Dans les années 80 une école avait fait appel à un entrepreneur, des architectes et des bureaux d’études pour la conception et exécution des bâtiments scolaires. Quelques années après la réception définitive, l’école a constaté, entre autres, que les différents matériaux utilisés à titre de remblais, avaient gonflé sous l’effet de l’humidité, déformant la cour de récréation.
Le 9 avril 2019, la cour d’appel de Mons avait statué sur la responsabilité contractuelle des différents professionnels de construction. Elle avait constaté que les défauts étaient des vices graves au sens de l’article 1792 du Code civil, pour lesquels l’entrepreneur, les architectes ainsi que les bureaux d’études étaient responsables.
En ce qui concerne l’évaluation des dommages, l’expert judiciaire avait constaté que les montants nécessaires pour la réparation du trouble de jouissance étaient extrêmement élevés en raison de contraintes d’ordre strictement technique, tandis que les désordres apparents restaient relativement minimes en termes de conséquences quant à la jouissance paisible du bâtiment eu égard au contexte constructif du site tout entier.
La cour d’appel avait jugé que « lorsqu’une chose est endommagée et que les dégâts entraînent son immobilisation ou son indisponibilité, […] encore faut-il […] que la victime rapporte la preuve que l’indisponibilité du bien lui a fait subir concrètement un dommage, cette indisponibilité ne constituant pas en soi un préjudice » et que la demanderesse « n’apport[ait] aucune preuve […] quant à un trouble de jouissance » dès lors que, d’une part, elle « soutient elle-même que les élèves ont émigré dans l’ancien bâtiment et aucune preuve n’est déposée démontrant, le cas échéant, une diminution de la population scolaire« , d’autre part, elle est « une association sans but lucratif qui a mis en place un établissement scolaire non destiné à une activité lucrative et dont les troubles éventuels n’ont pu être subis que par les élèves eux mêmes« .
Ce raisonnement a été rejeté catégoriquement par la Cour de Cassation dans son arrêt du 24 juin 2021 (C.20.0537.F). Selon la Cour, « lorsque le débiteur porte atteinte, par l’inexécution fautive d’une obligation contractuelle, à [la] jouissance [d’un bien par le propriétaire], le créancier justifie de l’existence d’un dommage dont le débiteur doit réparation, sans être tenu d’établir que cette atteinte lui cause un préjudice autre que cette atteinte ».
La Cour de Cassation annule donc l’arrêt de la cour d’appel, en se fondant sur le droit du débiteur d’être indemnisé pour le dommage subi en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle (article 1149 de l’ancien Code Civil), ainsi que le droit du propriétaire de la chose de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue (article 544 de l’ancien Code civil).