Article

Cour d'appel Bruxelles, 21/03/2002, R.D.C.-T.B.H., 2004/2, p. 193-195

Cour d'appel de Bruxelles 21 mars 2002

BOURSE - OPÉRATIONS FINANCIÈRES
Produits dérivés - Société de bourse - Responsabilité de l'intermédiaire financier (non) - Couverture des risques - Obligation d'information
Dans le cadre du règlement du marché de la bourse de Bruxelles approuvé par l'arrêté ministériel du 16 avril 1996, l'exigence d'une couverture par l'intermédiaire financier n'est plus une obligation. Néanmoins, l'intermédiaire financier doit veiller à obtenir de ses clients les garanties nécessaires à la bonne fin de leurs engagements. Le montant de la couverture est laissé à l'appréciation de la société de bourse, sans que cette couverture ne doive couvrir la totalité de la transaction envisagée.
Remplit son obligation d'information, la société de bourse qui attire l'attention de ses clients sur le danger du maintien de leur position haussière sur des options et leur conseille de couvrir la position par la mise d'un 'stop loss'.
BEURS - FINANCIËLE VERRICHTINGEN
Afgeleide producten - Beursvennootschap - Aansprakelijkheid van de financiële tussenpersoon (neen) - Dekking van de risico'sInformatieplicht
In het kader van het marktreglement van de Brusselse beurs goedgekeurd bij Ministerieel Besluit van 16 april 1996, is de vereiste tot dekking door de financiële tussenpersoon geen verplichting meer. Niettemin, moet de financiële tussenpersoon ervoor waken om van zijn cliënten de nodige garanties te bekomen onder voorbehoud van de goede afloop van hun verbintenissen. Het bedrag van de dekking wordt aan de vrije beoordeling van de beursvennootschap overgelaten, zonder dat deze de voorgenomen transactie volledig moet dekken.
De beursvennootschap die haar cliënten attent maakt op het gevaar van het behoud van hun positie op opties en hen aanraadt hun positie te dekken door toepassing van een 'stop loss', vervult haar informatieplicht.

L. De Peckecyn, P. Saligot, A. Colonval / SA Riga

Siég.: Regout (président de la chambre), Diercxsens et Schurmans (conseillers)
Pl.: Mes Berlier, Tossens et Cnapelinckx

(...)

Faits et antécédents de la procédure

L'action originaire de la SA Riga & Cie (ci-après la SA Riga) tendait à voir condamner les appelants au paiement des soldes débiteurs de trois comptes conjoints ouverts dans ses livres.

Le 30 novembre 1995, les époux Van Herpe-De Pelecyn ont signé une première convention d'ouverture de compte auprès de la SA Riga. M. Van Herpe a ouvert ensuite un deuxième compte conjointement avec M. Colonval puis un troisième conjointement avec M. Saligot.

Les appelants ont rapidement fait le choix de prendre des positions spéculatives à terme, portant notamment sur des warrants call NKQC, c'est-à-dire des produits dérivés dont la valeur évolue en fonction de la valeur d'autres instruments sous-jacents et en fonction de la variation des cours jusqu'au terme.

À la fin du mois d'octobre 1996, la SA Riga a attiré l'attention de M. Van Herpe sur les risques qu'il courait en maintenant sa position spéculative sur certains warrants et lui a conseillé de couvrir sa position, par la mise d'un 'stop loss' à 11 francs belges sur les warrants NKQC.

Au lieu de suivre ces conseils, M. Van Herpe a mis un 'stop loss' à 7 francs belges sur ces warrants, ce qui a provoqué une perte pour les appelants.

Par lettres recommandées du 4 novembre 1996, la SA Riga a mis les époux Van Herpe et M. Colonval en demeure d'effectuer un dépôt complémentaire en titres ou en espèces de 1.120.000 francs belges pour le premier compte et de 338.000 francs belges pour le troisième compte. Ces montants représentaient le découvert du compte augmenté de la couverture nécessaire pour maintenir la position haussière sur les warrants NKQC.

Le 6 novembre 1996, en réaction à une interpellation de M. Van Herpe, la SA Riga a confirmé à ce dernier une série de précisions sur le risque couru, lui rappelant qu'il avait versé un complément de couverture mais inférieur au montant demandé.

Le 25 novembre 1996, la SA Riga a demandé à MM. Van Herpe et Colonval d'apurer le solde débiteur de leur compte.

Le 6 décembre 1996, elle a demandé à M. Van Herpe d'une part et à M. Saligot d'autre part de compléter leur garantie en apportant une somme de 200.000 francs belges minimum pour le mardi 10 décembre.

MM. Van Herpe et Saligot ont maintenu leur position haussière promettant de verser une couverture complémentaire de 500.000 francs belges mais n'ont pas donné suite à leur promesse.

La SA Riga a dénoué d'office les positions spéculatives en warrants NKQC. Le dénouement de ces positions a fait apparaître les soldes débiteurs dont la SA Riga demande actuellement le paiement.

Le premier juge a condamné les appelants au paiement de ces soldes augmentés des intérêts à dater des mises en demeure.

Les appelants contestaient ces réclamations et postulaient reconventionnellement l'indemnisation des préjudices qu'ils imputaient à la responsabilité de la SA Riga.

Le premier juge a rejeté cette demande reconventionnelle.

Devant la cour, les appelants réitèrent leur contestation des demandes principales de la SA Riga et leur demande reconventionnelle et postulent la désignation d'un expert 'pour déterminer les préjudices matériel et moral subis par les appelants du fait que l'intimée n'a pas respecté les stipulations de la législation existante, tout comme elle n'a pas respecté les règles déontologiques dominant sa profession'.

Discussion
1. Les règles applicables

Selon les pièces des dossiers des parties, toutes les opérations litigieuses sont postérieures au 30 avril 1996. Par conséquent, il faut appliquer en l'espèce les règles relatives à la couverture des opérations de bourse contenues dans l'arrêté ministériel du 16 avril 1996 portant approbation du règlement du marché de la Bourse de Bruxelles seules en vigueur depuis le 30 avril 1996.

L'article 84 de ce règlement dispose que 'le membre peut soumettre toute exécution d'un ordre d'un investisseur à la remise d'une couverture'.

Aux termes de l'article 86 'le membre veille à tout moment à obtenir de son client les garanties nécessaires à la bonne fin des engagements pris par celui-ci'.

L'article 87 prévoit que 'au cas où son client n'a pas remis au membre les instruments financiers et/ou les fonds objets de la couverture exigée, au plus tard le lendemain de la demande, le membre peut, sans mise en demeure préalable, procéder au rachat des titres vendus et non livrés ou à la revente des titres achetés et non payés. Dans ce cas, les frais et les risques sont à la charge du client défaillant'.

Par ailleurs, les appelants invoquent à tort un prétendu usage bancaire selon lequel une couverture de 100% de l'opération devrait être demandée au client.

Les documents bancaires qu'ils produisent indiquent uniquement que le banquier 'se réserve le droit' de n'exécuter un ordre que si le donneur d'ordre a veillé à une couverture suffisante ou à concurrence du disponible en compte, ce qui n'implique aucune obligation pour le banquier d'exiger une couverture d'un montant déterminé.

En toute hypothèse, ce prétendu usage bancaire ne pourrait s'appliquer à la SA Riga qui est une société de bourse.

2. En l'espèce

Les dispositions du règlement précité du marché de la Bourse de Bruxelles ne sanctionnent pas de nullité les opérations qui auraient été conclues sans qu'une couverture ou des garanties suffisantes soient constituées.

Elles ne précisent pas davantage le montant de la couverture ou des garanties qui doivent être exigées. Ce montant est laissé à l'appréciation du membre et une couverture totale n'est en tout cas pas exigée. À titre indicatif, on relèvera que préalablement à l'entrée en vigueur de l'arrêté ministériel du 16 avril 1996, seule une couverture de 25% était requise.

En l'espèce, il n'est pas établi que la SA Riga aurait négligé de demander aux appelants une couverture ou des garanties suffisantes pour l'une quelconque des opérations. Le seul fait que les comptes des appelants auraient été débiteurs à un certain moment ne suffit pas à démontrer la négligence de la SA Riga.

Au contraire, il ressort de la correspondance échangée entre parties que dès la fin du mois d'octobre 1996, la SA Riga a attiré l'attention de M. Van Herpe, titulaire des trois comptes litigieux, sur le danger des opérations auxquelles il se livrait et lui a réclamé une couverture complémentaire.

Par ailleurs, à plusieurs reprises depuis l'ouverture des comptes litigieux, les appelants ont versé d'importants compléments de couverture.

En outre, la SA Riga a dénoué les opérations dès qu'elle a acquis la certitude que des garanties nouvelles suffisantes ne seraient pas constituées par les appelants malgré leurs promesses. La première réaction des appelants, pourtant déjà assistés d'un conseil, a été de critiquer le dénouement des opérations non la prétendue tardiveté de celui-ci.

Les appelants soutiennent également à tort que la SA Riga aurait violé les règles déontologiques concernant sa profession et ses devoirs et particulièrement l'article 36 de la loi du 6 avril 1995 et l'article 104 de l'arrêté ministériel du 16 avril 1996.

Les parties n'étaient pas liées par un contrat de gestion de fortune et la SA Riga se bornait à exécuter les ordres donnés par les appelants et particulièrement par M. Van Herpe.

La SA Riga a attiré l'attention des appelants, à plusieurs reprises et en temps utile, sur le danger du maintien de leur position haussière sur les warrants NKQC. Elle a même conseillé de couvrir la position par la mise d'un 'stop loss' à 11 francs belges. Les appelants ont pris librement et en pleine connaissance de cause des risques importants qu'ils doivent donc assumer puisqu'ils se sont entêtés dans la mauvaise voie et ont refusé de suivre les conseils avisés prodigués par la SA Riga.

Il ressort de la correspondance entre parties que les appelants n'ont certainement pas facilité le dialogue avec la SA Riga.

Pour le surplus, il n'est pas démontré que lorsque l'on achète des 'call', comme les appelants l'ont fait, il faut nécessairement acheter en même temps des 'put' de manière à éviter une catastrophe financière.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

(...)

Reçoit l'appel mais le dit non fondé;

(...)