Article

Cour d'appel Bruxelles, 27/06/2003, R.D.C.-T.B.H., 2004/10, p. 994-999

Cour d'appel de Bruxelles 27 juin 2003

MARQUES
Nullité - Recevabilité de la demande reconventionnelle en nullité
Est irrecevable la demande en nullité visant des dépôts qui n'ont été invoqués par la demanderesse originaire ni en citation ni en conclusions. Une telle demande en nullité ne constitue pas une défense à l'action principale.
MARQUES
Conditions de validité de la marque - Caractère distinctif - Signification dans le langage courant
La circonstance que le signe “Visa” soit un mot qui a une signification dans le langage courant et relève donc du domaine public ne le rend pas impropre à jouer le rôle distinctif d'une marque.
MARQUES
Marque notoirement connue - Risque de confusion - Marque renommée - Protection
Pour être considérée comme notoirement connue, la marque doit être connue d'une large fraction du grand public, par opposition à la marque renommée qui correspond à celle qui est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle.
En l'espèce, il existe un risque que le public établisse un lien entre les titulaires des deux marques et qu'il puisse croire que les produits ou services en cause, nonobstant l'absence d'identité ou de similitude entre eux, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement, ce qui justifie la demande de nullité.
La demande d'interdiction d'usage se justifie également sur la base de l'article 13 A. 1 c) de la loi uniforme Benelux. Il peut en effet être considéré comme suffisamment établi que l'usage par l'appelante du signe “Visa” - seul ou au sein d'une marque complexe - tire indûment profit de la renommée de la marque Visa et de son pouvoir distinctif.
MERK
Nietigheid - Ontvankelijkheid van de tegenvordering tot nietigverklaring
De nietigheidsvordering tegen de deponering van een merk die door de eiser niet werd opgeworpen in zijn dagvaarding of in zijn conclusies, is niet ontvankelijk. Een dergelijke nietigheidsvordering vormt geen verweer tegen de hoofdvordering.
MERK
Voorwaarden voor de geldigheid van het merk - Onderscheidend karakter - Betekenis in het dagelijks taalgebruik
Het feit dat het teken “Visa” een woord is dat een betekenis heeft in het dagelijks taalgebruik en dus een publieke basis heeft, maakt het niet ongeschikt om aan het merk een onder­scheidend karakter te verlenen.
MERK
Algemeen bekend merk - Gevaar voor verwarring - Bekend merk - Bescherming
Om als algemeen bekend merk beschouwd te worden, moet het merk bekend zijn bij een groot deel van het grote publiek, dit in tegenstelling tot een bekend merk dat bekend moet zijn bij een betekenisvol deel van het publiek dat betrokken is bij de producten en diensten die onder het merk vallen.
In casu bestaat het gevaar dat het publiek een verband legt tussen de twee merkhouders en dat het kan geloven dat de betrokken goederen en diensten - ondanks het feit dat zij niet gelijk of gelijkaardig zijn - van dezelfde onderneming of van economisch verbonden ondernemingen afkomstig zijn. Bijgevolg is de nietigheidseis gegrond.
De vordering tot oplegging van een gebruiksverbod is gegrond op basis van artikel 13, A, 1, c), van de Benelux Merkenwet. Men kan stellen dat op afdoende wijze is bewezen dat de appellant door het gebruik van het teken “Visa” - op zichzelf of als een deel van een complex merk - voordeel haalt uit de bekendheid van het merk Visa en van diens onderscheidend karakter.

Petsch Wolfgang / Visa International Service Association Inc.

Siég.: M. Regout (conseiller faisant fonction de président), Ch. Schurmans et F. Huisman (conseillers)
Pl.: Mes J.E. Barthelemy et Th. van Innis

Vu le jugement attaqué, rendu le 8 mars 1995 par le tribunal de commerce de Bruxelles, (...);

Faits et antécédents de la procédure

1. L'intimée est titulaire de la marque verbale Visa qui a fait l'objet des dépôts suivants:

- dépôt Benelux n° 646360 du 12 novembre 1981, enregistré sous le n° 378114 pour, entre autres, des monnaies et des automates à monnaie (“coin and counterfreed apparatus”) (classe 9);

- dépôt Benelux n° 689244 du 5 janvier 1987, enregistré sous le n° 150264 pour entre autres, des services financiers et des services de cartes de crédit, des services d'assurance de voyage, des services de chèques de voyage et de documents de voyage (classe 36), des services de réservation d'hôtel (classe 42), avec revendication des droits acquis depuis 1976 pour les services précités;

L'appelant a déposé le 7 avril 1992 la marque verbale Jet-Set Visa sous le n° 073.524 pour les produits et services relevant notamment des classes suivantes:

- classe 16:

papier, cartons et produits de ces matières non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie; articles pour reliures, photographies; papeterie; adhésifs (matière collante) pour la papeterie ou le ménage; matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de bureaux (à l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); matières plastiques pour l'emballage (comprises dans d'autres classes); cartes à jouer; caractères d'imprimerie; clichés; timbres, vignettes; autocollants.

- classe 35:

publicité et affaires; service de publicité et promotion publicitaire; diffusion de matériel publicitaire; bureaux de placement et consultations pour les questions du personnel et pour les affaires du personnel; placement d'intérimaires; établissement des statistiques, comptabilité, ventes aux enchères et ventes publiques; agences d'informations commerciales; étude, recherches et analyses de marchés; sondages d'opinions; décoration et vitrines; services de conseils pour l'organisation et la direction des affaires, locations des machines de bureaux; reproduction de documents.

- classe 39:

organisation de voyages et de visites touristiques; accompagnement de voyageurs, location de véhicules de transport, de garages et de parcs de stationnement; conditionnement et emballage de marchandises, messageries.

Ce dépôt a été enregistré sous le n° 513.207.

L'appelant fait usage du signe Jet-Set Visa à titre de marque pour des produits et des services liés au tourisme, en particulier en utilisant ce signe sur des timbres destinés à être apposés dûment estampillés dans le passeport de l'acquéreur, timbres dont les illustrations représentent certains lieux ou évoquent des événements culturels, sportifs, historiques auxquels celui-ci a participé lors de son voyage.

Ces timbres sont offerts en vente soit dans la ville qu'ils représentent, soit dans le lieu où se déroule l'événement qu'ils illustrent.

Par courrier du 18 février 1993, l'appelant fut mis en demeure de cesser toute utilisation de la marque Jet-Set Visa et de faire radier le dépôt de cette marque dans le registre Benelux.

2. Par citation du 16 juin 1993, l'intimée a introduit une action en nullité du dépôt de la marque de l'appelant pour tous les produits et services pour lesquels il a été enregistré et a sollicité qu'il soit fait interdiction à l'appelant de faire usage de la marque Visa ou de tout autre signe ressemblant à la marque Visa dans le Benelux, sous peine d'une astreinte de 50.000 FB par infraction.

Elle a également postulé la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 250.000 FB à titre de dommages-intérêts, à majorer des intérêts légaux à partir de la citation.

L'appelant a introduit une demande reconventionnelle tendant à entendre condamner l'intimée au paiement des montants suivants:

- 75.000 FB à titre d'indemnisation pour action téméraire et vexatoire;

- 100.000 FB en réparation du manque à gagner subi en raison de la cessation de la vente des timbres;

- 200.000 FB en réparation du préjudice moral.

Le jugement attaqué, exécutoire par provision, dit les demandes recevables, la demande principale fondée sauf en ce qui concerne la demande en paiement de la somme de 250.000 FB et la demande reconventionnelle non fondée.

3. Devant la cour, l'appelant postule la mise à néant de cette décision et réitère les fins de sa demande reconventionnelle originaire.

À titre subsidiaire, il demande l'autorisation d'utiliser le terme Visa non à titre de marque mais dans le cadre de la qualification du service qu'il offre.

Par conclusions déposées le 4 novembre 1998 devant la cour, il introduit une demande tendant à entendre prononcer la nullité des dépôts Benelux, précités, ainsi que des dépôts suivants de l'intimée:

- dépôt Benelux n° 610151 du 2 septembre 1975, enregistré sous le n° 3345888, de la marque Visa pour, entre autres, des cartes bancaires imprimées (classe 16);

- dépôt n° IR287762 du 21 août 1984 qui selon l'appelant a été “acheté à la société Hachette”, sans autre précision.

L'intimée demande à la cour de dire l'appel non fondé et la demande en nullité des dépôts de la marque Visa irrecevable ou à tout le moins non fondée.

Formant appel incident, l'intimée reproche au premier juge de ne pas avoir fait droit à sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Discussion
A. Sur la recevabilité de la demande de l'appelant en nullité des dépôts de la marque Visa effectué par l'intimée

4. Cette demande n'a pas été formulée devant le premier juge.

L'intimée invoque son irrecevabilité au motif que toute modification d'une demande reconventionnelle devrait, pour être recevable, se fonder sur un fait ou un acte invoqué dans les premières conclusions de l'auteur de la demande reconventionnelle, ce qui n'a pas été le cas.

L'exception ne peut être accueillie. En effet, il ne résulte d'aucune disposition qu'une demande reconventionnelle ne peut être formée en degré d'appel qu'à la double condition qu'elle ait été introduite par le défendeur devant le premier juge et qu'elle repose sur un fait ou un acte invoqué par celui-ci à l'appui de sa demande reconventionnelle de première instance.

La seconde de ces deux conditions ne saurait d'ailleurs être exigée puisque la première n'est même pas requise.

Il ressort des articles 807 à 810 et 1042 du Code judiciaire que les demandes reconventionnelles peuvent être formées pour la première fois en degré d'appel lorsqu'elles répondent aux conditions de recevabilité des demandes nouvelles prévues dans ces dispositions légales, à savoir lorsqu'elles sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation ou lorsqu'elles constituent une défense à l'action principale ou tendent à la compensation (Cass. 18 janvier 1991, Pas., I, p. 463);

Les dépôts n° 646360 et 689244 de la marque Visa ont été invoqués par l'intimée à l'appui de sa demande principale.

La demande en nullité de ces dépôts constitue en outre une défense à l'action principale puisque celle-ci repose sur les droits que confèrent ces dépôts à l'intimée.

La demande nouvelle est donc recevable en ce qu'elle tend à entendre prononcer la nullité de ces deux dépôts.

Elle est en revanche irrecevable en ce qu'elle tend à entendre prononcer la nullité des deux autres dépôts puisque ceux-ci n'ont pas été invoqués par l'intimée dans la citation ou dans ces conclusions et qu'une telle demande ne constitue pas une défense à l'action principale.

B. Sur le bien-fondé de la demande nouvelle en nullité des dépôts n° 646360 et 689244 de la marque Visa de l'intimée

5. L'appelant invoque à tort, sur pied de l'article 14, A, 1°, a), de la LBM, la nullité du dépôt du signe Visa en prétendant que ce signe serait dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels ces dépôts ont été effectués, au motif que le terme “visa” est un terme générique faisant partie du domaine public.

Tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, peuvent constituer des marques au sens de l'article 1er de la LBM, à condition qu'ils soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

L'intimée ne fait pas la démonstration que le substantif “visa”, qui signifie dans le langage courant, au sens propre, un signe (sceau, formule, signature ou paragraphe) apposé sur un document pour le rendre régulier ou valable, et au sens figuré une approbation, n'est pas apte à remplir la fonction d'identification de l'entreprise qui met sur le marché l'un ou l'autre des produits et services pour lesquels la marque a été enregistrée, en raison de son identité avec des modalités habituelles de désignation de ces produits ou services ou de leurs caractéristiques.

Le mot “visa” n'est en effet pas un mode habituel de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques et rien n'établit que ce signe sert, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tels ceux pour lesquels la marque a été enregistrée. Ce signe ne peut dès lors être considéré comme exclusivement descriptif.

Par ailleurs, il résulte de l'article 1er de la LBM que la circonstance que le signe “visa” est un mot qui a une signification dans le langage courant et relève donc du domaine public ne le rend pas impropre à jour le rôle distinctif d'une marque.

La demande n'est donc pas fondée.

C. Le demande en nullité du dépôt de la marque Jet-Set Visa de l'appelant

6. À l'appui de la demande en nullité, introduite par citation signifiée le 16 juin 1993, l'intimée a invoqué à titre principal l'article 4, 5° de la LBM selon lequel “n'est pas attributif du droit à la marque le dépôt d'une marque susceptible de créer une confusion avec une marque notoirement connue, au sens de l'article 6bis de la convention de Paris et appartenant à un tiers qui n'est pas consentant”;

L'appelant a procédé au dépôt de la marque Jet-Set Visa le 7 avril 1992, soit avant le 31 décembre 1992, date à laquelle les États membres étaient tenus d'adapter leur législation à la première directive du conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE) dénommée ci-après la directive.

Au moment de ce dépôt, la loi uniforme Benelux sur les marques n'avait pas encore été adaptée aux dispositions de la directive puisque le protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la LBM est entré en vigueur le 1er janvier 1996.

Dès lors que le dépôt a été effectué avant le 31 décembre 1992, la disposition invoquée doit être interprétée conformément au droit en vigueur à l'époque en vertu de la législation et de la jurisprudence nationales sans avoir égard à la directive (C.J. Benelux 2 octobre 2000, aff. A 98/3, Val-Valvert; Cass. 9 février 2001, R.D.C. 2001, p. 238).

7. Pour être considérée comme notoirement connue, la marque doit être connue d'une large fraction du grand public, par opposition à la marque renommée qui correspond à celle qui est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle (C.J.C.E. 14 septembre 1999, aff. C-375/97, General Motors/Yplon);

La marque Visa est notoirement connue, dans le territoire Benelux, pour certains services couverts par elle, tels les services liés aux cartes de crédit dont l'usage est très largement répandu depuis des années.

Le caractère notoire de la marque Visa peut être notamment déduit du fait que le grand public est sans cesse confronté avec elle, l'ensemble des commerçants annonçant par l'apposition de signes, les cartes de crédit pouvant être utilisées dans leur établissement. Le nombre de cartes de crédit différentes est par ailleurs relativement peu élevé, ce qui augmente la capacité de la marque à rester facilement en mémoire.

L'appelant conteste à tort le caractère notoire de la marque de l'intimée en excipant du fait que le vocable “visa” n'est pas susceptible de provoquer dans l'esprit du public l'association immédiate avec les produits et services pour lesquels elle est enregistrée, et ce en raison du fait que ce vocable a une signification précise dans le langage courant.

La protection élargie des marques notoires n'est cependant pas réservée aux signes dépourvus de sens dans le langage courant.

Le pouvoir d'un signe de provoquer dans l'esprit du public une telle association s'analyse d'ailleurs en supposant que le public est mis en présence du signe, utilisé comme marque. La circonstance que la perception du signe lorsque celui-ci est utilisé dans le langage courant, évoque naturellement les choses qu'il désigne dans le langage courant, et non pas les produits ou services d'une entreprise couverts par une marque constituée par ce même signe, n'est donc pas pertinente pour apprécier sa notoriété.

Enfin, le caractère non exclusif de la marque Visa est également sans incidence pour apprécier son degré de renommée.

8. Selon l'appelant, la protection élargie à des produits non similaires dont bénéficie la marque de produit notoire s'il y a un risque de confusion, ne s'étend pas aux marques de service.

Il résulte cependant de l'article 39 de la LBM que les dispositions des articles 4, 5° et 14, B, 2° de la loi sont applicables par analogie aux marques de service.

Étant donné qu'il n'y a aucune raison objective qui justifierait une différence de traitement entre les marques de produit et les marques de service, quant à l'étendue de la protection des marques notoirement connues, l'appelant prétend en vain que l'application par analogie de ces dispositions aux marques de service aurait pour conséquence que seul le dépôt d'une marque de service susceptible de créer une confusion avec une marque de produit notoirement connue ne serait pas attributif du droit à la marque.

9. S'agissant du risque de confusion, condition pour qu'il y ait nullité du dépôt de la marque Jet-Set Visa, l'intimée expose que la ressemblance entre les deux signes est de nature à faire croire au public ou à une partie du public que les produits et services auxquels cette marque se rapporte proviennent du titulaire de la marque Visa ou d'une entreprise liée au groupe auquel il appartient.

La marque verbale critiquée Jet-Set Visa est constituée par le mot Visa auquel il a été adjoint les mots Jet-Set.

Contrairement à ce que prétend l'appelant, le fait que le mot Visa a été combiné avec les deux mots Jet-Set, ne suffit pas pour exclure la ressemblance entre les deux signes.

Par son arrêt du 20 mai 1983, n° A 82/5 en cause la marque Union (Jur. 1983, p. 36) la Cour Benelux a, sous l'empire de la loi ancienne, décidé qu'il y a ressemblance entre une marque et un signe lorsque, compte tenu des particularités de l'espèce, notamment du pouvoir distinctif de la marque, la marque et le signe, considérés en soi et dans leurs rapports mutuels, présentent sur le plan auditif, visuel ou conceptuel une similitude de nature à établir une association entre le signe et la marque.

L'adjonction des mots “Jet-Set” ne donne pas au mot “visa” un sens particulier, différent de celui que le vocable Visa peut évoquer dans l'esprit du public confronté avec la marque de l'intimée.

Elle ne confère pas au mot Visa le sens courant de passeport.

À cet égard, il convient de préciser que pour apprécier la validité du dépôt, il n'y a pas lieu d'avoir égard à l'usage concret que l'appelant a fait de la marque critiquée. C'est donc en vain que celui-ci précise que les timbres qu'il offre en vente sont destinés à être apposés dans le document officiel que constitue le passeport, se substituant au visa ou complétant celui-ci pour laisser une trace des déplacements du titulaire du passeport. La circonstance que l'emploi du terme “visa” serait particulièrement approprié pour cette sorte de produits, est sans incidence.

Eu égard au pouvoir distinctif élevé de la marque de l'intimée, dû à son usage intensif et à sa notoriété dans le territoire Benelux, il ne fait aucun doute que le grand public peut être amené à établir une association entre la marque Visa et la marque querellée par le biais de leur contenu sémantique en ce sens que la perception du signe de l'appelant peut éveiller le souvenir du signe de l'intimée, ce qui constitue un risque de confusion.

En outre, comme l'a constaté très justement le premier juge, il existe un risque que le public établisse un lien entre les titulaires des deux marques et qu'il puisse croire que les produits ou services en cause, nonobstant pour certains l'absence d'identité ou de similitude entre eux, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement, ce qui constitue un risque de confusion au sens de l'article 4, 5° de la LBM.

Cette croyance ne peut en effet être exclue, puisque les secteurs d'activité respectifs des parties, concernés par une partie des produits et services couverts par les deux marques ne peuvent être considérés comme totalement étrangers les uns aux autres.

Cette constatation suffit également pour établir le risque de confusion puisque pour la protection élargie des marques notoirement connues, l'identité ou la similitude entre les produits ou services couverts par les marques en conflit ne saurait être requise.

Par ailleurs, si sous l'empire de la LBM ancienne, la protection des marques notoirement connues dépendait d'un risque de confusion, la preuve que l'usage de la marque ressemblante puisse tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice n'était pas requise.

L'action en nullité du dépôt de la marque “Jet-Set Visa” est partant fondée et il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

D. Sur la demande d'interdiction d'usage de la marque Visa par l'appelant

10. Devant le premier juge, l'intimée a fondé sa demande en interdiction d'usage de la marque Visa, soit seule, soit en combinaison avec d'autres signes, sur les dispositions de l'article 13, A, 1° et 2° de la LBM qui permettaient au titulaire de la marque de s'opposer à:

1° tout emploi qui serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée ou pour les produits similaires;

2° tout autre emploi qui, dans la vie des affaires et sans juste motif, serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant, en des conditions susceptibles de causer un préjudice au titulaire de la marque;

Elle fait valoir que la mesure demandée, accordée par le premier juge, doit être maintenue sous l'empire de la nouvelle loi uniforme, et plus précisément sur le fondement des dispositions de l'article 13, A, 1°, b) et c) qui permettent au titulaire de la marque de s'opposer a:

b) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée ou pour des produits similaires, lorsqu'il existe, dans l'esprit du public, un risque d'association entre le signe et la marque;

c) tout usage qui, dans la vie des affaires et sans juste motif, serait fait d'une marque qui jouit d'une renommée à l'intérieur du territoire Benelux ou d'un signe ressemblant pour des produits non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque l'usage de ce signe tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porterait préjudice;

11. La mesure d'interdiction demandée était parfaitement justifiée au regard de la loi ancienne, pour le fait d'usage incriminé qui est antérieur au 31 décembre 1992.

En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour Benelux que le législateur Benelux avait entendu conférer à la marque, renommée ou non, un champ de protection plus large que celui nécessaire à protéger la marque contre une atteinte à son pouvoir distinctif et à prévenir le danger d'une confusion dans l'esprit du public concernant l'origine des produits.

Pour qu'il y ait préjudice au sens de l'article 13, A, 2° ancien, par l'emploi d'une marque ou d'un signe ressemblant pour une autre sorte de produits que ceux pour lesquels la marque est enregistrée, il n'était pas requis:

- que la marque dont la protection est invoquée soit une marque de haute renommée ou notoire;

- que l'emploi porte atteinte au pouvoir distinctif de la marque;

- que cet emploi entraîne un danger de confusion dans l'esprit du public concernant l'origine des produits ou qu'il soit indûment tiré avantage de la notoriété de la marque;

(C.J. Benelux 1er mars 1975, aff. A 74/1 (Klarein), Colgate/Bols, Jur. 1975-79, p. 1 et 22 mai 1985, aff. A 83/1, Lever/International Metals, Jur. 1985, p. 1)

En l'espèce, eu égard à la ressemblance entre les signes, l'emploi par l'appelant de la marque Jet-Set Visa, pour les produits qu'il a commercialisés - décrits plus haut - est susceptible de provoquer une confusion quant à l'origine des produits. Rien ne permet en effet d'exclure que le public considère que les produits offerts sous cette marque sont mis sur le marché par l'intimée ou une entreprise liée économiquement à l'intimée, lesdits produits pouvant être facilement associés aux divers services en matière de voyage que cette dernière offre sous la marque Visa. Un tel risque constitue un préjudice au sens de la disposition invoquée.

12. La mesure d'interdiction d'usage de la marque Visa se justifiait également au regard de la LBM interprétée à la lumière de la directive précitée du 21 décembre 1988 et doit être maintenue au regard des nouvelles dispositions de la LBM, tant en ce qui concerne les produits que l'appelant a commercialisés qu'en ce qui concerne les produits et les services visés dans le dépôt critiqué.

Elle se justifie sur la base de l'article 13, 1°, A, c), nouveau LBM.

Il peut en effet être considéré comme suffisamment établi que l'usage par l'appelant du signe Visa - seul ou au sein d'une marque complexe - tire indûment profit de la renommée de la marque Visa et de son pouvoir distinctif.

Contrairement à ce que prétend l'appelant, la marque Visa a un pouvoir distinctif particulièrement fort, non seulement intrinsèquement du fait que le vocable qui la constitue est simple, qu'il a un pouvoir évocateur élevé puisqu'il fait référence à une série d'images allant de la sécurité à la mobilité et qu'il se retient facilement, mais aussi en raison du fait qu'il jouit d'une notoriété très importante auprès du grand public par l'intensité de son usage et son étendue géographique.

Il est donc raisonnable de penser que dans une marque complexe composée notamment du vocable Visa, celui-ci domine.

Ces caractéristiques font que le public sera très facilement amené soit à croire que les produits et les services concernés, même ceux pour lesquels la similitude est faible ou nulle, ont une origine commune, soit à prêter aux produits et services que l'appelant offrirait sous le même signe, pris isolément ou associé â d'autres signes, l'image que le public associe avec la marque Visa.

En faisant usage de ce signe, l'appelant ne peut dès lors que tirer profit de la notoriété de la marque, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.

Le fait que le signe “visa” serait particulièrement approprié pour désigner certains des produits ou services couverts par la marque critiquée, ne constitue pas un juste motif.

E. Sur la demande de l'intimée en paiement de dommages-intérêts

13. L'intimée prétend avoir subi un préjudice en raison de l'usage illicite de la marque Jet-Set Visa par l'appelant, qu'elle évalue ex aequo et bono à 250.000 FB.

Il ressort des éléments de la cause que l'appelant a fait un usage illicite de la marque Visa, du moins en profitant indûment de sa notoriété et donc des efforts que l'intimée a accomplis pour obtenir cette notoriété, lequel usage a nécessairement porté préjudice à la marque Visa.

Cependant, il ressort également des faits de la cause que cet usage a été limité à un seul produit et n'a pas duré.

Il n'est par ailleurs pas établi qu'il était de nature à affaiblir de manière quelconque l'attrait de la marque.

Le risque d'une atteinte à la marque, que l'intimée a subi, ne constitue en outre pas en soi un dommage.

Eu égard à ces éléments, il convient d'évaluer le préjudice lié à la dilution de la marque ex aequo et bono, à la somme de 1.000 euros.

F. Sur la demande subsidiaire de l'appelant

L'appelant demande à la cour l'autorisation d'utiliser la marque Visa non à titre de marque mais dans la qualification du service qu'il offre.

Une telle demande ne peut être accueillie. La LBM contient des dispositions qui précisent la limite des effets de la marque et il n'appartient pas au juge de déterminer par avance les circonstances dans lesquelles l'usage du vocable “visa” à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services serait licite.

G. Sur la demande reconventionnelle originaire

Il résulte des considérations qui précèdent que celle-ci n'est pas fondée.

Par ces motifs,

La cour, (...)

Dit les appels recevables;

Dit la demande nouvelle de l'appelant recevable sauf en ce qu'elle tend à entendre prononcer la nullité des dépôts Benelux n° 610151 et IR287762 de l'intimée;

La dit non fondée;

Dit l'appel principal non fondé et l'appel incident partiellement fondé;

Confirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle déboute l'intimée de sa demande en dommages-intérêts;

Dit cette demande partiellement fondée;

Condamne l'appelant à payer à l'intimée la somme de 1.000 euros.