 3°, de la loi.

En revanche, la rémunération qui continue à être payée à un travailleur prestant son préavis fait partie des frais incompressibles. Mais, en l'espèce, eu égard à la mise en liquidation de la société, seules les rémunérations effectivement payées pourront être prises en considération.

L'expert a constaté que tous les contrats de travail avaient été rompus.

Service Center N°1 ne dépose cependant aucune pièce permettant de dire si des préavis ont été prestés et quelle fut la rémunération payée pendant ces périodes.

Il convient, dans ces conditions, de rouvrir les débats afin que Service Center N°1 puisse préciser les préavis qui ont été signifiés depuis la rupture de la concession et les salaires bruts qui ont été payés.

k. Les taxes et impôts indirects

17. Ces postes ne dépendent nullement de la volonté de l'entreprise puisque leur débition est imposée par les pouvoirs publics.

Il y a donc lieu de les maintenir.

(...)

2. Indemnité pour licenciement de personnel

19. Honda Belgium, suivi en cela par le premier juge, soutient que seules les indemnités effectivement payées au personnel licencié sont indemnisables.

L'article 3, 3°, de la loi du 27 juillet 1961 ne subordonne pas le droit à une indemnité complémentaire au “paiement effectif” des indemnités de dédit, mais à ce que “doit” le concessionnaire.

Suivre la thèse de Honda Belgium reviendrait à préjudicier les concessionnaires dont la trésorerie, mise en péril par la rupture unilatérale du contrat de concession, ne serait pas suffisante pour faire face au paiement immédiat des indemnités de dédit.

En l'espèce, Service Center N°1 produit aux pièces 70 et 71 de son dossier les déclarations de créance déposées par MM. M.T. et X.T., dûment acceptées au passif privilégié par le liquidateur, aux termes desquelles la société leur doit les sommes de 1.155.418 FB et 97.895 FB.

Ces montants constituent donc des dettes certaines, liquides et exigibles de Service Center N°1 envers ces deux travailleurs et doivent être ajoutés aux indemnités de 159.572 FB déjà versées à MM. P. et O.

20. Par ailleurs, l'expert a constaté que tous les contrats de travail avaient été rompus.

Dans ses réclamations, Service Center N°1 a manifestement confondu les indemnités compensatoires de préavis et les rémunérations payées lors de l'exécution des préavis signifiés en raison de la rupture de la concession.

Seules les indemnités compensatoires de préavis peuvent être indemnisées en application de l'article 3, 3°, de la loi du 27 juillet 1961, alors que les rémunérations payées à l'occasion d'une prestation de préavis entrent dans les frais incompressibles inclus dans l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi.

Dès lors que l'entreprise comptait plus de 10 travailleurs, mais que seuls 4 d'entre eux ont pu être identifiés comme ayant subi une rupture de contrat sans préavis (MM. M.T., X.T., P. et O.), il convient de rouvrir les débats afin que Service Center N°1 produise les lettres de rupture des contrats des autres travailleurs qui auraient été licenciés sans préavis et les pièces probantes permettant de calculer les indemnités compensatoires de préavis qui leur ont été payées ou reconnues.

(...)

3. Indemnité pour moins-value sur la réalisation de l'immeuble et du stock

21. La demande portant sur l'indemnité réclamée par Service Center N°1 pour la moins-value du stock a été renvoyée par la Cour de cassation à la cour d'appel de Liège. La demande se circonscrit, en conséquence, à l'indemnité pour moins-value de réalisation de l'immeuble.

Service Center N°1 a déjà réclamé devant la cour d'appel de Bruxelles, la somme de 13.900.000 FB destinée à couvrir une perte alléguée constatée sur la vente forcée de l'immeuble qu'elle possédait et où elle avait établi sa concession. La cour, dans son arrêt du 16 juin 2001, a constaté que la vente forcée se justifiait par la finalisation de la liquidation de la société et ne résultait pas de la rupture de la concession.

Service Center N°1 a réintroduit cette demande devant le tribunal de commerce qui l'a rejetée sur la base de l'autorité de la chose jugée.

Service Center N°1 soutient que la cause de sa demande actuelle ne serait pas la même et qu'elle serait en droit de la réintroduire.

22. Devant la cour, Service Center N°1 soutenait (troisièmes conclusions additionnelles de synthèse, page 39, n° 6) que, suite à la mise en oeuvre de la garantie bancaire, elle a été contrainte de subir la vente forcée de son immeuble. Celui-ci a été vendu pour 13.000.000 FB, alors qu'il en valait, selon elle, entre 24.500.000 FB et 29.300.000 FB. Elle en déduisait que le préjudice qu'elle avait subi était la conséquence directe de la rupture fautive de la concession.

Le fondement actuel de la demande est identique, sauf que Service Center N°1 y ajoute le refus de livrer les véhicules (conclusions de synthèse, p. 28, 5è al.).

Il y a donc bien autorité de la chose jugée en ce que les deux demandes ont pour cause la rupture de la concession de vente et l'appel à la garantie bancaire.

L'appel sur ce fondement n'est donc pas recevable.

Quant au refus de poursuivre la vente des véhicules, on voit mal comment il aurait pu être la cause tant de la vente forcée de l'immeuble que de sa moins-value.

Sur ce dernier fondement, l'appel sur ce point n'est pas fondé.

4. Frais de liquidation

23. Service Center N°1 réclame une indemnité provisionnelle de € 25.000 pour couvrir ses frais de liquidation, estimant que les fautes commises par Honda Belgium sont la cause et l'origine de sa mise en liquidation.

Service Center N°1 expose que la liquidation était le seul moyen pour préserver l'égalité entre ses nombreux créanciers et veiller à ce qu'ils soient indemnisés par Honda Belgium.

Aucune pièce n'est produite par Service Center N°1 à l'appui de cette demande et rien n'établit qu'il n'était pas possible de respecter l'égalité de traitement des créanciers autrement que par une mise en liquidation de la société. Celle-ci pouvait, par exemple, solliciter un concordat amiable ou judiciaire.

Le dernier bilan déposé est celui qui se clôture au 30 juin 1992, soit avant la rupture, et qui fait apparaître des fonds propres de 1.302.513 FB, contre 8.359.023 FB l'année précédente.

La détérioration de la situation financière de Service Center N°1 trouve donc sa cause bien avant la naissance du litige et les premiers refus de livraison et l'appel à la garantie bancaire qui date du 26 juillet 1992.

Service Center N°1 ne prouve pas que le préjudice qu'elle invoque serait en relation causale avec les fautes qu'elle impute à Honda Belgium.

5. Préjudice commercial consécutif à la rupture des livraisons

24. Service Center N°1 soutient que le blocage par Honda Belgium des livraisons de véhicules neufs pendant l'année 1992 a eu une répercussion tant sur son chiffre d'affaires que sur son résultat d'exploitation.

Elle fixe comme suit le montant de son préjudice:


- Moyenne du résultat d'exploitation: 12.683.471 FB
- 10/12e espéré en 1992: 10.569.559 FB
- Marge réalisée jusqu'en octobre 1992: -5.065.166 FB
- Différence: 5.504.392 FB

ou € 136.450.

Honda Belgium considère que les indemnités qui peuvent être allouées à Service Center N°1 sont limitativement énumérées aux articles 2 et 3 de la loi du 27 juillet 1961 et que le préjudice que Service Center N°1 prétend avoir subi, en raison de la rupture des livraisons et de la résiliation du contrat qui s'en est suivie, est suffisamment réparé par l'octroi de l'indemnité compensatoire de préavis de deux ans.

25. La juste indemnité prévue par l'article 2 de la loi compense le manque à gagner du concessionnaire pendant la durée du préavis qui ne lui a pas été signifié. Les indemnités complémentaires visées à l'article 3 se rapportent exclusivement à la plus-value de clientèle, aux frais exposés qui profitent au concédant ou aux dédits dus aux membres du personnel.

La loi n'exclut pas que le concessionnaire puisse demander la réparation d'une faute commise par le concédant au cours de l'exécution du contrat.

Le moyen de Honda Belgium n'est donc pas fondé dans son principe.

Tant le tribunal de commerce, dans son jugement du 23 avril 1996, que la cour, dans son arrêt du 26 juin 2001, ont considéré que la suspension des livraisons par Honda Belgium était fautive et que Service Center N°1 pouvait invoquer, de ce fait, l'exception d'inexécution en ce qui concerne le paiement des factures qu'elle devait encore.

En précisant que c'était à tort que Honda Belgium avait mis fin au contrat de concession sans préavis ni indemnité, la cour, comme l'avait fait avant elle le tribunal de commerce, a implicitement, mais certainement, fixé la date de la rupture au 20 octobre 1992.

Il s'en déduit que Service Center N°1 a intérêt et qualité pour réclamer le préjudice subi par elle du fait des refus de livraison pendant l'exécution du contrat.

26. Le dommage subi par Service Center N°1 en relation causale avec cette faute ne peut cependant être déterminé par un simple calcul mathématique qui fait référence à la moyenne des marges constatées au cours des exercices précédents.

Les pertes de l'exercice 1992 peuvent en effet avoir pour origine d'autres causes.

À l'exception de la correspondance par laquelle elle se plaint de l'interruption de la livraison des véhicules, Service Center N°1 ne dépose aucune pièce permettant de calculer avec précision le dommage subi en relation causale avec la faute, alors que cela est possible.

Il convient, dans ces conditions, de rouvrir les débats afin que Service Center N°1 puisse déposer les pièces suivantes:

- bons de commandes non honorés par Honda Belgium;

- tableau récapitulatif reprenant les prix d'achat et les prix de revente espérés des véhicules qui n'ont pas été livrés.

6. Indemnité pour couvrir les frais, amendes et intérêts exigés par les créanciers de la liquidation

27. Le jugement attaqué est exécutoire par provision mais n'exclut pas la faculté de cantonnement.

Service Center N°1 expose que Honda Belgium a décidé de procéder à un tel cantonnement, ce qui lui causerait un préjudice dans la mesure où elle serait ainsi incapable de payer ses propres créanciers, entraînant, de ce fait, une augmentation de son passif par la débition d'intérêts complémentaires, clauses pénales et amendes diverses.

Le fait pour Honda Belgium de faire usage d'une faculté qui lui est accordée par jugement ne peut constituer une faute.

Certes, dans sa requête d'appel, Service Center N°1 a demandé que l'affaire soit retenue, à l'audience d'introduction, pour qu'il soit statué sur le cantonnement. Elle a cependant accepté un calendrier de conclusions s'échelonnant du 30 septembre 2003 au 15 janvier 2004.

Dans ses dernières conclusions, elle ne formule plus aucun grief contre le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas exclu la faculté de cantonnement.

Il s'en déduit que sa demande de dommages et intérêts n'est pas fondée.

(...)

Pour ces motifs, la cour, (...)