Article

Tribunal de commerce Liège, 02/07/2002, R.D.C.-T.B.H., 2004/2, p. 183-190

Tribunal de commerce de Liège 2 juillet 2002

BANQUE - SÛRETÉ
Garantie bancaire - Contre-garantie - Conditions d'appel - Compétence territoriale - Crédit de signature
Quel que soit le caractère littéral, abstrait et inconditionnel d'une contre-garantie, son exécution doit être fonction de la bonne foi que le contre-garant doit à sa contrepartie donneur d'ordre.
Dès lors que garantie, contre-garantie et contrat de base sont autant d'éléments d'un ensemble contractuel concourant à l'exécution d'une même opération, il convient de veiller à ce que garantie et contre-garantie ne soient pas l'occasion frauduleuse ou abusive de ruiner le contrat de base et par là même, de pervertir l'élémentaire bonne foi à laquelle sont tenues les parties.
Il serait excessif de subordonner la preuve que doit apporter le donneur d'ordre du caractère manifestement abusif de l'appel, à la démonstration de l'existence d'une collusion entre banquier garant et contre-garant.
Une demande d'émission d'une contre-garantie relève d'une opération de crédit par signature qui n'implique nullement l'existence d'un mandat donné par le donneur d'ordre à la banque contre-garante de négocier en son nom et pour son compte les clauses de la contre-garantie.
BANK - ZEKERHEID
Bankwaarborg - Tegenwaarborg - Voorwaarden van beroep - Territoriale bevoegdheid - Handtekeningkrediet
Bankwaarborg - Tegenwaarborg - Voorwaarden van beroep - Territoriale bevoegdheid - Handtekeningkrediet
Ongeacht het letterlijke, abstracte en onvoorwaardelijke karakter van een tegenwaarborg moet de uitvoering ervan afhankelijk zijn van de goede trouw die de tegenborg aan zijn tegenpartij-opdrachtgever verschuldigd is.
Daar waarborg, tegenwaarborg en basiscontract allemaal elementen van een samenlopend contractueel geheel zijn, moet ervoor worden gezorgd dat waarborg en tegenwaarborg geen frauduleuze of onrechtmatige gelegenheid zijn om het basiscontract te beschadigen en dus de elementaire goede trouw waartoe de partijen gehouden zijn, aan te tasten.
Het zou overdreven zijn het bewijs dat de opdrachtgever van het duidelijk onrechtmatige karakter van het beroep moet leveren, ondergeschikt te maken aan het aantonen van het bestaan van een samenspanning tussen bankier-borgsteller en tegenborg.
Een aanvraag voor uitgifte van een tegenwaarborg ressorteert onder een kredietverrichting door ondertekening die geenszins het bestaan impliceert van een mandaat dat door de opdrachtgever aan de bank-tegenwaarborg is gegeven om in zijn naam en voor zijn rekening over de clausules van de tegenwaarborg te onderhandelen.

SA Eurofit / SA Fortis Banque

Siég.: Spirlet
Pl.: Mes Bernard, Brandenberg et Buyle
1. La procédure

Vu le dossier de la procédure notamment la citation en référé du 15 octobre 2001, les conclusions des parties et leurs dossiers;

Entendu les parties à l'audience publique des référés du 30 octobre 2001 en leurs explications, dires et moyens ensuite de quoi les débats ont été clos et la cause prise en délibéré.

2. Objet de l'action

La société Eurofit postule qu'injonction soit faite à la société Fortis Banque de reconstituer provisoirement le compte bancaire qu'elle a ouvert chez ce banquier à concurrence d'un montant global de 213.225 euros à la date où celui-ci l'a débité indûment de ce montant, soit au 9 octobre 2001, et ce, jusqu'à ce qu'une décision au fond ayant force de chose jugée intervienne fixant les droits et les obligations des parties.

La société Eurofit sollicite de surcroît que la condamnation de restitution qu'elle postule à l'encontre de la société Fortis Banque soit assortie d'une astreinte de 2.500 euros par jour de retard mis par Fortis à opérer cette restitution à dater de la signification qui lui sera faite de l'ordonnance à intervenir.

La société demanderesse Eurofit sollicite enfin que la décision à intervenir soit exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement et condamnation de Fortis aux dépens.

3. Les faits

La société Eurofit a conclu un contrat de fourniture et de montage d'une installation de production de desserts lactés avec la société algérienne Bonlait, au prix de 1.064.094,14 euros, le 13 mars 2001, contrat établi à Liège et contresigné par les organes dirigeants des deux sociétés, Monsieur G. Blaise pour Eurofit et Monsieur B. Soufi pour Bonlait (dossier Eurofit, p. 1).

Il n'est pas contestable qu'un premier contrat, ayant le même objet, était préalablement intervenu entre parties, le 15 juillet 2000, contrat qui paraît avoir été annulé et remplacé par le contrat du 13 mars 2001, pour des raisons qui restent indéterminées dans la mesure où les parties n'ont fait aucune allusion à ce premier contrat, dont les pièces que les parties produisent aux débats donnent à penser que l'économie était fort semblable sinon identique à celui avenu le 13 mars 2001 qui régit leurs rapports contractuels.

  1. Aux termes de ce contrat, la société Eurofit s'engageait notamment:

  2. à fournir tous les équipements à la société Bonlait, livraison qu'elle effectuerait au port de Caen sur un navire à destination d'Alger, affrètement qu'elle se chargeait d'effectuer sur mandat express de Bonlait et pour compte de celle-ci, les connaissements originaux étant transmis par voie bancaire à Bonlait, laquelle supporterait le coût du transport et en assumerait tous les risques à partir du port d'embarquement de Caen, cette livraison devant être effectuée au plus tard 60 jours après l'entrée en vigueur du contrat et 'dès lors après la réalisation de l'ensemble des conditions suspensives visées à l'article 12-8', comme stipulé à l'article 8-1 dudit contrat;
  3. à superviser le montage des équipements chez Bonlait, dans la banlieue d'Alger, par l'entremise d'un technicien qu'elle déléguerait sur le site de Bonlait;
  4. à exécuter l'ensemble des obligations contractuelles qui lui incombaient en se conformant aux règles de l'art;
  5. à ce que l'installation, une fois mise en place, atteigne certains critères de performance relatifs au rendement de production et à la qualité stérile des produits permettant leur conservation à température ambiante durant 8 jours au moins, critères qui seraient vérifiés par un organisme de contrôle international désigné de commun accord par les parties contractantes.

La société Bonlait s'engageait de son côté à payer à la société Eurofit pour l'ensemble des prestations ci-dessus mentionnées, la somme de 1.064.094,14 euros.

  1. La convention stipulait que cette somme serait payable à Eurofit:

  2. par un acompte de 15% du prix, soit 159.614,13 euros, pour le règlement duquel Bonlait ferait ouvrir en faveur d'Eurofit une lettre de crédit irrévocable par une banque primaire algérienne où le contrat serait domicilié, contre la remise de la facture d'acompte émise par Eurofit;
  3. le solde du contrat, soit 85% du prix ou 904.480,02 euros, étant payé à l'aide de six traites consécutives, à échéance semestrielle, tirées sur Bonlait et acceptées par elle, traites qui seraient domiciliées chez Fortis dont le règlement serait garanti par la C.I.A.R. par voie de cautionnement approuvé par Fortis, laquelle escompterait lesdites traites au profit d'Eurofit et renoncerait, selon convention d'escompte à convenir entre elles, à l'exercice de tout recours contre Eurofit à défaut de paiement desdites traites à l'échéance, ce défaut de paiement éventuel paraissant couvert par la police d'assurance conclue avec l'Office National du Ducroire.
  1. Les articles 12.3 et 12.7 de la convention stipulaient enfin:

  2. que Fortis Banque délivrerait à Bonlait une garantie de restitution de l'acompte de 159.614,13 euros, garantie qui ne sortirait ses effets qu'après paiement effectif dudit acompte à Eurofit et pour autant que la livraison des équipements au lieu de livraison C et F Alger, n'ait pas été effectuée dans le délai de trois mois au plus tard, après la domiciliation du contrat, pour un motif qui ne soit pas imputable à Bonlait, étant entendu que cette garantie bancaire ne sortirait plus aucun effet après la livraison des équipements au lieu de livraison C et F Alger (c'est nous qui mettons en italique) et que, dans le cas contraire, le remboursement de l'acompte par la banque aurait lieu dans les 30 jours au plus tard après la demande qui lui serait notifiée par lettre recommandée par Bonlait;
  3. qu'Eurofit fournirait en faveur de Bonlait une garantie de 53.204,71 euros en vue de garantir l'exécution de ses obligations contractuelles, cette garantie prenant cours au jour de la réception du paiement effectif par Bonlait de l'acompte et cessant au jour de l'établissement du procès-verbal de reconnaissance de conformité des critères de performance par l'organisme de contrôle international désigné par Eurofit et Bonlait.

En exécution de ces garanties qu'elle avait acceptées de donner à sa contrepartie Bonlait, la société Eurofit, agissant en qualité de donneur d'ordre, sollicitera de Fortis qu'elle accepte d'émettre un engagement bancaire ou, le cas échéant, de faire émettre un engagement bancaire par son banquier correspondant, sous la responsabilité et pour compte du donneur d'ordre, en faveur de Bonlait à concurrence de 159.614,13 euros et de 53.204,71 euros.

Fortis Banque sollicitera son correspondant algérien, la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural à Alger, en faisant expressément référence au contrat conclu par Eurofit et Bonlait 'de souscrire sous notre pleine et entière responsabilité en faveur de EURL Bonlait une garantie de restitution de l'avance versée par celui-ci à Eurofit SA en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles (c'est nous qui mettons en italique).

Elle précisera à l'égard de son correspondant la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural à Alger 'Cette garantie ne sortira ses effets qu'après paiement effectif de l'acompte au compte n° 240-0386244-91 ouvert au

nom de la SA Eurofit auprès de Fortis Banque - Crédits Belgique Sud à B 4000 Liège (Belgique) et pour autant que la livraison des équipements au lieu de livraison FOB (Le Havre-France) n'ait pas été effectuée dans un délai de trois mois au plus tard après la signature du contrat pour un motif qui ne soit pas imputable à Bonlait. Cette garantie sera valable jusqu'au 31 décembre 2000.

En contrepartie, nous, Fortis Banque SA - Crédits Belgique Sud - contregarantissons irrévocablement et inconditionnellement la bonne exécution des obligations contractuelles de Eurofit SA et, à défaut, le remboursement des sommes dues par cette dernière au titre de la présente contre-garantie.

En conséquence, nous paierons à la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural, sans délai, à sa première demande, sans pouvoir recourir à une quelconque formalité et sans lui opposer de motif de notre chef ou de celui de notre donneur d'ordre précité ou nous prévaloir d'une quelconque exception tirée du contrat liant la SA Eurofit et EURL Bonlait, le montant intégral de 159.614,13 euros ou celui restant dû au titre de cette contre-garantie ainsi que, sur justificatifs, tous frais encourus par elle à l'occasion de la mise en jeu de cette même contre-garantie.

Tout retard apporté au versement des sommes dues au titre de la présente contre-garantie mettra à notre charge le paiement au profit de la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural d'intérêts au taux de 12% qui commenceront à courir à partir du huitième jour de la date de mise en jeu de la présente contre-garantie jusqu'au jour du paiement effectif des sommes susvisées. Ces intérêts seront capitalisés s'ils sont dus pour une année entière.

Les commissions, frais et taxes découlant de la présente contre-garantie seront supportés par nous à compter de la date d'émission de la garantie en faveur du bénéficiaire suscité jusqu'à son extinction telle que déterminée ci-après.

Cette contre-garantie restera valable jusqu'au plus tard le 31 juillet 2001, incluant un mois de délai courrier'.

Faisant référence cette fois à la garantie de bonne exécution stipulée à l'article 12.7 du contrat passé entre Eurofit et Bonlait, Fortis informera son correspondant, la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural à Alger, par même courrier, de ce qui suit:

'L'article 12.7 du susdit contrat engageait la SA Eurofit à fournir une garantie de 349.000 F.Fr. (trois cent quarante neuf mille francs français) en vue de garantir l'exécution de ses obligations contractuelles.

Nous, Fortis Banque SA - Crédits Belgique Sud, demandons à la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural de souscrire, sous notre pleine et entière responsabilité et en faveur de EURL Bonlait, une garantie de bonne exécution des obligations contractuelles de Eurofit pour un montant de 349.000 F.Fr. (trois cent quarante neuf mille francs français). Cette garantie sera valable jusqu'au jour de l'établissement du procès-verbal de reconnaissance de conformité des critères de performance visé à l'article 9.2 du contrat mais au plus tard jusqu'au 30 avril 2001.

En contrepartie, nous, Fortis Banque SA - Crédits Belgique Sud - contregarantissons irrévocablement et inconditionnellement la bonne exécution des obligations contractuelles de la SA Eurofit et, à défaut, le remboursement des sommes dues par cette dernière au titre de la présente contre-garantie.

En conséquence, nous paierons à la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural, sans délai, à sa première demande, sans pouvoir recourir à une quelconque formalité et sans lui opposer de motif de notre chef ou de celui de notre donneur d'ordre précité ou nous prévaloir d'une quelconque exception tirée du contrat liant Eurofit SA et EURL Bonlait, le montant intégral de la présente contre-garantie ainsi que, sur justificatifs, tous frais encourus par elle à l'occasion de la mise en jeu de cette même contre-garantie.

Tout retard apporté dans le versement des sommes dues au titre de la présente contre-garantie mettra à notre charge le paiement, au profit de la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural, d'intérêts au taux de 12% qui commenceront à courir à partir du huitième jour du paiement effectif des sommes susvisées. Ces intérêts seront capitalisés s'ils sont dus pour une année entière.

Les commissions, frais et taxes découlant de la présente contre-garantie seront supportés par nous à compter de la date d'émission de la garantie en faveur du bénéficiaire suscité jusqu'à son extinction telle que déterminée ci-après.

La présente contre-garantie entrera en vigueur à compter de la date d'émission de la garantie en faveur du bénéficiaire suscité et restera valable jusqu'au plus tard le 30 novembre 2001, incluant un mois de délai courrier'.

Fortis Banque ajoutait, in terminis de ce courrier: 'tout litige né de l'exécution de la présente contre-garantie sera soumis à la compétence des tribunaux algériens et à l'application de la loi algérienne' (dossier Eurofit, p. 2).

Les parties admettent que suite au remplacement du contrat du 15 juillet 2000 par le contrat du 13 mars 2001, la garantie de remboursement d'avance 159.614,13 euros expirait le 3 août 2001 tandis que la garantie de bonne exécution contractuelle expirait le 30 octobre 2001.

La prolongation de la garantie de remboursement d'avance résulte clairement d'ailleurs de la demande formulée en ce sens par Eurofit à Fortis le 31 mai 2001 et la demande correspondante que Fortis a formulée dans la foulée à la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural à Alger (dossier Fortis, pp. 4 et 5) tandis que la prolongation de la garantie de bonne fin résulte des courriers échangés par les parties le 5 juillet 2001 (dossier Fortis, pp. 6, 7 et 8).

Par courrier du 15 septembre 2001, Bonlait, sous la signature de Monsieur Soufi informera Eurofit, à l'attention de son administrateur-délégué, Monsieur Blaise:

'Suite à notre entretien de ce jour, nous vous confirmons notre accord pour un ultime délai de 15 jours pour l'expédition des équipements, soit au plus tard le 30 septembre 2001 ou au plus tard à la date du prochain bateau partant de Caen' (dossier Eurofit, pièce 3).

Les 24 et 25 septembre 2001, Eurofit informait Fortis que bien qu'elle lui ait accordé une prolongation du délai contractuellement fixé pour la livraison des équipements, certains indices lui donnaient à penser que Bonlait 'ne souhaitait plus, pour des raisons de sécurité, que la marchandise soit expédiée', attitude qui, si elle venait à se confirmer, équivaudrait à une rupture du contrat par Bonlait.

Elle invitait en conséquence la banque à ne donner aucune suite à un appel éventuel aux deux garanties (dossier Eurofit, pp. 21 et 22).

Eurofit livrera les équipements en les embarquant sur le navire MS Aron, au port de Caen, le 1er octobre 2001 (dossier Eurofit, pièce 9).

Eurofit informera Fortis Banque par fax du 28 septembre 2001:

'Les 3 containers contenant le matériel ont été livrés sur quai à Caen et seront chargés sur le navire MS Aron lundi 1er octobre 2001.

Nous vous enverrons lundi une copie du connaissement et de la liste du colisage. Comme la restitution d'acompte prend fin avec la livraison FOB, le bénéficiaire ne pourra plus faire appel à la garantie' (dossier Eurofit, pp. 23 et 24; c'est nous qui mettons en italique).

Dès le 3 octobre 2001, alors que les équipements avaient été livrés et devaient parvenir à Alger le 8 octobre 2001, la banque algérienne, correspondante de Fortis, lui adressera un swift rédigé en ces termes:

'Objet: garantie de restitution d'avance montant 1.047.000 F.Fr. - Bonlait/SA Eurofit Liège, référant garantie sus citée - à la demande de notre client, veuillez porter au crédit de notre compte ouvert sur les livres du Crédit Commercial de France Paris la somme de 1.047.000 F.Fr. représentant le montant intégral de votre compte garantie et ce suite au non-respect par votre client des conditions contractuelles' (dossier Eurofit, p. 4).

La banque algérienne adressera un deuxième swift à Fortis, le même jour, pour lui réclamer le paiement de 'la somme de 349.000 F.Fr. et ce suite non-exécution du contrat par votre client' (dossier Fortis, p. 12).

Le 4 octobre 2001, Fortis Banque informera Eurofit de la teneur du swift du banquier algérien par lequel celui-ci faisait appel à la garantie de la restitution de l'acompte et lui adressera, en annexe, 'le projet de message' qu'elle envisageait de transmettre à son correspondant banquier algérien 'qui tient compte du contenu du courrier que vous nous avez adressé prouvant l'expédition du matériel' (dossier Eurofit, p. 5).

Ce projet de message était conçu comme suit: '... accusons réception de votre message swift faisant appel en paiement à notre contre-garantie, nous vous informons que le matériel, objet de la garantie de remboursement d'avance, a été expédié FOB par le bateau MS Aron, parti de Caen, France, le 1er octobre 2001 (copie du bill of lading n° AILGC 001 et connaissement en notre possession) et ce dans les délais accordés par la EURL Bonlait dans sa lettre du 15 septembre 2001. Veuillez confirmer cette opération à la EURL Bonlait. En conséquence, cet engagement n'a plus de raison d'être. Merci de nous le confirmer (c'est nous qui mettons en italique, dossier Eurofit, p. 6).

Fortis Banque, de l'accord d'Eurofit, adressera ce swift au banquier algérien. Elle précisera toutefois à sa cliente Eurofit 'qu'eu égard aux termes de notre engagement' à première demande, sans pouvoir recourir à une quelconque formalité, lui opposer de motif de notre chef ou de celui de notre donneur d'ordre...', nous sommes tenus de respecter nos engagements vis-à-vis de notre correspondant.

Sans levée de cet appel, nous paierons au plus tard le 9 octobre 2001 en exécution de nos engagements' (dossier Eurofit, p. 7, c'est nous qui mettons en italique).

Monsieur Soufi lui-même, gérant de la société Bonlait, ne paraissait toutefois pas partager cette opinion, pas plus d'ailleurs que Monsieur G. Devos en charge du dossier chez la société Eurofit.

En effet, par fax de G. Devos à Bonlait à l'attention de Monsieur Soufi du 5 octobre 2001, qui faisait suite à un fax précédent adressé par Bonlait à Eurofit le 3 octobre et à un entretien téléphonique du 4 octobre entre les deux hommes, Eurofit précisait à Bonlait 'nous avons procédé au chargement sur le MS Aron parti de Caen le 1er octobre 2001 pour Alger ce qui met définitivement fin à notre garantie de restitution d'acompte de 1.047.000 F.Fr. par ailleurs échue depuis le 3 août 2001', ce à quoi Monsieur Soufi a opiné par fax tournant en portant la mention manuscrite de sa main et paraphée par lui 'mais pas la garantie de bonne exécution prévue dans le contrat' faisant ainsi clairement et uniquement référence à la seconde garantie de 53.506 euros (349.000 F.Fr.) qui expirait le 30 octobre 2001 (dossier Eurofit, p. 8, c'est nous qui mettons en italique).

Dès le 8 octobre 2001, Eurofit assignera Fortis en référé d'une part à Bruxelles pour l'audience du 9 octobre 2001 pour qu'il lui soit fait injonction de suspendre le paiement de 159.919 euros (garantie de restitution d'acompte) à la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural à Alger et d'autre part à Liège pour l'audience du 11 octobre 2001 pour qu'il lui soit fait en outre injonction de suspendre le paiement de 53.506 euros (garantie de bonne exécution) au profit du même banquier algérien (dossier Eurofit, pp. 11 et 12).

Sous le coup de cette double assignation, Fortis payera néanmoins ces deux sommes à la banque algérienne, sa correspondante, le 9 octobre 2001 (dossier Eurofit, p. 13).

Le 9 octobre 2001, Fortis informera Eurofit par pli recommandé 'qu'en respect des engagements pris envers la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural du chef de nos contre-garanties, nous débitons ce jour votre compte en nos livres de 1.047.000 F.Fr. et 349.000 F.Fr. en exécution totale de nos engagements' (dossier Eurofit, p. 14).

4. Moyen tiré de l'incompétence territoriale

La défenderesse Fortis conteste notre compétence à connaître l'action portée devant Nous.

Dans sa thèse, l'engagement de contre-garantie qu'elle a pris envers la banque algérienne résulte d'une instruction précise que lui a donnée la société Eurofit de contracter avec cette banque.

Elle en déduit qu'elle a reçu mandat d'Eurofit de conclure avec la banque algérienne et que, partant, la clause d'élection de for contenue dans la contre-garantie donnée à la banque algérienne qui prévoit la compétence des tribunaux algériens pour tout litige né de l'exécution de la contre-garantie, lie la société Eurofit elle-même.

Outre qu'il n'est pas certain que la société Eurofit ait désigné la Banque de l'Agriculture et du Développement Rural de volition personnelle - Fortis peut très bien lui avoir dicté le choix de sa banque correspondante à Alger -, l'on ne peut nullement déduire de la demande formulée par Eurofit qui a sollicité Fortis d'émettre ou de faire émettre un engagement bancaire 'par votre banquier correspondant' en faveur de Bonlait qu'elle lui aurait, par cela même, donné un mandat express d'assortir cet engagement d'une clause d'élection de for qui la lierait au même titre que Fortis.

En fait, il n'y a aucun mandat donné en l'espèce par Eurofit à Fortis mais la conclusion entre ces parties d'une opération de crédit au terme de laquelle Fortis, déférant à l'ordre d'Eurofit, a accepté d'émettre une contre-garantie en faveur de la BADR, après que celle-ci, à sa demande, ait émis une garantie directe en faveur de Bonlait.

Cette opération de crédit a été conclue à Liège entre Eurofit et Fortis.

Les litiges qui découlent de l'exécution de cette convention ressortissent dès lors à notre compétence territoriale.

5. Non-fondement allégué de la demande en raison du défaut d'urgence

La société Fortis allègue que la société demanderesse Eurofit ne justifierait pas de l'urgence requise pour solliciter le bénéfice d'un référé provision à défaut pour celle-ci de démontrer son état grave d'impécuniosité la rendant incapable de faire financièrement face à la situation dans laquelle elle se trouve et l'urgence qu'il y a à remédier à cette situation.

Dés lors qu'il apparaît incontestable que privée de moyens financiers importants, de l'ordre de 213.000 euros une société commerciale se voit nécessairement contrainte, à terme, de rescinder le volume de ses opérations ou de recourir à des capitaux extérieurs avec surenchérissement de ses coûts, l'une ou l'autre décision se répercutant sur ses résultats, elle justifie à suffisance de droit de l'urgence en général et de l'urgence spécifique au référé provision.

6. Discussion

Il apparaît de la lecture du contrat conclu entre Eurofit et Bonlait que celui-ci a donné lieu à des tractations complexes pour assurer le règlement du prix de l'installation, à fournir à Bonlait, tractations auxquelles ont été associés Fortis, essentiellement, et l'Office du Ducroire et le CIAR, plus circonstanciellement.

Il s'ensuit que Fortis était parfaitement au courant du contrat de base conclu entre Eurofit et Bonlait et de l'ampleur comme des limites des garanties de restitution d'acompte et de bonne fin convenues par celles-ci au profit de Bonlait: il s'agissait de deux garanties bancaires sans plus, limitées l'une et l'autre dans le temps de manière précise.

Fortis fera d'ailleurs une relation très exacte de ces garanties contractuelles, de leurs montants et de leur durée en faisant référence aux articles 12.3 et 12.7 au contrat de base, lors de sa demande à la banque algérienne, de souscrire directement des garanties en faveur de Bonlait qu'elle contregarantissait.

L'on ne manquera pas d'être étonné que là où Bonlait n'avait sollicité que des simples garanties bancaires, garanties dont Fortis sollicitera de la banque algérienne qu'elle les fournisse, Fortis se soit parallèlement engagée à contregarantir cette banque, sa correspondante sur la place d'Alger, en allant bien au-delà des exigences de Bonlait, par le biais d'une garantie appelable à première demande, abstraite et inconditionnelle.

L'on peut raisonnablement supposer que ce n'est pas Eurofit qui a surenchéri sur les exigences de Bonlait et que c'est Fortis qui, d'initiative, paraît avoir maximalisé ces garanties contractuelles en les transformant en garanties abstraites et inconditionnelles.

L'on s'étonnera tout autant d'ailleurs qu'Eurofit, rompue, on le présume, aux contrats à l'exportation, qui a dû avoir connaissance de cette contre-garantie, n'ait pas réagi à la réception de cet engagement de contre-garantie émis par son banquier dans la mesure où il était évident que cet engagement était plus contraignant pour elle.

  1. Il apparaît par ailleurs de la relation des faits à laquelle il a été procédé ci-avant:

  2. que la prorogation de la garantie en restitution au 3 août 2001, intervenue après la conclusion du contrat du 13 mars 2001, s'entendait du respect du délai de livraison initialement stipulé à cette convention;
  3. que ce délai a été lui-même reporté de l'accord express des deux parties au 30 septembre 2001 ou au plus tard à la date du prochain bateau partant de Caen;
  4. qu'Eurofit a respecté cet ultime délai contractuel en livrant les trois containers d'équipements à quai, au port de Caen, le 28 septembre 2001, containers qui ont été chargés sur le navire MS Aron, le 1er octobre 2001, navire qui a appareillé pour Alger le soir même du 1er octobre;
  5. qu'aux dires mêmes d'Eurofit qui l'a répété à deux reprises à Fortis (dossier Eurofit, pp. 24 et 25), cette livraison mettait fin à la possibilité pour Bonlait de faire encore appel à la garantie bancaire de restitution d'acompte, paraissant considérer de la sorte que la prolongation du délai de livraison que lui avait accordée sa contrepartie, avait entraîné prolongation correspondante du délai d'échéance de la garantie de restitution d'acompte, ce dont Monsieur Soufi de Bonlait a convenu (dossier Eurofit, p. 8).

L'on doit déduire de ce qui précède que, dans la mesure où le délai de la garantie de restitution d'acompte était indiscutablement expiré dès le lundi 1er octobre 2001, comme mentionné à la garantie que Fortis avait sollicitée de BADR qui stipule que celle-ci cesse de produire effet à dater de la livraison FOB, l'appel à la garantie directe de BADR par Bonlait apparaît avoir été formulée hors délai, circonstance qui excluait que BADR puisse encore faire appel à la contre- garantie de Fortis.

Il s'ensuit que c'est à tort que Fortis Banque, excipant de sa contre-garantie, a répondu positivement à l'appel à sa garantie indirecte formulée par la banque algérienne le 3 octobre 2001, d'autant qu'elle était parfaitement au courant de ce que sa garantie indirecte n'était plus due puisqu'aussi bien la garantie de BADR avait cessé de produire ses effets depuis le 1er octobre 2001 et que sa contre-garantie n'avait d'objet que dans la mesure où la garantie fournie par BADR à Bonlait n'était pas venue à échéance.

Fortis est d'autant plus mal venue à se focaliser sur sa contre- garantie pour tenter de justifier son paiement en faveur de la BADR, sa correspondante sur la place d'Alger, qu'elle a dicté elle-même les termes de la garantie que celle-ci devait fournir à Bonlait et qu'elle a été strictement tenue informée par Eurofit de la prolongation du délai de livraison, de l'arrivée des équipements à quai, sur le port de Caen, et de leur chargement sur le navire MS Aron qui a appareillé pour Alger le 1er octobre 2001, comme elle avait été préalablement tenue au courant des craintes qu'Eurofit éprouvait à l'égard de sa contrepartie Bonlait dont elle appréhendait - à juste titre, comme les événements l'ont démontré - qu'elle ne souhaitait plus respecter le contrat conclu le 13 mars 2001.

L'on conçoit dans semblable contexte que la société Eurofit estime avoir été victime d'une véritable escroquerie.

De même, c'est à tort que Fortis Banque a encore répondu positivement à l'appel à sa garantie indirecte formulée par la même banque algérienne le même jour, 3 octobre 2001, et qui avait trait à la garantie de bonne fin.

Dans la mesure en effet où les équipements fournis par Eurofit à Bonlait avaient quitté le port de Caen, à bord du navire MS Aron qui devait accoster au port d'Alger le 8 octobre 2001, il était patent qu'aucune inexécution contractuelle n'était encore susceptible d'être articulée à l'encontre d'Eurofit - avant de procéder au montage de l'installation encore fallait-il que les équipements expédiés parviennent à Alger - en manière telle que l'appel à la garantie directe dont se prévalait, implicitement, à tout le moins, la banque algérienne devait apparaître manifestement abusif à la société Fortis qui n'ignorait rien des termes du contrat passé entre parties.

Cette circonstance eût dû susciter circonspection et réserve à Fortis et la conduire à suspendre tout paiement en faveur de la banque algérienne d'autant qu'elle avait reçu citation en référé pour lui intimer de suspendre tout paiement ensuite de ces appels à sa contre-garantie, citation qui rappelait ce qu'elle n'ignorait pas, le caractère manifestement abusif de l'appel à sa contre-garantie dont elle était l'objet.

Fortis Banque pour justifier d'avoir satisfait à ces appels se prévaut du délai prolongé de ses contre-garanties qui expirait après le délai des garanties de premier rang accordé par BADR, comme du caractère littéral, abstrait et inconditionnel de ses contre-garanties en faveur de BADR.

Ces soutènements ne peuvent être retenus en l'espèce.

Le fait que les délais de la garantie en premier rang et de sa contre-garantie ne coïncident pas, en ce sens que le délai de la contre-garantie expire après le délai de la garantie au premier rang, comme en l'espèce - l'on observera qu'in casu, Fortis a prolongé unilatéralement le délai de ses contre- garanties de plusieurs mois par rapport aux échéances des garanties en premier rang, ce qui paraît très excessif -, s'explique tout à la fois par des raisons de commodité que se sont octroyés les banquiers et par des raisons de sécurité.

Généralement en effet le banquier en premier rang, objet d'un appel à sa garantie de la part du bénéficiaire, avant que de satisfaire à cet appel, fait d'abord appel à la contre-garantie et attend d'être couvert par le banquier contre-garant, avant de couvrir, à son tour, le bénéficiaire.

Autrement dit, le banquier de premier rang paie le bénéficiaire auquel il a accordé sa garantie à l'aide des fonds que lui transmet le banquier contre-garant dont il a demandé l'intervention.

Cette manière de procéder, outre qu'elle a pour effet de solidariser les deux banquiers dans l'exécution de la garantie directe et d'éviter toute surprise dans le chef du banquier en premier rang dans l'hypothèse d'une contestation qui serait soulevée par le banquier contre-garant, permet encore au banquier de premier rang et au banquier contre-garant de déjouer les fraudes et les appels à la garantie directe et indirecte qui seraient manifestement abusifs.

En l'espèce donc loin d'être contraignante pour Fortis, cette prolongation du délai de sa contre-garantie devait lui permettre de déjouer l'appel abusif à sa contre-garantie en affirmant, comme elle l'a d'ailleurs fait dans un premier temps, que l'appel à sa contre-garantie était injustifié dès lors que l'appel à la garantie en premier rang par le bénéficiaire avait été formé après que l'appel à cette garantie fût expiré.

L'on conçoit mal que Fortis n'ait pas maintenu cette position première ou, à tout le moins, qu'assignée en référé, elle n'ait pas eu l'élémentaire réflexe d'attendre qu'une décision judiciaire le lui impose.

S'il n'est pas contestable que l'engagement de contre-garantie souscrit par Fortis se caractérise par son caractère littéral, abstrait et inconditionnel, il n'en reste pas moins que son exécution n'est pas mécanique et doit être fonction de la bonne foi que Fortis devait, en l'occurrence, à sa contrepartie donneur d'ordre, Eurofit, dont elle savait qu'en répondant positivement à l'appel à sa contre-garantie dans les conditions prérappelées et en le débitant à due concurrence sur le compte qu'elle avait ouvert en ses livres, elle lui portait un préjudice immédiat, grave, injustifié et lourd de conséquences.

Par ailleurs, il paraît excessif de prétendre que Eurofit ne peut en l'occurrence soutenir que l'appel à la contre-garantie était manifestement abusif voire empreint de fraude qu'en démontrant tout à la fois la fraude ou l'abus du bénéficiaire Bonlait et l'abus de la banque algérienne garante, autrement dit, leur collusion.

Pareille exigence équivaut, en dernière analyse, à donner, le plus souvent, un quitus à la banque contre-garante quand bien même, comme en l'espèce, celle-ci, en l'occurrence Fortis, a eu la claire perception de l'abus manifeste pour être parfaitement au courant de l'évolution des rapports entre les parties du fait de l'expiration du délai de la première garantie et du fait de l'impossibilité matérielle et temporelle d'une inexécution contractuelle quelconque dans le chef d'Eurofit susceptible d'entraîner un appel à la deuxième garantie.

La conception qui tendait à réduire la prise en compte de la fraude ou de l'abus manifeste avérés du fait du caractère autonome de la contre-garantie par rapport à la garantie et du caractère autonome de celles-ci par rapport au contrat de base, paraît d'ailleurs évoluer depuis l'arrêt Miranos de la Cour de Genève du 12 septembre 1985 et l'arrêt de la Cour de cassation de France du 10 juin 1986 (cités au R.P.D.B., 'Les garanties bancaires autonomes', p. 604, n° 172).

  1. Commentant ces arrêts M. Rives-Lange soulignait, dans la synthèse de son argumentation présentée dans le R.P.D.B. (l.c.):

  2. 'garantie et contre-garantie sont des éléments d'un ensemble contractuel composé de plusieurs rapports de droit, dont, notamment, le contrat de base (Rives- Lange et Contamine-Reynaud insistent, dans le précis Dalloz, n° 669, sur ce que l'engagement bancaire n'est qu'un élément parmi d'autres 'éléments' contractuels, ayant des objets différents mais complémentaires et concourant à un résultat unique: la conclusion et l'exécution du contrat fondamental). Les participants ont délibérément recouru à la technique de l'abstraction pour rendre chacun de ces rapports plus contraignants, mais la fraude met à néant l'autonomie voulue et rétablit les liens entre les différents rapports;
  3. quant à l'argument selon lequel la fraude doit émaner de celui à qui elle est opposée, on peut rétorquer que 'l'acte frauduleux n'est jamais opposable aux tiers ni aux parties. Tout acte conçu dans un dessein de fraude est nul' (Ganshof van der Meersch, 'Propos sur le texte de la loi et les principes généraux du droit', Journ. trib. 1970, 594). La fraude, poursuit M. Rives- Lange (l.c.) doit entraver l'exécution de tous les contrats d'un même ensemble contractuel, quelle que soit la personne dont elle émane'.

Autrement dit, dès lors que garantie, contre-garantie et contrat de base sont autant d'éléments d'un ensemble contractuel concourant, comme en l'espèce, à l'exécution du contrat de base, il convient de veiller à ce que garantie et contre- garantie ne soit pas l'occasion frauduleuse ou abusive de ruiner le contrat de base et, par cela même, de pervertir l'élémentaire bonne foi à laquelle sont tenues les parties concernées par l'exécution de ce contrat de base à laquelle sont associés, dans une certaine mesure, garant et contre-garant.

  1. En synthèse, il apparaît que:

  2. Fortis Banque, parfaitement au courant du contrat conclu le 13 mars 2001 par les parties Eurofit et Bonlait et de l'évolution des rapports contractuels de celles-ci dont elle a été étroitement tenue informée, ne pouvait ignorer que les appels faits à ses contre-garanties, le 3 octobre 2001, par le banquier garant, son correspondant sur la place d'Alger, étaient manifestement abusifs, sinon même frauduleux;
  3. en exécutant ses contre-garanties envers le banquier garant BADR à Alger, Fortis Banque a sciemment méconnu les intérêts de sa cliente et contrepartie Eurofit à l'occasion de l'opération de crédit qu'elle a conclue avec celle-ci, au mépris des règles de prudence et de diligence qui s'imposaient à elle, comme au mépris de la bonne foi qui préside à l'exécution de toute convention;
  4. en créditant son correspondant, le banquier garant BADR, dès le 9 octobre 2001, et alors qu'elle était sous le coup de deux citations en référé à elle notifiée la veille, le 8 octobre 2001, dont l'objet était de lui intimer suspension de réserver suite aux appels à ces contre-garanties, Fortis Banque a prêté sciemment son concours à la réalisation effective de cet abus;
  5. en débitant sa cliente dès le 9 octobre 2001 de la somme de 213.225 euros, en contrepartie de l'opération de crédit exécutée au profit du banquier algérien garant, elle lui a causé un préjudice manifeste et immédiat résultant de la voie de fait qu'elle s'est crue autorisée à poser, soucieuse avant tout, comme l'a signalé à plusieurs reprises son conseil dans sa plaidoirie, 'à sauvegarder sa réputation internationale';
  6. toutes les apparences de droit consacrant la réalité certaine de cette voie de fait commise par Fortis au préjudice de sa cliente Eurofit, il y a lieu de faire cesser celle-ci dès à présent et, partant, de faire droit à l'action d'Eurofit sous réserve de l'action que celle-ci introduira au fond.

Par ces motifs,

Nous, Armand Spirlet, président du Tribunal de commerce de Liège, assisté de Paul Driesen, greffier,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Statuant contradictoirement en référé, au provisoire et tous droits saufs des parties,

Vu l'urgence,

Recevons l'action et la déclarons fondée.

Condamnons la société défenderesse Fortis Banque à reconstituer sur le champ le compte bancaire de la société demanderesse Eurofit ouvert en ses livres en la créditant d'un montant de 213.225 euros et ce jusqu'à ce qu'intervienne une décision au fond, ayant force de chose jugée, fixant les droits et obligations respectives des parties.

Condamnons dès à présent et pour lors la société défenderesse Fortis Banque à payer, à titre d'astreinte, la somme de 2.478,94 euros par jour de retard apporté par elle à créditer le compte bancaire de la société demanderesse ouvert en ses livres à concurrence de la somme de 213.225 euros, à dater du lendemain du jour où signification lui sera faite de la présente décision.

Disons la présente décision exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution et nonobstant toute offre de consignation avec affectation spéciale.

(...)