L'assurance hospitalisation à la croisée des chemins
TABLE DES MATIERES
Première partie L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 23 mai 2003 Rétroactes
Mutualité peut rimer avec commercialité
Un rejet en bloc des griefs tirés de violations de la LPCC
La similitude des produits: un critère de qualification satisfaisant?
Des comportements licites car conditionnés par la loi
Deuxième partie - Le cadre de droit européen Le droit de la concurrence en arbitre ultime?
De la notion de vendeur à celle d'entreprise
Vers une équation 'vendeur = entreprise'?
Les mutuelles, des 'entreprises' au sens du droit de la concurrence?
Une entente contraire à l'article 81 CE?
Un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE?
Avantages licites ou aides d'État?
1.L'assurance hospitalisation vit des heures tourmentées. Rarement à la une des chroniques judiciaires, elle vient, il y a peu, d'accaparer à deux reprises, en l'espace d'une poignée de jours, le devant de la scène de l'assurance à la faveur de dossiers qui, quoique dépourvus de toute connexité, traduisent bien la place grandissante occupée par les couvertures complémentaires d'assurance soins de santé dans notre système de protection sociale.
Le premier coup de projecteur concerne les trois importants jugements prononcés le 16 juin 2003 [2] par le président du Tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant comme juge de cessation, dans le cadre de litiges opposant l'association de consommateurs Test-Achats à trois entreprises d'assurance actives sur le marché de l'assurance maladie (DKV Belgium, ING et Fortis AG) à propos de pratiques et de clauses contractuelles et précontractuelles relevant de la politique commerciale de ces entreprises. Trois semaines auparavant, plus exactement le 23 mai 2003 [3], c'est un arrêt lourd d'enseignements qu'a rendu la Cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire opposant l'Union professionnelle des entreprises d'assurances belges (UPEA) et trois de ses entreprises membres (DKV Belgium, Fortis AG et AXA Royale Belge) aux mutualités chrétiennes francophones dans le domaine de l'assurance complémentaire hospitalisation. L'analyse qui suit s'attachera à examiner ce dernier arrêt (première partie), puis à brosser la toile de fond européenne sur laquelle s'inscrit cette délicate affaire (deuxième partie).
Première partie L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 23 mai 2003 |
Rétroactes |
2.Le litige opposant les assureurs privés et les mutualités chrétiennes francophones remonte à fin 1999/début 2000, lorsque, à grands renforts de publicité, ces dernières ont entrepris de proposer à leurs affiliés, ainsi qu'aux tiers disposés à acquérir cette qualité, différents services visant à couvrir partiellement les frais d'hospitalisation non pris en charge par le régime légal de l'assurance obligatoire maladie/invalidité. Le service Hospi Solidaire donne droit, en substance, à une intervention financière dans les frais ordinaires d'hospitalisation [4] qui dépassent 250 euros. L'adhésion à ce service a été rendue obligatoire pour tous les affiliés par l'assemblée générale des mutualités et s'est traduite par un relèvement de la cotisation réclamée à chaque affilié à partir de l'année 2000. Les services Hospi Facultative de base et Hospi Facultative globale offrent des couvertures plus étendues que le service Hospi Solidaire. La souscription de ces deux services est facultative et réservée aux affiliés ou à ceux qui entendent le devenir.
3.Les assureurs privés ont immédiatement contesté la légalité de ces offres de services par une action introduite en février 2000 devant le Tribunal de commerce de Bruxelles en vue de faire constater une série d'infractions à la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur (ci-après la 'LPCC'), et d'entendre ordonner la cessation des pratiques dénoncées. En substance, ils reprochent aux mutualités de violer l'interdiction de l'offre conjointe édictée par l'article 54 de la LPCC, en subordonnant l'acquisition de la qualité d'affilié à la souscription du service Hospi Solidaire, d'une part, et l'acquisition des services facultatifs à l'acquisition de la qualité d'affilié et du service Hospi Solidaire, d'autre part. Il est également fait grief aux mutualités de contrevenir à l'interdiction de l'achat forcé contenue à l'article 76 de la LPCC, en obligeant leurs affiliés à souscrire l'assurance Hospi Solidaire. Des critiques portent aussi sur le fait que, alors que leurs services Hospi sont en concurrence avec les contrats proposés par les entreprises d'assurance, les mutualités n'ont pas adopté le statut d'entreprise d'assurance et ne respectent pas les différentes contraintes (d'ordre prudentiel, principalement) inhérentes à l'exercice d'activités d'assurance privée. Enfin, les assureurs privés soutiennent que, pour offrir leurs services complémentaires sur le marché, les mutualités chrétiennes francophones bénéficient d'une série d'avantages directs (subsides reçus pour la gestion du régime de l'assurance obligatoire maladie/invalidité; dotation perçue pour l'assurance des 'petits risques' des indépendants) et indirects (exonération de la taxe sur le contrat d'assurance; faculté pour les indépendants de déduire fiscalement les cotisations liées à l'assurance des petits risques), qui sont constitutifs, à leurs yeux, d'aides d'État contraires au droit européen de la concurrence.
4.Par jugement du 3 juillet 2000, le Tribunal de commerce de Bruxelles a saisi la Cour d'arbitrage d'une question préjudicielle visant à savoir si les articles 1er, 6°, et 93 de la LPCC, tels qu'interprétés, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation, comme excluant les mutualités de la notion de 'vendeur' au sens de cette loi lorsque celles-ci offrent des assurances hospitalisation à leurs membres, contreviennent au principe de non-discrimination énoncé par les articles 10 et 11 de la Constitution. Le 3 juillet 2001, la Cour d'arbitrage a répondu par la négative [5].
En substance, la Cour d'arbitrage, s'appuyant sur les travaux préparatoires de la loi organique du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités, a considéré qu'il existe entre les mutualités et les compagnies d'assurance des différences objectives propres à justifier un traitement différencié au regard de la législation sur les pratiques du commerce. L'accent a d'abord été mis sur le fait que les assurances complémentaires offertes par les mutualités visent à rencontrer les besoins croissants en matière de soins de santé auxquels les cotisations à l'assurance obligatoire ne permettent pas de faire face. À ce titre, a estimé la Cour d'arbitrage, ces assurances forment non seulement un complément aux prestations de la sécurité sociale, mais elles visent également à combler des lacunes du système de base. Il a en outre été relevé que de telles assurances répondent aux critères assignés aux mutualités par la loi du 6 août 1990 (art. 2, § 1) pour l'accomplissement de leur mission statutaire, à savoir 'un esprit de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité' (les cotisations ne varient pas en fonction de l'état de santé des affiliés ou des membres de leur famille) ainsi que l'absence de but de lucre. La Cour d'arbitrage a conclu que, dès lors qu'elles présentent un lien avec la santé des affiliés et des membres de leur famille, et pour autant qu'elles répondent aux caractéristiques liées aux missions assignées aux mutualités et qu'elles soient réservées à leurs membres [6], les assurances hospitalisation litigieuses ne peuvent pas être qualifiées d'actes de commerce au sens des articles 2 et 3 du Code de commerce et ne peuvent, en conséquence, pas faire l'objet d'une action en cessation fondée sur la LPCC [7]. Elle n'a toutefois pas exclu qu'une mutualité puisse être qualifiée de vendeur si elle offre 'des assurances qui ne présentent pas de lien avec la santé et qui ne répondent pas aux caractéristiques que doivent revêtir leurs missions ou si elle offre des assurances à des non-membres'.
5.Au vu de la réponse préjudicielle fournie par la Cour d'arbitrage, le président du Tribunal de commerce de Bruxelles, statuant comme juge de cessation, a, le 4 septembre 2002, déclaré irrecevable l'action des assureurs privés. Il a fait observer que, à la différence de l'assurance hospitalisation proposée par les assureurs privés, qui est 'un produit commercial dont le rapport lucratif est le seul but', les services complémentaires proposés par les mutualités constituent une 'activité collective réciproque d'aide mutuelle destinée à promouvoir le bien-être social' et visent non à 'placer un maximum d'assurances hospitalisation pour faire du bénéfice' mais à 'amener aux mutualités chrétiennes un maximum de membres en leur offrant un complément de prestations de sécurité sociale'. Aux termes du jugement, 'les demanderesses sont actives dans un créneau d'intérêt purement économique répondant notamment au jeu des lois de l'offre et de la demande tandis que les défenderesses offrant un service d'intervention assurance hospitalisation à leurs membres n'agissent que dans leur rôle d'assureur social', cette offre n'ayant 'rien en commun avec l'activité commerciale des demanderesses' puisqu''elle n'est pas faite dans le but de rapporter des bénéfices à ses seuls auteurs'. Épousant la thèse de la Cour d'arbitrage, le juge de cessation a conclu que 'les assurances facultatives hospitalisation proposées par les défenderesses ne sont pas des actes de commerce' et que 'les défenderesses qui offrent ces services n'ont pas la qualité de 'vendeur'' de sorte que la LPCC ne leur est pas applicable.
Mutualité peut rimer avec commercialité |
6.L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 23 mai 2003, qui fait suite à l'appel interjeté par les assureurs privés en novembre 2002, constitue le dernier épisode en date dans cette épineuse affaire. La cour d'appel commence par déclarer recevable l'action des assureurs privés et annule donc le jugement a quo, en soulignant fort judicieusement que le législateur n'a aucunement entendu subordonner la recevabilité d'une action en cessation fondée sur la LPCC à la condition que cette action soit dirigée contre un vendeur au sens de cette loi. La circonstance que les intimées seraient dépourvues de cette qualité relève en effet du fond et non de la recevabilité de l'action.
7.Sur le fond, la cour d'appel se refuse à avaliser l'appréciation portée tant par le premier juge que par la Cour d'arbitrage sur le statut des mutualités au regard de la LPCC. Pour elle, il ne fait aucun doute que les mutualités, pour ce qui concerne l'offre de services litigieuse, doivent être considérées comme des vendeurs au sens de cette loi. Les services concernés participent en effet de la réalisation de leur objet statutaire et constituent des actes de commerce. Ils répondent donc aux critères de qualification d'une personne physique ou morale comme vendeur énoncés par la Cour de cassation, notamment dans des arrêts du 13 mars 1998 et du 13 septembre 2002.
Pour apposer aux services en cause le label d'actes de commerce, la cour d'appel souligne que, bien que les assurances mutuelles ne soient, à la différence des assurances à prime, pas répertoriées comme actes de commerce à l'article 2 du Code de commerce, les unes et les autres poursuivent un objectif similaire. Du reste, souligne la cour d'appel, le degré élevé de substituabilité des services Hospi et des polices d'assurance hospitalisation mises sur le marché par les assureurs privés est clairement attesté par le propre comportement des mutualités, lesquelles n'ont pas hésité, lors du lancement de leur offre, à inciter leurs affiliés à résilier les contrats d'assurance hospitalisation qu'ils avaient conclus auprès d'entreprises d'assurance. La finalité de la démarche des mutualités chrétiennes - garantir un accès universel aux soins de santé, combler les lacunes de la sécurité sociale et promouvoir le bien-être physique, psychique et social dans le domaine de la santé -, les spécificités du modèle mutualiste, l'absence de but lucratif, l'absence de contrat de vente entre l'affilié et sa mutuelle, la conformité des services en cause aux critères de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité assignés aux mutuelles pour l'accomplissement de leur mission statutaire, l'existence d'un mécanisme d'agrément préalable par l'Office de Contrôle des Mutualités de toute création ou modification d'un service statutaire, la limitation de l'offre au cercle des affiliés: toutes ces circonstances sont, pour la cour d'appel, sans pertinence pour apprécier la situation des mutualités au regard de la notion de vendeur au sens de la LPCC. L'argument tiré de la prétendue confusion des rôles d'assuré et d'assureur dans la structure mutuelle n'a pas trouvé meilleur écho, la cour d'appel prenant en effet soin de souligner que, d'une part, la personnalité juridique dont sont dotées les mutuelles exclut que l'affilié soit à la fois assuré et assureur, et, d'autre part, que la qualité d'affilié, propre à l'assurance obligatoire maladie/ invalidité, n'écarte pas celle de consommateur, au sens de la LPCC, s'agissant de services relevant de l'assurance libre et complémentaire.
Un rejet en bloc des griefs tirés de violations de la LPCC |
8.L'espoir suscité chez les assureurs par ces considérations aura été de courte durée. Car, pour le reste, la cour d'appel rejette l'un après l'autre les griefs tirés d'infractions à la LPCC. S'agissant du grief relatif à l'existence d'une offre conjointe, elle relève que, s'il est vrai que l'acquisition des services Hospi est subordonnée à l'affiliation à une mutualité chrétienne francophone, il est exclu d'y voir une offre conjointe contraire à l'article 54 de la LPCC, étant donné que la loi organique du 6 août 1990 impose aux mutualités de réserver leurs services à leurs affiliés. En outre, s'il est, certes, impossible de devenir membre d'une mutualité chrétienne francophone sans acquérir le service Hospi, les mutualités ne font là, de l'avis de la cour d'appel, qu'exercer la prérogative qui leur est reconnue par la loi de conférer un caractère obligatoire à l'adhésion à leurs services. C'est un raisonnement fort semblable que tient la cour d'appel à propos du grief fondé sur l'achat forcé au sens de l'article 76 de la LPCC, qu'elle écarte au motif que l'obligation de souscrire les services Hospi résulte de décisions prises régulièrement par les assemblées générales des mutualités et qui s'imposent aux affiliés. Pour la cour d'appel, la circonstance, mise en avant par les assureurs privés, que, dans la réalité, les affiliés subissent de telles décisions plutôt que de participer à leur adoption montre que ceux-ci, ou leurs représentants élus, ne font peut-être pas toujours le meilleur usage des droits que leur confèrent les statuts, mais elle ne peut conduire à la constatation d'un achat forcé. Enfin, en ce qui concerne le non-respect par les mutualités des obligations découlant de la législation de contrôle des entreprises d'assurances, la cour d'appel rappelle que les activités des mutualités relèvent de la loi organique du 6 août 1990 et de ses arrêtés d'exécution, et non de la législation précitée, et que, d'après l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 2 avril 1992, l'assujettissement des mutualités à un régime distinct de celui des entreprises d'assurances n'est pas contraire aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.
9.L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles est sans conteste un jalon important dans ce délicat dossier, mais on doute fort qu'il close le débat. Comme l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 3 juillet 2001 et le jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles du 4 septembre 2002, il a, cela va sans dire, suscité des réactions fort contrastées. Les mutualités chrétiennes ont salué l'arrêt comme une nouvelle victoire contre les assureurs privés, en voyant dans celui-ci la confirmation que leurs services d'assurance complémentaire ne souffrent aucune critique au regard de la loi et ne constituent pas des actes de concurrence déloyale. Elles y ont également perçu la consécration du rôle majeur joué par les assureurs sociaux dans l'intérêt général de la collectivité [8]. L'accueil fut naturellement tout autre du côté des assureurs privés, lesquels, tout en se sentant confortés dans leur thèse selon laquelle les services Hospi relèvent d'une démarche commerciale des mutualités chrétiennes, ont regretté que la cour d'appel ne se soit pas montrée plus réceptive à l'égard de leurs griefs [9].
La similitude des produits: un critère de qualification satisfaisant? |
10.Une mutuelle offrant des services complémentaires d'assurance hospitalisation se livre-t-elle à une activité commerciale de vendeur? Contrairement aux positions exprimées en amont par la Cour d'arbitrage et par le Tribunal de commerce de Bruxelles, la Cour d'appel de Bruxelles répond sans ambages par l'affirmative, préférant retenir la similitude d'objet existant entre les services Hospi et les produits hospitalisation des compagnies d'assurance (les uns comme les autres visent à garantir une protection financière contre les conséquences de la survenance de risques liés à la santé), et non l'absence de but lucratif et l'esprit de prévoyance, d'assistance mutuelle et de solidarité censé imprégner, aux termes de la loi organique du 6 août 1990, toute activité déployée par les mutuelles. C'est son choix et, compte tenu du soin mis pour justifier cette solution, il serait injuste de lui faire le grief d'une analyse bâclée.
Cela étant, cette approche n'est pas sans danger. En poussant à l'extrême le raisonnement de la Cour d'appel de Bruxelles, d'aucuns pourraient en effet défendre l'idée que les activités d'assurance obligatoire maladie/invalidité revêtent également un caractère commercial puisque, pour paraphraser la juridiction bruxelloise, elles 'couvrent [le] même type de risques' que 'les produits offerts par les opérateurs commerciaux (banques et compagnies d'assurances)' (point 17 de l'arrêt). Certes, le rapport de substituabilité constaté par la Cour d'appel de Bruxelles entre les couvertures complémentaires offertes par les mutualités chrétiennes francophones et les produits hospitalisation mis sur le marché par les assureurs privés fait manifestement défaut entre les garanties liées à l'assurance obligatoire maladie/invalidité et les produits d'assurance proposés par les opérateurs privés, l'objet des seconds étant en effet de compléter le niveau de protection conféré par les premières, et non de s'ériger en alternative à celles-ci. Il reste que, sans forcément désapprouver la conclusion finale à laquelle la Cour d'appel de Bruxelles est parvenue en ce qui concerne le statut des mutualités offrant des assurances complémentaires au regard de la notion de vendeur au sens de la LPCC, nous sommes d'avis que le critère retenu par la juridiction bruxelloise pour tirer cette conclusion est insatisfaisant et, qui plus est, qu'il contient en germe le risque d'une exploitation abusive par les tenants d'une privatisation pure et dure de la sécurité sociale.
Des comportements licites car conditionnés par la loi |
11.Si la Cour d'appel de Bruxelles donne, en substance, raison à la thèse des assureurs sur le statut commercial des activités d'assurance complémentaire des mutuelles, elle se montre, en revanche, plus expéditive à propos de leurs griefs tirés d'infractions à la LPCC. En clair, le message de la juridiction bruxelloise semble être le suivant: dès lors que les conditions entourant l'offre des services Hospi découlent de la loi ou de décisions d'assemblées générales, les mutualités chrétiennes ne sauraient être taxées de comportements contraires à la législation sur les pratiques du commerce.
Le postulat de base sur lequel repose toute l'analyse de la cour d'appel est sans aucun doute correct: les articles 54, 76 et 93 de la LPCC, dont la violation était alléguée par les assureurs privés, et qui proscrivent, respectivement, l'offre conjointe (le fait de subordonner l'acquisition de produits, services ou autres avantages à l'acquisition d'autres produits ou services, mêmes identiques), l'achat forcé (le fait de fournir à une personne sans demande préalable de sa part un service quelconque en l'invitant à accepter ce service contre paiement de son prix) et les actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale, qui portent ou peuvent porter atteinte aux intérêts professionnels d'un ou de plusieurs autres vendeurs, visent les comportements adoptés par un vendeur en dehors de toute obligation découlant d'une loi. Un vendeur qui procède à une offre conjointe, qui impose une obligation d'achat ou qui adopte un comportement commercial critiquable, susceptible de léser les intérêts d'autres vendeurs, ne saurait, s'il agit sous le coup de la loi, être tenu pour responsable d'une infraction aux articles précités de la LPCC.
12.Là où l'on a cependant du mal à suivre la Cour d'appel de Bruxelles, c'est dans l'application concrète de ce principe de base aux circonstances de l'espèce. Nous n'éprouvons aucune peine à souscrire à l'appréciation de la juridiction bruxelloise sur l'absence d'incompatibilité avec l'article 54 de la LPCC de la subordination de l'acquisition des services Hospi à l'affiliation aux mutualités chrétiennes, puisqu'il est vrai qu'en vertu de la loi organique du 6 août 1990, les mutualités ne peuvent offrir de services qu'à leurs membres. Outre qu'il est peu probable que l'affiliation à une mutualité soit constitutive d'un produit ou d'un service au sens de l'article 54 de la LPCC, l'obligation légale faite aux mutuelles de limiter leur champ d'action à leurs affiliés exclut donc, ainsi que la cour d'appel l'a correctement jugé, l'existence d'une violation à l'interdiction de l'offre conjointe.
L'on n'a pas non plus de difficultés à adhérer à la thèse de la Cour d'appel de Bruxelles selon laquelle, en présence de dispositions légales (la loi du 6 août 1990 et, surtout, la loi de contrôle des entreprises d'assurances) tenant les mutualités en dehors du champ des contraintes prudentielles et financières imposées aux entreprises d'assurances, le non-respect de ces contraintes par les mutualités chrétiennes francophones dans le cadre de leurs activités d'assurance complémentaire hospitalisation ne saurait être jugé constitutif d'une infraction à l'article 93 de la LPCC.
13.Les autres éléments d'analyse de la Cour d'appel de Bruxelles sont, en revanche, plus discutables. Pour écarter le grief tiré de l'incompatibilité avec l'article 54 de la LPCC de l'obligation pour les affiliés de souscrire le service Hospi solidaire, la juridiction bruxelloise relève, de manière pour le moins expéditive, qu'il n'est pas contesté qu'en vertu de la loi organique du 6 août 1990, les mutualités chrétiennes 'ont le pouvoir de rendre un service obligatoire' (point 19 de l'arrêt). Dès lors que l'article 54 de la LPCC 'suppose l'absence d'obligation légale dans le chef de l'offrant de lier l'acquisition de produits, de services, de tous autres avantages ou de titres permettant de les acquérir, à l'acquisition d'autres produits ou services', poursuit-elle, cet article ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce (même point).
Vu l'importance des conséquences juridiques attachées à cette affirmation, l'on ne peut s'empêcher de regretter que la cour d'appel n'ait pas été plus explicite sur la ou les disposition(s) légale(s) qu'elle avait à l'esprit. A-t-elle voulu viser l'article 3, premier alinéa, sous b), de la loi du 6 août 1990, qui dispose que 'les mutualités doivent instaurer au moins un service qui a pour but l'intervention financière pour leurs affiliés et les personnes à leur charge dans les frais résultant de la prévention et du traitement de la maladie et de l'invalidité ou l'octroi d'indemnités en cas d'incapacité de travail ou lorsque se produit une situation en vertu de laquelle le bien- être physique, psychique ou social visé à l'article 2 peut être encouragé'? Si tel est le cas, l'on cherche en vain dans cette disposition, qui définit les missions statutaires des mutualités, l'existence d'une quelconque base légale pour lier l'affiliation à l'acquisition de services complémentaires tels que le service Hospi solidaire. Il est d'ailleurs significatif de constater que les mutualités chrétiennes francophones sont apparemment les seules mutualités en Belgique à imposer la souscription de services complémentaires d'assurance hospitalisation. Du reste, au fil du raisonnement de la cour d'appel, la faculté légale paraît se muer en obligation légale, alors qu'il n'est pas certain, selon nous, qu'une simple habilitation légale confère à des comportements non conformes à la LPCC la même immunité que celle qui est attachée à l'existence d'une contrainte émanant de la loi. Au bout du compte, l'on s'aperçoit que l'allégation de la Cour d'appel de Bruxelles selon laquelle la subordination de l'affiliation à l'acquisition du service Hospi puise ses racines dans la loi est pour le moins douteuse.
Cela étant, la conception commercialiste qui sous-tend le champ d'application de la LPCC permet sérieusement de douter que le législateur ait entendu ranger l'affiliation à une mutualité parmi les 'produits, services, [...] autres avantages ou titres permettant de les acquérir' dont l'article 54 de la LPCC interdit de lier l'acquisition à l'acquisition d'autres produits ou services. Le caractère sibyllin de l'analyse de la cour d'appel concernant la source légale de l'obligation pour les affiliés de souscrire au service Hospi solidaire ne nous semble donc pas avoir porté à conséquence quant au résultat final de l'examen de la conformité de la pratique dénoncée à l'article 54 de la LPCC.
14.La manière dont la cour d'appel évacue le grief tiré de l'achat forcé nous convainc encore moins. Outre le caractère téméraire de la mise sur pied d'égalité que semble opérer la juridiction bruxelloise entre une obligation dictée par la loi et une obligation résultant d'une décision prise par une assemblée générale mutualiste, la présomption de la cour selon laquelle les affiliés sont réputés avoir marqué leur accord à la décision des mutualités chrétiennes de rendre obligatoire le service Hospi solidaire relève davantage d'une fiction juridique que de la réalité, ainsi que l'ont apparemment fait valoir les assureurs privés en cours d'instance. Une telle présomption nous semble, en tout état de cause, largement insuffisante pour satisfaire à la condition liée à l'existence d'une 'demande préalable' du consommateur, qui permet seule, aux termes de l'article 76 de la LPCC, d'écarter l'hypothèse d'un achat forcé.
Deuxième partie - Le cadre de droit européen |
Le droit de la concurrence en arbitre ultime? |
15.Certains, notamment du côté des assureurs, auront sans doute lu entre les lignes de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles que la recherche d'une égalité des conditions de concurrence sur le marché de l'assurance hospitalisation ne se résume pas à la piste, pour l'heure infructueuse, de la mise en cause de la démarche des mutualités chrétiennes francophones au regard de la législation sur les pratiques du commerce. À l'instar de l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 3 juillet 2001, l'arrêt du 23 mai 2003 laisse transparaître que l'analyse opérée à la lumière de la LPCC n'entame pas celle qui pourrait être menée sur le terrain voisin du droit de la concurrence [10]. Certes, devant la Cour d'appel de Bruxelles, la demande de question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après la 'CJCE') émise par les assureurs privés au sujet de la compatibilité d'un certain nombre d'avantages directs ou indirects accordés aux mutuelles avec les règles européennes en matière d'aides d'État s'est heurtée à une fin de non-recevoir, au motif que l'action des assureurs privés tend à la cessation des activités des mutualités chrétiennes sur le marché de l'assurance hospitalisation et non au rétablissement des conditions normales de concurrence sur ce marché.
L'on épinglera toutefois cette réponse de la juridiction bruxelloise à l'argument des assureurs privés tendant à écarter, pour l'appréciation de la qualité de vendeur des mutualités, le critère de la commercialité au profit de celui de l''entreprise': un tel critère, rétorque en substance la Cour d'appel, vaut exclusivement dans le contexte du droit de la concurrence économique, de sorte qu'à défaut pour les assureurs privés d'avoir formulé un quelconque grief tiré de l'existence d'un abus de position dominante ou d'un accord restrictif de concurrence, il s'avère sans pertinence pour juger du bien-fondé de leur appel. Un signal implicite que tous les moyens de droit n'ont pas nécessairement été épuisés dans ce dossier?
De la notion de vendeur à celle d'entreprise |
16.Le droit de la concurrence, qu'il soit belge [11] ou européen [12], est intégralement bâti sur le concept d''entreprise'. Droits belge et européen s'accordent à définir l'entreprise par référence au concept d''activité économique' [13]. L'option a ainsi été prise en faveur d'un critère que l'on peut qualifier de fonctionnel dans la mesure où il s'attache à la nature de l'activité accomplie et non au statut ou aux caractéristiques de l'acteur. Il est communément admis que le droit européen, plus précisément la jurisprudence de la CJCE, dans laquelle le droit belge puise directement sa source d'inspiration en la matière, conçoit l'activité économique dans un sens large [14]. Est, en substance, une activité économique toute activité qui n'est pas... non économique.
17.Ces dix dernières années, plusieurs affaires récentes ont donné à la CJCE l'occasion de préciser, dans le domaine particulier de la protection sociale, la ligne de démarcation entre activités économiques et activités non économiques.
C'est dans l'arrêt du 17 février 1993 [15], Poucet et Pistre, consécutif au refus de deux travailleurs indépendants d'acquitter les cotisations qui leur étaient réclamées par leur caisse d'assurance sociale, que la CJCE a jeté, pour la première fois, les balises servant à définir le cercle des activités de protection sociale échappant à la qualification d'activité économique. Dans cette affaire, il a été considéré que les caisses d'assurance sociale concernées ne constituent pas des entreprises exerçant une activité économique au motif que les régimes qu'elles gèrent 'obéissent au principe de solidarité'. Pour parvenir à cette conclusion, la CJCE a tout d'abord constaté que le financement des régimes provient de cotisations proportionnelles à la capacité contributive de l'assuré (en d'autres termes, à ses revenus professionnels), et non au degré de risque représenté par celui-ci, tandis que les prestations garanties sont identiques pour tous les bénéficiaires. Il n'y a donc pas de lien entre les cotisations versées par ou pour le compte de l'affilié et les prestations perçues par celui-ci ou par ses proches en cas de survenance du risque. Il s'opère ainsi une redistribution des revenus à l'intérieur du cercle des assurés, qui rend les personnes favorisées (sur le plan financier ou sur le plan de la santé) solidaires de celles qui ne le sont pas. La CJCE a ensuite relevé que, dans les régimes en cause, les prestations échues sont payées grâce à la distribution instantanée des cotisations, en manière telle que les personnes actives financent les prestations versées à celles qui sont inactives. Elle a conclu que les caisses et les organismes concernés dans cette affaire concourent à la 'gestion du service public de la sécurité sociale' et remplissent 'une fonction de caractère exclusivement social'. Dans la foulée, elle a ajouté que le système d'affiliation obligatoire sous-tendant le fonctionnement de ces régimes est indispensable à l'application du principe de la solidarité et à leur équilibre financier.
18.Dans un arrêt du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d'assurance e.a. [16], la CJCE a, en revanche, refusé la qualification d'organisme de sécurité sociale à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (la CCMSA) pour ce qui concerne ses activités de gestion du régime complémentaire facultatif d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles (régime Coreva). Elle a en effet constaté que ce régime fonctionne selon le principe de la capitalisation et que les prestations auxquelles il donne droit dépendent uniquement du montant des cotisations versées par les bénéficiaires et des résultats financiers des investissements effectués par l'organisme gestionnaire. Elle a dès lors conclu que la CCMSA doit être regardée comme une entreprise exerçant une activité économique au sens des règles européennes de la concurrence.
Il est intéressant de noter qu'aucun des éléments mis en avant par le gouvernement français pour tenter de convaincre les juges européens de la nature sociale du régime concerné n'a trouvé grâce aux yeux de ceux-ci. Le gouvernement français avait mis l'accent sur l'indépendance des cotisations par rapport au risque, sur la mise à la disposition du régime des ressources correspondant aux cotisations versées en cas de décès prématuré de l'adhérent, ainsi que sur les règles d'exemption du paiement des cotisations en cas de maladie et de suspension temporaire du paiement des cotisations pour des raisons liées aux conditions économiques de l'exploitation. La CJCE a rétorqué que de telles modalités de fonctionnement 'existent déjà dans certaines assurances vie de groupe ou peuvent y être incluses' et que, en tout état de cause, ces éléments de solidarité sont limités et ne sont pas comparables à ceux qui caractérisent les régimes obligatoires de sécurité sociale. Le gouvernement français avait aussi insisté sur la finalité sociale et sur l'absence de but lucratif du régime, sur l'absence de sélection médicale, sur la nature statutaire des droits et obligations relevant des relations entre l'organisme gestionnaire et les assurés, et sur les restrictions émises par la réglementation française en ce qui concerne les investissements réalisés par la CCMSA. La CJCE a répondu que ces caractéristiques particulières sont peut-être de nature à rendre le service fourni par le régime Coreva moins compétitif que le service comparable fourni par les compagnies d'assurance vie, mais qu'elles n'empêchent pas de considérer l'activité exercée par la CCMSA comme une activité économique.
19.À la lecture de ces deux arrêts, il apparaît donc qu'en matière d'assurance sociale, le critère décisif pour exclure la qualification d'activité économique [ou, ce qui revient au même, pour emporter la qualification d'activité (exclusivement) sociale] suppose que l'assurance en cause incarne un principe de solidarité sociale redistributive prenant appui, au niveau technique, sur un financement par répartition. La préservation de ce 'noyau dur' de solidarité est, par essence, incompatible avec la possibilité qu'une entreprise privée, soumise à la loi du marché, propose cette assurance telle quelle, sans toucher à sa nature fondamentale. Ainsi que l'a intelligemment résumé l'avocat général Jacobs dans ses conclusions présentées le 22 mai 2003 dans les affaires jointes C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, AOK Bundesverband e.a., concernant le statut des caisses de maladie allemandes au regard du droit européen de la concurrence, un élément de redistribution introduit dans l'intérêt de la solidarité sociale 'ne laisse que peu ou pas de place aux différents services actuariels, d'investissement et de médiation que les prestataires de pensions ou d'assurance privés sont en mesure de fournir et qu'ils proposent effectivement sur le marché' (point 32 des conclusions).
À l'inverse, il faut conclure à l'existence d'une activité économique lorsque le régime ou la couverture d'assurance établit, au niveau de chaque individu, un lien direct entre les primes ou cotisations et les prestations assurées, et se fonde, à cette fin, sur la technique du financement par capitalisation [17].
20.L'explosion du contentieux lié au statut des régimes atypiques d'assurance sociale que connaît tout État membre a permis à la CJCE de soumettre son 'test de solidarité' à l'épreuve des contextes les plus variés.
Dans un arrêt du 26 mars 1996, Garcia e.a. [18], la CJCE, constatant la réunion des différents critères dégagés dans l'arrêt Poucet et Pistre, a ainsi considéré, dans le cadre d'un litige ayant pour origine différentes procédures d'opposition à des contraintes signifiées à des assurés sociaux français par leurs caisses de sécurité sociale en vue du recouvrement de cotisations impayées, que les régimes français d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, d'assurance vieillesse des professions artisanales et d'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales doivent être considérés comme des régimes de sécurité sociale, échappant de ce fait à l'application des directives relatives au marché unique de l'assurance non-vie.
Dans une série d'arrêts du 21 septembre 1999 [19], la CJCE a jugé que les fonds sectoriels de pension néerlandais (fonds de pension à affiliation obligatoire, institués par les organisations représentatives au niveau d'un secteur professionnel au profit de travailleurs salariés ou indépendants, et gérant les pensions complémentaires des travailleurs du secteur concerné) doivent être considérés comme des entreprises exerçant une activité économique au sens des articles 81 et 82 CE. Elle a en effet constaté que, à l'instar du régime Coreva, ces fonds fonctionnent selon le principe de la capitalisation et déterminent eux-mêmes le montant des cotisations et des prestations, et que le montant desdites prestations dépend exclusivement des résultats financiers du placement des cotisations.
Dans un arrêt du 18 mai 2000, Commission/Belgique [20], la CJCE a jugé que l'assurance contre les accidents du travail, telle qu'elle est pratiquée en Belgique, doit être regardée comme une 'activité économique de prestation de services', relevant du champ d'application des directives européennes relatives à la mise en place du marché unique de l'assurance privée (plus précisément de l'assurance non-vie). Bien que cela ne transparaisse pas dans l'arrêt, il ne fait aucun doute, à lire les conclusions présentées par l'avocat général M. Saggio dans cette affaire [21], que l'absence d'élément de redistribution a joué de tout son poids dans la qualification conférée à ce régime d'assurance par la CJCE.
Dans un arrêt du 22 janvier 2002, Cisal [22], la CJCE a considéré que la notion d'entreprise au sens des articles 81 et 82 CE ne vise pas un organisme tel que l'Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL), qui est chargé par la loi de la gestion d'un régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Elle a en effet relevé que le régime d'assurance en cause est fondé sur l'absence de lien direct entre les cotisations acquittées par l'assuré et les prestations versées à celui-ci, ce qui implique une solidarité entre les travailleurs les mieux rémunérés et ceux qui, compte tenu de leurs faibles revenus, seraient privés d'une couverture sociale adéquate si un tel lien existait.
Vers une équation 'vendeur = entreprise'? |
21.La jurisprudence européenne qui vient d'être relatée atteste à l'évidence que le test de solidarité, qui repose sur le critère fondamental de la redistribution sociale, a passé avec succès son baptême du feu depuis qu'il a été institué il y a maintenant une bonne dizaine d'années à l'occasion des affaires Poucet et Pistre. Si bien que l'on vient à se demander si ce critère, largement éprouvé au fil des affaires préjudicielles parvenues des quatre coins de l'Europe à la CJCE, ne conviendrait finalement pas, en droit belge, pour démarquer, dans le domaine spécifique de la protection sociale, ce qui relève ou non des concepts de 'service' et de 'vendeur' au sens de la LPCC. L'intégration de cet acquis jurisprudentiel n'aurait-elle pas le mérite de mettre un terme, dans le dossier qui nous occupe, aux débats sans fin sur le statut des activités d'assurance complémentaire des mutuelles en renvoyant dos à dos les tenants de l'approche fondée sur l'absence de but de lucre et l'existence d'une finalité sociale, deux éléments dont il a été démontré dans l'arrêt F.F.S.A., de façon convaincante selon nous, qu'ils n'étaient pas l'apanage des activités à caractère purement social, et les partisans de la thèse basée sur l'interchangeabilité économique du service, thèse dont les faiblesses et les effets potentiellement pernicieux ont été mis en exergue plus haut?
Certes, l'on rétorquera que droit de la concurrence et droit des pratiques du commerce sont deux droits autonomes et doivent leur rester. Nous n'en disconvenons pas, mais est-ce vraiment faire offense à cette autonomie que de prôner, dans un souci de clarté et de cohérence juridiques, que, pour ce qui concerne en tout cas la matière qui nous intéresse, une entité qui doit être considérée comme une 'entreprise' au motif qu'elle exerce une 'activité économique' au sens de la jurisprudence européenne doit aussi être considérée comme un 'vendeur' de 'services' au sens de la LPCC? Serait-il juridiquement choquant de considérer qu'une entité échappant à la qualification d'entreprise en raison du fait que ses activités reposent sur la solidarité sociale redistributive tombe du même coup en dehors du champ des notions de 'service' et de 'vendeur' au sens de la LPCC? Respecter l'autonomie du droit de la concurrence et du droit des pratiques du commerce, n'est-ce pas, en réalité, tout simplement admettre que ceux-ci, outre qu'ils répondent à des règles différentes de partage de compétences entre pouvoirs belge et européen, n'ont pas vocation à sanctionner les mêmes comportements [23], avec la conséquence qu'une pratique ou un comportement donné pourra parfois essuyer les foudres de l'un de ces droits tout en échappant à la censure de l'autre?
Les mutuelles, des 'entreprises' au sens du droit de la concurrence? |
22.Indépendamment du débat sur l'opportunité d'assurer une équation entre les notions de vendeur et d'entreprise, il y a fort à parier, en dépit de l'occasion manquée par la Cour d'appel de Bruxelles, que, tôt ou tard, sera clarifié le statut des mutuelles exerçant des activités complémentaires d'assurance soins de santé au regard des règles européennes de concurrence. Sans prétendre préjuger de l'interprétation qui pourrait être fournie, en ultime ressort, par la CJCE, l'on peut, sans trop s'avancer, affirmer que la réponse à cette question passera par une analyse fine, pour ainsi dire chirurgicale, des caractéristiques essentielles de ces activités complémentaires, à la recherche d'un éventuel élément de solidarité sociale redistributive.
À défaut de pouvoir identifier un tel élément, il faudra se résoudre à admettre que les activités concernées sont des activités économiques, transformant les mutuelles en 'entreprises' dans la mesure de l'exercice de ces activités, et tous les arguments tirés de la finalité sociale de la démarche des mutuelles, de l'absence de but lucratif ou de l'existence d'un contrôle préalable sur la conformité des activités mutualistes à leurs missions statutaires ne devraient en toute logique, au vu de la jurisprudence 'F.F.S.A.', pas peser bien lourd dans la balance. De même, la circonstance que la mission première des mutualités (la gestion du régime légal d'assurance maladie/invalidité) échappe aux règles de concurrence en tant qu'activité à caractère exclusivement social ne permettrait pas d'exempter de la qualification d'activité économique les activités complémentaires qui ne satisferaient pas au test de solidarité [24].
Si, en revanche, il peut être démontré que les services complémentaires des mutualités chrétiennes francophones reposent sur un principe de redistribution sociale caractérisé par l'absence de lien individuel entre cotisations et prestations ainsi que par l'affectation immédiate des cotisations perçues au service des prestations échues, l'application de la jurisprudence 'Poucet/Pistre' devra normalement conduire à regarder ces activités complémentaires comme des activités partageant la nature exclusivement sociale de la mission de base assumée par les mutuelles, et échappant à ce titre à l'application du droit de la concurrence.
23.Il convient toutefois d'être attentif à la tournure que pourrait prendre la jurisprudence de la CJCE à la suite de l'affaire, déjà évoquée, relative au statut des caisses de maladie allemandes au regard du droit européen de la concurrence. Dans ses conclusions présentées le 22 mai 2003, l'avocat général Jacobs, tout en concédant que 'le régime légal d'assurance maladie allemand présente assurément un certain nombre de points communs avec les régimes en cause dans les affaires Poucet et Pistre' (point 37), pointe notamment l'existence d'une concurrence possible entre les caisses de maladie en ce qui concerne l'étendue des services offerts aux affiliés (point 40 [25]) pour soutenir que l''élément de redistribution du régime n'est pas de nature telle à empêcher l'activité économique' (point 37). Velléité de revirement jurisprudentiel ou avertissement sans frais destiné à faire prendre conscience aux organismes légaux de sécurité sociale qu'à force de vouloir ratisser en dehors de la sphère de leur mission légale, ils risquent de perdre leur âme et, avec elle, leurs prérogatives d'assureur social? L'avenir nous dira si la CJCE fait sienne la position audacieuse - provocante, diront certains - de l'avocat général dans cette affaire.
Une entente contraire à l'article 81 CE? |
24.Si les mutuelles devaient être considérées comme exerçant une activité économique d'entreprise dans le cadre de la fourniture de services complémentaires d'assurance hospitalisation, il faudrait alors s'interroger sur les conditions d'application des règles européennes de concurrence contenues aux articles 81 à 89 CE à leur cas spécifique.
25.L'article 81, paragraphe 1, CE condamne, on le sait, les accords entre entreprises et les décisions d'associations d'entreprises de nature à affecter la concurrence au sein du marché intérieur. En l'espèce, il faudrait d'abord se demander si la décision conjointe des mutualités chrétiennes francophones de proposer des services complémentaires répondant aux mêmes conditions constitue un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises au sens de l'article 81 CE. Sans prétendre détenir la réponse à cette question, l'on soulignera que, dans ses conclusions rendues dans l'affaire des caisses de maladie allemandes, l'avocat général Jacobs rappelle à bon escient que, si le statut de droit public des organismes concernés n'exclut pas automatiquement l'existence d'accords ou de décisions au sens de l'article 81 CE, en revanche, le fait que les organes décideurs comprennent des représentants des différentes parties intéressées - et pas uniquement des représentants des caisses de maladie -, l'existence d'un contrôle public préalable à la prise d'effet des décisions et l'obligation de se plier à des critères légaux dictés par l'intérêt général et limitant la marge de manoeuvre dans les actions envisagées, sont autant d'éléments susceptibles d'extraire les comportements litigieux du champ de l'article 81 CE (points 52 à 61 des conclusions).
Le cas échéant, il y aurait ensuite lieu de vérifier si la démarche collective des mutualités chrétiennes francophones a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Plus précisément, faudrait-il ou non considérer qu'à travers l'offre de services litigieuse, les mutualités ont fixé en commun 'les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction' au sens de l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE [26]? Il conviendrait également d'apprécier si cette démarche peut affecter le commerce interétatique et si ses éventuels effets sur la concurrence et sur les échanges entre États membres sont sensibles [27], ce qui passe par une analyse pointue du marché concerné sur le plan géographique et en termes de produits.
26.Il importe encore de préciser que l'article 81 CE s'applique uniquement aux comportements anticoncurrentiels adoptés par des entreprises de leur propre initiative, à l'exclusion de ceux dictés par un cadre légal éliminant toute marge d'autonomie et, donc, toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part [28]. Dans le dossier qui nous intéresse, l'appréciation du bien-fondé de ce que l'on a coutume d'appeler l'exception tirée de l'action étatique supposerait une analyse juridique approfondie portant sur l'existence et l'importance éventuelles de la contrainte que le cadre juridique national fait peser sur les mutualités chrétiennes en termes d'offre de services complémentaires. Car c'est bien d'une contrainte qu'il doit s'agir, une simple invitation ou facilitation légale ne suffisant en effet pas, aux termes de la jurisprudence [29], à exonérer les acteurs concernés de leur responsabilité éventuelle au regard de l'article 81 CE [30].
Un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE? |
27.L'applicabilité de l'article 82 CE, qui proscrit les abus de position dominante, au cas qui nous intéresse nous semble autrement plus douteuse. L'application de l'article 82 CE présuppose en effet la détention d'une position dominante dans le secteur concerné 'sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci'. Or, il paraît a priori peu probable que les mutualités chrétiennes francophones, mêmes considérées dans leur ensemble, détiennent, à travers le développement de leurs activités complémentaires, une position dominante sur le marché de l'assurance privée des soins de santé, quand bien même celui-ci serait appréhendé dans sa dimension strictement belge, et non européenne. L'on conçoit mal, dans ces conditions, que l'imposition aux affiliés de la souscription du service Hospi solidaire puisse être dénoncée comme étant constitutive d'un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE. La solution étant, en définitive, fortement liée à l'appréciation éminemment délicate de l'étendue du marché en cause (sur le plan géographique et en termes de produits) et à l'interprétation, tout aussi subtile, de la notion de 'partie substantielle de celui- ci', il ne faut cependant pas trop vite écarter l'éventualité d'une analyse qui conclurait à la détention d'une position dominante par les mutualités chrétiennes francophones, ce qui impliquerait alors de vérifier si la pratique incriminée doit ou non être taxée de pratique abusive au sens de l'article 82 CE.
28.À supposer - ce qui reste à voir - que le caractère obligatoire de la souscription du service Hospi Solidaire découle, comme l'affirme la Cour d'appel de Bruxelles, d'une contrainte ou, à tout le moins, d'une habilitation énoncée par la loi organique sur les mutuelles, l'attention devrait alors se porter sur l'article 86, paragraphe 1, CE, qui dispose que l'octroi par un État membre de droits exclusifs ou d'un monopole légal de gestion à des entreprises déterminées ne dispense pas celui-ci du respect des règles de concurrence. Ainsi, un État membre qui accorde de tels droits ou un tel monopole enfreint l'article 86, paragraphe 1, CE lorsqu'il crée une situation dans laquelle le(s) titulaire(s) de ces prérogatives est (sont) nécessairement amené(s) à contrevenir à l'article 82 CE, notamment parce qu'il(s) n'est (ne sont) manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour le type d'activités concernées [31]. Toute la question serait alors de savoir si, en l'espèce, le service complémentaire obligatoire fourni par les mutualités chrétiennes francophones sur la base d'une prétendue obligation ou habilitation légale s'avère suffisant ou non au regard des besoins des 'consommateurs' que ce service est censé rencontrer.
Avantages licites ou aides d'État? |
29.Si les activités complémentaires des mutualités chrétiennes francophones devaient être qualifiées d'activités économiques, il conviendrait de confronter les avantages allégués par les assureurs privés aux articles 87 et 88 CE, relatifs aux aides d'État. À nouveau, il n'entre pas dans nos intentions de fournir une réponse toute faite à cette question, dont l'examen relève en effet de la seule compétence des autorités européennes. Qu'il nous soit toutefois permis de poser, en toute objectivité, les termes de cet épineux débat.
30.La pratique, tant administrative que judiciaire, des institutions européennes a progressivement développé une conception large de la notion d'aide d'État au sens de l'article 87 CE, couvrant aussi bien les mesures se traduisant par un transfert de ressources des pouvoirs publics vers une ou des entreprises ou productions relevant du secteur privé (subvention ou garantie de l'État, notamment) que les mesures prenant la forme d'un allègement des charges grevant normalement le budget d'une entreprise. La qualification d'aide d'État suppose néanmoins que la mesure en cause soit sélective: celle-ci doit avoir pour objet ou pour effet de favoriser une ou des entreprise(s) ou production(s), à l'exclusion d'autres. L'application de l'article 87 CE exige en outre que la mesure affecte les échanges interétatiques et faussent ou menacent de fausser la concurrence.
31.Les subsides étatiques font l'objet d'un régime particulier lorsque leur destinataire est une entreprise publique ou une entreprise chargée de la gestion de services d'intérêt économique général, qui, en marge de ses activités de service public ('activités réservées'), développe des activités 'concurrentielles'. Après avoir considéré que de tels subsides doivent être considérés comme des aides d'État (avec la conséquence qui en découle en termes de notification préalable à la Commission), toutefois compatibles avec le marché commun s'ils ne font que compenser les surcoûts liés aux obligations de service public (nécessité d'assurer l'accès universel au service concerné) sans bénéficier aux activités concurrentielles [32], la juridiction communautaire estime aujourd'hui que ces avantages, dans la mesure où ils ne sont que la contrepartie des prestations inhérentes aux obligations de service public, échappent carrément à la qualification d'aide d'État [33].
Certes, cette jurisprudence a été façonnée dans le contexte particulier des entreprises de service public, mais l'on ne voit pas ce qui pourrait faire obstacle à sa transposition aux dotations ou subventions perçues par les institutions en charge de la gestion d'un régime de sécurité sociale. Sur le plan du principe, cela signifierait donc qu'il n'y a pas d'aide d'État si la subvention n'excède pas les surcoûts liés à l'accomplissement des missions statutaires de sécurité sociale [34]. Dans le dossier qui nous intéresse, ce raisonnement analogique impliquerait qu'il soit procédé à une investigation approfondie tendant à vérifier si les dotations et subsides perçus par les mutualités chrétiennes francophones sont affectés exclusivement à leur mission légale de sécurité sociale, auquel cas l'existence d'une aide d'État devrait être écartée, ou bénéficient aussi, en partie, à leurs activités d'assurance complémentaire hospitalisation, auquel cas il conviendrait de conclure à l'existence d'une telle aide et d'examiner si celle-ci est de nature à affecter les échanges interétatiques et à fausser la concurrence dans le marché commun [35].
32.La question se présente sous un jour différent en ce qui concerne l'exemption de la taxe assimilée au timbre dont bénéficient les cotisations d'assurance complémentaire versées dans le cadre des services Hospi, ainsi que la réservation aux versements effectués à une mutualité de l'avantage fiscal lié aux primes d'assurance libre 'petits risques' des travailleurs indépendants. Il convient ici de se demander si de telles mesures, qui reviennent à conférer des avantages fiscaux aux preneurs d'assurance uniquement lorsque ceux-ci souscrivent leur contrat auprès d'une catégorie précise de prestataires d'assurance complémentaire de soins de santé, ne relèvent pas de la qualification d'aides d'État en ce qu'elles sont de nature à orienter le choix des preneurs d'assurance vers cette catégorie d'opérateurs et, donc, à procurer à celle-ci un avantage indirect par rapport aux entreprises d'assurance privée opérant sur le marché de l'assurance hospitalisation. L'on soulignera, à cet égard, que, aux termes de l'article 87, paragraphe 2, sous a), CE, sont compatibles avec le marché commun 'les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits'. Même si la jurisprudence communautaire n'offre à ce jour aucun élément de réponse sur ce point, l'on ne peut exclure, à la lecture de cette disposition, qu'une distinction opérée dans l'octroi d'un avantage fiscal aux preneurs d'assurance en fonction du statut du prestataire recèle un élément d'aide d'État. Encore conviendrait-il alors de vérifier si sont réunies les autres conditions dont dépend l'incompatibilité d'une telle aide avec le marché commun.
33.Enfin, il resterait à examiner, le cas échéant, l'applicabilité éventuelle en l'espèce de la dérogation aux règles de concurrence énoncée à l'article 86, paragraphe 2, CE et tenant à la nécessité de préserver l'accomplissement d'une mission de service d'intérêt économique général. Le bénéfice éventuel de cette dérogation passe toutefois par une réponse invariablement affirmative à toute une série de questions, sur lesquelles les indications de la jurisprudence sont, c'est le moins qu'on puisse dire, bien parcimonieuses à l'heure actuelle: l'organisation par des mutuelles d'une couverture complémentaire d'assurance hospitalisation au profit de leurs affiliés constitue-t-elle un service 'd'intérêt économique général' au sens de la jurisprudence de la CJCE [36]? Les mutualités chrétiennes se sont-elles vu confier la gestion d'un tel service par l'État [37]? Le prétendu octroi par l'État de droits exclusifs et d'un monopole fiscal aux mutualités chrétiennes francophones pour l'offre de ces services complémentaires est-il nécessaire à l'accomplissement de leur mission d'intérêt économique général dans des conditions financièrement acceptables [38]?
Conclusion |
34.Tels sont, schématiquement esquissés, les termes du débat, tel que celui-ci se présente sous l'angle du droit de la concurrence. L'on s'aperçoit en définitive que la valse-hésitation des juridictions belges sur le statut de l'offre de services complémentaires des mutualités chrétiennes francophones au regard de la législation sur les pratiques du commerce n'a d'équivalent que l'imprévisibilité de la solution qui pourrait sceller cet épineux dossier si, d'aventure, celui- ci devait un jour trouver son épilogue devant les instances en charge du respect des règles européennes de concurrence.
L'application de ces règles est en effet affaire de critères juridiques, mais aussi de paramètres économiques et sociaux, sans parler des sensibilités fort variables qui peuvent animer les décideurs de tous bords (politiques, administratifs, judiciaires) dans un contexte marqué depuis quelques années par la recherche d'un meilleur équilibre entre la logique économique du marché et les considérations de politique sociale.
35.La controverse suscitée par les services complémentaires déployés par les mutualités chrétiennes francophones n'est finalement pas sans rappeler la polémique qui a vu le jour, il y a quelques années, lorsque les assureurs se sont mis à investir le marché de la finance avec des produits de plus en plus apparentés à des produits de pure capitalisation. La réaction ne s'est pas fait attendre. Confortablement calfeutrés jusque là dans une relative indifférence, les privilèges fiscaux et civils de l'assurance vie ont dû soudainement essuyer une fronde de contestation avec, en point d'orgue, l'émergence d'une jurisprudence de plus en plus hostile à leur égard.
Comparaison n'est pas raison. Il n'empêche que cette expérience voisine, conjuguée à une certaine radicalisation du discours des tenants d'une privatisation de la sécurité sociale en ces temps de pessimisme quant à l'avenir de celle-ci, montre clairement que, en étendant leur champ d'action au- delà du périmètre de leurs missions réservées, les mutualités chrétiennes francophones ont autant à perdre qu'à gagner.
[1] | Référendaire à la Cour de justice des Communautés européennes. Maître de conférences invité à l'UCL. Les opinions exprimées dans cette contribution n'engagent que leur auteur. |
[2] | Comm. Bruxelles 16 juin 2003 (Test-Achats/ING Insurance), R.D.C. 2003, 883. |
[3] | Voy. cet arrêt repris dans ce numéro, p. 285. |
[4] | Sont exclus de la couverture les frais supplémentaires liés à un séjour en chambre particulière. |
[5] | Pour une analyse détaillée de cet arrêt, voir, notamment, H. Swennen, 'Verkopers van voorzorg - Vier opmerkingen bij het arrest nr. 102/2001 van het Arbitragehof van 13 juli 2001', R.W. 2001-02, n° 16, pp. 554-558; F. Longfils, 'Le vendeur et le concurrent: l'habit fait-il le moine?', R.D.C./T.B.H. 2002, pp. 339-349. |
[6] | Voir déjà en ce sens l'arrêt de la Cour d'arbitrage n° 23/92 du 2 avril 1992. Pour un commentaire de cet arrêt, voir, notamment, J.-L. Fagnart, 'Assurances, banques, mutualités: convergences ou divergences?', Bulletin des Assurances 1995, pp. 24-25. |
[7] | Ce faisant, la Cour d'arbitrage confirme la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle seul l'accomplissement d'actes de commerce confère la qualité de 'vendeur' aux fins de l'application des artt. 1er, 6°, et 93 de la LPCC (F. Longfils, o.c., p. 342). |
[8] | Voir le communiqué de presse publié par les mutualités chrétiennes à la suite du prononcé de cet arrêt. |
[9] | Voir le commentaire de l'arrêt figurant sous la signature de W. Robijns dans l'Assurinfo n° 21 du 12 juin 2003, p. 2. |
[10] | Dans l'arrêt du 3 juillet 2001, la Cour d'arbitrage, après avoir indiqué qu'il ne lui revient pas de se demander si l'interprétation de la notion de vendeur dégagée par la Cour de cassation est conforme aux règles européennes de la concurrence, a néanmoins tenu à souligner que la différence de traitement opérée par le législateur entre les mutuelles et les assureurs privés dans le cadre de la législation sur les pratiques du commerce 'n'a pas pour effet de rendre inapplicables les règles de la concurrence, européennes et internes, aux activités des mutuelles qui entreraient dans le champ d'application de ces règles'. Elle a ajouté que 'la méconnaissance de ces règles pourra être alléguée dans tout litige soumis aux juridictions compétentes' (point B.15 de l'arrêt). |
[11] | Loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique (M.B. 11 octobre 1991). Pour un commentaire de cette loi, voy. notamment, M. Waelbroeck et J. Bouckaert, 'La loi sur la protection de la concurrence économique', J.T. 1992, pp. 281 et s.; P. De Vroede, De wet tot bescherming van de economische mededinging, Mys & Breesch, 1997. |
[12] | Artt. 81 à 89 (ex-artt. 85 à 94) du traité CE. |
[13] | Voy., en droit belge, l'art. 1er, littera a), de la loi du 5 août 1991 et, en droit européen, les arrêts de la CJCE du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec., p. I-1979, point 21, et du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, Rec., p. I-637, point 17. |
[14] | Voy. notamment, F. Longfils, o.c., p. 348. |
[15] | Arrêt cité à la note de bas de page 13. |
[16] | C-244/94, Rec., p. I-4013. |
[17] | Pour une analyse approfondie de cette jurisprudence, voy. notamment, J.-M. Binon, 'Solidarité et assurance: mariage de coeur ou de raison?', Revue du Marché Unique Européen 1997, pp. 87-140; J.-M. Binon et H. Claassens, 'La protection sociale complémentaire en droit européen: cadre général, acquis et questions pendantes', in La protection sociale complémentaire dans l'Union européenne - La problématique des pensions et des soins de santé (C. Van Schoubroeck (ed.)), Anvers - Louvain-la-Neuve, Maklu - Academia-Bruylant, 2003, pp. 44-48; A. Bosco, 'Vers une remise en cause des systèmes nationaux de protection sociale? Observations sur la jurisprudence récente de la Cour de justice', Notre Europe, Problématiques européennes, n° 7, juillet 2000, p. 6 et les références citées dans cette étude; les commentaires de H. Cousy dans ses 'Conclusions' de la journée d'étude consacrée par le DES en droit et économie des assurances et le DES en sciences actuarielles de l'UCL en décembre 1999 aux nouveaux produits d'assurance vie en droit civil et en droit fiscal [Les nouveaux produits d'assurance vie - Droit civil et droit fiscal (B. Dubuisson et C. Jaumain (éd.)), Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2000, pp. 195-196)]; V.G. Hatzopoulos, 'Do the Rules on Internal Market Affect National Health Care Systems?', in The Impact of EU Law on Health Care Systems (M. Mc Kee, E. Mossialos et R. Baeten (ed.)), Presses interuniversitaires européennes, 2002, pp. 146-148; B. Karl, 'Competition Law and Health Care Systems', in The Impact..., o.c., pp. 161-170; A. Nijenhuis, 'The Application of EC Competition Law to Supplementary Pension Funds', Euredia 2000/3, pp. 340-351. |
[18] | C-238/94, Rec., p. I-1673. |
[19] | Arrêts de la CJCE du 21 septembre 1999, Albany, C-67/96, Rec., p. I-5863, Brentjens', C-115/97 à C-117/97, Rec., p. I-6029, et Drijvende Bokken, C- 219/97, Rec., p. I-6125. Voir également les arrêts de la CJCE du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C-180/98 à C-184/98, Rec., p. I-6451, et du 21 septembre 2000, van der Woude, C-222/98, Rec., p. I-7111. Pour une analyse de ces arrêts, voy. notamment, J.-B. Blaise et L. Idot, 'Chronique Concurrence (1999) ', Revue Trimestrielle de Droit Européen 2000, pp. 768-769; L. Gyselen, Common Market Law Review 2000, pp. 425-448; V.G. Hatzopoulos, o.c., pp. 144-148; L. Idot, 'Droit social et droit de la concurrence: confrontation ou cohabitation?', Europe, Éditions du Juris-Classeur novembre 1999, pp. 4-8; J.-P. Lhernould, 'Nouvelles dérives libérales de la CJCE en matière de retraite complémentaire - CJCE 12 septembre 2000', Droit Social 2000, pp. 1114-1117; A. Nijhenhuis, o.c., pp. 340-350; R. Van den Bergh et P. Camesasca, 'Irreconciliable Principles? The Court of Justice Exempts Collective Labour Agreements from the Wrath of Antitrust', European Law Review 2000, pp. 492-508. |
[20] | C-206/98, Rec., p. I-3509. Pour un commentaire de cet arrêt, voy. notamment, J.-M. Binon et B. Dubuisson, 'Les implications de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 18 mai 2000 sur l'assurance contre les accidents du travail', Revue Générale des Assurances et des Responsabilités 2001, 13350; H. Claassens, 'L'assurance accidents du travail en Belgique à la croisée des chemins entre prévoyance privée et prévoyance publique ou sociale en Europe?', observations sous cet arrêt, R.D.C. 2001, pp. 149-155; B. Van Crombrugghe, 'La libéralisation de l'assurance des accidents du travail en Belgique', observations sous cet arrêt, Bull. ass. 2000, pp. 599-613. |
[21] | Conclusions de l'avocat général M. Saggio du 20 janvier 2000 sous l'arrêt Commission/Belgique, précité. |
[22] | C-218/00, Rec., p. I-691. |
[23] | Tandis que le droit de la concurrence, de portée essentiellement économique, vise principalement les comportements collectifs susceptibles de fausser le libre jeu de la concurrence sur les marchés, la législation sur les pratiques du commerce, d'inspiration essentiellement consumériste, entend surtout proscrire les comportements individuels de nature à nuire aux intérêts des consommateurs de produits ou de services. |
[24] | Voy. en ce sens, l'arrêt de la CJCE du 16 juin 1987, Commission/Italie, 118/85, Rec., p. 2599, point 7. |
[25] | Le passage pertinent des conclusions se lit comme suit: 'En deuxième lieu, selon les défenderesses [à savoir, des entreprises pharmaceutiques contestant des décisions prises par les caisses de maladie allemandes de modifier le montant des remboursements de médicaments], il existe également une certaine possibilité pour les caisses d'être en concurrence sur les services qu'elles offrent. Quoique le niveau de base des prestations soit fixé par la loi, les caisses disposent, aux dires des défenderesses, d'une certaine marge quant à la manière de remplir leurs obligations. Il leur est par exemple permis de décider d'offrir ou non certains traitements complémentaires et préventifs. Si l'affirmation des défenderesses est exacte, les caisses sont donc en mesure de se distinguer les unes des autres en s'efforçant de se rendre plus attrayantes aux yeux des assurés'. |
[26] | L'application de l'art. 81, § 1, sous e), CE, qui condamne les ententes consistant à 'subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats', paraît devoir être écartée, compte tenu du lien évident, en termes d'objet, entre la couverture de base garantie par les mutualités chrétiennes francophones, le service Hospi Solidaire et les services Hospi Facultative. |
[27] | Il convient, à cet égard, de prendre en compte la communication de la Commission sur les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence (JO C 368 du 22 décembre 2001, p. 13). À la lumière de la jurisprudence de la CJCE selon laquelle l'art. 81, § 1, CE n'est pas applicable aussi longtemps que l'incidence de l'accord ou de la décision sur les échanges intracommunautaires ou sur la concurrence n'est pas sensible, la Commission considère que les accords entre entreprises, les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de cette disposition si la part de marché cumulée détenue par les parties concernées ne dépasse 10% sur aucun des marchés affectés par l'accord, la pratique concertée ou la décision, lorsqu'il s'agit d'un comportement concerté entre entreprises d'un même secteur. |
[28] | Voy. notamment les arrêts de la CJCE du 17 novembre 1993, Meng, C-2/91, Rec., p. I-5751, et Ohra, C-245/91, Rec., p. I-5851, du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C-359/95 et C-379/95, Rec., p. I-6265, et du 9 septembre 2003, CIF, C-198/01, non encore publié au Recueil. Il convient d'ajouter que, si l'exception tirée de l'action étatique était applicable, les mutualités chrétiennes ne pourraient pas être tenues pour responsables d'une violation de l'art. 81 CE, mais les dispositions de droit belge pourraient elles-mêmes faire l'objet d'un recours au motif qu'elles ont enfreint l'obligation imposée aux États membres par les dispositions combinées des artt. 3, § 1, sous g), 10 et 81 CE. En vertu d'une jurisprudence constante, les États membres ne peuvent en effet imposer ou favoriser la conclusion d'ententes contraires à l'art. 81 CE, en renforcer les effets ou retirer à leur propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique (voy. notamment, les arrêts de la CJCE du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec., p. I-3851, et CIF, précité). |
[29] | Arrêt CIF, précité. |
[30] | L'art. 81, § 3, CE, qui contient les motifs de dérogation possible au principe d'interdiction énoncé au § 1, ne nous apparaît d'aucune pertinence en l'espèce. En effet, outre le fait que le bénéfice éventuel de ce régime dérogatoire eût supposé une notification préalable du comportement collectif envisagé à la Commission européenne, il est difficile de voir dans la démarche des mutualités chrétiennes francophones une mesure qui, ainsi que l'exige l'art. 81, § 3, CE, 'contribue[...] à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte'. |
[31] | Voy. par exemple, arrêt Höfner et Elser, cité à la note de bas de page 13, et arrêt de la CJCE du 11 décembre 1997, Job Centre, C-55/96, Rec., p. I- 7119. Voy. également les arrêts Albany, Brentjens' et Drijvende Bokken, cités à la note de bas de page 19, relatifs aux fonds de pension néerlandais à affiliation obligatoire, dans lesquels la CJCE a écarté l'existence d'une infraction aux artt. 82 et 86, § 1, CE au motif que ces fonds rencontrent de manière satisfaisante la demande du marché, puisque, en vertu du régime qu'ils proposent, tout travailleur ayant cotisé pendant la durée maximale d'affiliation audit régime obtient une pension - pension légale comprise - égale à 70% de son dernier salaire. |
[32] | Arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPI) du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T-106/95, Rec., p. II-229, confirmé par la CJCE sur pourvoi dans l'arrêt du 25 mars 1998, FFSA e.a./Commission, C-174/97 P, Rec., p. I-1303. |
[33] | Arrêt de la CJCE du 22 novembre 2001, Ferring, C-53/00, Rec., p. I-9067. Le récent arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C-280/00, non encore publié au Recueil), a donné à la CJCE l'occasion de confirmer cette approche, en précisant les critères permettant de déterminer si la subvention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par le bénéficiaire pour exécuter des obligations de service public. Ces critères sont au nombre de quatre: premièrement, l'entreprise bénéficiaire doit avoir été effectivement chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent avoir été clairement définies; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente; troisièmement, la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations; quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public n'a pas été effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit avoir été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée pour pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. L'on ajoutera que le législateur communautaire a adopté des dispositions prévoyant l'établissement d'une comptabilité analytique pour les entreprises en charge de missions de service public, qui exercent parallèlement des activités dans des secteurs concurrentiels [directive 2000/52/CE de la Commission, du 26 juillet 2000, modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (JO L 193, p. 75)]. La tenue d'une telle comptabilité doit contribuer à assurer que l'apport financier accordé par les pouvoirs publics à une entreprise de cette nature ne dépasse pas le montant des surcoûts découlant de l'accomplissement de sa mission d'intérêt économique général et ne bénéficie donc pas à ses éventuelles activités concurrentielles. |
[34] | Un aménagement des critères définis dans l'arrêt Altmark s'imposerait bien sûr pour tenir compte des spécificités propres du fonctionnement et de la gestion d'un régime de sécurité sociale. |
[35] | L'on soulignera à cet égard que, comme en matière d'accords, de pratiques concertées et de décisions d'associations d'entreprises, la Commission a adopté une réglementation sur les aides d'État d'importance mineure (dans le jargon, les 'aides de minimis'), dans laquelle elle indique que des aides de faible importance ne sont pas à considérer comme étant de nature à affecter les échanges et la concurrence dans la Communauté [voir la communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO C 68 du 6 mars 1996, p. 9) et le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des artt. 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO L 10 du 13 janvier 2001, p. 30)]. Pour pouvoir être considérée comme une aide de minimis, l'aide accordée à une même entreprise ne peut excéder 100.000 euros sur une période de trois ans. |
[36] | Sur ce point, l'on se permettra de relever le caractère évolutif de l'interprétation conférée à cette notion par la CJCE dans les arrêts Albany, Brentjens' et Drijvende Bokken cité à la note de bas de page 19, où il a été jugé que l'exercice d''une fonction sociale essentielle' dans le système national de sécurité sociale (en l'occurrence, celui des pensions aux Pays-Bas) correspond à une mission d'intérêt économique général au sens de l'art. 86, § 2, CE. |
[37] | Ce qui nous ramène à la question de l'origine - légale ou non - de la décision des mutualités chrétiennes francophones de développer des assurances complémentaires hospitalisation. |
[38] | À ce sujet, la principale indication utile de la jurisprudence réside, une fois encore, dans les arrêts relatifs aux fonds de pension néerlandais à affiliation obligatoire, dans lesquels la CJCE a jugé que la suppression du droit exclusif conféré à ces fonds pourrait aboutir à l'impossibilité pour eux d'accomplir les missions d'intérêt économique général qui leur ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables et mettre en péril leur équilibre financier. En effet, en pareil cas, a estimé la CJCE, 'les entreprises employant un personnel jeune et en bonne santé exerçant des activités qui ne sont pas dangereuses rechercheraient des conditions d'assurance plus avantageuses auprès d'assureurs privés', ce qui laisserait aux fonds 'la gestion d'une part croissante de 'mauvais' risques, provoquant ainsi une hausse du coût des pensions des travailleurs'. L'on relèvera que la juridiction communautaire a été particulièrement sensible, dans ces affaires, au fait que les fonds concernés sont soumis à une série de 'contraintes de fonctionnement' rendant leurs services 'moins compétitif qu'un service comparable fourni par les compagnies d'assurances', à savoir 'un degré élevé de solidarité en raison, notamment, de l'indépendance des cotisations par rapport au risque et de l'obligation d'accepter tous les travailleurs sans examen médical préalable'. |