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La loi applicable au contrat d'assurance dans l'Espace européen, R.D.C.-T.B.H., 2004/8, p. 731-753

La loi applicable au contrat d'assurance dans l'Espace européen

Bernard Dubuisson [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. La loi applicable au contrat d'assurance selon les directives européennes § 1. Le droit du contrat d'assurance dans un marché intégré

§ 2. Présentation A. Les règles de rattachement 1. Un système régional et morcelé

2. Une structure originale

3. Un rattachement sous influence communautaire

4. Un rattachement substantiel visant à protéger la partie réputée faible

5. Un système de rattachement marqué par le compromis

6. Un système incomplet et lacunaire

B. Les règles de police 1. Identification des lois de police

2. Mise en oeuvre des lois de police

§ 3. Premier bilan: un résultat décevant

II. La loi applicable au contrat d'assurance selon la loi belge § 1. Considérations générales sur la transposition belge A. Une transposition localisée dans la législation de contrôle des activités d'assurance 1. Domaine d'application spatial

2. Domaine d'application matériel

B. Une transposition unilatérale

§ 2. Commentaire détaillé A. Les règles de rattachement 1. Le rattachement impératif

2. Choix limité

3. Choix élargi

4. Choix complet

B. Les règles de police 1. Lois de police du for et lois de police tierces

2. Lois qui imposent une obligation d'assurance

Conclusions

RESUME
La première partie de l'étude est consacrée à l'examen critique du système de règles de conflit de lois applicables aux contrats d'assurance-vie et non-vie organisées par la directive communautaire 88/357/CEE du 22 juin 1988 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et la directive communautaire 90/619/CEE du 8 novembre 1990 portant coordination des dispositions législatives, communautaires et administratives concernant l'assurance directive sur la vie.
La seconde partie de l'étude analyse les règles belges de conflits de lois en matière d'assurance-vie et non-vie telles qu'elles résultent des articles 28ter à 28decies de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance qui ont transposé en droit belge les deux directives précitées. Outre la description de ces règles, leur compatibilité avec les directives communautaires est examinée.
SAMENVATTING
Het eerste deel van deze bijdrage omvat een kritisch onderzoek van de internationaal privaatrechtelijke regels met betrekking tot verzekeringscontracten bij leven en bij overlijden die beheerst worden door de Europese Richtlijn 88/357/EEG van 12 juni 1988 tot coördinatie van de wettelijke en bestuursrechtelijke bepalingen betreffende het directe verzekeringsbedrijf, met uitzondering van de levensverzekeringsbranche en de Europese Richtlijn 90/619/EEG van 8 november 1990 tot coördinatie van de wettelijke en bestuursrechtelijke bepalingen betreffende het directe levensverzekeringsbedrijf.
In het tweede deel volgt een analyse van de internationaal privaatrechtelijke regels inzake de verzekeringscontracten bij leven en bij overlijden uit de artikelen 28ter tot 28decies van de Wet van 9 juli 1975 betreffende de controle der verzekeringsondernemingen waarmee de twee voormelde richtlijnen in het Belgisch recht werden omgezet. Na de bespreking van deze bepalingen, gaat de auteur over tot een onderzoek van hun verenigbaarheid met de Europese richtlijnen.
Introduction

1.Les règles de conflit de lois figurant sous le chapitre IIIbis et IIIter de la législation de contrôle des activités d'assurance [2] sont une curiosité à plus d'un titre. Il est tout d'abord étrange que des règles dont l'objet est de déterminer la loi applicable au contrat d'assurance soient ainsi logées dans une législation administrative portant contrôle des activités d'assurance.

Originales, ces règles de conflit le sont aussi par leur source. Les dispositions en cause résultent en effet de la transposition des directives européennes adoptées dans le secteur de l'assurance vie et non-vie en vue de réaliser le grand marché intérieur de l'assurance [3]. Il s'agit là d'un exemple rare, sinon unique, où les règles de conflit de lois sont directement mises au service de l'intégration des marchés. Les autres services financiers n'ont pas fait l'objet de la même sollicitude. Ainsi, on cherchera vainement dans les directives adoptées dans le secteur bancaire des règles de droit international privé aussi détaillées [4].

2.Sous l'angle du droit communautaire, l'adoption d'un tel corps de règles destiné à être transposé dans tous les États membres invite à s'interroger sur l'opportunité d'un régime de droit international privé dissocié de ses préoccupations classiques et universelles pour servir des objectifs communautaires dans un espace géographiquement délimité [5].

Sous l'angle du droit international privé, ces mêmes règles de conflit de lois offrent un domaine d'investigation original car elles permettent de dégager les orientations que le droit communautaire donne aux règles et méthodes du droit international privé, lorsque celles-ci sont mises au service de l'achèvement du marché intérieur.

L'analyse qu'on se propose de faire prendra donc pour objet les règles de conflit de lois issues des directives communautaires LPS vie et non-vie, telles qu'elles ont été transposées par les articles 28ter à 28decies de la loi belge du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances [6]. Dans un premier temps, on tentera de décrire et de dégager les caractéristiques du système mis en place par ces directives (I). La deuxième partie de l'étude sera consacrée à un examen plus approfondi des règles belges (II).

Les directives communautaires ne s'étant intéressées qu'aux conflits de lois, on n'abordera pas ici les conflits de juridiction. Des règles de compétence spéciales sont certes prévues en matière d'assurance par le règlement 'Bruxelles I' sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale [7], mais elles sont moins étroitement liées que les règles de conflit à l'intégration des marchés nationaux d'assurance.

Par ailleurs, les directives qui retiennent notre attention ne concernent que les assurances directes à l'exclusion de la réassurance. Internationale par nature, celle-ci échappe au domaine matériel des règles insérées dans les directives et relève directement de la Convention de Rome du 11 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles [8].

I. La loi applicable au contrat d'assurance selon les directives européennes

3.Afin de bien comprendre le système complexe de conflit de lois qui résulte des directives communautaires, il convient de s'interroger tout d'abord sur les raisons qui ont incité les autorités européennes à insérer des règles de conflit de lois dans les directives dites 'de la seconde génération' (§ 1). On dégagera ensuite les traits fondamentaux du système mis en place (§ 2) et on établira un premier bilan des transpositions effectuées par les États membres (§ 3).

§ 1. Le droit du contrat d'assurance dans un marché intégré

4.Avant le décloisonnement des marchés nationaux d'assurance directe, le contrat d'assurance avait été, notons-le, largement épargné par les conflits de lois, si bien que nul n'avait jamais éprouvé le besoin d'adopter des règles de droit international privé spécifiques pour le contrat d'assurance.

La rareté des conflits de lois s'expliquait principalement par l'existence de trois facteurs cumulatifs présents dans la plupart des réglementations de contrôle: une définition unilatérale assez extensive du champ d'application spatial de ces réglementations, visant à soumettre au contrôle de l'administration toute activité d'assurance localisée sur le territoire; l'obligation corrélative pour toute entreprise souhaitant exercer des activités d'assurance sur le territoire national de disposer d'un établissement autonome dans ce pays; l'existence d'un contrôle matériel des conditions d'assurance effectué exclusivement par référence à la loi nationale de l'autorité administrative chargée du contrôle. À de rares exceptions près, tout contrat d'assurance couvrant un risque localisé sur le territoire national était donc automatiquement soumis à la loi de l'État où se trouvait le risque [9].

La concentration des pouvoirs de surveillance entre les mains des autorités de contrôle du pays du siège social de l'entreprise d'assurance pour l'ensemble des activités exercées soit par voie d'établissement (succursales) soit par voie de libre prestation de services (sans établissement dans le pays d'activités), la suppression concomitante de l'obligation d'établissement dans le pays d'activités et l'interdiction du système d'approbation préalable des conditions contractuelles par les directives de la seconde, puis de la troisième génération, ont changé radicalement la donne à cet égard en faisant resurgir les conflits de systèmes non seulement sous l'angle du droit administratif, mais aussi sous l'angle du droit privé.

Dans le contexte du marché unique, la divergence des droits du contrat d'assurance des États membres fut rapidement perçue, à tort ou à raison, par les autorités européennes comme une entrave aux échanges. L'on a donc tenté dans un premier temps d'harmoniser le droit matériel du contrat d'assurance dans tous les États membres, tout au moins dans ses aspects principaux, afin de préparer la mise en place de la liberté de prestation des services. Cette tentative, très ambitieuse pour l'époque, se solda par un échec.

Après les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 décembre 1986 qui ont permis de relancer le processus d'intégration [10], les autorités européennes, de guerre lasse, ont décidé de renoncer, au moins temporairement [11], à l'harmonisation du droit matériel pour procéder à l'uniformisation des règles de conflit de lois dans l'espace communautaire, de telle façon qu'à une situation internationale déterminée corresponde une seule et même solution de conflit de lois quelle que soit l'autorité administrative ou judiciaire appelée à se prononcer sur la loi régissant le contrat.

§ 2. Présentation
A. Les règles de rattachement
1. Un système régional et morcelé

5.Dérogeant à une pratique largement répandue dans les conventions contenant des règles uniformes de droit international privé, les règles de conflit communautaires ont un domaine d'application limité dans l'espace.

L'article 7 de la directive LPS non-vie limite en effet son champ d'application aux contrats d'assurance couvrant des risques situés dans les États membres, au sens défini par l'article 2, litt. d. L'article 4, § 1er, de la directive LPS vie ne comporte pas la même précision, mais il ne fait guère de doute que l'engagement doive également se localiser sur le territoire d'un État membre pour que les règles de conflit relatives à l'assurance vie soient applicables [12].

Le critère du lieu du risque fait bien entendu écho à l'article 1er, § 3 de la Convention de Rome qui, quant à elle, n'entend s'appliquer qu'aux contrats couvrant des risques situés hors du territoire des États membres [13]. Cette restriction avait justement été prévue pour tenir compte des directives alors en préparation. Par souci de cohérence, la définition du lieu où se situe le risque, que la Convention de Rome renvoie à la loi interne des États membres, devra être empruntée à la loi nationale de transposition.

Un deuxième critère se déduit implicitement de l'emplacement de ces mêmes articles sous le titre consacré aux dispositions complémentaires à la première directive établissement. Pour que les règles de conflit soient applicables, il faudrait donc en outre que l'assureur dispose d'un établissement dans un État membre de l'Union européenne. Ces mêmes règles ne s'appliqueraient donc pas aux contrats couvrant des risques situés dans l'Union mais souscrits auprès d'entreprises d'assurances qui n'y sont pas établies [14].

Cette double restriction peut sans doute être comprise comme l'expression d'une exigence d'un rattachement minimal avec l'ordre juridique communautaire, seul en mesure de justifier l'intervention des autorités européennes, s'agissant d'une question relative à l'achèvement du marché intérieur.

6.Pour le seul contrat d'assurance, on voit donc apparaître un paysage morcelé en trois systèmes différents de conflit de lois: le contrat international couvrant des risques localisés dans l'Union européenne relève des directives pour autant qu'il soit souscrit auprès d'une entreprise établie dans l'Espace européen; celui qui couvre des risques localisés en dehors de l'Union européenne est soumis à la Convention de Rome; tandis que celui qui couvre des risques localisés dans l'Union européenne continuerait à relever des règles nationales de droit international privé s'il est souscrit auprès d'un assureur établi dans l'Union (droit commun).

Face à un tel constat, il est heureux que la plupart des États membres n'aient pas retenu le critère du lieu d'établissement de l'assureur pour délimiter le domaine d'application spatial des règles qu'ils transposaient.

Ceci réduit à deux les régimes applicables au contrat international d'assurance. Il convient néanmoins de se demander pourquoi l'on n'a pas jugé utile de soumettre tous les contrats d'assurance à la Convention de Rome, quel que soit le lieu où se situe le risque. Il semble que deux dispositions de cette convention faisaient principalement problème. D'une part, le rattachement subsidiaire de l'article 4 de la convention aurait justifié l'application de la loi du lieu d'établissement de l'assureur (loi de l'État où réside le débiteur de la prestation caractéristique), ce que certains États membres, très soucieux de protéger le preneur, ne voulaient pas. D'autre part, le rattachement alternatif prévu en faveur des contrats de consommation par l'article 5 ne paraissait pas garantir la sécurité et la prévisibilité nécessaires pour les compagnies d'assurance.

7.La délimitation du champ d'application spatial des règles de conflit communautaires à l'aide du critère du lieu du risque conduit à d'autres conséquences surprenantes au regard de la théorie générale du droit international privé.

Vu le rôle central joué par ce critère dans la détermination de la loi applicable, la loi appelée à régir le contrat sera, en effet, le plus souvent, celle d'un État membre. Un examen attentif des règles de conflit révèle que ce constat ne résulte pas uniquement des contraintes spatiales qui viennent d'être évoquées, mais aussi d'une politique délibérée du législateur européen.

Ainsi, les limites résultant de l'article 7, § 1, litt. e, de la directive LPS non-vie et 4, § 2, de la directive LPS vie subordonnant respectivement le choix à la condition que le contrat soit limité à des sinistres pouvant survenir dans un État membre ou qu'il soit souscrit par un preneur ayant la nationalité d'un État membre ne peuvent en aucune façon être imputées à la délimitation du domaine spatial des règles de conflit. Ceci atteste sans doute d'une volonté du législateur communautaire de clôturer le système de droit international privé ou de le régionaliser en quelque sorte, en vue d'éviter l'intrusion des lois non européennes supposées moins protectrices. Ce souci rompt une fois encore avec l'universalisme de la règle de conflit de lois, dont la Convention de Rome constitue une parfaite application.

2. Une structure originale

8.Une première lecture de l'article 7, § 1, de la directive LPS non-vie du 22 juin 1988 et de l'article 4 de la directive LPS vie du 8 novembre 1990 indiquent clairement que le législateur communautaire a eu recours, pour résoudre les problèmes de droit international privé liés à l'internationalisation du contrat d'assurance, à la technique traditionnelle des règles de rattachement multilatérales.

Sous l'angle du droit international privé, ces règles présentent toutefois une structure originale par rapport à la structure classique des règles de conflit de lois applicables aux contrats internationaux. Plutôt que de consacrer le principe du libre choix de la loi applicable par les parties contractantes et de prévoir une règle de rattachement subsidiaire lorsque les parties n'ont pas exprimé un tel choix, le système comporte en effet trois degrés.

    • Le principe de l'autonomie de la volonté, qui, selon la conception la plus répandue, permet aux parties à un contrat international de choisir la loi qui sera applicable au contrat en le soumettant à un ordre juridique donné, n'y est tout d'abord retenu qu'au titre d'une dérogation à une règle de conflit première qu'on pourrait qualifier pour cette raison d''impérative' [15]. Elle mérite cette qualification parce qu'elle écarte en principe dans l'hypothèse qu'elle vise, toute possibilité de choix de la loi applicable [16]. Dans la directive LPS non-vie, cette règle 'impérative' fait appel à une coïncidence de deux facteurs de rattachement territoriaux définis objectivement (le lieu du risque et le lieu de résidence habituelle ou d'administration centrale du preneur) dans un même État membre (art. 7, § 1, litt. a, 1e phrase). Dans la directive LPS vie, elle repose sur la localisation d'un seul facteur de rattachement (le lieu de l'engagement) dans un État membre (art. 4, § 1er);
    • Le principe de l'autonomie de la volonté n'apparaît qu'en second rang et dans des proportions variables quant à l'étendue du choix offert aux parties. Les concessions qui sont faites à ce principe sont de trois ordres. Un choix est tout d'abord ouvert dans des hypothèses déterminées marquées par une dispersion de certains facteurs de rattachement préalablement définis (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. b, c et e; directive LPS vie, art. 4, § 1er, première phrase). Le choix est cependant limité à la loi des États dans lesquels se concrétisent ces facteurs de rattachement. Ce choix limité peut être élargi, au terme d'une technique originale inspirée du renvoi, si et dans la mesure où un choix plus large est autorisé par la loi de l'État membre déclarée applicable par la règle de conflit primaire (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. a, 2e phrase, et litt. d; directive LPS vie, art. 4, § 1er, 2e phrase). Une liberté complète de choix, au sens où on l'entend généralement en droit international privé, n'est accordée, à titre exceptionnel, que pour les contrats couvrant des grands risques en assurance non-vie (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. f, modifié par l'art. 27 de la troisième directive non-vie). Curieusement, une telle liberté de choix n'existe pas en assurance vie;
    • La consécration du principe du libre choix complet ou même limité de la loi applicable appelle en principe une règle de rattachement subsidiaire lorsque les parties n'ont pas exprimé de choix. La règle de conflit impérative constituant une référence obligatoire dans les situations qu'elle vise, le rattachement subsidiaire ne peut jouer qu'un rôle complémentaire à un troisième niveau, lorsqu'un choix était ouvert aux parties mais qu'elles n'en ont pas fait usage. Un tel rattachement subsidiaire est prévu par la directive LPS non-vie (art. 7, § 1, litt. h). En l'absence de choix, le contrat est régi par la loi de l'État avec lequel il présente les liens les plus étroits. Il est cependant présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec l'État membre où le risque est situé. Un tel rattachement subsidiaire fait défaut en assurance vie où le rattachement impératif du contrat à la loi du lieu de l'engagement paraît l'absorber complètement. Il s'agit assurément d'une anomalie, car un choix limité ou élargi est admis dans certains cas, même si ceux-ci sont plus limitativement définis qu'en assurance non-vie.
    3. Un rattachement sous influence communautaire

    9.S'écartant de la neutralité de la règle de conflit de lois par rapport aux différents intérêts poursuivis par les ordres juridiques nationaux, le système communautaire semble au contraire très influencé par les finalités matérielles du droit contractuel.

    Cette conséquence étonnante au plan de la théorie générale s'inscrit dans la logique de l'insertion des règles de conflit de lois dans un texte communautaire destiné notamment à faciliter la libre prestation des services en assurance.

    Dès lors que la divergence des droits du contrat est perçue comme un obstacle à l'exercice des libertés économiques, les normes destinées à harmoniser le règlement des conflits de lois dans les États membres sont le résultat d'une tension perceptible entre les exigences contradictoires de la libre circulation des services et de la protection du consommateur.

    Transposée en droit international privé, cette tension se traduit dans un compromis difficile entre le principe du libre choix de la loi applicable, seul à même de garantir la libre circulation des produits d'assurance dans l'Union européenne, et l'application contraignante de la loi de l'État où le risque est situé, censée garantir la protection de la partie économiquement faible.

    La confrontation se résout concrètement, comme on vient de le voir, par un passage progressif d'un rattachement impératif excluant toute possibilité de choix, à une liberté complète, en transitant par des hypothèses de choix limités dans des situations marquées par une dispersion des facteurs de rattachement considérés comme pertinents. Pour donner satisfaction à certains pays qui ne souhaitaient en aucun cas restreindre la liberté de choix que leur ordre juridique reconnaissait déjà aux parties, un mécanisme complexe de renvoi vient parachever l'ouvrage, permettant à l'État membre désigné par la règle de conflit primaire d'élargir le choix au second degré.

    10.L'influence du droit communautaire se marque également par la filiation claire que le système de conflit de lois entretient avec les arrêts de la Cour de justice du 4 décembre 1986 [17]. À cet égard, on ne peut manquer d'observer que l'hypothèse visée par l'article 7, § 1, litt. a, de la directive LPS non-vie (localisation dans un même État membre du risque et de la résidence habituelle du preneur), correspond exactement à celle qui fit l'objet de l'examen de la Cour de justice dans l'arrêt rendu contre l'Allemagne en décembre 1986 et à laquelle celle-ci a d'ailleurs expressément limité la portée de sa décision. Cette coïncidence troublante permet de croire que le législateur communautaire a construit les règles de conflit de lois en matière d'assurance dans le prolongement des arrêts de la Cour de justice. D'après la cour, en effet, l'application de la loi du pays du risque se justifie lorsqu'elle est indispensable pour garantir un but de protection du preneur ou de l'assuré [18].

    4. Un rattachement substantiel visant à protéger la partie réputée faible

    11.Le souci de protéger la partie réputée faible dans la relation d'assurance se manifeste clairement par l'importance accordée au lieu de situation du risque ou de l'engagement comme facteurs de rattachement du contrat d'assurance.

    On se rappellera que le critère du lieu du risque était celui utilisé par la plupart des législations de contrôle continentales avant l'avènement du grand marché intérieur en vue de déterminer le domaine d'application de la réglementation administrative de contrôle. Ceci explique l'étonnante promotion dont bénéficie ce critère resté jusque là très discret en droit international privé.

    L'examen attentif des règles de conflit de lois permet de démontrer que le critère du lieu du risque joue un rôle certes non exclusif, mais néanmoins déterminant comme facteur de rattachement des contrats en assurance non-vie.

      • Il intervient dans le contexte de la règle de conflit impérative, comme l'un des deux facteurs dont la coïncidence dans un État membre entraîne l'application de la loi de cet État (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. a);
      • En cas de dispersion des facteurs de rattachement donnant ouverture à un choix limité de la loi applicable, il désigne en tout état de cause une loi qui peut être choisie par les parties (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. b et litt. c);
      • A défaut de choix exprimé par les parties, il désigne la loi qui est présumée présenter le lien le plus étroit avec le contrat d'assurance (directive LPS non-vie, art. 7, § 1, litt. h).

      Il ne s'efface complètement dans ce domaine que lorsque les parties bénéficient d'une liberté de choix complète de la loi applicable (grands risques). La même constatation peut être faite en assurance vie à propos du lieu d'engagement, dont le rôle central est encore plus affirmé puisqu'il commande à lui seul le rattachement impératif.

      12.De façon plus frappante encore, on s'aperçoit que la manière dont les règles de conflit sont formulées aboutit dans la majorité des cas à déclarer compétente la loi de la résidence habituelle du preneur et à écarter du même coup celle du lieu d'établissement de l'assureur.

      Plusieurs éléments en attestent.

      Hormis trois hypothèses particulières, l'article 2, litt. d, de la directive LPS non-vie définit l'État membre où le risque est situé comme celui où le preneur a sa résidence habituelle ou, si le preneur est une personne morale, l'État membre où est situé l'établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte [19].

      Remarquons d'ailleurs que cette définition résiduelle correspond en tout point à la définition unique, cette fois, du lieu de l'engagement en assurance vie.

      13.On ne peut manquer de constater en outre que cette définition résiduelle du lieu du risque favorise la coïncidence des deux facteurs de rattachement sur laquelle repose l'application de la règle de rattachement impérative prévue par l'article 7, § 1, litt. a. Le deuxième facteur auquel cette disposition fait appel, outre celui du lieu du risque, est en effet celui de la résidence habituelle ou de l'administration centrale du preneur.

      Il est donc permis d'affirmer, sans risque de se tromper, que dans l'immense majorité des cas, les contrats d'assurance couvrant des risques de masse (par opposition aux grands risques) seront soumis à la loi de la résidence habituelle du preneur d'assurance. Sans doute, cette loi n'est-elle pas nécessairement plus protectrice qu'une autre, mais elle permet au preneur de compter sur une loi qu'il connaît bien et qui lui garantit le maintien de son environnement juridique.

      Il en va a fortiori ainsi en assurance vie où le rattachement impératif principal repose sur le seul lieu de l'engagement.

      14.La technique utilisée pour protéger la partie contractante réputée faible peut, il est vrai, surprendre. On aurait pu s'attendre en effet à un rattachement alternatif similaire à celui prévu par l'article 5 de la Convention de Rome, qui admet le choix de la loi applicable pour les contrats de consommation, tout en réservant l'application des dispositions impératives de la loi du pays dans lequel la partie faible a sa résidence habituelle si la protection accordée par cette loi est supérieure. Au lieu de cela, l'article 7, § 1, litt. a et l'article 4, § 1, 1e phrase, procèdent à un rattachement rigide, écartant toute possibilité de choix, tout au moins au niveau de la règle de conflit primaire.

      Cette exclusion du principe d'autonomie, bien que préconisée par une certaine doctrine en matière d'assurance, reste peu fréquente dans le secteur des contrats internationaux, même pour les contrats de consommation. Il semble que les autorités communautaires aient considéré que le rattachement alternatif prévu par l'article 5 de la convention n'était pas approprié pour l'assurance. Un tel rattachement alternatif est en effet de nature à bouleverser les prévisions des parties contractantes. L'assureur ne peut anticiper le jeu de la loi du pays de résidence habituelle du consommateur, celle-ci étant subordonnée à une analyse du degré de protection qu'elle accorde par rapport à la loi choisie. En outre, la sécurité juridique serait mise en danger si le contenu et la portée des garanties pouvaient être remises en cause au gré d'un rattachement alternatif à la loi la plus protectrice.

      15.Si aucun choix n'a été formulé de façon expresse ou si ce choix ne résulte pas de façon certaine des clauses du contrat ou des circonstances de la cause [20], l'article 7, § 1, litt. h, prévoit que le contrat d'assurance est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Dans un souci de prévisibilité, ce rattachement est complété par une présomption réfragable suivant laquelle le lien le plus étroit est censé exister avec la loi de l'État membre où le risque est situé [21].

      À première vue, cette règle est assez proche de celle prévue dans les mêmes circonstances par l'article 4 de la Convention de Rome. On y retrouve le souci d'un rattachement souple et flexible à la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits (principe de proximité) corrigé par une présomption permettant de garantir une certaine prévisibilité de la loi applicable à défaut de choix.

      Elle s'en distingue cependant sur deux points essentiels qui attestent une fois encore du souci de protection de la partie faible.

      L'article 7, § 1, litt. h, limite tout d'abord le nombre des lois qui peuvent être prises en considération au titre du rattachement subsidiaire: dans la recherche de la loi avec laquelle le contrat présente les liens les plus étroits, il ne peut être tenu compte que des lois qui auraient pu faire l'objet d'un choix des parties.

      En instaurant un numerus clausus des lois pouvant entrer en ligne de compte, la directive LPS non-vie parvient du même coup à empêcher dans la plupart des cas que la loi du lieu d'établissement de l'assureur puisse être appelée à régir le contrat d'assurance en l'absence de choix des parties. Cette loi ne pourra en définitive être retenue au titre d'une localisation objective, que dans les cas où les parties auraient pu disposer d'un choix complet ou élargi.

      En outre, en instaurant une présomption en faveur de la loi du pays du risque, l'article 7, § 1, litt. h, s'écarte résolument de la solution qui résulte de l'article 4, § 2, de la Convention de Rome. Celui-ci prévoit une présomption en faveur du pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale.

      Le contraste est saisissant. L'application de la présomption prévue par la Convention de Rome, qui trouve son inspiration dans la théorie de la prestation caractéristique, aurait immanquablement conduit à rattacher le contrat en l'absence de choix, à la loi du lieu d'établissement de l'assureur. Au lieu de cela, la directive accorde une préférence à la loi du lieu où le risque est situé, qui sera le plus souvent, on l'a dit, celle du pays où le preneur a sa résidence habituelle.

      La prépondérance donnée à la loi du pays où le risque est situé répond donc clairement à un objectif de protection du preneur. Ce rattachement présente l'avantage supplémentaire pour les opérateurs économiques de neutraliser les effets de distorsion de concurrence qui pourraient naître du degré de protection différent accordé par les lois des États membres. Le caractère substantiel du rattachement subsidiaire ne fait donc aucun doute [22].

      La conclusion est encore plus nette pour l'assurance vie. Nous avons vu que l'article 4 de la directive LPS vie ne prévoyait aucun rattachement subsidiaire, comme si celui-ci était absorbé dans le rattachement impératif du contrat à la loi du lieu de l'engagement. Ceci confine la possibilité de choisir la loi du lieu d'établissement de l'assureur à la seule hypothèse d'un choix élargi autorisé par la loi de l'État membre où se localise l'engagement.

      5. Un système de rattachement marqué par le compromis

      16.En recourant à une technique à la fois curieuse et complexe, les directives autorisent un choix plus large de la loi applicable que celui ouvert dans les hypothèses prévues par l'article 7, § 1, litt. a, b ou c, si et dans la mesure où la loi des États membres désignés par ces règles de conflit le permettent.

      De prime abord, il existe une incohérence certaine à obliger d'une part, chaque État membre à exclure, sinon à limiter le choix de la loi applicable, tout en l'autorisant d'autre part, à échapper à ce carcan au cas où sa propre loi serait déclarée applicable par la règle de conflit primaire [23].

      Cette technique étrange porte les traces du compromis. Il s'agissait en effet de surmonter le désaccord exprimé par certains États membres dont la tradition était d'accorder, avant même la négociation des directives, un très large choix de la loi applicable (Royaume-Uni, Pays-Bas). Ceux-ci ne pouvaient admettre la réduction de cette liberté qui aurait signifié pour eux une régression d'autant moins admissible qu'elle n'allait pas dans le sens de l'intégration des marchés [24].

      17.Le problème fut donc résolu par l'introduction d'un double degré dans le règlement des conflits de lois. On ne peut cependant y voir une option au sens classique du droit communautaire, car la directive ne semble pas permettre aux États membres de déroger d'entrée de jeu aux règles de conflit primaires prévues par les articles 7, § 1, litt. a, b et c et 4, § 1, dans un sens plus libéral. Ce n'est qu'au second degré, c'est-à-dire lorsqu'il est déclaré intéressé à la situation par la règle de conflit primaire que l'État membre ainsi désigné peut exprimer son désaccord avec la règle de conflit primaire en élargissant les possibilités de choix offertes aux parties. Ceci oblige en quelque sorte l'État membre qui veut se saisir de cette opportunité à maintenir deux règles de conflit pour régir des situations similaires, l'une étant plus libérale que l'autre.

      Toute autre solution reviendrait à priver les règles de conflit prévues par les directives de leur utilité, puisque les États membres destinataires de ces directives seraient en définitive libres d'y déroger comme bon leur semble. Or, en dépit de la technique d'élargissement du choix, les règles communautaires poursuivent indéniablement un objectif de coordination des solutions de conflit de lois. Correctement transposées, elles permettent de garantir que, quelle que soit l'autorité administrative ou judiciaire saisie du litige, les parties contractantes bénéficieront pour une même situation configurée objectivement, d'une liberté de choix identique dans l'ensemble de l'Union européenne.

      Si la référence faite par les directives LPS vie et non-vie au droit national se comprend bien comme une références aux règles de rattachement de l'État déclaré intéressé par la situation, la technique utilisée peut être apparentée au renvoi [25], mais un renvoi à caractère substantiel puisqu'il vise un objectif déterminé: l'élargissement du choix [26].

      18.Sous l'angle de la transposition, un tel renvoi ne peut cependant fonctionner harmonieusement qu'à deux conditions.

        • Il faut d'abord que la règle de conflit primaire transposée dans l'ordre juridique national comporte à la fois l'hypothèse visée et la réserve de l'élargissement du choix. Plusieurs États membres, dont la Belgique, n'ont pas respecté cette règle et ont coupé immédiatement les ailes au renvoi en supprimant la réserve de l'élargissement. Il eût été préférable de transposer telle quelle la règle de conflit de lois primaire et de s'exprimer sur l'élargissement par une disposition distincte;
        • L'efficacité du mécanisme suppose en outre l'existence dans l'ordre juridique désigné par la règle de conflit primaire d'une règle plus permissive autorisant un choix plus large. À ce niveau, et à ce niveau seulement, l'État membre peut décider librement s'il accorde ou non un tel un choix. Encore faut-il qu'il précise par rapport à quelle autre règle de conflit cette extension doit être appréciée.

        La seule façon de procéder correctement à cet égard était, nous semble-t-il, de reproduire sans changement les règles de conflit prévues par les directives, voire de procéder dans le texte de transposition à une simple référence aux règles communautaires, en désignant, par une règle distincte, par rapport à quelle autre règle de conflit il convient d'apprécier l'élargissement du choix.

        À notre avis, seuls deux États ont transposé correctement les directives sur ce point: les Pays-Bas [27] et le Royaume-Uni [28]. La loi de ces deux pays indiquent clairement que c'est par rapport aux dispositions de la Convention de Rome qu'il convient d'apprécier la possibilité d'élargissement du choix. Cette possibilité est certaine puisque le principe d'autonomie de la volonté est consacré par cette convention même pour les contrats de consommation (art. 5).

        6. Un système incomplet et lacunaire

        19.Les directives européennes ne mettent pas en place un système de conflit de lois parfaitement autonome. Pour les questions qu'elles ne règlent pas explicitement, elles renvoient 'aux règles générales de droit international privé en matière d'obligations contractuelles'.

        Les questions qui ne sont pas réglées explicitement sont en réalité fort nombreuses. Par exemple, on ne trouvera rien dans les directives sur le domaine de la loi contractuelle, sur l'exception d'ordre public, sur la possibilité d'un choix postérieur à la conclusion du contrat, sur la loi qui régit l'existence du consentement ni sur celle qui régit la forme ou la capacité des parties.

        Encore faut-il se demander quelles sont ces règles générales auxquelles les directives se réfèrent. S'agit-il des règles de conflit nationales applicables au contrat ou des règles de la Convention de Rome? On sait que cette convention exclut de son d'application les contrats d'assurance couvrant des risques situés sur le territoire des États membres des Communautés européennes, mais cette exclusion n'interdit certainement pas une référence à la Convention de Rome, à titre complémentaire.

        Bien plus, une telle référence permettrait d'appliquer au contrat d'assurance les règles de conflit spécifiques que la convention consacre au consentement (art. 8), à la forme (art. 9), à la capacité (art. 10), à la cession de créance (art. 12), à la subrogation (art. 13) et à la preuve (art. 14).

        Le souci d'uniformisation des solutions de droit international privé en matière d'obligations contractuelles plaide certainement en faveur d'une telle application. Sans doute, aurait-on préféré dans ces conditions qu'une référence claire et explicite soit faite à la Convention de Rome, mais celle-ci ne pouvait être envisagée au moment de l'adoption des directives LPS vie et non-vie, car la Convention de Rome n'était pas encore entrée en vigueur à ce moment à défaut d'avoir réuni le nombre de ratifications indispensables.

        Lors de la transposition des directives, plusieurs législateurs se sont d'ailleurs exprimés clairement dans le sens de l'application de la Convention de Rome. À vrai dire, la question avait déjà perdu de son acuité dans les pays qui, comme l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou le Danemark avaient anticipé l'entrée en vigueur de la convention en insérant ses dispositions principales en droit interne par le biais d'une loi spéciale. Dans ce cas, le renvoi aux règles générales de droit international privé devait se comprendre, ab initio, comme une référence aux règles de la Convention de Rome.

        L'appel aux règles générales du droit international privé ne se justifie toutefois que si les règles spécifiques de rattachement prévues par ces directives n'apportent aucune solution particulière au problème posé. Le renvoi ne fonctionne en effet au terme de ces articles que sous réserve des paragraphes précédents. L'application de ce principe ne sera pas toujours aisée, car il est des cas où le silence des directives pourrait s'interpréter comme un rejet des solutions prévues par la convention (dépeçage, moment du choix…).

        B. Les règles de police

        20.Au sens fonctionnel, les lois de police apparaissent comme des lois dont la teneur et le but commandent leur application à des situations qui ne leur sont pas soumises par la règle de conflit [29].

        Afin de traduire efficacement l'objectif qu'elles poursuivent et écarter l'application normale de la règle de conflit, le législateur peut avoir recours à une technique particulière: il peut délimiter lui-même le domaine d'application spatial de la règle matérielle qu'il juge indispensable à la sauvegarde de l'intérêt en cause par une règle directe d'applicabilité fondée sur un ou plusieurs critères différents de ceux utilisés par la règle de conflit normalement applicable. On rejoint ici la notion de lois d'application immédiate [30].

        Le critère spatial dont dépendra l'application de la loi n'est toutefois pas toujours explicitement formulé. Dans ce cas, il convient de le dégager à partir d'une analyse des objectifs économiques et sociaux qu'elle poursuit. Cette démarche fonctionnelle laisse à l'interprète un pouvoir d'appréciation assez large [31].

        Les lois de police, on l'aura compris, sont avant tout l'expression d'un particularisme qui entend faire prévaloir les conceptions d'un État déterminé sur les solutions normales des règles de rattachement. À ce titre, elles perturbent gravement le règlement du conflit de lois.

        Ce danger est d'autant plus grand que les autorités étatiques nationales apparaissent comme seules maîtres de l'extension qu'elles souhaitent donner au concept de lois de police. Il en est de même à propos de leur domaine d'application dans l'espace. En effet, le droit international public ne contient apparemment aucune règle coutumière de nature à restreindre la compétence législative des États en matière de droit privé [32]. Le droit communautaire, en revanche, pourrait imposer des limites à l'exercice de cette compétence, particulièrement lorsque la loi de police adoptée par un État membre peut être perçue comme une entrave disproportionnée à l'exercice d'une des libertés fondamentales du traité.

        21.En ce qui concerne les règles de police, les directives européennes en matière d'assurance ne font guère preuve d'originalité. Elles reproduisent, moyennant quelques modifications, les dispositions que leur consacre l'article 7, § 1er, de la Convention de Rome.

        Ainsi, l'article 7, § 2, alinéa 1er, de la directive LPS non-vie et l'article 4, § 4, alinéa 1er, de la directive LPS vie réservent-ils classiquement l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable au contrat, formule directement empruntée la Convention de Rome.

        Le deuxième alinéa de ces mêmes dispositions permet aux États membres de donner effet aux lois de police étrangères de l'État membre où se situe le risque (ou l'engagement) ou de l'État membre qui impose l'obligation d'assurance.

        Plusieurs questions se posent cependant concernant ces articles. Tout d'abord, il n'est pas aisé d'identifier dans l'arsenal juridique relatif au contrat d'assurance les règles qui peuvent être qualifiées de règles de police internationalement impératives (1). Ensuite, il convient de s'interroger sur les conditions de leur mise en oeuvre (2).

        1. Identification des lois de police

        22.Dans un secteur régi par de nombreuses dispositions auxquelles les parties contractantes ne peuvent déroger conventionnellement, il est regrettable que les autorités européennes ne se soient jamais attachées à identifier précisément les règles internationalement impératives dont l'application s'impose indépendamment de la règle de conflit. Or, ce travail d'identification revêt une importance considérable quand on sait la propension des juges à se retrancher derrière leurs propres dispositions nationales. Autant dire que le silence des directives à ce sujet réduit considérablement la prévisibilité des solutions.

        Plusieurs principes devraient guider l'interprète. Le premier d'entre eux est que toutes les règles impératives en droit interne ne peuvent être systématiquement tenues pour des règles de police immédiatement applicables quel que soit la solution du conflit de lois. Plusieurs arguments peuvent être avancés en ce sens.

        Sous l'angle du droit international privé, une doctrine unanime considère que le choix des parties exercé en vertu du principe d'autonomie de la volonté porte sur un ordre juridique déterminé avec tous ses éléments, y compris les règles impératives qui influencent le contenu de la relation contractuelle [33]. Reconnaître le caractère de lois de police indistinctement à toutes les règles impératives de droit interne réduirait considérablement l'utilité du rattachement, spécialement lorsque le contrat fait l'objet, comme en assurance, d'une réglementation largement impérative. Dans de telles conditions, la règle de conflit de lois ne pourrait plus justifier que le rattachement des règles supplétives de la volonté, ce qui ne présente guère d'intérêt.

        L'analyse fonctionnelle des lois de police impose la même solution. Elle pose en effet comme élément constitutif de ces lois, l'incapacité de la règle de conflit à prendre en charge les intérêts particuliers poursuivis par la loi étatique. Or, on a démontré que les règles de conflit communautaires poursuivent manifestement une finalité matérielle de protection du consommateur. Dès lors que la règle de conflit intègre cette finalité, fût-ce par des techniques peu usitées, les règles impératives qui ont le même objet ne méritent plus la qualification de règles de police applicables quelle que soit la loi régissant le contrat.

        Sous l'angle du droit communautaire enfin, reconnaître le caractère de lois de police à toutes les règles impératives de droit interne serait une entrave intolérable à la libre prestation de services susceptible d'être condamnée par la Cour de justice [34]. Le prestataire de services serait en effet systématiquement obligé, en dehors même du règlement prévu par la règle de conflit, d'adapter le contrat à toutes les dispositions impératives de l'État d'accueil.

        Il convient donc d'écarter de la catégorie 'règles de police' les règles, nombreuses en droit des assurances, qui visent seulement à protéger la partie réputée faible en imposant un contenu déterminé à la relation contractuelle. Leur application dépendra uniquement de la loi désignée par la règle de conflit.

        On citera en vrac les règles relatives:

          • à la formation du contrat d'assurance et à la prise d'effet des garanties;
          • à la déclaration du risque au moment de la conclusion du contrat et des aggravations de risque en cours d'exécution;
          • au paiement de la prime;
          • au paiement de l'indemnité;
          • à la prévention et à la déclaration du sinistre;
          • à la durée du contrat;
          • à l'étendue des garanties (dans l'espace, dans le temps et en montants);
          • aux modes de dissolution du contrat d'assurance et à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance;
          • à la langue et à la monnaie du contrat;
          • à l'interprétation du contrat.

          23.En dépit des tentatives doctrinale et jurisprudentielle en ce sens, on ne peut davantage assimiler les lois de police au sens du droit international privé aux lois d'ordre public en droit interne [35]. Accorder à l'ordre public un rôle matériel dans la solution des problèmes de droit international privé reviendrait, comme l'écrit le professeur Lagarde 'à supprimer toute influence de la loi étrangère dans le règlement de ces problèmes, en imposant d'office la loi du for' [36]. En effet, dans cette conception, la loi étrangère ne devrait être appliquée que si la loi du for correspondante n'est pas d'ordre public au sens du droit interne [37].

          Même si telle règle d'ordre public mérite la qualification de 'règle de police' dans le sens où sa teneur et son but impliqueraient une dérogation à la règle de conflit normalement applicable au contrat, il est clair que l'ordre public ne constitue pas, en lui-même, une circonstance suffisante de rattachement. Encore faut-il déduire de la loi un critère d'applicabilité spatial, sans quoi il existerait un danger d'extension inconsidérée du domaine d'application de la loi du for [38].

          On ne peut donc que dénoncer l'attitude de certains législateurs nationaux qui, lors de la transposition, ont assimilé les lois de police aux règles impératives de droit interne ou aux lois d'ordre public. Pour les raisons indiquées, une telle attitude, qui permet d'évincer presque systématiquement la loi contractuelle, nous paraît contraire au droit international privé et au droit communautaire.

          24.Par contre, au bénéfice d'une analyse fonctionnelle, il est sans doute permis de ranger dans la catégorie des lois de police ou des règles internationalement impératives les règles qui, en matière d'assurance, visent à promouvoir et à sauvegarder les intérêts des tiers ou de la collectivité et qui dépassent donc le seul souci de préserver l'équilibre contractuel. On citera notamment:

            • Les lois qui imposent une obligation d'assurance. Ces lois qui poursuivent un intérêt collectif jugé suffisamment important pour déroger au principe de la liberté contractuelle et imposer une couverture minimale sur l'ensemble du territoire national sont assurément des lois de police. Elles sont d'ailleurs reconnues comme telles par l'article 7, § 2, alinéa 2 et par l'article 8 de la directive LPS non-vie. On ne comprendrait pas que leur application puisse dépendre de la lex contractus;
            • Les règles qui, sans prévoir véritablement une obligation d'assurance, assortissent les assurances librement souscrites de garanties obligatoires. Plusieurs États membres imposent en effet qu'un contrat d'assurance dont la souscription est facultative comporte une ou plusieurs garanties obligatoires dont le contenu est fixé impérativement (terrorisme, attentats, émeutes, conflits de travail, catastrophes naturelles…) de manière à répartir le risque sur l'ensemble du territoire et favoriser ainsi son assurabilité. Ces règles sont des règles de police dont le respect s'impose dans le pays où se localise le risque quelle que soit la loi régissant le contrat;
            • Les règles qui visent à sauvegarder les principes fondamentaux du droit de l'assurance (principe indemnitaire, inassurabilité de la faute intentionnelle, nécessité d'un intérêt d'assurance…). Ces règles, lorsqu'elles sont traduites en droit positif, peuvent être tenues pour des règles de police. Si elles traduisent des principes fondamentaux, l'exception d'ordre public en droit international privé permettrait aussi d'écarter l'application d'une loi étrangère qui méconnaîtrait les conceptions de l'ordre juridique du for sur ces différents points;
            • Les règles qui empêchent la couverture de certains risques considérés comme immoraux ou illicites (assurance rançon, assurance des amendes pénales, de la mortalité infantile, du retrait du permis de conduire …). Si cette interdiction trouve sa source dans une règle de droit positif, celle-ci peut aussi être qualifiée de règle de police. Elle sera appliquée par le juge indépendamment de la loi qui régit le contrat si le risque se localise sur le territoire du for. Il conviendra cependant de vérifier si de telles règles prohibitives ne constituent pas une entrave disproportionnée contraire à la liberté de prestation des services ou à la liberté d'établissement. Si l'interdiction résulte non pas d'une norme de droit positif mais des conceptions morales ou économiques fondamentales de l'État du for, l'exception d'ordre public permettra d'écarter l'application de la loi étrangère qui heurterait gravement ces conceptions;
            • Les règles dont l'objet est d'accorder des droits préférentiels sur la prestation d'assurance à certains tiers (créanciers hypothécaires, personnes lésées …) justifient elles aussi un rattachement spécial par le biais de la technique des lois de police. Les règles de conflit applicables au contrat d'assurance poursuivent certes un but de protection de la partie contractante réputée faible mais ne tiennent pas compte des intérêts des tiers [39].
            2. Mise en oeuvre des lois de police

            25.Le propre de la loi de police est d'imposer les solutions matérielles qu'elle contient quelle que soit la loi applicable au contrat. Encore faut-il qu'elle veuille s'appliquer à la situation concernée, c'est-à-dire qu'elle comprenne cette situation dans son champ d'application spatial. La détermination du critère spatial dont va dépendre l'application de la règle de police revêt donc une importance pratique considérable.

            En ce qui concerne l'intervention des lois de police, l'article 7, § 2, de la directive LPS non-vie et l'article 4, § 4, de la directive LPS vie distinguent les lois de police du for et les lois de police tierces qui ne font pas partie de l'ordre juridique du for. Une place particulière est faite aux assurances obligatoires par l'article 8 de la directive LPS non-vie.

            a) Les lois de police du for

            26.Directement inspirées de l'article 7, § 2, de la Convention de Rome, les directives européennes se contentent d'affirmer la primauté des lois de police du for non seulement sur la loi normalement applicable au contrat, mais aussi sur les lois de police tierces. Elles restent par contre muettes sur la nature de ces règles internationalement impératives de même que sur leur domaine d'application spatial. Sur ce dernier aspect, ce silence est curieux puisqu'un rattachement spécial est prévu pour les lois de police tierces, à l'État membre où se localise le risque. L'absence d'un critère similaire pour les lois de police du for ne signifie nullement que ces lois auraient une vocation automatique à s'appliquer. Le critère spatial devra se déduire du texte lui-même ou d'une analyse fonctionnelle des objectifs poursuivis et de la teneur de la règle concernée.

            Comme on l'a déjà dit, l'intervention des lois de police du for fait peser une menace certaine sur le règlement harmonieux du conflit de lois. En raison de l'indétermination du concept, il y a lieu de craindre que les autorités administratives de contrôle ou les autorités judiciaires d'un État membre ne se saisissent de cette disposition pour justifier systématiquement l'application des dispositions impératives de leur propre loi nationale. Le droit communautaire pourrait sanctionner ces pratiques dans la mesure où elles pourraient impliquer une entrave injustifiée à la libre circulation des services à la liberté d'établissement [40].

            En outre, vu la multiplicité des fors devant lesquels l'assureur peut être attrait en vertu du règlement Bruxelles I, l'intervention de ces lois de police du for est quasiment imprévisible pour les parties contractantes lors de la conclusion du contrat, ce qui ne favorise guère la sécurité juridique.

            b) Les lois de police tierces

            27.Les dispositions qui sont consacrées par les directives aux lois de police tierces sont, elles aussi, inspirées directement de l'article 7, § 1er, de la Convention de Rome. Comme celle-ci, elles permettent de donner effet aux dispositions internationalement impératives d'une autre loi que la loi du for, 'si et dans la mesure où selon le droit de ce pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat' [41].

            Elles s'en distinguent cependant sur deux points fondamentaux: elles organisent en effet un rattachement spécial des lois de police tierces à l'État membre où le risque est situé et suppriment les différentes conditions auxquelles la Convention de Rome subordonne l'application de ces lois.

            28.Les directives n'envisagent tout d'abord que l'application des lois de police de l'État membre où le risque (ou l'engagement) est situé ou de celui qui impose l'obligation d'assurance. Sans doute, les autorités européennes ont-elles voulu ainsi éviter l'insécurité juridique inhérente à la prise en considération des lois de police tierces. En outre, le choix du critère du lieu du risque permet d'éviter les interférences éventuelles avec la loi qui régit le contrat, car celle-ci sera, le plus souvent, la loi du pays du risque, à tout le moins pour les contrats couvrant des risques de masse (voy. supra).

            La technique du rattachement spécial est cependant déficiente à plus d'un titre. En effet, le critère du lieu de situation du risque ne permet pas de justifier l'application de toutes les lois susceptibles d'affecter le contrat d'assurance [42]. Ainsi en va-t-il par exemple des lois de police périphériques qui ne concernent pas directement le contrat d'assurance mais qui peuvent néanmoins influencer sa validité ou son exécution (lois de police monétaires, lois de police économique interdisant l'exportation de certains biens, lois réglementant l'emploi des langues, loi de contrôle des activités d'assurance…). La pertinence du facteur de rattachement peut même être mise en doute pour certaines lois de police qui touchent directement à l'assurance. Une analyse fonctionnelle des règles de police organisant le droit propre et direct de la victime sur l'indemnité d'assurance conduit, par exemple, à les faire relever de la loi du lieu du fait dommageable, et non de la loi où se localise le risque au sens prévu par les directives.

            On remarquera enfin que le rattachement spécial ne s'étend pas aux lois d'assurance obligatoire pour lesquelles aucun critère d'applicabilité n'est prévu. L'article 7, § 2, se contente à cet égard d'une affirmation tautologique. Il est permis de penser que le champ d'application de la loi imposant l'obligation d'assurance sera généralement délimité à l'aide d'un critère de nature territoriale: la localisation de l'activité génératrice de l'obligation d'assurance sur le territoire de l'État qui l'impose (par exemple pour l'assurance R.C. automobile, la mise en circulation du véhicule automoteur sur le territoire national) [43].

            c) Les lois qui imposent une obligation d'assurance

            29.Bien que les lois d'assurance obligatoire soient déjà visées par l'article 7, § 2, de la directive LPS non-vie comme lois de police, l'article 8 leur réserve une attention toute particulière. Pour ce qui relève du droit international privé, cet article ne fait cependant que confirmer l'intervention impérative de ces lois en insistant sur leur primauté par rapport à la loi contractuelle et à la loi de l'État membre où le risque est situé (art. 8, § 2 et § 3).

            L'article 8 n'est pas pour autant dénué d'utilité car il ne soumet à aucune option ni condition la prise en considération des lois d'assurance obligatoire étrangères. L'efficacité internationale de ces lois est ainsi consacrée qu'elles appartiennent à l'ordre juridique du for ou à un ordre juridique étranger.

            Seul l'article 8, § 4, c, mérite un commentaire particulier en ce qu'il supprime toute possibilité de choix de la loi applicable lorsque le contrat est destiné à satisfaire à une obligation d'assurance. En d'autres termes, il permet aux États membres d'étendre à l'ensemble du contrat, la compétence de la loi qui impose l'obligation d'assurance en écartant par le fait même tout choix de la loi applicable.

            Cette solution permet sans doute d'éviter les tensions et les contradictions éventuelles entre la loi qui impose l'obligation d'assurance et la loi qui régit le contrat, mais elle n'est pas toujours opportune notamment lorsque l'assurance obligatoire porte sur des risques mobiles (voy. infra).

            § 3. Premier bilan: un résultat décevant

            30.Un examen approfondi des lois de transposition adoptées dans les États membres permet de démontrer que l'objectif d'harmonisation poursuivi par les directives est loin d'être atteint [44]. Les règles de conflit transposées dans les ordres juridiques nationaux restent très divergentes les unes des autres, ce qui fait renaître le risque du forum shopping. En vue de faire valider une clause de choix de la loi applicable, il sera, par exemple, préférable de saisir le juge anglais ou néerlandais plutôt qu'un juge belge, français ou espagnol.

            Ces disparités peuvent être attribuées à différents facteurs.

              • Une mauvaise interprétation du rattachement impératif. Peu habitués à l'existence d'un rattachement impératif dans le domaine des contrats internationaux, certains États membres (Autriche [45], Finlande [46]) ont choisi de l'effacer en revenant à la structure binaire traditionnelle, loi applicable en cas de choix/loi applicable à défaut de choix. Le rattachement impératif est alors transformé en une règle de rattachement subsidiaire, en méconnaissance de la solution pourtant prévue par l'article 7, § 1, litt. h de la directive LPS non-vie. En réalité, l'article 7, § 1, litt. a, contient bien plus qu'une règle de conflit applicable à défaut de choix, il s'agit d'une règle de conflit qui, dans l'hypothèse visée, exclut tout choix de la loi applicable au premier degré. Cette caractéristique est bien rendue par les termes 'nonobstant toute clause contraire' ou 'loi applicable à l'exclusion de toute autre', utilisés par certaines lois de transposition, dont la loi belge (voy. infra);
              • Une mauvaise compréhension du mécanisme d'élargissement. Rares sont les États membres qui ont correctement transposé la possibilité d'élargissement accordée par les directives. Nous avons vu à quelles conditions techniques celle-ci était subordonnée (voy. supra). Or, en contradiction avec les directives, plusieurs États membres ont choisi d'effacer d'entrée de jeu la réserve de l'élargissement du choix partout où elle figurait (Espagne [47], France [48], Grèce [49], Luxembourg [50]). Ceci signifie que si le juge saisi fait partie de l'ordre juridique d'un de ces États, les parties au contrat ne peuvent jamais disposer d'une liberté de choix plus étendue que celle accordée par la règle de conflit primaire, même si celle-ci désigne la loi d'un autre État membre autorisant ce choix. À l'inverse, si le juge saisi fait partie de l'ordre juridique d'un autre État membre et que sa propre règle de conflit primaire renvoie au droit français, espagnol, grec ou luxembourgeois, aucun élargissement du choix n'est possible à défaut d'être autorisé par le droit de ces États membres. La première conséquence est manifestement contraire à la règle européenne puisqu'elle prive les parties d'une possibilité d'élargissement du choix de la loi applicable que leur accorde le droit étranger au second degré. La seconde est en revanche conforme aux directives puisqu'elle se limite à indiquer la position prise par l'ordre juridique français, grec, espagnol ou luxembourgeois sur l'élargissement du choix: celui-ci n'est tout simplement pas admis. Comme on l'a déjà souligné, seuls le Royaume-Uni [51] et les Pays-Bas [52] ont, à notre avis, correctement transposé les règles de conflit communautaires. Ces deux États ont en effet reproduit à l'identique les règles prévues par les directives, en se prononçant sur l'élargissement du choix par le biais d'une règle distincte: cet élargissement est autorisé et il doit être apprécié par rapport à la Convention de Rome;
              • Une extension inconsidérée des règles de police. Plusieurs États membres ont remplacé le concept de lois de police utilisé par les directives par des concepts empruntés au droit interne en leur donnant ainsi une portée beaucoup trop large.

              Les législateurs français, portugais et espagnol ont ainsi préféré le concept de 'dispositions d'ordre public', ce qui conduit à une identification critiquable entre les lois de police et les lois d'ordre public en droit interne (voy. supra). Les législateurs italien [53] et belge [54] ont fait pire puisqu'ils paraissent réserver systématiquement l'application de l'ensemble des dispositions impératives du droit interne italien ou belge lorsque le risque est localisé en Italie ou en Belgique. On a dit que cette attitude protectionniste était injustifiable tant sous l'angle du droit international privé que du droit communautaire.

              II. La loi applicable au contrat d'assurance selon la loi belge
              § 1. Considérations générales sur la transposition belge
              A. Une transposition localisée dans la législation de contrôle des activités d'assurance

              31.Le législateur belge a choisi d'insérer les règles communautaires de conflit de lois dans la réglementation administrative de contrôle des activités d'assurance [55]. Ce choix a sans doute été dicté par une volonté de ne pas couper les règles de conflit de leur source et de garantir ainsi une certaine unité d'interprétation des concepts utilisés (État membre où se situe le risque, grands risques, activités d'assurance vie et non-vie…). Il reste néanmoins discutable s'agissant de règles de droit international privé. Il eût été préférable sans doute d'insérer les règles de conflit dans la loi sur le contrat d'assurance.

              Quoi qu'il en soit, cette insertion a des conséquences pratiques importantes sur le champ d'application spatial et matériel des règles de conflit de lois.

              1. Domaine d'application spatial

              32.Ainsi qu'on l'a déjà observé, les règles de conflit de lois ne s'appliquent tout d'abord qu'aux contrats d'assurance couvrant des risques localisés sur le territoire d'un État membre des Communautés européennes. Cette restriction se déduit clairement de l'intitulé des chapitres IIIbis et IIIter de la loi de contrôle du 9 juillet 1975. Le lieu du risque se définit par référence à l'article 3, § 6, 8° de la même loi. Cet article transpose assez fidèlement l'article 2, litt. d, de la directive LPS non-vie.

              En vertu de cette disposition, le risque se localise en règle, au lieu de résidence habituelle du preneur ou, si le preneur est une personne morale, au lieu où est situé l'établissement auquel le contrat se rapporte. Une disposition particulière est prévue pour les assurances relatives à des véhicules de toute nature, à des immeubles ou à des voyages de courte durée. Dans ces cas, le risque est censé se localiser respectivement dans l'État du lieu d'immatriculation du véhicule, du lieu de situation de l'immeuble ou du lieu de conclusion du contrat.

              En assurance vie par contre, l'État membre de l'engagement est toujours celui où se situe la résidence habituelle du preneur ou de l'établissement auquel le contrat se rapporte. Cette définition étant identique à la définition résiduelle du lieu du risque en assurance non-vie, le législateur belge ne lui a pas consacré une définition particulière et l'a englobée dans la définition du lieu du risque.

              Le législateur belge a, en revanche, effacé lors de la transposition la condition d'établissement de la compagnie d'assurances dans un État membre en sorte que les règles de conflit peuvent très bien s'appliquer à un contrat souscrit auprès d'une entreprise d'assurances établie dans un État tiers couvrant des risques localisés dans un État membre. Cette solution doit être approuvée.

              Le rattachement des contrats couvrant des risques localisés dans des États tiers dépend, quant à lui, de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

              2. Domaine d'application matériel

              33.La technique de transposition utilisée a ensuite pour effet d'inscrire ces règles dans le champ d'application matériel de la législation belge de contrôle.

              Ainsi, les règles de conflit de lois ne devraient théoriquement pas s'appliquer aux entreprises visées par l'article 2, § 2, qui ne sont pas soumises au contrôle des activités d'assurance.

              Les mêmes conséquences s'attachent en principe à la détermination des opérations d'assurance auxquelles les règles de conflit de lois sont susceptibles de s'appliquer. Cette conséquence est curieuse puisqu'il s'agit ici de déterminer le contenu de la catégorie de rattachement et que celle-ci paraît directement influencée par une réglementation de type administratif distinguant les activités d'assurance vie et non-vie. Elle se déduit pourtant d'une référence expresse dans l'intitulé des chapitres IIIbis et IIIter de la loi de contrôle aux activités d'assurance visées par la première directive établissement en assurance non-vie et par la première directive établissement en assurance vie.

              L'effet est assurément original puisque la détermination de la catégorie de rattachement dépend dès lors de la classification des risques par branche prévue à l'annexe de chacune des directives vie et non-vie et non pas directement d'une opération classique de qualification au sens du droit international privé [56]. On chercherait toutefois vainement dans cette classification européenne une définition juridique du contrat d'assurance. Les règles de conflit pourraient ainsi s'appliquer à des opérations de pure capitalisation alors même que ces contrats ne peuvent être assimilés à des contrats d'assurance au sens du droit civil à défaut d'aléa. D'après les directives européennes, ces opérations sont soumises au contrôle des activités d'assurances lorsqu'elles sont pratiquées par des assureurs.

              Pour les mêmes raisons, les assurances maladie relèvent en principe des règles de conflit applicables à l'assurance non-vie, alors que selon la classification traditionnelle des contrats d'assurance, elles sont généralement rangées dans la catégorie des assurances de personnes aux côtés des assurances sur la vie.

              Certains verront peut-être dans ces anomalies l'amorce d'une qualification européenne, mais il est douteux que ces conséquences aient été aperçues. Il n'en demeure pas moins que si un problème de qualification devait se poser à l'avenir, celui-ci devrait être soumis à la Cour de Justice par la voie d'une question préjudicielle.

              B. Une transposition unilatérale

              34.Alors que la directive LPS non-vie contient des règles de conflit de lois multilatérales désignant la loi applicable quel que soit le lieu où se concrétisent les facteurs de rattachement, y compris lorsqu'il s'agit d'un État étranger, le législateur belge, comme le législateur français [57], espagnol [58], grec [59], luxembourgeois [60] et portugais [61], a transposé les règles de conflit de manière unilatérale, en visant uniquement l'hypothèse dans laquelle le risque est localisé sur le territoire national et en se désintéressant de celles où le risque est localisé à l'étranger.

              Cette anomalie ne doit pas être attribuée à une adhésion même implicite à la doctrine unilatéraliste du droit international privé [62], [63], mais à l'insertion malencontreuse des règles de conflit dans la législation administrative de contrôle. On sait en effet que les lois administratives sont unilatérales par nature en ce que chaque législateur national est appelé à régler uniquement les compétences de ses propres autorités nationales, sans pouvoir empiéter sur celles des autorités étrangères. Le législateur belge a en réalité été victime d'un amalgame engendré par le règlement concomitant des conflits d'autorités et des conflits de lois sur la base d'un critère territorial identique: celui du lieu du risque. C'est ce qui donne aux règles belges de conflit de lois une apparence très différente des règles européennes dans lesquelles elles puisent leur source.

              On remarquera d'ailleurs que cet unilatéralisme accidentel ne peut être mené à son terme lorsque la règle de conflit repose sur une dispersion des facteurs de rattachement pertinents dans plusieurs États membres. Dans ce cas, même si la règle de conflit continue de prendre pour hypothèse de départ la localisation du risque sur le territoire belge, elle ne peut se refuser à déclarer compétente une loi étrangère.

              Il n'empêche que les règles de conflit ainsi formulées comportent certaines lacunes lorsque le risque se localise à l'étranger. Celles-ci peuvent à notre avis être comblées en invoquant le principe de l'effet utile des directives qui impose, en principe, que les règles nationales soient interprétées conformément aux règles communautaires qu'elles sont censées transposer [64]. Cet effet utile devrait permettre de justifier la multilatéralisation d'une règle de conflit nationale formulée de façon unilatérale. Confronté à une situation dans laquelle le risque se situe dans un autre État membre, le juge belge serait par exemple tenu d'interpréter la règle de conflit à la lumière du texte des directives de manière à permettre la désignation d'une loi étrangère [65].

              § 2. Commentaire détaillé
              A. Les règles de rattachement
              1. Le rattachement impératif
              a.) En assurance non-vie

              35.Lorsque le preneur d'assurance a sa résidence habituelle ou son administration centrale [66] sur le territoire de l'État membre où le risque est situé, l'article 7, § 1, litt. a, 1e phrase, de la directive LPS non-vie, impose en principe l'application de la loi de cet État membre.

              La définition européenne du lieu du risque montre que cette coïncidence se vérifiera dans la plupart des cas pour les risques de masse. La loi de l'État où se situe la résidence habituelle ou l'administration centrale du preneur s'appliquera en effet lorsque cet État est aussi:

                • celui où se trouvent les biens, pour les assurances relatives à des immeubles (ou des immeubles et leur contenu);
                • celui de l'immatriculation du véhicule, pour les assurances relatives à des véhicules de toute nature;
                • celui où le contrat a été souscrit pour les assurances relatives à des risques encourus au cours d'un voyage ou de vacances, à condition que sa durée soit inférieure à quatre mois;
                • celui où se situe la résidence habituelle du preneur ou l'établissement de la personne morale auquel le contrat se rapporte, pour tous les autres types d'assurance. On a déjà remarqué que cette définition résiduelle du lieu du risque favorisait la coïncidence dont dépend le rattachement impératif, ce qui contribue à élargir le domaine de la protection du preneur d'assurance.

                36.Le législateur belge influencé par les techniques propres au droit administratif a transposé cette règle de conflit de façon unilatérale, en se référant uniquement, dans un premier temps, à l'hypothèse où les risques sont localisés sur le territoire belge. Les termes 'nonobstant toute clause contraire' ajoutés au début de la disposition soulignent le caractère impératif du rattachement (art. 28ter, § 1er).

                Ensuite, se rendant compte des lacunes qu'une telle transposition ne manquerait pas de créer en cas de localisation du risque dans un autre État membre, le législateur a ajouté une disposition complémentaire selon laquelle 'le contrat est régi par la loi de l'État membre où le risque est situé lorsqu'il est relatif à des risques situés dans un État membre des Communautés européennes autre que la Belgique et que les parties n'ont pas choisi la loi applicable' (art. 28ter, § 2, ainsi modifié par l'art. 4 de l'arrêté royal du 8 janvier 1993).

                Cet amendement ne remplit toutefois pas parfaitement l'objectif de bilatéralisation poursuivi et embrouille plus qu'il ne clarifie, puisqu'il ne prend plus pour base la coïncidence entre le lieu du risque et le lieu de résidence habituelle du preneur. En outre, par les termes 'lorsque les parties n'ont pas choisi la loi applicable', l'article 28ter, § 2, laisse croire a contrario qu'un choix serait ouvert aux parties dans l'hypothèse où le risque se localise à l'étranger, ce qui, sous réserve de l'élargissement du choix par l'État déclaré compétent, est formellement contredit par la directive. Enfin, en visant l'hypothèse d'une absence de choix, l'article 28ter, § 2, contredit aussi la solution plus souple prévue dans ce cas précis par l'article 28ter, § 7, transposant l'article 7, § 1, litt. h, de la directive LPS non-vie. La transposition effectuée par le législateur belge est donc gravement déficiente et inconciliable avec le texte de la directive.

                Notons également que ni la directive ni la loi de transposition ne précisent à quel moment la coïncidence entre la loi de l'État où se situe le risque et celle où se situe la résidence habituelle du preneur doit être vérifiée. Cette question, qui relève du conflit mobile, doit être résolue par référence aux règles générales du droit international privé, c'est-à-dire par rapport à la Convention de Rome (voy. supra). L'immutabilité de la loi contractuelle en cas de changement des critères objectifs de rattachement paraît se dégager de l'article 4, § 2, de cette convention. Elle est conforme aux principes généraux du droit international privé.

                Autre chose est de se demander si une dispersion ultérieure des deux facteurs de rattachement pourrait faire naître un choix qui n'existait pas au moment de la conclusion du contrat. Cette question relève d'un problème plus général, celui de la possibilité d'un choix postérieur. Elle doit, elle aussi, être réglée par référence à la Convention de Rome.

                b) En assurance vie

                37.Contrairement à la règle de conflit communautaire formulée d'emblée de façon bilatérale, la règle de conflit belge prend d'abord pour hypothèse le cas où le risque est situé en Belgique et règle ensuite le cas où le risque est situé dans un autre État membre des Communautés européennes (art. 28nonies, § 1er et § 2).

                La méthode unilatérale pose ici moins de problèmes, car le rattachement impératif du contrat d'assurance vie ne repose que sur un seul critère territorial, le lieu du risque.

                Même si la formulation de la loi belge est peu synthétique, elle paraît conforme à la directive. Le passage de la loi du lieu de l'engagement à la loi du lieu du risque est sans conséquence dès lors que la définition communautaire du lieu de l'engagement correspond à la définition résiduelle du lieu du risque (art. 3, § 6, 8°, a, de la loi de contrôle): il s'agit du lieu où le preneur a sa résidence habituelle ou, si le preneur est une personne morale, du lieu où est situé l'établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte.

                Ce qui surprend davantage, c'est la rigidité de ce rattachement impératif. Son domaine est défini de manière extrêmement large puisqu'il s'applique tant aux assurances vie individuelles qu'aux assurances de groupe et qu'il ne tient même pas compte des modalités de souscription de l'engagement. On aurait sans doute pu justifier l'ouverture d'un choix de la loi applicable pour certaines grandes entreprises lorsqu'elles souscrivent à des plans de pensions complémentaires internationaux ou même pour le simple particulier lorsqu'il prend lui-même l'initiative de s'adresser à une compagnie d'assurances établie à l'étranger. Il n'en a rien été, si bien que l'on peut se demander si cette règle de conflit n'est pas elle-même contraire au traité [67].

                2. Choix limité
                a) En assurance non-vie

                38.Conformément à la directive, la loi belge prévoit trois hypothèses où un choix limité est offert aux parties. Celles-ci correspondent à des situations de dispersion de certains facteurs de rattachement considérés comme significatifs.

                1°) Défaut de coïncidence entre le lieu où le risque est situé et la résidence habituelle (ou l'administration centrale) du preneur

                39.La première hypothèse repose sur la dispersion dans des États différents des deux facteurs de rattachement dont la coïncidence dans un seul État entraîne l'application de plein droit de la loi de cet État. En cas de dispersion, les parties ont en principe le choix entre la loi de l'État membre où le risque est situé et la loi du lieu de résidence habituelle ou de l'administration centrale du preneur. La première loi correspond nécessairement à celle d'un État membre, la seconde peut apparemment être celle d'un pays tiers.

                Les cas où les parties contractantes pourront bénéficier d'un tel choix peuvent être rangés en quatre catégories:

                  • les biens à assurer ne se trouvent pas dans le même État que celui où le preneur a sa résidence habituelle ou son administration centrale, pour les assurances relatives soit à des immeubles, soit à des immeubles et à leur contenu (assurance de résidences secondaires, de maisons de vacances…);
                  • le lieu où le véhicule est immatriculé ne correspond pas à celui où le preneur a sa résidence habituelle ou son administration centrale pour les assurances relatives à des véhicules de toute nature (assurance dégâts ma­tériels d'une flotte de véhicules). Ces hypothèses seront très marginales dans le secteur des risques de masse;
                  • la souscription du contrat n'a pas lieu dans le même État que celui où se situe la résidence habituelle ou l'administration centrale du preneur, pour les contrats d'une durée égale ou inférieure à quatre mois relatifs à des risques encourus au cours d'un voyage ou de vacances (assurances bagages ou assistance conclues au guichet d'une compagnie ou d'une banque dans un pays étranger par exemple);
                  • l'État où se situe l'administration centrale de la personne morale qui souscrit le contrat n'est pas celui où se situe l'établissement auquel le contrat se rapporte, pour toutes les autres catégories d'assurances. Une dispersion des deux critères peut survenir lorsque l'as­surance est souscrite par une personne morale pour le compte d'un de ses établissements situés à l'étranger [68].

                  Fidèle à sa méthode, le législateur belge a transposé cette règle de conflit de façon unilatérale en envisageant d'abord le cas où le contrat est relatif à des risques situés en Belgique (art. 28ter, § 1er, al. 2) et en traitant distinctement celui où le risque se localise à l'étranger (art. 28ter, § 2, ainsi modifié par l'arrêté royal du 8 janvier 1993).

                  En prenant pour présupposé l'absence de choix de la loi applicable et en rattachant le contrat à la loi du lieu où le risque est situé, l'article 28ter, § 2, méconnaît complètement la teneur et l'objectif de la règle de conflit qui est d'ouvrir un choix limité de la loi applicable en cas de dispersion des deux facteurs de rattachement. Dans le même temps, la règle en question entre en contradiction avec l'article 28ter, § 7, qui vise spécifiquement le rattachement subsidiaire en l'absence de choix de la loi applicable.

                  Une fois encore, la règle belge paraît incompatible avec la directive sur ce point.

                  2°) Dispersion des risques sur le territoire de plusieurs États membres

                  40.En cas de dispersion des risques sur le territoire de plusieurs États membres, l'article 7, § 1, litt. c, de la directive LPS non-vie permet aux parties de choisir la loi applicable parmi les lois des États membres où ces risques sont situés et celle du pays où le preneur a sa résidence habituelle ou son administration centrale.

                  L'idée est clairement de permettre aux parties de soumettre la police d'assurance couvrant des risques localisés dans plusieurs États membres à une seule et même loi.

                  Le lieu du risque doit bien entendu s'entendre ici au sens de l'article 2, litt. d, de la directive LPS non-vie. Ainsi, les parties pourront exercer ce choix lorsque le contrat couvre plusieurs immeubles situés dans différents États membres (assurances relatives à des immeubles), une flotte de véhicules immatriculés dans plusieurs États membres (assurances relatives à des véhicules) ou plusieurs établissements d'une société multinationale (assurances souscrites par une personne morale). Par contre, le contrat couvrant la responsabilité civile d'un entrepreneur à l'occasion de l'ouverture de plusieurs chantiers dans différents États de la Communauté européenne ne bénéficie pas d'un tel choix, car le risque est censé se localiser dans ce cas, de façon univoque, au lieu de la résidence habituelle ou de l'administration centrale de l'entrepreneur.

                  Notons que le choix limité qui est prévu par l'article 7, § 1, litt. c, de la directive LPS non-vie n'est ouvert aux parties contractantes que si le preneur exerce une activité commerciale, industrielle ou libérale et lorsque le contrat d'assurance couvre des risques relatifs à cette activité. Un lien significatif doit donc exister entre l'activité professionnelle exercée et l'objet du contrat d'assurance.

                  L'article 28ter, § 3, de la loi de contrôle, qui est censé transposer cette règle de conflit de lois, persiste à prendre pour hypothèse la localisation d'au moins un des risques sur le territoire belge. Une lacune existe cependant lorsqu'aucun des risques couverts n'est localisé en Belgique, mais que le preneur y a sa résidence habituelle ou son administration centrale. Afin de combler cette lacune, il conviendra de retourner à la directive en se prévalant de son effet utile en vue de bilatéraliser la règle nationale.

                  3°) Le lieu du sinistre

                  41.Dans toutes les hypothèses qui viennent d'être examinées, l'article 7, § 1, litt. e de la directive LPS non-vie permet en outre aux parties contractantes de choisir la loi de l'État dans lequel le sinistre est susceptible de survenir, cette loi ne pouvant être celle que d'un État membre. L'article en question précise cependant que ce choix n'est ouvert que lorsque les risques couverts par le contrat sont limités à des sinistres qui peuvent se réaliser dans un État membre différent de celui où le risque est situé.

                  La formulation est curieuse et très ambiguë. On ne voit pas très bien dans quelles conditions un tel choix pourrait être formulé alors qu'à l'évidence le lieu du sinistre n'est en principe pas connu au moment de la conclusion du contrat, tout au moins pour les assurances de la responsabilité civile. Cela signifie-t-il que les parties pourraient formuler un choix a posteriori lorsque le sinistre a eu lieu et qu'on sait alors dans quel État il est survenu? À ce moment, il sera cependant difficile pour les parties de s'accorder sur le choix d'une loi qui pourrait influencer la solution du litige. Par ailleurs, le texte n'est pas rédigé dans ce sens.

                  Il serait plus conforme à la lettre du texte de n'autoriser le choix des parties que lorsque la garantie d'assurance est, dès le départ, territorialement limitée par une clause contractuelle à des sinistres pouvant survenir dans un État membre différent de celui où le risque est situé. On songe à une assurance pollution souscrite par une entreprise implantée à la frontière franco-allemande dont la couverture serait limitée aux atteintes à l'environnement survenus en Allemagne [69]. Même comprise en ce sens, la règle présente un intérêt limité car il est rare que l'étendue territoriale d'une garantie d'assurance de la responsabilité civile se limite à un seul État membre. Il est vrai que l'article 7, § 1, litt. e, ne limite pas son champ d'application à la responsabilité civile. Il pourrait aussi être invoqué dans le cas d'une assurance de choses qui couvrirait uniquement des biens situés à l'étranger. Dans ce cas, c'est davantage le lieu du risque que le lieu du sinistre qui permettrait de justifier le choix.

                  Fidèle à l'habitude, l'article 28ter, § 5, de la législation de contrôle belge transpose l'article 7, § 1er, litt. e, de façon unilatérale en prenant seulement pour référence le cas où les risques sont situés en Belgique, sans rien prévoir dans la situation inverse. Cette lacune ne pourra être comblée qu'en multilatéralisant la règle par un retour aux sources communautaires en se fondant sur l'effet utile de la directive.

                  b) En assurance vie

                  42.À la différence de la directive LPS non-vie, la directive LPS vie ne prévoit qu'une seule hypothèse de choix limité. Elle repose sur le défaut de coïncidence entre la loi nationale et la loi de la résidence habituelle du preneur. Dans ce cas, les parties peuvent faire choix de l'une de ces deux lois pour y soumettre leur contrat [70]. Ce choix limité n'est cependant ouvert que lorsque le preneur est une personne physique. Il n'a pas paru opportun de l'étendre aux personnes morales qui souscrivent des contrats internationaux d'assurance de groupe pour le compte de leur personnel. Dans cette hypothèse, le contrat est donc rattaché impérativement à la loi de chaque établissement auquel le contrat se rapporte.

                  L'objectif poursuivi par la règle est sans doute de permettre aux personnes physiques qui exercent une activité professionnelle à l'étranger et qui résident dans un autre État membre de souscrire un contrat d'assurance vie dans leur pays d'origine et de le soumettre à la loi de l'État dont ils possèdent la nationalité [71]. Ce choix de la loi nationale peut se justifier lorsque cette personne envisage de revenir dans son pays à l'âge de la retraite [72]. La formulation de l'article 4, § 2, fait cependant apparaître qu'un tel choix n'est possible que si le preneur possède la nationalité d'un État membre. Cette restriction paraît cohérente au regard de l'objectif poursuivi qui est de faciliter la libre circulation des travailleurs dans l'Union européenne.

                  On regrettera une fois encore la transposition unilatérale de la loi belge (art. 28nonies, § 1er, al. 2) qui n'envisage que l'hypothèse où la résidence habituelle du preneur se situe en Belgique en délaissant l'hypothèse inverse.

                  L'article 28nonies, § 2, qui est censé corriger cette lacune mérite les mêmes critiques que l'article 28ter, § 2, puisqu'il désigne dans ce cas la loi de l'État membre où le risque est situé si les parties n'ont pas choisi la loi applicable.

                  3. Choix élargi

                  43.On a déjà expliqué en quoi consistait la technique d'élargissement du choix au second degré (voy. supra). Celle-ci est prévue dans les trois hypothèses visées par l'article 7, § 1er, litt. a, b et c (non dans celle visée par le litt. e). La même possibilité est prévue en assurance vie mais uniquement dans l'hypothèse visée par l'article 4, § 1er, non dans celle visée par l'article 4, § 2.

                  En assurance non-vie, le législateur belge a introduit la réserve de l'élargissement du choix dans les hypothèses visées par l'article 28ter, § 1er, alinéa 2 (défaut de coïncidence entre le lieu du risque situé en Belgique et le lieu de résidence habituelle du preneur), 28ter, § 2 (risque localisé à l'étranger) et 28ter, § 3 (risques localisés dans différents États membres dont la Belgique), mais non dans l'hypothèse visée par l'article 28ter, § 1er, alinéa 1er (coïncidence entre le lieu du risque et le lieu de résidence habituelle du preneur sur le territoire belge). Sous ce dernier aspect, la règle belge est contraire à la directive, car, à défaut d'avoir transcrit explicitement la réserve de l'élargissement du choix dans ce dernier cas, le renvoi ne peut fonctionner. Or, à notre avis, les États membres ne disposaient d'aucune option sur ce point.

                  Que faut-il retenir de cet imbroglio? Probablement que le législateur belge ne s'oppose pas à ce que les parties puissent bénéficier d'un élargissement du choix lorsque le ou les risques couverts par le contrat sont localisés à l'étranger, pour autant que l'État membre désigné reconnaisse cette possibilité aux parties contractantes, mais qu'il n'autorise par contre aucun élargissement au second degré lorsque le risque ou un autre facteur de rattachement pertinent est localisé en Belgique.

                  En ce qui concerne l'assurance vie, l'article 28nonies adopte un profil bas, puisqu'il ne comporte aucune référence à la possibilité d'un choix élargi, même lorsque le risque se localise à l'étranger. En biffant la réserve de l'élargissement du choix prévue par l'article 4, § 1er, de la directive LPS vie, le législateur belge empêche les parties de s'appuyer sur l'élargissement octroyé éventuellement par la règle de conflit d'un autre État membre où se localiserait le risque, ce qui n'est pas, selon nous, conforme à la directive.

                  4. Choix complet

                  44.L'article 7, § 1er, litt. f, tel que modifié par l'article 27 de la troisième directive non-vie, ne reconnaît une liberté complète de choix de la loi applicable que lorsque le contrat d'assurance couvre des grands risques. Une telle liberté n'existe pas en assurance vie au titre d'une règle de conflit primaire. Le concept de grands risques n'a donc pas cours en assurance vie, ce qui est critiquable.

                  Les grands risques au sens de cette disposition sont ceux qui sont visés à l'article 5, point d, de la directive LPS non-vie. La règle de conflit apparaît dans l'article 28ter, § 6, alinéa 1er, de la législation belge de contrôle des activités d'assurance. La notion de 'grands risques' est, quant à elle, définie à l'article 1er, point 7, de l'arrêté royal du 22 février 1991 (règlement général de contrôle).

                  Les grands risques sont les risques relevant des branches 4, 5, 6, 7, 11 et 12 de l'annexe 1 de l'arrêté (essentiellement les risques liés au transport fluvial, maritime et aérien); les risques relevant des branches 14 et 15 de cette même annexe (crédit, caution) lorsque le preneur exerce à titre professionnel une activité industrielle, commerciale ou libérale et que le risque est relatif à cette activité; ainsi que les risques relevant des branches 3, 8, 9, 10, 13 et 16 (incendie, responsabilité civile, pertes pécuniaires diverses) pour autant que le preneur d'assurance dépasse au moins deux des trois critères énoncés:

                    • total du bilan: 6,2 millions d'euros;
                    • montant net du chiffre d'affaires: 12,8 millions d'euros;
                    • nombre de membres du personnel employé en moyenne au cours de l'exercice: 250.

                    45.Lorsque les risques couverts par le contrat entrent dans cette catégorie, les parties peuvent choisir 'n'importe quelle loi'. Cette expression utilisée par la directive mais non par la loi belge signifie sans doute que la loi choisie peut être celle d'un pays tiers qui n'est pas membre de l'Union européenne [73].

                    Cette liberté n'est pas totale. Elle ne peut évidemment faire obstacle à l'intervention des lois de police dont l'application s'impose indépendamment du choix de la loi contractuelle (voy. supra). Elle est, en outre, tempérée par l'article 28ter, § 6, alinéa 2, qui prévoit que 'le choix par les parties d'une loi autre que la loi belge ne peut, lorsque tous les éléments du contrat sont localisés au moment du choix sur le territoire de la Belgique, porter atteinte aux dispositions impératives du droit belge'. Cette disposition résulte de la transposition en termes unilatéraux de l'article 7, § 1, litt. g, de la directive LPS non-vie, lui-même inspiré de l'article 3, § 3 de la Convention de Rome.

                    Les règles qui sont visées par l'article 28ter, § 6, alinéa 2, sont l'ensemble des règles impératives au sens du droit interne, définies comme les dispositions auxquelles les parties ne peuvent déroger par contrat, et non pas seulement les règles de police. Le souci est en effet d'empêcher que les parties ne puissent échapper à l'autorité de la loi de l'État dans lequel tous les éléments pertinents sont localisés, par le choix d'une loi sans aucun rapport avec le contrat.

                    B. Les règles de police
                    1. Lois de police du for et lois de police tierces

                    46.L'article 28quater, § 1er et l'article 28decies de la loi de contrôle traduisent correctement la distinction faite par les directives européennes entre les lois de police du for et les lois de police tierces.

                    Tandis que l'alinéa 1er réserve l'application des règles belges qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat lorsqu'un juge belge est saisi du litige, l'alinéa 2 permet au juge belge de donner effet aux dispositions impératives de la loi de l'État membre où le risque est situé ou d'un État membre qui impose l'obligation d'assurance, si selon le droit de cet État, ces dispositions s'imposent quelle que soit la loi régissant le contrat.

                    La transposition est fidèle aux directives sur ces deux points. La difficulté résulte plutôt du concept même de lois de police. On a déjà critiqué la tendance de certains législateurs nationaux à donner à ce concept une interprétation extensive en y comprenant l'ensemble des dispositions impératives de droit interne.

                    Le législateur belge n'a apparemment pas pu résister à cette tentation. L'article 28quater, § 2, de la loi de contrôle pour l'assurance non-vie et l'article 28decies, § 2, pour l'assurance vie, prévoient en effet tous deux que 'les dispositions impératives du droit belge sont applicables quelle que soit la loi choisie par les parties lorsque le risque est situé en Belgique'.

                    Quand on sait que la loi du 25 juin 1992 comporte 128 articles dont tous sont en principe impératifs en droit interne, sauf si le contraire résulte de la formulation de la disposition elle-même (art. 3), on comprend que les règles de conflit sont pratiquement vidées de leur substance au profit d'un rattachement spécial à la loi (belge) du pays du risque.

                    Un tel rattachement imposerait par exemple l'application des dispositions impératives de la loi belge pour des contrats couvrant des grands risques, alors même que les parties contractantes bénéficient d'une liberté complète de choix de la loi applicable.

                    Ces conséquences sont bien entendu inacceptables [74].

                    2. Lois qui imposent une obligation d'assurance

                    47.Bien que les lois d'assurance obligatoire soient indubitablement des lois de police au sens fonctionnel, la loi belge leur consacre trois articles (artt. 28quinquies, sexies et septies), qui, pour l'essentiel, confirment les conséquences qui s'attachent à l'intervention ' internationalement ' impérative de ces lois. Ainsi, en cas de contradiction entre la loi de l'État membre où le risque est situé et les solutions matérielles de la loi qui impose l'obligation de souscrire une assurance, l'article 28quinquies fait prévaloir cette dernière.

                    L'article 28septies confirme que si la loi belge subordonne l'opposabilité de la cessation de garantie aux tiers lésés à une déclaration administrative, cette cessation n'est opposable aux tiers que dans les conditions prévues par la loi belge.

                    L'article 28sexies, quant à lui, traduit dans un sens positif l'option laissée aux États membres par l'article 8, § 4, c de la directive LPS non-vie. On a dit que l'article 8, § 4, c, permettait d'étendre à l'ensemble du contrat la compétence de la loi qui impose l'obligation d'assurance en écartant, par le fait même, tout choix de la loi applicable. Débordant le cadre strict des solutions matérielles qu'elle contient, la loi de l'État membre imposant une obligation d'assurance régirait donc l'ensemble du contrat. Critiquée à juste titre par plusieurs délégations, cette solution a été introduite sous la forme d'une option. Le législateur belge, comme les législateurs espagnol, français, portugais, hollandais et allemand, l'a malheureusement exercée dans un sens positif: l'article 28sexies supprime donc toute possibilité de choix de la loi applicable lorsque le contrat est destiné à satisfaire à une obligation d'assurance imposée par le droit belge. Comme l'indique l'alinéa 2 du même article, cette règle conduit à un dépeçage du contrat lorsque la couverture s'étend à plusieurs États membres dont l'un au moins impose une obligation d'assurance.

                    En étendant la compétence de la loi belge qui impose l'obligation d'assurance à l'ensemble du contrat, l'article 28sexies, alinéa 1, présente sans doute l'avantage d'éliminer les tensions et les contradictions éventuelles entre la loi contractuelle et la loi d'assurance obligatoire. Il présente cependant, pour les assurances obligatoires portant sur des risques mobiles ou des activités susceptibles d'être exercées en différents endroits, un grave inconvénient dont les autorités communautaires ne semblent pas avoir eu conscience. Pour peu que l'activité en question soit soumise à une assurance obligatoire dans plusieurs États membres, l'article 28sexies rend pratiquement indispensable la conclusion d'un contrat différent dans chaque État membre où cette activité est exercée ou susceptible d'être exercée. Cette obligation constitue une entrave certaine à la libre circulation des personnes et des services dans l'Union européenne, notamment dans le domaine de la circulation automobile. Elle paraît même inutile dans la mesure où la technique des lois de police suffit à garantir l'objectif de protection poursuivi par les lois d'assurance obligatoire [75], [76]. En tout état de cause, une dérogation au bénéfice des assureurs R.C. automobile et des véhicules de toute nature s'impose.

                    Conclusions

                    48.Autant le reconnaître, la tentative d'uniformisation des règles de conflit de lois par le biais des directives européennes destinées à créer le marché intérieur des assurances se solde globalement par un échec.

                    Les divergences substantielles constatées lors de l'examen des lois nationales de transposition ne permettent nullement de garantir le règlement uniforme des conflits de lois relatifs au contrat d'assurance dans l'Union européenne. Elles ne favorisent pas davantage l'intégration des marchés puisque, dans la plupart des cas, elles aboutissent à faire régir le contrat par la loi du pays du risque, c'est-à-dire la loi du pays d'activités. Seuls les grands risques en assurance non-vie bénéficient de la liberté complète de choix de la loi applicable.

                    En outre, la complexité du mécanisme d'élargissement du choix au second degré n'échappera à personne. Il n'est guère étonnant que ce mécanisme, souvent mal compris, ait engendré des distorsions importantes lors de la transposition dans les ordres juridiques nationaux. À cet égard, l'opportunité du choix de la directive comme instrument d'uniformisation du droit international privé peut certainement être mis en doute.

                    Enfin, l'incapacité des autorités européennes à préciser le concept de lois de police et l'interprétation particulièrement large qu'en donnent certains États membres dans un but protectionniste ne fait que renforcer l'imprévisibilité des solutions.

                    Faut-il s'étonner dans ces conditions que les règles de conflit spécifiques au contrat d'assurance aient conservé jusqu'ici un caractère très confidentiel? Il serait excessif d'en attribuer exclusivement la responsabilité aux autorités européennes. Il faut reconnaître que jusqu'à présent les compagnies d'assurance n'ont guère exploité les possibilités offertes par la liberté de prestation de services. Celles-ci ont préféré mener une politique de proximité fondée sur l'établissement, qui ne suscite pas ou peu de conflit de lois.

                    On ne peut pour autant exclure totalement un développement des activités en prestation de services dans l'avenir, particulièrement en assurance vie. Dans cette perspective, il convient de se demander s'il ne serait pas opportun d'abandonner ce système de conflit de lois spécifique pour se rallier à la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles moyennant peut-être l'un ou l'autre aménagement. Les discussions qui ont lieu pour l'instant autour de cette convention et du projet Rome II en fournissent l'occasion.

                    [1] Professeur à l'Université catholique de Louvain.
                    [2] Loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances.
                    [3] Directive 88/357/CEE du 22 juin 1988 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 73/239/CEE, J.O.C.E. (L) 172 du 4 juillet 1988, p. 1; ci-après LPS non-vie. Directive 90/619/CEE du 8 novembre 1990 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE, J.O.C.E. (L) 330 du 29 novembre 1990, p. 50; ci-après LPS vie. Directive 92/49 CEE du 18 juin 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 CEE et 88/357 CEE, J.O.C.E. (L) 228 du 11 août 1992; ci-après troisième directive non-vie. Directive 92/96/CEE du 10 novembre 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie, et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE, J.O.C.E. (L) 360 du 9 décembre 1992, p. 1; ci-après troisième directive vie.
                    [4] Sur la loi applicable aux contrats bancaires, voy.: F. Osman, 'La loi applicable aux contrats transfrontières de crédit à la consommation', D.P.C. I. 1992, p. 279; J. Pardon, 'La distribution des produits bancaires et la loi applicable', Banque et Droit 1988, p. 33; B. Sousi-Roubi, 'La loi applicable aux contrats bancaires transfrontières après la deuxième directive de coordination bancaire', Rev. dr. bancaire et bourse 1990, p. 155; du même auteur, 'La Convention de Rome et la loi applicable aux contrats bancaires', Dall., Ch., 1993, p. 183.
                    [5] Sur cette question: W.H. Roth, Internationales Versicherungsvertragsrecht, J.C.B., Möhr/Tubingen, 1985, p. 689-690; du même auteur, 'EEC Treaty article fifty nine and its implications for Conflicts Law in the field of Insurance Contracts', Duke Journ. I. L. 1992, p. 133; M. Fallon, 'La loi applicable au contrat d'assurance selon la directive du 22 juin 1988', R.G.A.T. 1989, p. 262, n° 37; E. Steindorff, 'Europäisches Gemeinschaftsrecht und deutsches Internationales Privatrecht; Ein Beitrag zum Ordre public and zur onderanknüpfung zwingenden Rechts', Europarecht 1981, p. 441.
                    [6] Il importe de noter que le nouveau Code de droit international privé récemment adopté (Loi du 16 juillet 2004, M.B., p. 57344) laisse intactes les règles de conflit de lois commentées ici. Ceci se déduit de l'article 98 § 1er du Code qui prévoit que le droit applicable aux obligations contractuelles est déterminé par la Convention de Rome, même pour les matières exclues de son champ d'application, hormis si la loi en dispose autrement.
                    [7] Il s'agit des artt. 8 à 14 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, J.O. (L) 12, 16 janvier 2001, pp. 1-23.
                    [8] Voy. à cet égard, notre article: 'La loi application au contrat de réassurance', in Mélanges R.O. Dalcq, Bruxelles, Larcier, 1994, pp. 111-133.
                    [9] Cette thèse de la nationalisation des contrats soumis au contrôle matériel a été défendue en France par Picard et Besson. Voy.: M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres en droit français, t. I, 5e éd., Paris, L.G.D.J., 1982, p. 63, n° 40. Également: J. Ripoll, 'Les conflits de lois en matière de droit des assurances', Trav. Com. Fr., D.I.P., 1989-90, éd. CNRS, 1991, pp. 176-177; R.G.A.T. 1992, pp. 479-493; K.H. Basedow, Le droit international privé des assurances, Paris, L.G.D.J., 1939, p. 37, n° 35 et p. 44, n° 90. Elle a, à juste titre, été critiquée au motif que la législation administrative de contrôle ne concerne pas les relations de droit privé et ne prévoit pas explicitement la soumission du contrat à la loi de contrôle. H. Battifol et P. Lagarde, 'Traité élémentaire de droit international privé', t. II, 7e éd., Paris, L.G.D.J., 1983, n° 587. Voyez également l'opinion plus développée de H. Battifol dans la troisième édition de son traité (1959), p. 605, n° 611. Également: A. Toubiana, Le domaine de la loi du contrat en droit international privé, Paris, Dalloz, 1973, n°s 15 à 17; W.H. Roth, 'Internationales Versicherungsvertragsrecht', J.C.B., Möhr/Tubingen, 1985, pp. 21 et 192.
                    [10] C.J.C.E. 4 décembre 1986, aff. 220/83, Commission/France, Rec. 1986, p. 3663; aff. 252/83, Commission/Danemark, Rec. 1986, p. 3713; aff. 205/84, Commission/Allemagne, Rec. 1986, p. 3755; aff. 206/84, Commission/Irlande, Rec. 1986, p. 3817.
                    [11] L'harmonisation du droit européen des assurances est à nouveau à l'ordre du jour puisqu'un avis d'initiative sur cette question est actuellement soumis à l'approbation du Comité économique et social européen (rapporteur: J. Pegado Liz).
                    [12] En ce sens: E. Lorenz, 'Das aufgrenzüberschreitende Lebensversicherungsverträge anwendbare Recht; eine Übersicht über die Kollisionsrechtlichen Rechtsgrundlagen', Z.Ges.Vers.W. 1991, pp. 134 et 140.
                    [13] J.O.C.E. (L) 266 du 9 octobre 1980. Voy. également le Rapport établi par les professeurs M. Giuliano et P. Lagarde publié au J.O.C.E. (C) 282 du 31 octobre 1980.
                    [14] F. Rigaux et M. Fallon, Précis de droit international privé, t. II, 2e éd., 1993, n° 1330. M. Fallon, o.c., note 3, p. 248, n° 16; P. Lagarde, 'Présentation de la directive du 22 juin 1988 relativement à la loi applicable', R.C.D.I.P. 1989, p. 149; du même auteur, 'Le nouveau droit international privé des contrats après l'entrée en vigueur de la Convention de Rome du 11 juin 1980', R.C.D.I.P. 1991, p. 296, n° 16; F. Reichert-Facilides, 'Zur Kodification des deutschen internationalen Versicherungsvertragsrechts', I. Prax. 1990, pp. 4 et 8; V. Hahn, 'Die 'Europäischen' Kollisions-normen für Versicherungsverträge', V.V.W. Karlsruhe 1992, pp. 2 et 154; J. Basedow et W. Drasch, 'Das neue internationale Versicherungsvertragsrecht', NjW 1991, pp. 787 et 794; W.H. Roth, o.c., note 5, p. 690; K.W. Brevet, 'De tweede richlijn schadeverzekering en het toepasselijkrecht', Verz. Arch. 1991, p. 22; Ph. H.J.G. Vanhuizen, 'Grote en andere risico's van verzekering en het toepasselijke recht volgens de tweede richlijn vrije dienstverlening', Verz. Arch. 1989, pp. 156 à 160.
                    [15] Y. Loussouarn, 'Les conflits de lois en matière de contrat d'assurance et la directive communautaire du 22 juin 1988', R.G.A.T. 1989, p. 302.
                    [16] Voy. en ce sens: M. Fallon, 'La loi applicable au contrat d'assurance selon la directive du 22 juin 1988', R.G.A.T. 1989, p. 251, n° 24, qui parle de désignation de plein droit; H.J.G. Van Huizen, 'Grote en andere risico's van verzekering en het toepasselijk recht volgens de tweede richtlijn vrije dienstverrichting', Verz. Arch. 1989, p. 166; Loussouarn Y., o.c., pp. 298 et 302; J. Basedow et W. Drasch, 'Das neue Internationale Versicherungsvertragsrecht', NjW 1991, p. 790; Smulders B. et Glazener P., 'Harmonization in the field of insurance law through the introduction of community rules of conflict', Comm. Mark. L.R. 1992, p. 781; V. Hahn, 'Die 'europäischen' Kollisions-normen für Versicherungsverträge', VVW Karlsruhe 1992, p. 28-29; C.G.J. Morse, 'Party autonomy in International Insurance Contract Law', in Reichert-Facilides F. et Jessurun d'Oliveira H.U. (éd.), International Insurance Contract Law in the EC, Kluwer, 1993, p. 39.
                    [17] C.J.C.E. 4 décembre 1986, aff. 205/84, Commission/RFA, Rec. 1986, p. 3755, attendu n° 23, dans lequel on peut lire: 'L'examen suivant ne concerne donc que les assurances contre les risques se situant dans l'État membre du preneur d'assurance'.
                    [18] W.H. Roth, Internationales Versicherungsvertragsrecht, JCB Mohr/Tübingen, 1985, pp. 738-739; F. Reichert-Facilides, 'Zur Kodification des deutschen internationalen Versicherungsvertragsrecht', IPRax 1990, p. 11; S. Imbusch, 'Das IPR der Versicherungsverträge über innerhalb der EG belegene Risiken', VersR. 1993, p. 1062.
                    [19] Il existe trois cas dans lesquels il est dérogé à la règle générale. L'État membre où le risque est situé est celui où se trouvent les biens, lorsque l'assurance est relative soit à des immeubles, soit à des immeubles et à leur contenu, dans la mesure où celui-ci est couvert par la même police d'assurance; celui de l'immatriculation, lorsque l'assurance est relative à des véhicules de toute nature; celui où le preneur a souscrit le contrat, s'il s'agit d'un contrat d'une durée inférieure ou égale à quatre mois relatif à des risques encourus au cours d'un voyage ou de vacances quelle que soit la branche concernée.
                    [20] L'absence de choix ne se déduit pas automatiquement de l'absence d'une clause contractuelle expresse. Le rattachement subsidiaire sera aussi écarté lorsqu'un choix résulte implicitement mais de façon certaine des clauses du contrat ou des circonstances de la cause. À notre avis, le choix certain suppose dans le chef des parties, la conscience du problème de conflit de lois et la volonté de le résoudre. L'usage d'un contrat type régi par un système juridique particulier constitue sans doute un indice important dans le secteur des assurances. Le rapport explicatif de la Convention de Rome, dont l'art. 4 a inspiré la directive, cite comme exemple l'utilisation d'une police maritime des Lloyd's. Cette appréciation mérite certainement d'être nuancée car l'usage très répandu des polices d'assurance maritime anglaises dans le secteur des transports internationaux réduit le caractère significatif de cet indice comme élément d'un choix certain de la loi applicable au contrat. L'usage d'un contrat type ou de clauses type n'a en réalité une valeur indiciaire déterminante que lorsqu'un lien effectif et exclusif existe entre le contrat ou les clauses type et un ordre juridique national. En ce sens: A. Boggiano, International Standard Contracts. The Price of Fairness, Éd. Graham & Trotman, 1991, pp. 20-22; W.H. Roth, o.c., note 4, p. 573; C.G.J. Morse, o.c., note 13, pp. 4-5; P.M. North, 'Reform but not Revolution', Rec. Cours ADI 1990, I, p. 155.
                    [21] Le rôle du rattachement subsidiaire s'est considérablement réduit depuis l'entrée en vigueur de la troisième directive en assurance non-vie. L'art. 31, § 1, de cette directive oblige en effet l'assureur à informer le preneur d'assurance avant la conclusion du contrat, 'de la loi qui sera applicable au contrat au cas où les parties n'auraient pas de liberté de choix ou du fait que les parties ont la liberté de choisir la loi applicable et, dans ce cas, de la loi que l'assureur propose de choisir'. Selon toute vraisemblance, cette obligation sera satisfaite par une clause écrite insérée dans la proposition d'assurance et reprise ensuite dans le contrat si les parties s'accordent sur le choix. Il y a lieu d'observer toutefois que l'obligation d'information ne s'impose que lorsque le contrat est souscrit par une personne physique.
                    [22] La directive LPS non-vie, contrairement à la Convention de Rome, ne résoud pas la question du conflit mobile. L'art. 4, § 2, de la Convention prévoit que le critère de rattachement s'apprécie au moment de la conclusion du contrat. À notre avis, cette solution doit également prévaloir en matière d'assurance.
                    [23] M. Fallon, o.c., note 4, p. 263, n° 37; Y. Loussouarn, o.c., note 12, p. 298.
                    [24] C'est pourquoi plusieurs auteurs voient dans l'élargissement du choix au second degré une application du principe du 'stand still' énoncé par les artt. 53 et 62 du traité. Voy.: F. Reichert-Facilides, o.c., note 11, p. 11; A. Gianella, 'La libre prestation de services dans le domaine des assurances', Rev. Marché Comm. 1991, p. 125; B. Smulders et P. Glazener, o.c., note 13, p. 782.
                    [25] Voy.: Lagarde P., o.c., note 11, p. 148 qui parle d'une forme 'un peu particulière de renvoi'; Reichert-Facilides F., o.c., note 11, p. 5; C.J. Berr, 'Droit européen des assurances: la directive du 22 juin 1988 sur la libre prestation des services', R.T.D. Eur. 1988, p. 669, n° 36 qui parle, lui, d'une 'forme étrange de renvoi'; U. Hubner, 'Zum Stand des Rechtsvereinheitlichung im internationalen Versicherungsvertragsrecht', in Europäisches Germeinschaftsrecht und internationales Privatrecht, Herausgegeben von C. von Bar, Koln, Carl Heymanns Verlag KG, 1991, p. 117; A.F. Logez, L'Europe de la liberté d'établissement et de prestation de services, Paris, L'Argus, 1991, p. 112; H. Cousy, 'Le droit applicable au contrat d'assurance dans le marché unique européen', Rapport final au Colloque organisé par le C.E.A. (Avignon 4-7 octobre 1991) publié dans Risques 1991/8, p. 113; F. Rigaux et M. Fallon, Précis, t. II, 2ème éd., 1993, n° 1332; A. Philip, 'Private international law of insurance in Denmark and the European Communities', in Festskrift K. Grönfors, Sartryck, Norstedts, p. 354; F. Rigaux, 'New Problems of Private International Law in the Single Market', King's Coll. L.J. 1993-94 (vol. 4), p. 33. Contra: H.J.G. Van Huizen, o.c., note 11, qui est le seul à estimer que la référence au droit national doit s'analyser comme une référence aux règles de droit matériel interne et non aux règles de droit international privé.
                    [26] La technique du renvoi impose toutefois d'emprunter à l'ordre juridique déclaré compétent par la règle de conflit primaire les modalités et les limites de ce choix. En ce sens: Ph. H.J.G. Van Huizen, o.c., note 11, p. 166; Y. Loussouarn, o.c., note 12, p. 299; J. Basedow et W. Drasch, o.c., note 11, p. 792.
                    [27] Pour l'assurance non-vie, loi du 18 avril 1991, Staatsblad 1991, 218, art. 5 (a), 1e) et (2e). Voy. également les travaux préparatoires, Tweede Kamer Vergaderjaar 1989-1990, 21.550, p. 4. Pour un commentaire, voy.: M. Koppenol-Laforce, 'The Dutch Report on the Implementation of the E.C. Choice of Law Rules for Insurance', in M. Frigessi di Rattalma et F. Seatzu (éd.), The Implementation Provisions of the EC Choice of Law Rules for Insurance Contracts. A Commentary, Kluwer International, 2003, p. 49.
                    [28] Insurance Companies (Amendment) Regulations 1993, Schedule 3A, Part I, 5 (1) et (2); pour un commentaire, voy.: I. Mac Neil, 'The Legal Framework in the United Kingdom for Insurance Policies sold by EC insurers under Freedom of Services', ICLQ 1995, p. 29; du même auteur, 'UK Report on the Implementation of the EC Choice of Law Rules for Insurance', in M. Frigessi di Rattalma et F. Seatzu (éd.), The Implementation Provisions of the E.C. Choice of Law Rules for Insurance contracts. A Commentary, Kluwer International, 2003, p. 131.
                    [29] Voy. notamment: P. Mayer, 'Les lois de police étrangères', Clunet 1981, p. 291, n° 16. Du même auteur, Les lois de police, Travaux du Comité fr. de D.I.P., C.N.R.S., 1988, p. 107; P. Gothot, 'Le renouveau de la tendance unilatéraliste en droit international privé', R.C.D.I.P. 1971, pp. 209 et 415; P. Francescakis, 'Quelques précisions sur les lois d'application immédiate et leurs rapports avec les règles de conflit de lois', o.c., R.C.D.I.P. 1966, p. 12; M. Fallon, 'Les règles d'applicabilité en droit international privé', Mélanges Vander Elst, p. 302, n° 12; F. Rigaux, 'Les règles de droit délimitant leur propre domaine d'application', Ann. dr. Louvain 1983, pp. 285-331.
                    [30] Outre les références citées à la note précédente, voy.: P. Francescakis, 'Quelques précisions sur les lois d'application immédiate et leurs rapports avec les règles de conflit de lois', R.C.D.I.P. 1966, pp. 1-18, spéc. p. 12; 'Lois d'application immédiate et règles de conflit', Rev. dir. int. pri e pre. 1967, p. 691; J.P. Karaquillo, Étude de quelques manifestations des lois d'application immédiate dans la jurisprudence française de droit international privé, P.U.F., 1977, p. 152, n° 481 et p. 199, n° 633.
                    [31] Voy.: C. Ferry, La validité des contrats en droit interntional privé, Paris, L.G.D.J., 1989, p. 163, n° 222; R. De Nova, 'Conflits de lois et normes fixant leur propre domaine d'application', Mél. Maury 1960, t. I, pp. 381 et 385; P. Graulich, 'Règles de conflit et règles d'application immédiate', Mél. Dabin 1963, t. II, p. 631-632; J.P. Karaquillo, o.c., note 27, p. 152, n° 504.
                    [32] Dans le sens de la compétence législative illimitée des États, voy.: R. Ago, 'Règles générales de conflits de lois', Rec. Cours ADI 1936, IV, pp. 277-293; P. Mayer, 'Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence', R.C.D.I.P. 1979, p. 22, n° 20, p. 537, n°s 71 et p. 555, n° 88. Seule une règle de raison inhérente à la notion même d'ordre juridique, comme celle qui paraît inspirer l'art. 3, al. 1, du Code civil, ou le principe d'effectivité qui l'assortit sont en mesure de fixer des frontières à la compétence législative des États. Voy. à cet égard: F. Rigaux, 'Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale', Rec. Cours ADI 1989, I, p. 103, n°s 72 à 74; P. Mayer, l.c., p. 22, n° 20.
                    [33] M. Giuliano, 'la loi d'autonomie: le principe et sa justification théorique', Riv. dir. int. pr. e. pr. 1979, p. 229; R. Vander Elst, 'L'autonomie de la volonté en droit international privé et belge', in Mélanges Frédéricq 1965, p. 979, n° 4; A. Toubiana, Le domaine de la loi du contrat en droit international privé, Paris, Dalloz, 1973, p. 26, n° 34; F. Rigaux, 'Les situations juridiques individuelles…', o.c., note 29, p. 193, n° 137; F. De Ly, 'Rechtskeuze in internationale overeenkomsten', T.P.R. 1989, p. 1010, n° 9; J.Y. Carlier, Autonomie de la volonté et statut personnel, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 73, n° 69; H. Batiffol et P. Lagarde, Traité, t. II, 1983, p. 260, n° 569, p. 316, n° 595; J.M. Jacquet, 'Principe d'autonomie de la volonté et contrats internationaux', Economica 1989, p. 218, n° 316; K.H. Neumayer, 'Autonomie de la volonté et dispositions impératives en droit international privé des obligations', R.C.D.I.P. 1957, p. 604; A.C. Imhoff-Scheier, Protection du consommateur et contrats internationaux, Genève, 1981, p. 69.
                    [34] Voy. à cet égard, notre article: 'L'intérêt général en droit communautaire de l'assurance; la réaction thermidorienne', R.G.A.T. 1995, p. 827.
                    [35] La confusion entre lois de police et lois d'ordre public est très répandue dans la jurisprudence française en dépit des critiques de la doctrine. Voy. notamment: A. toubiana, o.c., note 30, pp. 211 à 213, n° 245; il en est de même en Angleterre où le concept de lois de police n'a pas de contenu précis et paraît se rapprocher de la notion de 'public policy'. Voy.: P.M. North, o.c., note 17, p. 192.
                    [36] P. Lagarde, Recherches sur l'ordre public en droit international privé, Paris, L.G.D.J., 1959, p. 129, n° 112.
                    [37] C'est selon P. Lagarde, ibid., le vice fondamental de toutes les théories qui cherchent à déterminer l'ordre public en droit international à partir de l'ordre public en droit interne.
                    [38] En ce sens: A. Toubiana, o.c., note 27, p. 216, n° 248; J.P. Karaquillo, o.c., note 24, p. 149, n° 469; N. Watte, 'Quelques remarques sur la notion de l'ordre public en droit international privé'.
                    [39] La loi applicable à l'action directe a depuis longtemps suscité des controverses. La seule façon de résoudre correctement le problème consiste, à notre avis, à l'aborder sous l'angle des lois de police au sens fonctionnel. L'organisation par le législateur d'un régime propre destiné à faciliter l'indemnisation des victimes traduit manifestement la prise en charge d'intérêts supérieurs à ceux des parties contractantes, qui ne sont pas pris en compte par la règle de conflit applicable au contrat d'assurance. La garantie d'indemnisation de la victime qui résulte de l'action directe ne peut donc pas dépendre de la loi contractuelle. Sauf règle spéciale comme celle qui découle de la convention de l'art. 9 de la Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle en matière d'accidents de la circulation routière, elle devrait plutôt dépendre de la loi du lieu de l'accident ou du fait générateur du dommage. En ce sens: A. Toubiana, o.c., note 30, p. 287, n°s 314 à 319; J.P. Karaquillo, o.c., L.G.D.J., note 27, p. 94, n°s 234 et s.; L. Forget, Les conflits de lois en matière d'accidents de la circulation routière, Paris, Dalloz, 1973, n° 200; J. Ripoll, o.c., note 7, pp. 172 et s.; B. Dubuisson, 'L'assurance automobile obligatoire et le droit international privé', R.G.A.R. 2000, n° 13284. Le nouveau Code de droit international privé, en son article 106, soumet la question de l'admissibilité de l'action directe à la loi qui régit l'obligation (en l'espèce quasi-délictuelle) avec un rattachement subsidiaire à la loi du contrat d'assurance si la première loi ne connaît pas l'action directe.
                    [40] Voy. notre article: 'L'intérêt général en droit communutaire de l'assurance: la réaction thermidorienne', R.G.A.T. 1995, p. 827; W.H. Roth, 'Article 59 ECC-Treaty and its implications for Conflicts Law in the Field of Insurance Contracts', in F. Reichert-Facilides et H.U. Jessurun d'Oliveira (éd.), International Insurance contract Law in the E.C., Kluwer, 1993, p. 59.
                    [41] Le libellé du texte laisse entendre qu'il s'agit toutefois d'une option pour les États membres.
                    [42] Pour une critique similaire, voy.: M. Fallon, 'La loi applicable…', o.c., note 3, p. 257, n° 31; A.K. Schnyder, 'Observations form a third country on the Development of International Insurane', E.U.I. Colloquium Papers, Florence, 23 et 24 mai 1991, pin International Contract Law in the E.C., précité note 37, p. 179.
                    [43] Pour une analyse détaillée de la question, voy.: B. Dubuisson, 'L'assuarnce automobile obligatoire et le droit international privé', R.G.A.R. 2000, 13284.
                    [44] Voy. l'ouvrage paru récemment sous la direction de M. Frigessi di Rattalma et F. Seatzu, The Implementation Provisions of the E.C. Choice of Law Rules for Insurance Contracts. A Commentary, Kluwer International, 2003. On y trouvera un commentaire des lois belge, française, allemande, italienne, hollandaise, espagnole et britannique.
                    [45] Internationales Versicherungsvertragsrecht für den Europaïschen Wirtschaftraum, (Vers. VG), Bundesgesetzblatt, n° 89/1993, § 5 (1) et (2); § 9 (1). La disposition protectrice n'est pas applicable lorsque le preneur d'assurance est une entreprise et que le contrat porte sur les grands risques visés par l'annexe B de la loi, § 9 (2).
                    [46] Loi 91/1993 du 8 janvier 1993, sur la loi applicable à certains contrats d'assurance internationaux, Suomen Säädösk okoelma 1993, n° 91.
                    [47] Loi 21/1190 du 19 décembre 1990, art. 107, § 1, et 107, § 2, devenus art. 107, § 1 et § 3 depuis l'adoption de la loi n° 30/1995 du 8 novembre 1995. Pour un commentaire, voy.: P. Blanco-Morales Limones, 'The Implementation Provisions of the E.C. Choice of Law Rules for Insurance Contracts in Spain', in The Implementation Provisions of the E.C.…, précité note 39, pp. 107-129.
                    [48] Loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, art. L 181-1-1°, 2° et 3°. Pour un commentaire, voy.: N. Auclair, 'The French Report on the Implementation of the EC Choice of Rules for Insurance', in The Implementation Provisions of the E.C.…, précité note 39, pp. 59-68.
                    [49] Décret présidentiel n° 252 et 19 août 1996, art. 2 (A) (B) et (C).
                    [50] Loi du 6 décembre 1991, art. 45, §§ 1, 2 et 3.
                    [51] Insurance Companies (Amendment) Regulations 1993, Schedule 3A, Part I, 5 (1) et (2); Part II; pour un commentaire voy.: I. Mac Neil, 'The legal framework in the United Kingdom for insurance policies sold by E.C. insurers under freedom of services', I.C.L.Q. 1995, p. 29.
                    [52] Pour l'assurance non-vie, loi du 18 avril 1991, Staatsblad 1991, 218, art. 5, (a), (1°) et (2°). Voy. également les travaux préparatoires, Tweede Kamer Vergaderjaar 1989-1990, 21.550, n° 3, p. 4.
                    [53] Décret législatif du 15 janvier 1992, n° 49, art. 27, § 2 remplacé par le décret législatif du 17 mars 1995, n° 175, art. 122, § 2; sur cette question voy.: M. Frigessi di Rattalma, 'Freedom to provide cross-border insurance services', Int. Ins. L.R. 1994, p. 161; M. Frigessi di Rattalma, 'La legge applicabile al contratto di assicurazione nell' attuazione della direttive communitaria', Riv. dir. int. pri. e pro. 1996, p. 31; M. Frigessi di Rattalma et F. Seatzu, 'The Governing Law of Insurance Contracts: The Italian Implementation of the EC Private International Law Provisions', in The Implementation Provisions of the E.C.…, précité, note 39, Kluwer International, 2003, p. 91.
                    [54] Arrêté royal du 22 février 1991 tel que modifié par l'arrêté royal du 8 janvier 1993, insérant un art. 28quater, § 2 et 28decies, § 2 dans la législation de contrôle des activités d'assurance.
                    [55] Rappelons que le nouveau Code de droit international privé ne modifie pas ces règles de conflit de loi.
                    [56] Voy. en ce sens: G.V. Putzolu, 'L'influenza della normativa communitaria sul contratto di assicurazione', Assicurazioni 1991, pp. 116-117.
                    [57] Loi française n° 89-1014 du 31 décembre 1989, art. L181-1 (1°); pour un commentaire, voy.: N. Auclair, o.c., note 45, p. 59.
                    [58] Loi espagnole 21/1990 du 19 décembre 1990, BOE num. 304 du 20 décembre 1990, p. 37.977, art. 107, § 1; pour un commentaire, voy.: F. Blanco-Morales Limones, o.c., note 46, p. 107.
                    [59] Décret présidentiel n° 252 du 19 août 1996, art. 4, § 2.
                    [60] Loi luxembourgeoise du 6 décembre 1991, Mém. 23 décembre 1991, p. 1761, art. 45, § 1.
                    [61] Décret-loi portugais 352/91 du 20 septembre 1991, Diario de Republica, 1 série A du 20 septembre 1991, p. 4968, art. 41, § 1 devenu l'art. 180, § 1 depuis le décret-loi n° 102/94 du 20 avril 1994.
                    [62] P. Lagarde, 'Présentation de la directive du 22 juin 1988 relativement à la loi applicable au contrat d'assurance', R.C.D.I.P. 1989, pp. 147-149; B. Audit, 'Implementation of the Second Directive on Choice of Law Issues: The French Statute of December 31, 1989', in Reichert-Facilides F. et Jessurun d'Oliveira H.U. (éd.), International Insurance Contract Law in the EC, Kluwer, 1993, p. 84.
                    [63] Selon cette doctrine, chaque législateur national devrait se borner à déterminer le domaine spatial de ses propres règles de droit matériel, sans chercher à définir celui des règles étrangères, la volonté d'application ainsi exprimée devant être respectée dans tous les ordres juridiques où la question de l'applicabilité de la loi est posée. Sur cette doctrine, voy.: P. Gothot, 'Le renouveau de la tendance unilatéraliste en droit international privé', R.C.D.I.P. 1971, pp. 1-6, 209-243, 415-450; du même auteur, 'La méthode unilatéraliste et le droit international privé des contrats', Riv. dir. int. pri. e proc. 1979, pp. 5-22.
                    [64] Selon cette théorie, les règles communautaires peuvent être directement invoquées pour donner aux règles de droit interne dont elles sont la source, une interprétation cohérente avec le contenu et le but des règles communautaires. Même si l'effet utile ne se confond pas avec l'effet direct, il faut reconnaître qu'il s'agit là d'un moyen commode pour contourner l'absence d'effet direct horizontal des directives communautaires. Sur cette théorie, voy.: P. Manin, 'L'invocabilité des directives: quelques interrogations', R.T.D. Eur. 1990, pp. 669-693. T. Dal Farra, 'L'invocabilité des directives communautaires devant le juge national de la légalité', R.T.D. Eur. 1992, pp. 631-667; en jurisprudence C.J.C.E. 10 avril 1984, aff. 14/83, Von Colson et Kamann/Land Nordhein Westfalen, Rec. 1984, p. 1891; C.J.C.E. 10 avril 1984, aff. 79/83, Harz/Deutsche Tradex, Rec. 1984, p. 1921; C.J.C.E. 26 février 1975, aff. 67/74, Bonsignore, Rec. 1975, p. 297; C.J.C.E. 10 février 1982, aff. 76/81, Transporoute/Ministère des travaux publics, Rec. 1982, p. 417; C.J.C.E. 13 novembre 1990, aff. C-106/89, Marleasing SA/La Commercial Internacional de Alimentacion, Rec. 1990, p. 4135. Pour ce qui concerne l'effet utile, il importe peu que les dispositions invoquées ne soient ni précises ni inconditionnelles; il suffit qu'elles soient de nature à exprimer une intention suffisamment certaine en faveur d'un but déterminé. La directive est invocable aux fins d'interprétation dans tous les litiges y compris ceux qui n'opposent que des particuliers. L'invocation des directives entre particuliers au titre de l'effet utile suppose toutefois que le droit national soit conciliable avec la directive, c'est-à-dire qu'il n'y soit pas clairement et manifestement contraire.
                    [65] Dans le même sens, voy.: Frigessi di Rattalma M., 'La legge applicabile al contratto di assicurazione nell'attuazione delle direttive communitarie', Riv. dir. int. pri. et pro. 1996, p. 32.
                    [66] La notion d'administration centrale paraît avoir été empruntée à l'art. 4, § 2, de la Convention de Rome. Comme le démontre cette disposition, elle ne se confond pas avec la notion d'établissement et se réfère dans l'acception la plus courante à l'unité qui, dans l'entité économique constituée par l'entreprise, exerce la fonction de direction et de contrôle.
                    [67] Voy.: K. Lenaerts, 'La loi applicable et la libre prestation des services en matière d'assurance vie', Ann. dr. Louvain 1990, p. 157, n°s 15 et 16; M. Fallon, 'The law applicable to compulsory insurance and life insurance', Florence, 23 et 24 mai 1991, in International Insurance Contract Law in the E.C., F. Reichert-Facilides et H.U. Jessurun d'Oliveira (éd.), Kluwer, 1993, p. 119.
                    [68] Voy. en ce sens: B. Smulders et P. Glazener, o.c., note 13, p. 781; V. Hahn, o.c., note 11, p. 32; H.J.G. Van Huizen, o.c., note 11, p. 161, n° 4.
                    [69] J. Bigot, 'La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du Code des assurances à l'ouverture du Marché européen', J.C.P. 1990, I, Doc., 3437, n° 20; C.J. Berr, 'Droit européen des assurances: la directive du 22 juin 1988 sur la libre prestation de services', R.T.D. Eur. 1988, p. 670, n° 38.
                    [70] S'agissant d'un choix que les parties ont dû exercer au moment de la conclusion du contrat, le changement de nationalité ou de résidence après la conclusion du contrat devrait être, en principe, sans incidence sur la loi applicable. En ce sens: K. Lenaerts, o.c., note 31, p. 157, n° 15.
                    [71] En ce sens: A. Gianella, 'La libre prestation de services dans le domaine des assurances', Rev. Marché Comm. 1991, p. 131.
                    [72] La mise en oeuvre de ce critère peut néanmoins poser problème dans les pays de Common Law. Vu la répartition inter-territoriale des compétences législatives, il n'existe aucune loi britannique qui puisse faire l'objet d'un choix par un citoyen britannique ayant par hypothèse sa résidence dans un autre État membre. À supposer qu'un choix soit théoriquement ouvert entre la loi de chaque territoire du Royaume-Uni, la question de savoir quel lien juridique doit exister entre la loi de ce territoire et le preneur pour que cette loi puisse être reconnue comme étant sa loi nationale est quasi insoluble (sur cette question, voy.: C.G.J. Morse, E.U.I. Colloquium papers, Florence les 23 et 24 mai 1991, p. 30, éd. précitée, note 31).
                    [73] En ce sens M. Fallon, o.c., note 4, p. 252, n° 25; C.G.J. Morse, o.c., note 13, p. 7.
                    [74] Dans le même sens, Rigaux F. et Fallon M., Précis de droit international privé, t. II, 2ème éd., 1993, n° 1395; S. Hankey, 'Claims Made Policies and Choice of Law in the European Union', Int. Ins. L.R. 1994/7, p. 269.
                    [75] En ce sens, voy.: F. Rigaux et M. Fallon, Traité, t. II, 2ème éd., 1993, n° 1332.
                    [76] Sur l'application de la loi qui impose l'obligation d'assurance en assurance R.C. automobile, voy. notre article: 'L'assurance automobile obligatoire et le droit international privé', R.G.A.R. 2000, n° 13284. En assurance automobile, l'art. 2, deuxième tiret, de la troisième directive du Conseil du 14 mai 1990 relative à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs rétablit la concurrence entre la loi du lieu de l'accident et celle du lieu du stationnement habituel du véhicule dans un sens favorable à la victime.