Cour d'arbitrage 10 décembre 2003
DROIT FINANCIER
Loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers - Recours en annulation
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Siég.: A. Arts et M. Melchior (présidents), L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke (juges) |
Pl.: R. Wtterwulghe, B. Cambier, J. Laurent, et F. Givron (pour les parties requérantes et les parties intervenantes), X. Dieux, et F. Vincke (pour le Conseil des Ministres) |
Deminor e.a. / Etat belge
1.L'arrêt de la Cour d'arbitrage du 10 décembre 2003 marque une nouvelle étape dans la résolution du conflit qui s'éternise à propos de la Banque Nationale de Belgique ('BNB').
Le 29 novembre 2002, Deminor International qui avait rassemblé autour d'elle un certain nombre d'actionnaires de la BNB, avait, en effet, introduit auprès de la Cour d'arbitrage une requête en annulation de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers ('Loi sur la surveillance financière'), entre autres des articles 141, §§ 2 et 9, et 49, §§ 6 et 7 de celle-ci.
Quoique cette loi, en totale conformité avec son intitulé, comporte essentiellement une réforme fondamentale (i) du cadre institutionnel de la surveillance financière belge et (ii) de la constitution des marchés secondaires belges pour les instruments financiers [1], elle intègre également un certain nombre de dispositions relatives au statut organique de la BNB.
Ce sont précisément ces dernières dispositions dont Deminor International et consorts craignaient qu'elles puissent hypothéquer leurs prétentions de base en tant qu'actionnaires (minoritaires) de la BNB - et qui ont donné lieu à la requête précitée.
D'une manière quelque peu simplifiée, ces prétentions de base ont trait plus précisément à leur droit ou non sur les réserves d'or et de devises de la BNB, ce qui a naturellement un impact sur la valorisation de la BNB et partant, a, à son tour, entraîné une spéculation sur le titre concerné.
Dans sa décision du 10 décembre 2003, la Cour d'arbitrage rejette le recours en annulation. Il faut maintenant attendre le prochain coup dans ce jeu de poker juridique...
2.Le premier point litigieux traité dans cette procédure a trait à l'article 141, § 2 de la Loi relative à la surveillance financière, qui a introduit un nouvel article 9bis dans la loi du 22 février 1998 fixant le statut organique de la B.N.B. ('Loi BNB').
Aux termes de cette disposition, les réserves externes officielles (à savoir les réserves d'or et de devises) de l'Etat belge, détenues et gérées par la BNB, sont destinées à l'exécution des tâches d'intérêt général confiées par l'Etat belge à la BNB.
Suivant les requérants et les parties intervenantes, cela impliquerait qu'une partie importante du patrimoine de la BNB soit transférée à l'Etat belge (actionnaire majoritaire de la BNB) de manière illégitime et discriminatoire - et cela reviendrait même à un impôt qui ne serait prélevé qu'à charge de la BNB.
La Cour d'arbitrage décide toutefois que la disposition attaquée confirme simplement le statut juridique de ces réserves externes officielles et que cela ne change rien quant à leur droit de propriété.
3.Une deuxième question juridique concerne l'article 141, § 9 de la Loi relative à la surveillance financière suivant lequel l'article 31, alinéa 2 de la Loi BNB est interprété en ce sens que le droit d'émission dont il y est question comprend celui que la BNB peut exercer dans le contexte européen.
Cette interprétation de l'article précité est importante parce que cet article prévoit qu'à l'expiration du droit d'émission de la BNB, un cinquième du fonds de réserve est acquis par priorité à l'Etat belge et que les quatre cinquièmes restants sont répartis entre tous les actionnaires.
Les requérants et les parties intervenantes soutiennent que le droit d'émission de la BNB a expiré lors de l'introduction de l'euro (et été repris par la Banque Centrale Européenne), et ne peut être restauré avec effet rétroactif, portant ainsi atteinte aux droits acquis des actionnaires (minoritaires) et que le législateur s'est donc immiscé dans la procédure pendante devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles, telle qu'intentée par les actionnaires minoritaires.
Pour sa part, la Cour d'arbitrage relève par contre que la disposition attaquée n'est qu'une disposition interprétative, qui se borne à confirmer le droit d'émission existant - et donc à aucun moment expiré - de la BNB.
4.Enfin, les articles 49, §§ 6 et 7 de la Loi relative à la surveillance financière ont été visés parce que la composition et le fonctionnement du comité de direction de la Commission bancaire et financière qui y sont repris conduirait à l'inefficacité ou constituerait une menace au principe d'impartialité.
Suivant la lecture de la disposition attaquée par la Cour d'arbitrage, l'efficacité de la prise de décision est préservée, la Cour d'arbitrage estimant, en outre, qu'il existe des garanties suffisantes relativement à l'impartialité de la prise de décision.
[1] | Pour de premiers commentaires sur les différentes facettes de cette législation: D. Napolitano, 'Hertekend beurslandschap: klaar voor de 21ste eeuw?', T.R.V. 2003, 128-147; E. Ponnet et A. Van Cauwenberge, 'Naar een financieel toezicht voor de 21ste eeuw: de Wet van 2 augustus 2002 betreffende het toezicht op de financiële sector en de financiële markten', T.R.V. 2003, 3-35; L. Van Bever, 'Gedragsregels voor financiële tussenpersonen', T.R.V. 2003, 237-285; J. Van Lancker et K. Verdoodt, 'Nieuwe regels inzake marktmanipulatie en misbruik van voorkennis', T.R.V. 2003, 36-68. |