Dans un arrêt du 14 janvier 2021 (n° 3/2021), la Cour constitutionnelle belge a rejeté la demande introduite par la « Fédération des entreprises de Belgique » (ci-après « FEB ») en vue de l’annulation de l’article 221, §2 de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel. Cette disposition, lue en combinaison avec l’article 83, §7 du RGPD, exclut la possibilité pour l’Autorité belge de protection des données d’infliger des amendes administratives aux autorités publiques qui n’offrent pas de biens ou de services sur un marché en cas de violation de la législation sur la protection des données.
La FEB a fait valoir que l’article 221, §2, viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, ainsi que les articles 7, 8, 20, 21 paragraphe 1, et 52, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec l’article 16, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec le principe général d’égalité et de non-discrimination en droit de l’Union européenne, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 83 et 84 du RGPD. En effet, cette disposition exonère les autorités publiques et leurs préposés ou mandataires de l’application d’amendes administratives, sauf dans le cas où ces autorités publiques offrent des biens ou des services sur un marché. Celle-ci créerait par conséquent une différence de traitement injustifiée entre ces autorités publiques et toutes les entités de droit privé soumises aux règles du RGPD.
La Cour a fait droit aux arguments du gouvernement belge en rejetant ces arguments. Tout d’abord, la Cour déclare que les autorités publiques et les personnes privées sont des catégories de personnes suffisamment comparables, puisque la notion de responsable de traitement énoncée dans le RGPD s’applique indistinctement aux secteurs privé et public. En outre, ces catégories de personnes traitent potentiellement des données à caractère personnel identiques.
Toutefois, la Cour rappelle que le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas une différence de traitement entre des catégories comparables de personnes, pour autant qu’elle soit fondée sur un critère objectif et raisonnablement justifié. La Cour précise que, dans le cas d’espèce, la possibilité d’imposer des amendes administratives aux autorités publiques n’est exclue que lorsque deux critères objectifs sont remplis :
- Le statut : les autorités publiques n’exercent que des missions de service public et ne doivent servir que l’intérêt général ;
- L’activité : les autorités publiques n’offrent pas de biens ou de services sur un marché, ce qui implique qu’elles ne sont pas susceptibles d’entrer en concurrence, d’une manière ou d’une autre, avec des acteurs privés soumis aux obligations du GDPR.
Enfin, la Cour s’appuie sur les travaux préparatoires de l’article 221 de la loi du 30 juillet 2018 pour soutenir que la non-application des amendes administratives est motivée par la nécessité d’assurer la continuité du service public et de ne pas mettre en péril l’exercice d’une mission d’intérêt général. Elle indique en ce sens que le législateur pouvait raisonnablement considérer qu’il n’était pas nécessaire de soumettre les autorités publiques au régime des amendes administratives car ces dernières ne sont pas les seules mesures susceptibles de garantir le respect du RGPD. En effet, l’application de mesures alternatives, telles que des mesures correctrices ou même des sanctions pénales, permet également de concilier l’obligation de respecter le RGPD et la nécessité de garantir la continuité du service public.
La Cour rappelle également que le droit de toute personne d’obtenir réparation du préjudice subi du fait d’une violation du RGPD, par le biais de demandes de dommages et intérêts, demeure ouvert à l’encontre des autorités publiques visées par la disposition attaquée.
Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour constitutionnelle a rejeté la demande de décision préjudicielle de la FEB à la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que sa demande d’annulation de l’article 221, §2, de la loi du 30 juillet 2018.
Marion Nuytten et Isaline d’Hoop