Article

Cour d'appel Liège, 11/09/2003, R.D.C.-T.B.H., 2004/6, p. 595-596

Cour d'appel de Liège 11 septembre 2003

OBLIGATION
Clause pénale - Réduction - Contrat de courtage - Violation d'exclusivité
La disposition contractuelle en vertu de laquelle une indemnité forfaitaire est fixée pour le cas où le vendeur viole l'exclusivité consentie à un courtier, est une clause pénale au sens de l'article 1229 C.civ. et elle peut être réduite par le juge conformément à l'article 1231 C.civ.
VERBINTENIS
Strafbeding - Matiging - Makelaar - Schending exclusiviteit
De contractuele bepaling waarbij een forfaitaire vergoeding wordt vastgelegd voor het geval dat de verkoper de aan een makelaar verleende exclusiviteit schendt, is een strafbeding in de zin van artikel 1229 B.W. en kan door de rechter gematigd worden conform artikel 1231 B.W.

SPRL Immo Effertz / Marechal Yves et Rossi Mori Liliane

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes J.-L. Brandenberg et P. Pichault

(...)

Attendu que les intimés ont conclu avec l'appelante une convention de louage de services le 12 avril 2001 par laquelle ils chargeaient celle-ci 'avec exclusivité irrévocable' de rechercher acquéreur pour leur immeuble sis à Neupré;

Que la convention valable jusqu'au 12 octobre 2001 se prorogeait de plein droit par périodes successives d'un mois, sauf dénonciation par lettre recommandée 15 jours au moins avant l'expiration d'un terme;

  1. Que la convention prévoyait encore:

  2. 'le vendeur s'interdit de vendre directement ou par l'entremise d'un tiers sans avertir Century 21 immo Effertz qui aura droit à la totalité des honoraires décrits sans devoir justifier ses activités, à titre d'indemnités forfaitaires, conformément à l'article 1794 du Code civil';
  3. 'Century 21 immo Effertz aura pareillement droit à la totalité des honoraires au cas où le vendeur romprait la présente convention avant terme pour quelque raison que ce soit';

Qu'en l'occurrence, en février 2002 alors que le contrat était toujours en cours, l'appelante constate que les intimés ont confié la vente de leur bien à une autre agence et mandate son conseil pour leur réclamer le montant de ses honoraires chiffrés à 234.000 FB après rectification spontanée;

Que le premier juge considérant que 'la clause dont se prévaut la demanderesse, bien que se référant à l'article 1794 du Code civil, doit s'analyser en une clause pénale' a réduit la somme prévue à titre d'indemnité, en application de l'article 1231 du même code, à € 743,68;

Que l'appelante conteste qu'il s'agisse d'une clause pénale et postule à titre subsidiaire qu'à tout le moins il lui soit accordé € 3.500 compte tenu des importantes prestations effectuées;

Attendu que 'l'article 1229, alinéa 1er du Code civil dispose que la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale; qu'il s'en déduit que la somme stipulée à titre de clause pénale ne peut être qu'une indemnisation forfaitaire du dommage pouvant résulter pour le créancier de l'inexécution de cette obligation et que ne saurait, dès lors, être une clause pénale au sens de cet article 1229 la stipulation conventionnelle d'une somme d'argent qui ne constitue pas la réparation d'un dommage mais la contrepartie d'une faculté de résiliation prévue par le contrat; qu'en ce cas, il n'appartient pas, en règle, au juge d'apprécier le rapport entre le montant convenu et le dommage susceptible d'être causé par cette résiliation unilatérale' (Cass. 22 octobre 1999, Pas. 1999, I, p. 556);

Attendu que 'la clause d'exclusivité ainsi que celle d'irrévocabilité génèrent une obligation de ne pas faire dans le chef du client. Dans le premier cas, il s'engage à ne pas faire accomplir par un autre intermédiaire la mission confiée à l'agent immobilier et, le plus souvent, à ne pas l'accomplir lui-même. L'agent dispose ainsi d'un monopole d'action mais le client peut toujours révoquer directement le contrat sur la base des dispositions de droit commun du mandat (artt. 2003 et 2004 du Code civil) ou du contrat d'entreprise (art. 1794 du Code civil). Dans le second cas, le client s'engage à ne pas révoquer le contrat conclu que ce soit directement, en mettant fin unilatéralement au contrat parce qu'il a modifié ses projets, ou indirectement, en accomplissant lui-même ou par un autre intermédiaire, la mission confiée à l'agent immobilier (). Quelle est la sanction de droit commun en cas de violation de ces obligations de ne pas faire? En principe, dans les deux hypothèses, le créancier de l'obligation inexécutée obtiendra une exécution forcée par équivalent. Sur base du droit commun, le créancier de l'obligation inexécutée a droit au damnum emergens et au lucrum cessans. L'intermédiaire pourra donc, d'une part, se faire rembourser des frais engagés et rémunérer pour les prestations accomplies et, d'autre part, être indemnisé pour la perte de chance de réaliser sa mission.' (F. Navez, 'Les clauses d'exclusivité et d'irrévocabilité: comparaison et nuances', J.L.M.B. 1999, p. 1361 );

Attendu que la clause dont se prévaut l'appelante fixe l'indemnisation forfaitaire du dommage résultant pour elle de l'inexécution par les intimés de leur obligation de ne pas faire accomplir par un autre intermédiaire la mission dont ils lui avaient réservé l'exclusivité;

Que cette clause est une clause pénale au sens de l'article 1229 du Code civil;

Qu'en vain l'appelante soutient-elle que ce faisant, ils ont aussi résilié implicitement le contrat en sorte qu'ils seraient redevables de ses honoraires au titre de l'indemnité de dédit contractuellement prévue qui, en règle, n'est pas soumise au contrôle marginal du juge;

Que la clause suivant laquelle l'appelante a 'pareillement droit à la totalité des honoraires au cas où le vendeur romprait la présente convention avant terme pour quelque raison que ce soit' ne répond pas aux critères d'une clause de dédit mais doit s'analyser également comme une clause pénale dès lors que loin de fixer la somme d'argent due par les intimés en contrepartie d'une faculté de résiliation que leur reconnaîtrait le contrat, elle sanctionne au contraire la violation de leur obligation de ne pas le révoquer avant terme en stipulant en ce cas, comme compensation du dommage que le créancier souffrirait, la même somme qu'en cas de transgression de la clause d'exclusivité;

Attendu qu'en fixant les dommages et intérêts à la totalité des honoraires auxquels l'appelante n'avait droit que dans l'hypothèse où elle réussirait à trouver amateur au prix convenu, ces clauses excèdent manifestement le montant que les parties pouvaient envisager à titre de réparation du dommage résultant de l'inexécution du contrat et consistant, indépendamment de la couverture des frais engagés et des démarches accomplies, en la perte d'une chance d'aboutir dans sa mission et de pouvoir prétendre aux honoraires convenus;

Que s'il y a lieu de modérer ces clauses en application de l'article 1231 du Code civil, le montant accordé en instance pèche manifestement dans l'excès contraire;

Que les € 3.500 postulés à titre subsidiaire par l'appelante lui seront alloués compte tenu tant de l'importance des prestations accomplies que de la perte de la chance de mener sa mission à bien;

Attendu que les prétentions de l'appelante n'étant que partiellement fondées, les dépens seront partiellement compensés;

Par ces motifs,

La cour, statuant par défaut à l'encontre des intimés et contradictoirement à l'égard de l'appelante,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement entrepris sous l'émendation que le montant en principal auquel les intimés sont solidairement condamnés est porté à € 3.500;

(...)