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Cour d'appel Liège, 04/02/2003, R.D.C.-T.B.H., 2004/6, p. 561-562

Cour d'appel de Liège 4 février 2003

CONTRAT D'ENTREPRISE
Nullité - Décompte
La nullité d'un contrat synallagmatique emporte en principe la remise des choses dans leur pristin état et donc la restitution des prestations de part et d'autre. Lors de l'établissement du décompte, on doit tenir compte de la dette qu'avait chacune des parties lors de conclusion de la convention annulée.
Lorsque les livraisons effectuées et les travaux prestés pour le donneur d'ordre ne sont d'aucune utilité, le donneur d'ordre a droit à la restitution intégrale du prix.
AANNEMINGSOVEREENKOMST
Nietigheid - Afrekening
De nietigheid van een wederkerige overeenkomst brengt in beginsel het herstel van de vorige toestand en dus de wederzijdse teruggave mee. Bij het opstellen van de afrekening moet rekening worden gehouden met de schuld die ieder van de partijen heeft bij het aangaan van een nietige overeenkomst.
Wanneer de gedane leveringen en uitgevoerde werken voor de opdrachtgever geen nut hebben, heeft hij recht op integrale terugbetaling van de prijs.

R. Demaret et SPRL Europro / Verstraeten

Siég.: R. de Francquen (conseiller ff de président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: B. Billet loco J. Vanden Eynde et A. Rozencweig

Attendu que devançant l'action judiciaire annoncée le 16 septembre 1999 par le conseil des appelants (pièce 13 dossier intimé) qui réclamait essentiellement le solde d'une facture non protestée du 29 décembre 1998 pour 18.723 francs et une autre facture de réparation du 8 mai 1999 contestée pour les 46.468 francs qu'elle porte, l'intimé a cité les appelants à la fois en cessation et en nullité du contrat relatif au chauffage commandé par lui avec paiement d'une indemnité provisionnelle de 200.000 francs;

Que le président du tribunal de commerce a fait un sort à l'action en cessation déclarée irrecevable et, sur renvoi de la cause par le tribunal d'arrondissement, les premiers juges ont condamné solidairement les appelants à payer à l'intimé 190.674 francs outre les intérêts depuis le 29 décembre 1998 sur 140.674 francs, le montant de la facture incomplètement payée;

Que les parties sont contraires en fait sur la question de savoir si l'intimé a chargé le premier appelant de la pose de la chaudière qui lui avait été commandée et qu'il a fournie mais qui, à la suite d'une panne par temps de gel, a subi des dégâts justifiant le remplacement du corps de chauffe et la réparation du brûleur;

Que si le devis établi par le premier appelant le 2 mars 1998 ne porte que sur des fournitures pour la somme de 140.674 francs 'la tuyauterie et la main d'oeuvre (restant) à estimer', la facture établie le 29 décembre 1998 pour le même montant, la TVA étant à acquitter par le cocontractant, mentionne qu'il y a eu 'fourniture et pose d'une chaudière... d'un radiateur, d'un aérotherme, d'une citerne et accessoires'; qu'il n'est pas discuté que sur cette facture, l'intimé a versé 3 acomptes totalisant 121.951 francs (50.000 + 51.951 + 20.000) laissant subsister un solde de 18.723 francs (pièce 1 dossier appelants); que l'intimé fera toutefois valoir à son conseil le 23 octobre 2000 (pièce 25 intimé) que la facture s'élevait en fait à 157.013 francs et non pas 140.674 francs parce qu'une facture d'acompte (non produite) avait été établie au préalable et payée pour 16.339 francs;

Attendu qu'il importe finalement peu de savoir si le premier appelant a ou n'a pas effectué le placement de la chaudière dès lors qu'il est certain que c'est lui qui a installé une cheminée provisoire dont il reconnaît qu'elle devait nécessairement faire place à une cheminée maçonnée; que même si le rapport de l'expert mandaté par l'assureur de l'intimé est unilatéral, il tombe sous le sens que comme cet expert l'indique 'il s'agit d'un non-sens technique grave' qui est à l'origine de l'avarie; que l'immeuble n'était pas terminé au niveau des finitions de toiture, l'atelier n'était pas aménagé et que dès le départ la chaudière se mettait en sécurité (voir rapport provisoire Jeanray du 2 juillet 1999, p. 2 sous les titres 'relations entre parties' et 'faits et circonstances'); que dans de telles conditions, le premier appelant aurait dû s'abstenir de placer la cheminée provisoire, même si, comme il l'expliquera à l'expert (rapport 13 novembre 1999, p. 2) il voulait faire plaisir à un ami désargenté pour qui il avait accepté de monter le chauffage au moindre coût tandis que ce dernier, l'intimé, devait réaliser lui-même la cheminée définitive;

Que les constatations faites par cet expert confortent ce que révèlent les pièces et correspondances du dossier en sorte qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une expertise judiciaire au demeurant difficile à réaliser puisque la situation n'est évidemment pas restée telle depuis 1999, un incendie ayant au surplus ravagé le 1er mars 2000 la maison d'habitation jouxtant l'atelier;

Attendu qu'il n'est pas contestable qu'au moment de l'établissement du devis et de celui de la facture de décembre 1998, le premier appelant ne possédait pas l'agréation comme installateur de chauffage central et que la société qu'il va constituer ne l'obtiendra pas plus (refus de la chambre des métiers et négoces du 18 avril 2000); qu'il en résulte dès lors que le contrat est nul et que l'entrepreneur ne peut obtenir devant les tribunaux de l'ordre judiciaire ni le paiement de ses factures, ni une action en indemnisation sur pied de l'enrichissement sans cause (Liège (11ième ch.) 10 février 1994, J.L.M.B. 1994, p. 1307);

Que la nullité d'un contrat synallagmatique entraîne en principe la remise des choses dans le pristin état et donc des restitutions réciproques (S. Nudelhole, 'Les incidences de la théorie des risques sur les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat', n° 6 et références citées), les appelants remboursant ce qu'ils ont encaissé, l'intimé restituant ce qu'il a reçu;

Attendu toutefois que 'l'intérêt social demande que soient pesées et comparées les culpabilités respectives et que le plus coupable des deux contractants se voie pénalisé par un refus de répétition' (A. De Bersaques, note R.C.J.B. 1970, p. 503, n° 12); qu'en l'espèce la responsabilité de la nullité repose exclusivement sur le premier appelant qui dès le devis mentionnait un numéro de registre du commerce dont il était rayé et ajoutait sur la facture un numéro d'enregistrement laissant croire faussement qu'il possédait les agréations nécessaires alors qu'il ne les avait pas;

Attendu que prononçant la nullité du contrat avenu entre l'intimé et le premier appelant, les premiers juges condamnent ce dernier et la société ensuite constituée à rembourser le montant de la facture soit 140.674 francs alors que l'intimé n'avait payé que 121.951 francs et si l'on y ajoute la facture d'acompte non produite de 16.339 francs un total de 138.290 francs; que le tribunal accorde au surplus 50.000 francs à titre de dommages et intérêts;

Qu'il est acquis que les appelants ont retenu le brûleur qu'ils avaient réparé dans l'attente du paiement du solde de la première facture ainsi que de la facture de réparation et de dépannage qui sera tracée le 8 mai 1999 au montant de 46.468 francs; que l'intimé prétend que la citerne et le radiateur n'ont jamais été fournis (lettre 23 octobre 2000 déjà citée); que les appelants conserveront le brûleur mais n'obtiendront pas la restitution du corps de chauffe dont ils n'auraient vraisemblablement que faire; qu'en le conservant, alors qu'il est usagé et incomplet, qu'il a dû recommencer 'à zéro' une nouvelle installation de chauffage, l'intimé ne s'enrichit pas vraiment, le démontage et le rapatriement chez les appelants entraînant pour lui des frais supplémentaires qu'en tant que victime de l'annulation il ne peut être contraint de supporter;

Attendu que les dommages et intérêts réclamés par l'intimé ne sont pas justifiés dans la mesure où il conserve les appareils de remplacement (canon à chaleur et foyer à mazout) qu'il a acquis pour suppléer l'absence de fonctionnement de la chaudière livrée en vertu du contrat annulé; qu'ainsi il ne peut prétendre à un dommage tenant à l'indisponibilité de l'atelier qui était d'ailleurs encore en cours de construction;

Attendu que les appelants ne peuvent obtenir le règlement de la seconde facture de réparation quand bien même l'intimé avait requis une intervention dans la croyance que son assureur allait intervenir; que cette réparation est liée à la fourniture des effets livrés en vertu du contrat nul; que les premiers juges ont implicitement rejeté la demande reconventionnelle des intéressés qui ne concluaient qu'à une 'compensation réciproque';

Attendu que les premiers juges ont condamné les appelants avec solidarité; que la solidarité entre commerçants n'est présumée que s'ils sont tenus d'une même obligation, alors qu'en l'espèce la seconde appelante n'est pas intervenue dans la conclusion du contrat annulé;

Par ces motifs,

La cour

(...)

Confirme le jugement entrepris sous les émendations que la condamnation est ramenée de 190.674 francs à 3.428,12 euros (138.290 francs) et qu'elle ne frappe pas la SPRL Europro,

Condamne le premier appelant aux dépens d'appel liquidés en totalité avec les dépens d'instance à 985,30 euros suivant le relevé produit.

(...)